Chapitre 37 : Retour à la maison
Le lendemain, Astra avait organisé une grande fête improvisée. Le froid automnale de la veille avait laissé place à un grand soleil, qui nous permettait sans problème de rester dehors confortablement. La jeune femme avait donc fait installer de grande tables dans le jardin de l'édifice. Chaque plat qui sortait du four comme par magie était salué bruyamment par les enfants.
"Je ne savais pas qu'il existait de si bons plats dans ce monde." Confia Lunard en se saisissant d'une assiette remplie à ras bord.
Le chef de l'Ordre paraissait ravi de déguster les plats préparés par Draco. Thalie souriait tendrement à ses côtés, le touchant régulièrement comme pour s'assurer qu'il était bien là. Alors qu'elle paraissait plutôt froide et déterminée la veille, elle ressemblait désormais à une jeune épouse ravie et même un peu maladroite.
Lunard lui, paraissait d'une douceur peu commune pour le rang qu'il occupait. Ses traits étaient marqués de nombreuses petites cicatrices ainsi que quelques rides malgré son jeune âge, et ses cheveux châtains étaient méchés de gris. Malgré sa carrure impressionnantes, il faisait presque un mètre quatre-vingt dix, il semblait toujours faire attention à ceux qui l'entouraient et avait toujours un léger sourire sur son visage. Aujourd'hui, il était vêtu simplement, sans armure, et même Thalie y avait renoncé pour la fête.
Conscient qu'ils avaient bien faillis être séparés définitivement la veille, ils s'étaient officiellement mariés dès leur retour en ville. S'ils l'avaient fait avant, rien de tout cela ne serait arrivé, car Lunard aurait eu accès à toutes les choses utiles directement dans l'inventaire de Thalie.
Apparemment, le chef de l'Ordre avait toujours refusé jusque là, se trouvant trop vieux, et pas assez bien pour la jeune femme aux cheveux argentés. Mais la peur de la perdre lui avait fait entendre raison. Ça et peut-être le fait de voir que moi et Draco avions également eu le courage de le faire, malgré notre âge.
Lunard se saisit de son verre de vin et le leva, s'inclinant dans notre direction.
"Pyrrah, αDraconis, je vous suis infiniment reconnaissant pour ce que vous avez fait. Je ne sais pas comment vous remercier."
"Oh non ce n'est rien. Et puis, appelez le Draco, c'est plus simple." Lançai-je en direction de mon blond qui se renfrogna légèrement. Je savais que c'était du cinéma, il aimait bien quand les gens qu'il appréciait l'appelaient de cette manière.
"Que devient l'Ordre." Demanda alors mon compagnon, curieux.
"J'ai viré Silex et ceux qui le suivaient. J'aurais du le faire depuis longtemps." Soupira-t-il. "Mais mon aversion pour les conflits n'a pas arrangé les choses. Je pense à dissoudre la guilde." Rajouta-t-il.
Nous ne pûmes nous empêcher d'écarquiller les yeux avec Draco. C'était une décision… courageuse, et extrême.
"Je pense recréer une plus petite organisation ensuite, pour retrouver l'esprit qui était là au début. Ce serait irresponsable de détruire sans rien reconstruire derrière." Thalie lui serra doucement la main avant de continuer.
"Toutes les ressources accumulées par l'Ordre seront distribuées équitablement aux membres, mais aussi aux habitants de la ville. Ça ne leurs fera oublier tout ce que les sbires de Silex ont fait, mais ça compensera un peu… D'ailleurs, je tenais à m'excuser auprès de vous Astra."
"Non, non ce n'est pas la peine." Protesta cette dernière. "Il y avait des personnes fiables dans l'Ordre du Phénix qui nous ont aidé avec les enfants."
Lunard et Thalie sourirent à cette remarque. Heureusement, il y avait aussi des gens bien dans l'Ordre, et Astra et ses protégés ne les oubliaient pas.
"Au fait, qu'est devenu la petite fille qui vous accompagnait?" Demanda finalement Thalie.
En revenant avec son chef, elle s'était inquiété pour la fillette, et s'en était beaucoup voulu qu'elle ait réussi à lui échapper au moment de l'enclenchement du cristal de téléportation.
Draco me lança un bref coup d'œil avant de lui répondre.
"Ariana… est rentrée chez elle." Expliqua-t-il d'un voix douce, en posant sa main à la base de son cou.
Un joli pendentif s'y trouvait désormais, relié à une chaîne en platine. Le cristal en forme de larme luisait doucement sous la lumière, et une légère chaleur s'en dégageait lorsque le blond le prenait entre ses doigts.
oOo
Après avoir salué Lunard, Thalie, Astra et les enfants de l'église, nous nous dirigeâmes vers le portail de téléportation. Il était temps de rentrer chez nous. Cela ne faisait que trois jours que nous étions partis de notre maison de l'île 22, pourtant, on aurait dit qu'une éternité s'était écoulée.
Un vent frais et l'odeur des bois nous accueillit. C'était agréable.
Ce monde, il est si vaste. Pensai-je. Chaque île abritait ses propres habitants, qui vivaient, qui riaient, et qui pleuraient. Mais chacun, jour après jour, continuait à se battre à son échelle. Ils luttaient pour continuer à vivre, pour continuer à sourire.
Mon regard se porta vers le ciel, et les autres îles qui y flottaient. Avec Draco, nous n'avions pas besoin de parler. Nous savions où était notre place. Il allait nous falloir retourner en première ligne, reprendre les armes et combattre au front.
Nous ne pouvions pas savoir combien de temps ça prendrait, mais nous allions nous battre, jusqu'au bout. