Disclaimer : L'univers de Diablo appartient à Blizzard
Interlude - Deuxième partie
Chapitre 4 : La tempête
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J'ai la rage au ventre. La force des armées des enfers nous a rapidement fait battre en retraite, jusque dans le cloître extérieur. Avec quelques-unes des novices les plus expérimentées, j'ouvre le passage, abattant à vue tous les monstres qui passent dans ma ligne de mire. Kashya, avec une poignée de rogues toujours fidèles à Akara, est en première ligne. Je les aperçois virevolter au milieu des khasdras et autres déchus. Quelques jeunes novices déboussolées me rejoignent. Elles ont la présence d'esprit de me laisser le champ libre, mais elles sont trop inexpérimentées et gâchent leurs munitions.
- "Donnez-moi vos flèches si vous ne savez pas viser!" J'hurle à celle qui se trouve à ma droite et qui vient de rater trois fois sa cible.
Je croise son regard terrifié alors qu'elle me présente son carquois. Je sais que je n'aurai pas dû lui crier dessus, mais chaque flèche compte. J'utilise sa réserve pour abattre plusieurs monstres qui tentent de déborder Kashya. Elle et les autres rogues sont notre dernier rempart. La priorité est de sauver le plus de monde. Charsi passe en coup de vent.
- "Il faut continuer à évacuer." Me crie-t-elle. "Akara va bientôt intervenir. Il faut que tout le monde dégage d'ici."
L'évacuation se poursuit à un bon rythme. La plupart des novices sont maintenant rassemblées près de la porte. J'ordonne à celles qui sont restées avec moi de rejoindre les autres. Elles ne discutent pas. Je dois gagner encore quelques minutes. Je cherche Akara du regard, mais je ne la trouve pas tout de suite.
Soudainement quelque chose attire mon attention en hauteur. Elle est là. Debout sur un créneau, au sommet de la tour de garde, elle domine le champ de bataille. Les multiples pans de tissus de ses éternelles robes violettes ondulent dans le vent, lui donnant une allure de spectre.
- "Sortez!" Crie-t-elle du haut de son perchoir.
L'instant suivant, Kashya passe à côté de moi. Je vois son aura se déployer autour d'elle alors qu'elle ouvre les portes du monastère. Les deux énormes pans se rabattent, ouvrant le passage vers la forêt.
- "Novices!" Hurle ma maîtresse d'armes.
Mes camarades se ruent sur la sortie. Je jette un regard en arrière, l'armée des démons se déverse par les portes du cloître telle une marée inarrêtable. Parmi eux, les rogues dissidentes croisent le fer avec les sœurs de la garde restées en arrière pour couvrir notre retraite. J'entends un cri déchirant derrière moi lorsque la première des nôtres tombe sous les assauts de nos anciennes camarades.
Mon cœur se remplit d'une rage et d'une tristesse indicible. J'hurle à mon tour. Étrangement, la mort de notre sœur n'est pas exactement le déclencheur, mais plutôt le catalyseur. La trahison de Moiraine prend une toute nouvelle signification. C'est une morsure amère qui me fend le cœur.
Mais c'est lorsque, dans le chaos qui règne, j'aperçois, couchée sous une arche, le corps sans vie de Maeko que je perds totalement pieds. Elle baigne dans son propre sang et ses viscères. Elle a dans la main une épée cassée, sans doute brisée par coup mortel qui lui a été porté. L'idiote. Elle a voulu se battre. Le sentiment de culpabilité me ronge le cœur. Si je ne lui avais pas enseigné de quoi devenir plus forte, elle serait restée parmi les novices. Elle n'aurait pas cherché à se battre. Elle serait en vie. C'est de ma faute!
Pleurant à chaudes larmes, je tire mes dernières flèches dans la masse qui avance inexorablement vers nous. Lorsque je trouve mon carquois vide, c'est avec mon arc que je continue le combat. Hurlant à plein poumons, je frappe avec de toutes mes forces ces créatures immondes venues des enfers. Je frappe encore et encore, jusqu'à ce que le bois finisse par céder sous mes coups. Et alors que je m'apprête à continuer le combat à la force de mes poings, Kashya apparaît soudain dans mon champ de vision.
- "Idiote!" Me hurle-t-elle dessus après avoir abattu un khasdra qui arrivait dans un angle mort.
