MIDORI

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Dans une autre vie, Midori a été enseignante.

Avant la Chute, elle était une toute jeune professeure venant d'être engagée à l'Académie de Fuuka -Gakuen Fuuka comme on l'appelle. Elle avait toujours adoré l'histoire, avait rêvé un jour partir explorer des endroits sauvages et découvrir des temples perdus.

Ce n'était pas totalement un rêve à cette époque, elle a après tout un doctorat qui porte sur des peuplades orientales dont elle ne prend même plus la peine de formuler leur nom. L'enseignement avait été un accord avec l'établissement qui finançait en partie les expéditions et Midori avait escompté partir après deux ans à relater à des groupes de lycéens idiots des faits généraux que tout le monde connaissait. Ce qu'elle détestait le programme sur les guerres mondiales! A ses yeux, ça ne racontait qu'une histoire de peuples s'entredéchirant, de sang, de bombes et de pertes.

Midori, elle, préfère l'Histoire quand cela traite de cultures radicalement différentes, de monuments à la gloire de dieux aujourd'hui oubliés, de peuples qui ont vécu en marge des grandes civilisations et dont la façon même de vivre diffère radicalement de tout ce qu'on connaît. C'est ça que Midori aime, la découverte de l'inconnu, elle reste fascinée par ceux qui sont différents d'elle, elle a du mal à comprendre qu'on puisse en avoir peur.

Et puis, bien sûr, il y a eu la Chute, le Parasite Otome.

Midori n'avait pas vraiment de famille et elle avait laissé derrière elle ses amis et collègues pour ce nouveau travail sur une ile paradisiaque, pourvu d'un établissement d'élite qui lui fournissait un logement en plus de son salaire et de la possibilité d'une future expédition.

Gakuen Fuuka voulait alors que son nom apparaisse dans les musées…

Midori s'était donc retrouvée piégée sur l'île au moment de la Chute.

Elle est débrouillarde -elle l'avait toujours été-, elle est une survivaliste qui avait suivi des formations pour savoir comment réagir à toutes les situations possibles lors d'expédition dans des endroits reculés et réputés sauvages.

Quelques rares étudiants dont la famille et eux même n'avaient pas pris la pleine mesure de ce qui s'annonçait, ainsi que quelques professeurs aussi esseulés qu'elle avaient commencé à protéger l'établissement, s'approvisionner, protéger les accès et surtout leurs vivres. Gakuen Fuuka était alors censé accueillir plus d'un millier d'élèves de la maternelle au lycée dont la plupart y vivait en internat. Autant dire que les cuisines de l'établissement avaient été riches en éléments non périssables.

Ils avaient alors commencé à accueillir des gens, parce qu'un lieu aussi grand à entretenir et à protéger n'était pas simple. Avec parcimonie et, en faisant attention aux morsures des gens, Midori qui avait chapeauté les choses, avait petit à petit fait entrer des gens: des touristes bloqués là, des citoyens terrifiés d'être seuls, et des réfugiés de l'île principal.

Elle n'avait pas compté sur l'armée qui avait déjà trop de chose à gérer et qui ne s'intéresserait pas plus à cette île qu'au centaine d'autres dans les environs. Midori s'était cependant rapidement rapprochée du petit poste de police de Fuuka. Ils étaient tenus par des flics simples dont les plus grosses responsabilités étaient souvent d'indiquer la route aux touristes perdus et intervenir pour quelques vols mineurs réalisés par des gamins de l'île.

Néanmoins, ils avaient des armes -c'était rares pour les policiers japonais- mais l'île présentait des parties sauvages dont quelques prédateurs qui, même s'ils s'approchaient peu des être humains, nécessitaient d'avoir de quoi se défendre.

Les policiers n'avaient pas hésité à venir avec leur famille et les armes en question.

Il avait fallu s'organiser, mettre en place des règles et trouver non seulement de quoi les loger -plutôt facile avec tous les dortoirs- mais aussi des tâches appropriées aux compétences de tous. ça avait été dur, compliqué, chaque personne ayant son caractère et ses attentes. Midori était jeune alors et il avait été difficile de se faire entendre face à des hommes plus vieux et malgré tout moins aptes à la situation.

