Chapitre 36

-Disluminere.

Ma voix est un souffle par-dessus le vacarme qui remplit l'arène et je disparais alors lentement à la vue de mon adversaire. Celui-ci a de nouveau levé son sort nous isolant visuellement du reste des spectateurs et j'en ai profité pour incanter à mon tour. Je fais un premier pas dans sa direction et remarque son air étonné, partagé par son second. Il tente en premier lieu de percer mon sort de désillusion de ses petits yeux attentifs, mais je vois son regard peiner à se fixer sur moi.

Je fais un second pas et profite qu'il ne regarde plus dans ma direction pour avancer davantage. Agacé, il lève haut sa baguette et je l'entends grommeler une formule dans un Grec ancien que je traduis inconsciemment.

Soudain, mes alentours directs se noircirent et des lumières papillonnantes apparaissent peu à peu. Un premier écho de sort ricochant sur le sol se fait entendre sur ma droite et je comprends qu'il me cherche à tâtons. Pas con le gars. Mais je ne me laisse pas avoir par son esbroufe et ferme les yeux pour me couper des illusions qu'il pourrait m'envoyer à nouveau. Une fois mes paupières closes, les sons environnants prennent une toute autre dimension. Les cris des élèves tonnent peu à peu plus fort à mes oreilles, le grincement de l'arène se fait légèrement entendre par-dessus le brouhaha et un second impact de sort atterrit devant mes semelles. Il est temps de bouger.

J'avance de trois pas. Nouvel impact, sur ma gauche cette fois-ci. Parfait.

Trois pas plus tard, je commence à percevoir des cris plus précis, à reconnaître des voix, des tonalités. Je me focalise sur celles d'un gars qui hurle comme un troll en rut et m'en sert pour avancer à nouveau droit devant moi, sans perdre ma direction et sans bêtement sortir de l'aire.

Enfin, lorsque je pense avoir fait une quinzaine de mètres, j'ouvre les yeux. Je suis à deux pas de mon adversaire, légèrement sur sa gauche, et il ne me voit toujours pas. Il paraît concentré pour maintenir ses illusions mais celles-ci ne m'entourent désormais plus.

J'expire doucement en me demandant comment j'ai pu retenir ma respiration aussi longtemps et lève ma baguette. De là où je suis, je pourrais presque détailler son visage émacié et ses yeux sombres totalement alertes. À bien y regarder, avec un bon gavage et deux-trois exercices physiques, on pourrait presque le prendre pour un humain et non pas un elfe de maison gavé aux hormones de croissance. Mais il n'est plus temps pour les réflexions d'ordre zoologique, alors j'inspire à fond et me prépare à lancer un sort plutôt fourbe.

Croyez-le ou non, il choisit cet instant bien précis pour river son regard au mien. Aurait-il entendu mon inspiration par-dessus le vacarme nous entourant ? Ou bien est-ce mon sort de désillusion qui s'en est allé ? Je n'en sais strictement rien et ça devient vite le cadet de mes soucis. À ce moment, je sais que ma réussite ne sera qu'une question de vitesse et j'agite ma baguette à la vitesse de l'éclair. Mon stupéfix vole vers lui et projette des étincelles rougeâtres qui traversent alors son corps. Je vois celui-ci se déliter, tandis que l'illusion qu'il vient de jeter pour couvrir son esquive s'évapore complètement.

Je jure bien fort en des termes plutôt grossiers, puis, je le cherche des yeux et le trouve rapidement quelques pas plus loin. Il se stabilise de justesse sur ses pieds pour se rattraper de sa courte course et lève sa baguette. Puis, il incante.

Pour ma part, je lève un Protego et celui-ci explose en déviant son sort. Autour de nous, la barrière de protection de l'aire vibre intensément et je devine qu'il ne rigole pas. Je riposte à l'instant même où le bruit de verre brisé résonne entre nous et il pare mon sort à son tour.

Cette fois-ci, je ne réfléchis plus, il est trop tard pour cela. La stratégie a laissé place à un échange de sort brutal sans aucune subtilité. Je lance deux stupéfix à une rapidité surprenante et ils passent à nouveau son corps immatériel. Je tourne la tête en tous sens, il apparaît à ma droite, sa baguette levée sur ma tempe.