Elle me délivre une gifle bien sentie qui me ramène à la réalité. Ses yeux sont inondés de larmes mais ils brillent d'une farouche détermination. C'est la première fois que je vois une telle émotion sur le visage de ma maîtresse d'armes. Comme moi, elle souffre, mais elle n'a pas succombé à sa peine comme je viens de le faire. Hébétée, je regarde à mes pieds mon arc dont les deux parties ne sont maintenant retenues que par la corde.
- "Rejoins les autres, novice." J'entends clairement la ponctuation dans sa phrase.
Je ravale ma fierté. Je sais qu'elle a raison. Je ramasse mon arme détruite et me dirige vers la sortie. Alors que j'atteins la porte, un frisson me parcourt l'échine. Quelque chose de puissant est en train d'émerger. Je me retourne. Kashya qui m'a rejoint fait de même. Simultanément, nous levons les yeux vers la tour de garde.
C'est Akara. Je découvre alors son véritable pouvoir. Celui d'une Néphalem. Jamais je n'avais vu d'aura aussi impressionnante. Elle se déploie comme deux ailes fantomatiques immenses au-dessus du monastère. Elle n'utilise toutefois pas l'énergie primordiale, c'est au chaos qu'elle fait appel.
Elle joint les mains devant elle et une colonne de flammes immense en jaillit, engloutissant toutes les créatures qu'elle touche. Les sœurs, novices ou expérimentées, alliées ou rebelles, qui sont restées en arrière connaissent le même sort. Dévastée par cette vision cataclysmique, je tombe à genoux. Je sens la main de Kashya se refermer sur mon épaule. Je m'accroche à sa jambe et commence à pleurer, comme une enfant dans les jupes de sa mère.
- "Relève toi." Me dit-elle sans compassion, mais sans méchanceté. "La tempête ne fait que commencer."
Sous mon regard horrifié, la porte du cloître déverse une nouvelle vague de démons. Rien ne semble arrêter l'armée des enfers.
Dans un mouvement gracieux, Akara saute du haut de la tour. Elle glisse dans l'air doucement tandis que les longues nappes de tissus qui la couvrent flottent autour d'elle. Elle plonge au milieu de la masse grouillante de déchus et de khasdras. Je ne peux plus la voir en personne, seulement l'aura qu'elle dégage. Il y a un flash lumineux puissant, puis lorsque je peux voir à nouveau, je suis effrayée par son apparence. Par endroit, son aura se déforme, se recroqueville ou s'étire. Je comprends qu'elle est en train de laisser le chaos l'envahir. Je plisse les yeux. Non ce n'est pas ça. C'est le chaos qui essaye d'entrer en elle alors qu'elle a offert une grande partie de son énergie primordiale à l'univers. Ce qu'elle a obtenu en échange ne tarde pas à se manifester.
Le ciel se voile subitement de nuages tumultueux. Bientôt, la foudre s'abat dans la cour dans un fracas assourdissant. L'instant suivant des arcs électriques parcourent le champ de bataille décimant toutes les créatures qui s'y trouve. Le silence qui suit est assourdissant. Les forces du mal, toujours nombreuses, restent maintenant en retrait. Au milieu des flammes qui rongent notre sanctuaire, je les aperçois hésiter à sortir du cloître de l'autre côté de la cour.
L'aura d'Akara se déforme à nouveau. Elle ondule et pulse de manière erratique. Elle résiste toujours. Soudainement, je vois la tempête se former autour d'elle. L'air se refroidit rapidement alentour. Des flocons de neige se forment dans l'air. Agités par les courants d'air chaud des multiples brasiers, ils se mettent à virevolter autour d'Akara de plus en plus vite. Bientôt c'est un véritable blizzard qui se déchaîne dans la cour. Je me protège les yeux du mieux que je peux, mais je n'arrive pas à distinguer ce qui se passe. Kashya me tire en arrière alors que la vague de froid nous menace.
- "Reculez!" Crie-t-elle au-dessus du hurlement du vent.
Un mouvement de foule se produit vers l'arrière. Nous reculons toutes d'une bonne vingtaine de pas alors que la porte crache sa tempête glacée et que les murs se recouvrent progressivement de givre. Dans une sorte de détonation sourde, une première vague de projectiles glacés est expulsée depuis l'intérieur du monastère. Nous sautons sur le côté pour les éviter. A partir de ce moment, les détonations s'enchaînent en successions rapides. Je ferme obstinément les yeux en attendant que cela passe. J'agrippe Kashya qui a sauté à côté de moi.
