20 juin 1507 : et c'est là que les vrais ennuis commencent.
L'expédition s'était pourtant bien déroulée. Hier, les Arawaks sont ressortis un à un de la mine, par notre issue dérobée, et le tout sans se faire repérer. Je m'inquiétais que certains se perdent où restent en arrière, mais non, un Hominem Revelio m'a permis de confirmer qu'aucun mineur n'était resté bloqué dans les galeries.
Les rescapés étaient maigres, fatigués, mais capables de marcher. Aussi, après avoir mangé quelques provisions pour reprendre des forces, ils purent se mettre en route à travers les collines, rapidement hors d'atteinte d'éventuels poursuivants. Encore mieux, je remarquais un bel oiseau aux plumes or et écarlates, qui survola plusieurs fois notre groupe, avant de se percher sur l'épaule de l'un des Indiens. Le sorcier indigène ? Oui, sans aucun doute : aucun oiseau ne s'approcherait d'aussi près, ni ne me fixerait ainsi du regard.
J'étais donc assez rassuré lorsque les mauvaises nouvelles commencèrent, tout d'abord par le départ de Romulus. Qui fut rapidement suivi par Elga :
« Romulus a raison, me dit-elle, tout cela nous dépasse. Et je n'en peux plus, j'ai vraiment besoin de repos. »
Elle considérait que le conflit entre Indiens et colons devait dépendre du Ministère, et qu'il serait plus efficace de le résoudre par un recours à la loi. Là aussi, je pouvais la comprendre, aussi je lui souhaitais bonne chance et lui promit de donner des nouvelles prochainement.
Enfin, ce fut au tour de Septimus :
« Tu sais, on a vécu une vraie aventure, mais il va falloir que je rentre, moi aussi. Je suis déjà resté un peu plus que prévu… Maintenant qu'on a sorti les Indiens de là, eh bien il est temps que j'y aille. Enfin, on se reverra bientôt. Et qui sait, on refera peut-être un voyage l'année prochaine, par exemple en Afrique, ou en Chine ? »
Après son départ, je me retrouvais donc seul avec les Arawaks, qui commençaient à s'éloigner des mines. Je m'apprêtais à les suivre, quand je vis Soualiga, resté en arrière, qui fixait le tunnel de sortie d'un air morose.
« C'est terminé, lui dis-je doucement. Aller, viens, il ne faut pas rester là. »
Sa voix était tendue et ses mâchoires crispées lorsqu'il me demanda :
« Tu es sûr qu'il n'y a personne d'autre ? Et s'il restait encore quelqu'un ?
- Non, j'ai déjà vérifié, les derniers sont sortis. Et maintenant les Espagnols peuvent arriver d'une minute à l'autre ! Il faut y aller !
- Je… Je vais rester juste encore un peu. Au cas où, on ne sait jamais. »
Surpris, je le fixais d'un air perplexe, avant de comprendre. Venu ici pour retrouver sa famille, il n'avait dû reconnaître aucun de ses proches parmi les rescapés. Et il espérait que l'un d'eux surgisse tout à coup de la galerie, simplement en retard sur le groupe. Comment lui dire qu'avec ma magie, j'étais certain qu'il ne restait plus personne ?
« Ecoute, dis-je, en essayant de parler aussi doucement que possible. Je comprends que ce que tu peux ressentir, mais tu as fait tout ce que tu pouvais aujourd'hui.
- Je peux encore attendre, juste un peu plus…
- Soualiga… Nous avons fait s'effondrer les galeries à quelques dizaines de mètres d'ici. Même si quelqu'un d'autre voulait s'échapper par là, ce n'est plus possible, la voie est fermée. »
Je pris une longue inspiration, avant de lui tendre la main pour l'aider à se relever :
« Aller, viens. Je te promets qu'on va revenir. »
Les yeux baissés, il se releva sans s'aider de ma main, puis, la démarche mal assurée, prit la même direction que le groupe de rescapés. La journée s'était donc terminée d'une façon assez mitigée, mais au moins nous avions réussi.
Après une heure de marche, les Indiens se dispersèrent en petits groupes, pour brouiller les pistes et revenir chacun vers le village de son clan. Je profitais de cette séparation pour prendre congé et transplaner vers mon campement sur la plage. Ce fut le lendemain que la situation se dégrada abruptement.
J'étais revenu près des mines pour vérifier l'absence de poursuivant, et éventuellement lancer un sort de confusion ou deux, pour donner un peu d'avance aux fugitifs. Avec le crac ! sonore habituel, je transplanais ainsi en lisière de la jungle, à l'endroit qui m'avait servi de poste d'observation ces derniers jours.
Examinant les environs, je ne vis d'abord rien d'anormal. De nombreux ouvriers et plusieurs gardes allaient et venaient près de l'entrée d'une mine, celle-là même dont s'étaient échappés les Indiens.
« Sans doute essaient-ils de déblayer l'éboulement, pensais-je. »
Il n'y avait cependant aucun signe de poursuite… J'allais donc m'en aller lorsque j'entendis un Crac ! Quelqu'un d'autre venait de transplaner tout près. Un de mes amis ? Etrange, pourquoi reviendraient-ils aussi vite, et surtout, à cet endroit-ci ?
Intrigué, je m'avance prudemment dans la direction du bruit. Ce fut une racine qui me sauva. Je trébuchais en m'y cognant le pied, et m'étalais par terre. Au même instant, je vis du coin de l'œil une volée d'étincelles magiques passer à toute vitesse au-dessus de ma tête, avant d'aller s'écraser contre un arbre tout proche. Qu'est-ce que…
Je me relevais tant bien que mal, encore un peu sonné par chute, quand je vis le sorcier. C'était un homme d'une quarantaine d'années, portant un élégant pourpoint brodé d'or, aussi noir que la fine moustache qui décorait son visage. Sans plus d'égards, il me visa de sa baguette, prêt à lancer un nouveau maléfice.