-Stupéfix !

Je ferme les yeux, serre les dents et encaisse le coup.

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Lorsque je me réveille, mon corps me signifie clairement qu'il est plus agréable de gagner ses combats que de les perdre. J'ai la tête qui vibre comme jamais et des courbatures dans les épaules et le long de la colonne. Au-dessus de moi, Casper fait une tête de trois pieds de long tandis que le professeur Mc Gonagall me regarde en pinçant des lèvres.

-Elle n'aura aucune séquelle, Monsieur Mac Tavish, lui dit-elle d'une voix agacée en rangeant sa baguette. Cessez donc de vous agiter ainsi. La voilà qui se réveille.

Je bouge vaguement de la main pour calmer mon ami et celui-ci m'empoigne fermement pour me remettre sur mes pieds. Je devine que pas plus de quelques minutes se sont écoulées depuis la fin du match et vois mon adversaire quitter l'aire sans se retourner.

-J'aurais essayé, je marmonne en sentant mon ventre protester. Désolée.

Casper me répond un vague "c'est pas grave" et notre professeur nous fait un petit signe de son chignon poivre et sel comme tout salut. Nous nous dirigeons ensuite rapidement vers les élèves de notre maison et rejoignons Jasmine derrière ses barrières. Elle est rouge comme une tomate à force d'avoir beuglé ses encouragements et, autour de nous, les élèves m'applaudissent avec force.

-Tu passes les qualifs, Aly, c'est le principal ! s'exclame-t-elle une fois à sa hauteur. Je suis sûre que tu t'es super bien débrouillée ! Hein, qu'elle s'est bien débrouillée, n'est-ce pas ?

Je ne réponds rien et me renfrogne en sentant vaguement honteuse d'avoir perdu comme une bleue. Je me jette sur ma chaise et laisse Casper lui faire un hochement de tête sec comme tout retour. Il s'enfonce ensuite à son tour dans son siège en croisant les bras. À croire que c'est lui qui vient de perdre, tss.

-C'est qui maintenant ? je demande d'une voix vaguement intéressée, sans réussir à me souvenir du tableau.

-Rabastan ! me répond Jasmine en tournant son regard de suricate face à elle.

Nous y voyons nos deux amis de Serpentard rallier le centre et se positionner dans un bout de l'aire. Galaad semble tendu, alors même que Rabastan refait sa coiffure en lui parlant d'un air qui se veut détaché.

-Il a intérêt à rétamer son adversaire s'il veut monter en demi-finale, grogne Casper de son côté. Je ne sais pas ce que vaut l'autre en face, mais il faut qu'il fasse un meilleur match que contre Beauxbatons. Sinon il risque de se ridiculiser définitivement.

Il me faut tous mes réflexes pour rattraper Jasmine à temps et la forcer à se rasseoir à mes côtés, sans avoir égorgé Casper.

-Saluez ! tonne le professeur Mc Gonagall en faisant signe aux quatre élèves de lever leurs baguettes.

Je remarque à l'instant que l'adversaire de Rabastan n'est autre que mon grand ami Mister poils d'ours et qu'il a l'air encore plus constipé vu d'ici.

-VA-Y RABAST, DÉFONCE-LE !

Jasmine tourne une mine amusée à mon éclat de voix qui s'est à peine entendu parmi le vacarme ambiant. Elle reporte ensuite son attention sur nos amis qui se placent sur l'aire et je vois Galaad nous jeter tout de même un rapide regard tendu.

-Je crois qu'il va faire dans son froc, me glisse Casper en parlant de ce dernier.

Je ne lui réponds rien. Si je me souviens bien, il n'en menait également pas très large lors de mon propre combat. À la place, je pose mes coudes sur la barrière de bois et me penche afin de ne rien louper du spectacle.

Sur la longue estrade, nos professeurs viennent bientôt se placer de part et d'autre des concurrents et je remarque que Sergeï Polianov a retiré sa peau de bête de ses épaules, pour la déposer soigneusement. Il porte, en dessous, un ensemble pantalon et veste longue en velours noir, renforcé par des parties en cuir de dragon. Plusieurs ceintures font le tour de sa taille et je m'aperçois que ce que j'avais pris pour de l'embonpoint s'apparente plutôt à une tonne de muscles, tous plus gros les uns que les autres.

-Il se la pète ou c'est moi qui affabule ? me glisse Jasmine avec un large sourire moqueur.

Elle semble tout de même tendue, mais je crois que l'allure du champion de Durmstrang la fait bien rire.

-Quoi ? Tu n'aimes pas le style total-look noir clouté avec regard de tueur et le front tout moite parce que la fourrure ça tient chaud ?

Mon amie me fait une grimace de dégoût et nous tournons la tête au « En garde, allez! » qui résonne dans la pièce circulaire.

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Devant nous, Rabastan et son adversaire s'observent pendant quelques secondes, puis le combat commence.

D'un mouvement fluide, c'est Rabastan qui engage. Il fait apparaître plusieurs hauts pylônes de part et d'autre de son concurrent et ceux-ci se mettent alors à onduler étrangement. J'ai une bonne seconde d'étonnement en me demandant où est ce qu'il a pu choper un sort aussi bizarre, puis je me souviens : Galaad ! Ce petit cachotier a dû lui préparer quelques sorts rien qu'à son attention, c'est certain.

Je n'ai cependant pas le temps de les voir entrer en action, car c'est ce moment-là que choisit Polianov pour incanter à son tour. Sa baguette s'agite et sa voix grave nous parvient malgré les spectateurs bruyants. Je reconnais quelques mots de Norvégien moyenâgeux et plusieurs traits colorés s'échappent brusquement de sa baguette pour se diriger vers Rabastan. Ce dernier lève un Protego en vitesse, mais sans cacher son étonnement face aux fins projectiles semblant bien inoffensifs.

J'ai l'impression de vivre cette demi seconde de battement bien plus intensément que quiconque. Rabastan semble aussi absorbé que moi par ces lumières mouvantes mettant un temps infini à descendre. Ses yeux, comme les miens, suivent la cloche impeccable qu'elles empruntent, puis, sans prévenir, elles s'éparpillent dans toutes les directions. Leurs mouvements étrangement aléatoires nous surprennent et c'est alors que l'air s'embrase.

Les dizaines de points brillant se mettent soudainement à exploser en même temps, projetant de la matière inflammable dans chaque centimètre cube de l'aire. Un feu liquide envahit le lieu, monte vers le ciel en grondant, avant de tournoyer violemment au centre de l'estrade. Chaque nouvelle explosion titanesque vient nous vriller les tympans jusqu'à la douleur pour rebondir dans nos poitrines et nous couper le souffle.

Pour ma part, je me retrouve repoussée au fond de mon siège par l'onde de choc produit et je me force à ne pas lâcher l'aire des yeux. Je suis dans l'incapacité de distinguer mon ami Serpentard derrière le mur de flamme, mais celui-ci ne tarde pas à redescendre en même temps que le gong sonne.

-Quoi ? je m'exclame en ayant du mal à entendre ma propre voix. C'est déjà fini ?

À ma gauche, Jasmine braille des trucs incompréhensibles pour mes pauvres oreilles traumatisées et je la laisse faire. Il me faut plusieurs longues secondes et un massage de tempes vigoureux pour recouvrer mes facultés auditives. Je prends d'ailleurs conscience que Casper me parle et le fait répéter plusieurs fois pour être sûre de comprendre ce qu'il me dit.

-Ce mec est un grand malade ! est-il en train de gronder en tapant du poing sur la barrière. Regarde la tronche de Rabastan. Il est livide !

Je ne peux qu'approuver ses dires et je devine que notre ami a dû subir de plein fouet la déflagration sonore. Galaad semble d'ailleurs avoir du mal à le conseiller.

-J'ai jamais entendu parler de pareils sorts explosifs ! je m'exclame en cherchant une explication du côté de Jasmine. Où est-ce qu'il a bien pu apprendre ça ?

Celle-ci ne me jette même pas un regard et serre le bois devant elle en voulant le broyer entre ses doigts. Casper, pour sa part, hoche la tête de gauche à droite et je ne peux qu'attendre la suite avec impatience. Je remarque que Polianov se pavane comme un paon en mettant ses mains sur ses hanches et en riant à gorge déployée à une blague de son second. C'est marrant, mais ce mec me fait penser à quelqu'un… Allez savoir qui.

Une minute et demie plus tard, les deux hommes se remettent en place et la tension devient palpable. Autour de nous, les élèves se sont faits silencieux et je vois Galaad se tordre discrètement les mains.

-En garde !

Rabastan lève sa baguette à hauteur de ses yeux et son adversaire fait de même. Leurs épaules sont tendues, leurs genoux légèrement pliés, leurs yeux lancent des éclairs, ils sont tous deux prêts à en découdre.

-Allez !

C'est alors que tout s'enchaîne à une vitesse incroyable.

Lorsque vous passez beaucoup de temps à vous battre, ou à regarder les autres le faire, vous obtenez rapidement un avantage certain sur les novices. Cet avantage, c'est votre œil. C'est-à-dire votre capacité à décrypter les actions des duellistes malgré leur vitesse d'exécution, et malgré les sorts qui fusent et vous cachent les mouvements. J'ignore combien de personnes comprennent l'enchaînement de ce qu'il se passe, mais je ne prends pas le temps d'être désolé pour ceux qui n'y arrivent pas.

Dès l'instant où la voix du professeur Mc Gonagall résonne sous les dais colorés, Rabastan agit. Il s'applique un sort de peau d'écaille d'un geste fluide, un sort d'insonorisation, puis lève un protego devant trois projectiles lui fonçant dessus. Les explosions successives passent mes oreilles bouchées par mes mains et embrasent à nouveau l'aire. Ce sont ensuite cinq autres déflagrations qui retentissent et je grince des dents en sentant la chaleur des flammes jusqu'ici. Autour de nous, des exclamations se font entendre et je vois même certains élèves se cacher le visage pour se protéger de l'air surchauffé.

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Les minutes me paraissent incroyablement longues mais, enfin, le calme revient et aucun gong ne s'est encore fait entendre. En plissant les yeux, je réussis à apercevoir la silhouette sombre de Rabastan se découpant au centre du maelström brûlant, mais c'est tout. Je ne pourrais affirmer qu'il n'a subi aucun dommage, il tient néanmoins toujours sur ses pieds et c'est déjà pas mal. À travers la fournaise perdant progressivement de son intensité, j'aperçois alors des traits des sorts traçant des sillons colorés entre les deux adversaires. Malgré l'incendie, les deux duellistes ne se laissent aucun répit et je me penche davantage pour essayer de percevoir ce qu'il s'y passe. Des bruits de verre brisé se font régulièrement entendre et il me semble voir le sol se déformer autour d'eux.

C'est alors que des pans de murs sortent subitement du sol pour s'abattre sur les flammes restantes et les étouffer proprement. La pierre de ces cloisons se morcèle ensuite sous l'impact et se reforme immédiatement en de grands serpents menaçants. Je vois vite le concurrent de Durmstrang leur lancer des traits qui explosent à leur contact, mais la roche réarrangée ne tressaille pas une seule seconde.

Avec une rapidité déconcertante, les quatre reptiles rocheux se jettent alors sur leur adversaire et s'enroulent autour de son corps pour le noyer sous le granit. Quelques détonations se font entendre à nouveau, puis un cri de rage étouffé précède le gong.

Rabastan remporte l'assaut et je reprends mon souffle.

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-Il a gagné ! s'exclame Jasmine en sautillant sur sa chaise. C'est lui le plus fort !

-Il reste encore un combat pour les départager, grogne toutefois Casper sans nous adresser un regard. Il peut encore perdre !

-C'est ton défaitisme qui nous fera perdre ! lui lance notre amie en pointant un doigt accusateur sur lui.