Un conseil avait fini par être mis en place : des représentants du peuple. Des gens du cru majoritairement, mais Midori avait su s'attribuer une place et gagner leur respect. Saeko, elle, l'avait eu tout naturellement.

Elle était une femme remarquablement brillante et charismatique. Son domaine de compétence était justement pile dans les infections parasitaires et avait des infos plutôt inégales via son époux. Midori savait qu'il avait été appelé par l'armée pour garder le principal laboratoire étudiant l'Otome. La seule raison pour laquelle Saeko ne l'avait pas été était qu'elle avait déserté et fui l'armée. Saeko avait d'abord pensé à Natsuki, l'armée ne voulait pas s'encombrer d'enfants et peut-être que quelque part Saeko n'avait pas pensé que les choses s'effondraient aussi vite et de façon si définitive. Elle s'était éloignée pour offrir un meilleur cadre à sa fille, pour ne pas être recrutée de force et puis elle n'avait pas pu revenir en arrière.

Certaines des données sur lesquelles elle avait travaillé ces dernières années venaient d'ailleurs de son époux qui les récupérait lui-même auprès des chercheurs. Leurs matériels étaient bien plus performant que ce que Saeko avait su ou pu récupéré et elle n'avait jamais eu trop l'impression d'avancer depuis la création de l'HiME, mais elle essayait et Midori était fascinée par la femme.

C'est probablement une autre chose qui la distingue du reste des bons citoyens de Fuuka. Ses préférences sexuelles.

Midori aime aussi bien les hommes que les femmes avec une franche préférence pour ces dernières. Saeko était et est encore une belle femme mais il n'y a aucun doute que l'intérêt ne sera jamais réciproque et puis il y a Youko. Sa compagne de boisson, une fonceuse comme elle et leur similarité quant à leurs préférences.

Midori l'adore, c'est sa meilleure amie et leur activité en chambre a toujours été incroyable, mais ça n'a jamais été de l'amour au sens romantique. Elles s'amusent ensemble sans trop se faire voir, ne cherchant pas à être mises au ban du refuge qu'elles ont aidé à bâtir. Après tout, un drame comme ça n'empêche pas l'étroitesse d'esprit et même si on ne pourrait se débarrasser d'elles du fait de leur compétence respective, leur vie pourrait devenir bien plus compliquée. Mais peut-être ne leur donne-t-elle pas assez de crédit...

L'un dans l'autre, Midori manque les bars lesbiens et la liberté qu'elle y ressentait.

Elle se sent parfois seule malgré Youko.

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Elle n'a rien vu de particulier chez Shizuru à son arrivée. Elle avait pourtant un flair incroyable pour ce genre de choses à l'époque, mais elle n'avait vu qu'une jeune et jolie fille qui n'était peut-être même pas majeure. Elle avait été étonnée qu'elle ait survécu seule avec Natsuki, mais c'était tout. Shizuru avait été souriante, sympathique et dévouée à toutes les tâches qu'elle abordait et Midori n'avait pas été suffisamment là pour la voir interagir puisqu'elle avait pris un poste en agriculture Elle en avait appris un peu pour l'avoir surveillé les premiers jours puis pour en avoir entendu parlé par Mai via Natsuki. Puis Natsuki elle-même évidemment quand elles s'étaient croisées.

Elle n'avait pas compris là encore, ou du moins pas pris pleinement conscience de la fascination que Natsuki avait pour Shizuru et réciproquement.

A croire que son gaydar s'était émoussé par manque d'utilisation.

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Et puis finalement, il y avait eu toute cette débâcle avec la fuite de Shizuru et beaucoup de chose avait interpellé et soudainement fasciné Midori. Elle avait l'impression qu'une partie de son âme d'explorateur renaissait. Le monde avait encore des mystères.

Shizuru et les Marcheurs. Shizuru et sa symbiose avec le Parasite. Sa capacité à se déplacer parmi les mordeurs, à les sentir, à ne pas avoir à se nourir, celle aussi de ne visiblement pas vieillir -elle ne ressemblait décemment pas à une jeune femme de 23 ans et selon Reito et quelques rares photos qu'ils ont bien voulu lui montrer: trait pour trait à ce qu'elle ressemblait à 16 ans…

Alors bien sûr Midori s'est posé d'autres questions et celle qui l'intrigue le plus: Shizuru peut-elle faire comme les marcheurs? Elle entend par là "contrôler les mordeurs".