Puis, tout s'arrête aussi soudainement que cela avait commencé. On n'entend plus rien si ce n'est le tonnerre qui gronde toujours au-dessus de nos têtes. Les perturbations magiques intenses qui ont agité l'endroit finissent pas faire éclater les nuages et une pluie glacée se déverse sur nous.
Kashya contre qui je me trouve me repousse. Je roule sur le dos, cherchant à comprendre son geste. C'est lorsque je vois l'expression de douleur sur son visage que je comprends qu'un nouveau malheur est arrivé. Je me redresse et regarde dans la même direction qu'elle. Mon cœur est poignardé une nouvelle fois lorsque je vois les corps piqués de centaines d'aiguilles de glace de quatre novices un peu trop curieuses qui auront tardé à s'écarter du chemin. Parmi elles se trouve l'une des apprenties de Charsi. La survivante me rejoint et s'effondre en larmes dans mes bras. J'ignore pourquoi elle jette son dévolu sur moi mais je la laisse faire. Je suis trop choquée pour réagir de toute façon.
Nous mettons toutes un certain temps pour réaliser que tout est fini et qu'Akara n'est pas sortie.
Kashya ordonne à Charsi qui s'est agenouillée à côté de son élève de retourner dans le monastère. La forgeronne obéit tel un automate. J'aide l'apprentie survivante à se relever et je m'approche doucement de ma maîtresse d'armes. Je reste à bonne distance, mais j'essaye d'avoir un angle de vue sur la cour. Mon estomac se noue lorsque je vois revenir Charsi portant dans ses bras puissants Akara dont l'aura n'est plus qu'un fin halo. Elle avance doucement dans ce qui ressemble maintenant à un enfer de glace et de cendres. La grande prêtresse a bouché toutes les autres issues par de grands murs de glace, toutes les autres créatures qui se trouvaient là sont figés dans une prison gelée dans la position qu'ils avaient au moment où la tempête les a touchés. Comme les malheureuses qui n'ont pas pu s'écarter à temps, leur corps est criblé de multitudes de traits de glace.
Les sœurs et novices me rejoignent peu à peu alors que Charsi s'approche avec son précieux chargement. Nulle n'ose prononcer un mot. Je regarde autour de moi. Nous sommes si peu nombreuses à avoir survécu. Une centaine, tout au plus.
Akara ouvre les yeux péniblement et nous balaie du regard, avant de demander à Charsi de la déposer. Elle prend appuie sur ma maîtresse d'armes qui se précipite à ses côtés. Malgré la fatigue qui lui courbe l'échine et la pluie qui plaque ses cheveux défaits ainsi que sa toge déchirée contre sa peau, elle est toujours digne. Elle jette un regard aux corps des novices terrassées par sa magie. Elle garde un visage neutre, mais la douleur peut se lire dans son regard.
Son aura se déploie à nouveau, fébrilement, tandis qu'elle se met à dessiner dans l'air. Bientôt, un portail s'ouvre au milieu de notre groupe. Elle nous invite à l'emprunter, mais personne ne bouge. Elle sourit tristement.
- "Aujourd'hui nous sommes contraintes à la fuite." Dit-elle avec une émotion contenue. "Mais nous n'abandonnerons pas le monastère aux forces du mal. Il y a très longtemps, les Sœurs de l'Oeil Aveugle ont prêté serment de protéger Sanctuaire et nous l'honorerons qu'importe notre nombre. Nous ne tolèrerons pas souillure qui vient de salir notre foyer. Mais avant cela, nous devons guérir de nos blessures et rassembler nos forces."
Elle nous invite à nouveau à franchir le portail. Mes sœurs se mettent en mouvement lentement, emportant avec elles les quatre dernières victimes du combat. Je passe le pas à mon tour. Lorsque Akara et Kashya en émergent après moi, le portail s'évanouit. L'espace d'un instant, j'ai l'impression que nous sommes perdues au milieu de nulle part. Puis, le paysage me semble vaguement familier. Nous sommes dans la région de Tristram. La ville maudite n'est qu'à un ou deux jours de marche tout au plus. Je comprends alors ce qu'envisage de faire Akara.