Il ne lève même pas un sourcil et continue de fixer le centre de l'arène des yeux.

-Tu penses que Rabastan a ses chances ? je demande tout de même en me penchant vers lui. Son adversaire est fort.

-Non. Il ne l'est pas.

J'ouvre de grands yeux devant son assurance et jette un coup d'œil curieux aux deux duellistes près de leurs seconds respectifs.

-Qu'est-ce qu'il te fait penser que ce mec a une quelconque chance de battre Rabastan ? continue mon ami, sans se départir de son air sombre.

-Ses sorts sont puissants, il a une très bonne rapidité d'exécution, il sait se défendre...

-Et il n'a que ça, termine-t-il en se tournant enfin vers moi. Tu ne t'es pas demandé pourquoi il a utilisé la même feinte pour ses deux débuts de combat ? Pourquoi il n'a lancé que des sorts de feu vers les serpents ? C'est ça quand on est trop sûr de sa puissance, on en vient à être arrogant et à oublier que l'adversaire peut être beaucoup plus malin que soi. Si jamais tu tombes contre lui, il te suffira de lui lancer des sorts d'eau et de gel pour t'en sortir. En somme, ce gars fait de l'esbroufe. Ça doit passer devant ses potes et les autres élèves de Durmstrang, mais pas devant des gens comme Rabast et toi qui avez une palette de sort bien plus vaste et adaptée à toute situation.

-Si tu le dis...

Un sourire suffisant orne les lèvres de l'élève de Durmstrang et je me demande si Casper ne serait pas un poil subjectif dans sa vision des choses.

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Une minute et demie plus tard, le professeur Bibine fait signe à tout le monde de se remettre en place et notre attention se reporte sur le combat. Sur les gradins en face, un élève a fait jaillir un long serpent étincelant de sa baguette et celui-ci vient léviter au-dessus de sa tête, avant de disparaître dans un Pop sonore.

-En garde ! Allez !

Polianov prend immédiatement la main. Il ne veut laisser aucune chance à son adversaire de placer un sort et un feu bouillonnant envahit bientôt l'intégralité de l'aire. Les détonations s'enchaînent sans tarder en faisant trembler le sol de l'arène et, malgré l'insonorisation de notre carré VIP, c'est totalement désagréable. Nous sentons vite la température monter de plusieurs degrés et le brasier incroyable faire vibrer les barrières translucides entourant l'aire.

Le bras de Jasmine vient s'enrouler autour du mien mais, tout comme elle, je ne lâche pas l'estrade des yeux. Rabastan n'est visible nulle part, aucun de ses serpents ou de ses murs n'apparaît pour dévorer les flammes et emprisonner son ennemi.

-Qu'est-ce qu'il attend… marmonne mon amie d'une voix épouvantée.

-Il ne peut pas, je lui souffle en retour, sans réussir à détourner mes yeux du spectacle. Il fait exprès de le noyer sous les sorts pour l'empêcher d'agir.

-Il va le brûler vif…

-Il y a des chances…

Je suis trop abasourdie par la puissance déployée séant pour m'exprimer davantage. Chaque nouvelle explosion qui suit la précédente agresse nos sens jusqu'à la rupture, use nos nerfs et n'apporte aucun espoir de réussite de la part de notre ami. Celui-ci n'a d'ailleurs pas reparu et je commence à croire qu'il gît là, carbonisé par les colonnes brûlantes évoluant devant nos yeux.

De son côté, le duelliste de Durmstrang s'agite encore et encore pour maintenir le feu vif. Il ponctue chaque geste d'un nouveau projectile qui plonge dans ce bouillonnement incandescent, faisant chaque fois trembler les lattes de parquet et les dais tendus.

J'ignore combien de temps dure ce déferlement de magie ; mais il me semble que cinq bonnes minutes sont passées lorsque le concurrent de Durmstrang cesse d'attaquer. Jasmine et moi sommes accrochées l'une à l'autre, telle une bouée, et les yeux de Casper lancent des éclairs. Je suis tellement démoralisée face à ce spectacle que je ne me permets même pas de lui faire une remarque sur ses dires précédents.