Midori traîne inlassablement auprès de Youko et Saeko ces deux derniers mois en quête d'informations. Elle peut aussi très souvent être retrouvée auprès de Shizuru dont elle aime l'esprit et les pointes d'impertinences polies.

Shizuru s'était rapidement remise de sa blessure et avait aussitôt requis de sortir, non pour fuir comme Natsuki semblait si effrayée, mais pour retrouver les marcheurs qui pourraient être restés sur l'île, les 4 qui avaient accompagné Nagi. Elle voulait s'assurer qu'ils étaient bel et bien partis ou s'en débarrasser si ce n'était pas le cas. Voir découvrir s'il y en avait plus. Parce que ces Marcheurs pourraient reformer une horde cohérente qui les attaquerait avec intelligence.

Shizuru ignore toujours certaines choses ce qui l'inquiète. Elle se demandait notamment si les marcheurs ressentent une forme de loyauté ou possèdent un esprit de vengeance au-delà de leur obsession personnelle. Dans ce cas, tuer Nagi serait peut-être insuffisant à la libérer de la horde.

A priori ça n'a pas été le cas et Shizuru est soulagée. Il n'y a plus de Marcheurs sur l'île et de moins en moins de mordeurs. Midori l'a vu penché sur un carnet, une liste de nom dont elle en a barré 3. Nagi et deux autres marcheurs -celui contre lequel elle a fini poignardé- et un autre trouvé par la suite.

L'un dans l'autre Shizuru suscite tant de questions et de faits qui remettent le monde de Midori en question.

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Lorsque Shizuru avait été autorisé à sortir après sa blessure, sa première action avait été de récupérer son sac à dos dans la maison hantée, là où elle l'avait laissé. Il contenait ses possessions essentielles notamment des photos dont elle n'en avait montré qu'une ou deux.

Elle avait admis à son retour, à Midori et Natsuki qui l'attendait avec inquiétude, qu'elle avait été en effet prête à s'enfuir ce jour-là, espérant entraîner la horde à sa suite. Mais qu'elle ne voulait plus faire ça… la déclaration à ce moment-là s'adressait exclusivement à Natsuki. Alors, elle avait traqué les marcheurs dans la forêt. Cela, au moins, expliquait le parcours incohérent qu'ils avaient pisté en étant à sa suite.

Midori avait donc été incapable de retenir la question qui lui vint ensuite: pourquoi n'avait-elle jamais fait ça avant si elle savait que Nagi était celui qui la traquait?

"J'avais peur de faire face à ce que je leur avais fais… avait-elle reconnu. Je suis responsable de leur état. Nagi… notre relation était complexe… je ne regrette pas de l'avoir tué, mais je m'en voudrais toujours pour ça."

Shizuru leur avait finalement tendu un petit carnet -un autre plus vieux et abimé- qui contenait toutes ses remarques sur son propre état, quelques unes sur les marcheurs eux même, beaucoup sur les mordeurs, des croquis et des informations utiles sur différentes choses apprises durant des années de vadrouilles.

Si le carnet était destiné à Saeko, Midori avait eu le droit de le lire.

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La curiosité combinée de Saeko et de Midori les ont depuis poussées à tester certaines de leur propre théorie.

Entre autres, Midori accompagne régulièrement Shizuru à l'extérieur, elles avaient commencé quand la concentration en mordeurs était encore importante. Midori avait revêtu certains des vêtements de la jeune femme et était restée à proximité. Sans surprise, les mordeurs s'étaient désintéressés d'elle.

Ça avait été après 3 sorties de ce genre que Midori avait -sans le dire à Shizuru- décidé d'essayer quelque chose.

En effet, même si Shizuru percevait mieux les mordeurs que les gens sains -caractéristique probablement attribuable aux mordeurs eux-même-, elle savait toujours déterminer un mordeur d'un vivant même si celui-ci portait leurs fripes et inversement. Même lorsqu'elles avaient traversé un groupe de mordeurs, Shizuru en tête, cette dernière avait toujours su très clairement distinguer Midori du lot. Il n'y avait aucune raison que ce ne soit pas aussi le cas des mordeurs.

Alors à la quatrième sortie, elle n'avait tout simplement pas mis la veste de Shizuru, seulement une veste suffisamment similaire pour qu'elle ne le remarque pas et elles étaient sorties. Aucun mordeur ne s'était intéressé à Midori malgré ça, même en s'éloignant de dizaines de mètres de la jeune femme.

Elle avait donc annoncé de but en blanc que Shizuru se trompait probablement sur la raison qui détournait les mordeurs de ceux qui l'accompagnaient.

"Alors comment tu expliques cela? J'ai fait traverser une bonne partie du Japon à Natsuki en m'y prenant ainsi, toi même tu peux marcher entre eux! Quelle serait ton explication miracle?

-C'est vrai et je ne dis pas que ça ne fonctionne pas, mais seulement en partie et peut-être même seulement une minuscule partie. En fait, ça marche simplement parce que tu y crois."

Shizuru l'avait regardé un sourcil levé et s'était mise à rire, convaincue que Midori tentait de la mener en bateau. C'est Saeko qui avait repris avec son apparence la plus solennel.

"Nous le pensons sérieusement.

-Comme par magie? avait-elle ironisé. Il faut y croire pour que ça se réalise? C'est absolument n'importe quoi! Combien de personne aurait échappé aux mordeurs si leur conviction suffisait?

-Aucune, avait répliqué Saeko. Parce qu'on parle seulement de ta conviction, de tes capacités. Shizuru, il suffit d'y réfléchir les Marcheurs diffèrent de toi en plusieurs points, mais ils te sont aussi similaires en plusieurs autres. L'une de leurs caractéristiques est leur capacité à contrôler les mordeurs, de les tenir en ligne, de les coordonner ou de les empêcher de mordre. Tu me l'as dit toi-même.

-Bien sûr qu'ils sont capables de tout ça, vous l'avez vu vous-même avec la horde devant la maison hantée. Mais moi, je ne sais pas faire ça, avait-elle répondu. J'ai essayé mais j'en suis incapable.

-Je pense que si justement. Peut-être pas aussi instinctivement ou aussi bien que les Marcheurs, mais nous pensons que tu en es capable. C'est parce que tu es convaincue que les mordeurs ne perçoivent par les survivants grâce à ton odeur que les mordeurs ne les perçoivent pas. Probablement parce que tu le leur ordonnes inconsciemment…"

Parce que Shizuru était ouverte à d'autres points de vue, elle avait accepté d'essayer de tester la théorie de Midori et Saeko.

ça avait été un échec.

Un échec à relativiser toutefois puisque Shizuru ne donnait aucun crédit à leur théorie et que celle-ci se basait sur la conviction.

Midori avait donc réitérer son échange de veste sans lui dire sur la moitié de leur trajet.

La sortie s'était aussi bien passée qu'à leur habitude, elles avaient traversé quelques groupes de mordeurs et Midori qui n'avait jamais eu la victoire humble avait, avec un doigt victorieux et un "ahah" tonitruant, indiqué qu'elle avait raison et Shizuru tort. Elle avait enlevé sa veste et lui avait montré que Shizuru ne l'avait jamais porté.

Ironiquement leur retour avait été beaucoup plus compliqué et Midori avait dû beaucoup courir pour éviter d'être mordu. La théorie de l'odeur ayant été démenti et Shizuru en ayant eu la preuve, elle ne croyait plus en sa capacité à protéger les gens dehors… et donc, elle ne les protégeait plus.

Les sorties suivantes, avec ou sans vêtement portant son odeur, les mordeurs repéraient à présent Midori.

Hypothèse démontrée mais totalement contre productive.

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Jusqu'à un certain point donc, Shizuru est capable de contrôler des mordeurs, fallait-il savoir comment s'y prendre.

Entre l'exécution des mordeurs et l'aide pour enseigner un savoir dont elle ignore tout, Midori ne voit plus grand monde si ce n'est Shizuru. Midori est frustrée parfois de ne pas voir chez elle autant d'enthousiasme qu'elle a pour ce nouvel aspect de ces dons.

Finalement agacée de ne pas comprendre comment les choses fonctionnent, fâchée de traîner des corps à des bûchers, Shizuru lui a demandé de la laisser un peu tranquille.

Midori a accepté de mauvaise grâce et est allée retrouver Youko qui travaille aux côtés de Saeko.

C'est là où elle se trouve, à s'ennuyer à mourir.

Youko est occupée et ne veut pas être diverti par Midori. Alors à n'en pas douter, Midori est en train de les rendre folles, en parlant et posant des questions sur tout ce qui peut lui traverser l'esprit.

C'est donc un soulagement pour toutes quand Natsuki arrive.

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Natsuki est une vision.

Midori a toujours apprécié cette gamine malgré son air bougon, la former avait été un plaisir même si les discussions avaient finalement été plutôt rares. Malgré tout, Midori ne s'est jamais imaginé que Natsuki partage ses préférences pour la gente féminine. En réalité, l'évidence ne lui a sauté aux yeux qu'en forêt, elle perd vraiment en perspicacité…

Quel couple adorable elles formeraient s'il n'y avait pas le Parasite, Midori s'est surprise à les observer dans toutes leurs interactions. La façade froide de Natsuki fond sous l'attention de Shizuru, elle rougit et sa voix prend une intonation timide, totalement contraire au personnage qu'elle a toujours voulu incarner à Fuuka. Une vraie tsundere.

Quand elle a fait remarquer tout cela à Shizuru, celle-ci pour la première fois l'avait foudroyé du regard plutôt qu'en rire avec elle.

"Je ne suis pas aveugle Midori-san. Bien sûr que je vois ses regards, je sais même ceux que je ne peux m'empêcher de lui envoyer, mais ça n'ira jamais plus loin. C'est trop dangereux pour elle. Aimer, c'est aussi être prêt à faire des sacrifices pour le bonheur et la sécurité de l'autre.

-C'est aussi être prêt à prendre des risques, non? s'était-elle entendu répondre."

Étonnement c'est avec Shizuru qu'elle a eu cette conversation et non sa protégée, peut-être parce qu'une partie d'elle sait que Shizuru, nouvelle comme elle l'est, a peu d'amis et encore moins de famille à Fuuka. Sa personne la plus chère est Natsuki mais Natsuki étant le sujet… Midori veut bien servir de confidente.

Toutefois, après avoir entendu et observé leurs interactions, découvrir qu'un peu de taquinerie déstabilise Natsuki et lui offre des couleurs aux joues titille à présent Midori pour voir si elle peut en tirer les mêmes réactions.

Avec Saeko présente, ce n'est peut être pas le bon moment cependant. Alors Midori se mord l'intérieur de la joue et parvient à se taire et à rester dans son coin.

Quand Natsuki apparaît, elle semble être sur une mission, totalement ignorante de la présence de Youko et de Midori tant elle est focalisée sur sa mère.

La première demi-heure correspond à une Natsuki agitée demandant à sa mère de la contaminer ou, plus précisément, de trouver une solution pour modifier le Parasite de telle façon qu'elle puisse être comme Shizuru. Donc de volontairement modifier l'Otome pour qu'elle aussi soit en symbiose avec et se faisant de créer un deuxième variant spécifiquement pour elle.

Saeko est effarée et effrayée. Youko a cessé de travailler pour pivoter sur sa chaise et suivre la discussion avec de grands yeux. Midori regrette la bonne époque où elle aurait pu avoir un paquet de pop corn pour suivre les discussions importantes et les disputes. Parce qu'il est évident qu'une dispute est en train de poindre. Natsuki ne laisse pas sa mère s'exprimer et interrompt toutes ses tentatives de prise de parole. Alors évidemment, quand Saeko annonce avec un ton colérique qu'il est hors de question qu'elle contamine sa propre fille, Natsuki s'énerve aussitôt.