Les flammes perdent progressivement de leur ardeur et un silence de mort se dépose sur les spectateurs encore sous le choc. Avec Jasmine, nous fouillons vainement le bout de l'aire des yeux et c'est finalement mon amie qui pointe son doigt devant elle en criant « là ! ». Nous voyons en effet une silhouette sortir du feu tandis que celui-ci s'éteint peu à peu.

-Il n'a rien ! s'exclame-t-elle avec un soupir de soulagement.

Rabastan semble exténué, ses épaules sont basses, son souffle est court et sa chevelure défaite ; mais ses sorts de protection ont tenu bon. Une de ses manches est néanmoins noircie et son visage est luisant de sueur.

-Qu'est-ce que…

Mes mots jaillissent de ma bouche au moment où je le vois se redresser et marcher quelques pas au-devant de son adversaire. Il arbore vite un large sourire et semble être détendu, bien plus qu'il ne devrait l'être en vérité. Je vois ses yeux se plisser, son front se pencher en avant et son souffle se réguler.

Etrangement, je crois comprendre ce qu'il a en tête, mais je doute qu'il fasse une chose aussi dangereuse et expérimentale. Quoique, entre nous, il en est clairement capable si c'est pour gagner. L'honneur de sa famille et tout ce merdier, à coup sûr.

-Oh non, souffle Jasmine à mes côtés. Je lui ai pourtant dit de ne pas tenter ça en combat !

Et merde, alors mes intuitions sont bonnes.

-Déjà qu'en entraînement il ne réussit pas à chaque fois… continue-t-elle.

-Quoi ? je m'exclame en ouvrant de grands yeux. Parce que vous avez déjà tenté pareille folie ?!

-Ça marche ! me rétorque Jasmine en fronçant sa mine inquiète.

-Sur des sorts de ce niveau ?

Elle ne répond rien et se contente de se mordre la lèvre en fixant intensément le Serpentard. Pour ma part, je me renfrogne et prie très fort pour que Merlin soit dans le coin aujourd'hui.

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Après plusieurs pas précautionneux qui l'a amené au centre de l'estrade, Rabastan stoppe sa marche et ouvre ses bras en grand. Il rabat ensuite sa tête vers l'arrière et ses paupières se ferment tandis que ses lèvres se mettent à bouger. Ses intentions ne font désormais plus aucun doute.

-Il va se faire rôtir sur place, je siffle à mon amie qui fait semblant de ne pas m'entendre. Vous êtes tous les deux des grands malades ! Qu'est-ce qui vous a pris d'expérimenter ce genre de choses ?

Je n'ai pas le temps de continuer mon sermon, car le duelliste de Durmstrang lève sa baguette et je le vois hésiter à agir. Il s'autorise à coup d'œil vers son second, avant de hausser les épaules et commencer à incanter. Un dragon de flamme apparaît enfin devant lui et ses ailes brûlantes se mettent vite à battre en rythme pour s'élever à plusieurs mètres d'altitude. Ni ça, ni les vociférations tout à coup empressées des spectateurs ne réussissent à tirer Rabastan de sa transe et je serre instinctivement mes genoux entre mes doigts tremblants.

Le dragon tournoie une première fois au-dessus de son invocateur. Des flammes vives laissent une traînée éphémère dans son sillage et un souffle d'air chaud vient nous fouetter la joue. Je remarque que Rabastan n'a même pas levé de Protego devant lui et je jette un regard fébrile vers le professeur Mc Gonagall en me demandant si elle sera capable d'arrêter cette folie à temps.

C'est alors que le dragon plonge. Ses yeux sont deux rubis ardents qui virevoltent en même temps que ses ailes lui font traverser la longueur de l'aire. Rabastan n'a toujours pas bougé, il continue de psalmodier, les bras ouverts et la baguette rangée dans sa poche. Je me penche davantage, je veux crier, lui dire qu'il n'a pas besoin de tout risquer pour un honneur quelconque ou un orgueil mal placé. Rien ne sort de ma gorge sèche et le monstre de flamme se jette sur le jeune homme.