Il y a 10 minutes de cris entre deux tempéraments explosifs où Midori, les oreilles bourdonnantes, n'est pas sûr de ce qu'elles se hurlent l'une à l'autre.

Ce n'est amusant que les 5 premières minutes et Midori, qui en a assez, décide qu'il est temps d'intervenir. Youko l'incite d'ailleurs à cela depuis un moment.

Les séparer est comme sauter entre deux fauves mais elles finissent par se calmer une fois que Midori parvient à se glisser entre elles.

"On se calme. Tout doux. Saeko, ta fille est amoureuse, annonce-t-elle franche, elle cherche simplement une solution pour être avec celle que son coeur a choisi. Natsuki, ta mère n'est pas une faiseuse de miracle, ce que tu lui demandes n'est pas possible."

Deux regards d'un vert profond se posent sur elle et Midori se retrouve figée par leur intensité. Finalement, dans un mouvement presque synchronisé, leurs yeux la quittent pour se trouver.

"C'est une idée stupide, c'est ça? Irréalisables?"

Le ton est si pitoyable, si affligé que Midori se retrouve à éprouver une partie de sa peine. Même l'expression de Saeko se ramollit. Avait-elle pris pleinement conscience de la profondeur des sentiments de Natsuki pour Shizuru?

"Je n'ai pas dit ça Natsuki, avoue honnêtement Saeko. Ma chérie, ce que tu me demandes nécessiterait des mois de recherches au mieux, peut-être des années et pour quoi? Faire de toi un contaminé? Est-ce Fujino-san qui te demande de faire ça?

-Bien sûr que non, répond Natsuki d'un ton entre espoir et désespoir. C'est moi seul et…

-As-tu discuté avec elle de ce que c'est d'être… comme elle? l'interrompt Saeko. Sa solitude, sa peur de toucher les gens, le risque que-

-Maman, je sais tout ça. A chaque fois que j'ai envie d'être près d'elle, je vois la peine qu'elle a à ne pas pouvoir m'atteindre, je la ressens moi-même."

Saeko se met à fuir son regard et cherche celui de Youko et de Midori dans une demande d'aide qu'elles se savent incapable d'apporter.

"Je ne veux pas te contaminer simplement pour… une fille. L'amour va et vient, Natsuki. Tu veux faire quelque chose de définitif pour quelqu'un qui n'est peut être que passager dans ta vie. Que feras-tu alors si tu finis par aimer quelqu'un de non-contaminé ? Regarde Fujino-san comment c'est difficile pour elle."

Midori sent aussitôt Natsuki se tendre à nouveau avec colère, prête à sauter à la gorge de sa mère. Midori décide aussitôt d'intervenir.

"Elle n'a pas tort Natsuki. Shizuru compte repartir pour éliminer les Marcheurs qu'elle a créés. Elle se sent prête à leur faire face aujourd'hui et se sent responsable des dégâts qu'ils peuvent faire."

Midori se demande soudainement si Natsuki est au courant des projets de Shizuru ou s'il n'y a pas un autre orage qui va poindre, mais la jeune fille ne fait que l'effleurer du regard pour revenir à sa mère, levant deux doigts.

"Tu te trompes sur deux choses, maman. Je ne fais pas ça que pour Shizuru, je le fais pour moi, parce que je veux pouvoir avoir sa liberté. J'aime Fuuka, l'Académie et les gens d'ici, mais j'ai aussi aimé quitter ces murs, je veux pouvoir le refaire. Mais aujourd'hui, je suis consciente que ma survie je la dois à Shizuru, à la protection qu'elle m'offrait et qu'a priori elle n'a plus."

Petit regard agacé dans sa direction, auquel Midori lui répond avec une grimace d'excuse.

"ça doit être merveilleux de pouvoir parcourir le monde sans craindre pour sa vie, je veux pouvoir le faire mais sache que je finirai par repartir avec ou sans cette capacité.

-Tu veux repartir? s'étrangle Saeko. Tu veux accompagner Fujino-san?

-Oui bien sûr, répond Natsuki avec honnêteté. Je veux être avec elle, même si elle ne me l'a pas proposé et qu'elle ne me le proposera pas. Mais même sans ça, je suis déjà partie sans elle parce que j'avais besoin de cette liberté. Je viens de te le dire. Je le referais avec ou sans elle, avec ou sans ton aide. C'était mon premier point maman. Le second c'est que tu as tort. Bien sûr, je ne connais pas le futur, peut-être serons nous séparées finalement, mais quelque part, je ne crois pas être capable de cesser de l'aimer."

Natsuki écarte les bras.

"Et ce n'est pas comme si je risquais de rencontrer beaucoup de nouvelles personnes dans le monde actuel. Toute celle de Fuuka je les connais et je n'en ai jamais aimé aucune. Pas comme ça. Personne ne se rapproche de Shizuru. Et le fait même que je t'en parle aussi franchement -même avec elles (elle pointe Midori et Youko avec dédain)-, c'est une preuve de mon attachement. J'ai besoin de ton aide maman…"

Il y a un silence et Midori se retrouve à vouloir lui répondre oui, même si elle ne peut personnellement rien faire pour elle.

"S'il te plait, supplie Natsuki.

-Lui en as-tu parlé? chuchote finalement Saeko avec un désespoir qui fait peine à voir. Pour t'assurer que ce n'est pas qu'une passade pour elle? Je sais que tu me dis que ce n'est pas que pour elle mais…

-Arrête, tu sais comme moi qu'elle dira tout ce qu'il faudra pour que je ne devienne pas comme elle. Shizuru pense comme toi, elle voit le danger plutôt que la sécurité et pense qu'être avec elle m'empêchera d'avoir la vie de famille que je suis censée désirer! Alors que c'est elle que je désire!"

Natsuki crie en jetant les bras en l'air pour faire valoir son point. Dans son empressement à démontrer ses propos, elle en a probablement dit plus qu'elle ne souhaite. Toutes les femmes ont les yeux écarquillés de surprise et Natsuki rougit en réalisant ce qu'elle vient d'admettre.

"Avec ça Saeko, on ne peut pas se tromper sur ses sentiments, hein?"

Ah donc Midori ferait mieux de se taire, car Saeko la foudroie du même regard que Natsuki précédemment. Ce n'est décidément pas sa journée pour blaguer avec les Kuga.

Un long soupir comme une exhalation d'un autre monde.

"D'accord ma chérie, je vais essayer, accepte Saeko clairement à contrecoeur."

Le sourire qui dessine sur le visage de Natsuki ressemble aux premières lueurs qui apparaîtraient dans une nuit sans fin.

"Si tu pouvais essayer vite, parce que… euh… je vieillis et pas elle a priori, enchaine aussitôt Natsuki, fébrile. Si tu pouvais éviter de trouver ça dans 10 ans…

-Pas bête, ajoute Midori, imagine sinon tu deviendrais une vieille qui sort avec une ado."

Regard noir encore.

"Tu cherches juste la formule de l'immortalité? tente-t-elle une nouvelle fois."

Décidément elle ne déridera personne aujourd'hui, mais ça n'a pas d'importance au fond. Natsuki a de l'espoir pour sa relation et Saeko, un tout nouveau secteur de recherche.

L'idée est bonne et, quelque part, Midori est tenté de devenir elle-aussi comme Shizuru.

Si ça ne tenait qu'à elle, Midori aurait choisi de garder ses 17 ans indéfiniment mais elle est prête à faire avec son âge actuel. Mais elle comprend surtout l'envie de liberté.

En étant comme Shizuru, elle pourrait passer les années suivantes à voyager, peut être aller enfin visiter les régions du monde où elle a toujours rêvé de mener ses expéditions, trouver les traces de ces civilisations qui l'ont toujours fait rêver.

Ce que propose Natsuki n'est ni un antidote ni un vaccin, mais ça reste une solution qui peut faire rêver certains.

Et peut-être que Shizuru n'est que le nouveau maillon de l'évolution humaine; qu'i travers le monde, d'autres personnes comme elle. Il y a la possibilité qu'elle soit la première représentante de la nouvelle humanité, parfaitement adaptée à ce Monde. Et si Natsuki veut y régner à ses côtés, qui peut reprocher à Midori de vouloir en faire partie.


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FIN DE PARTIE 3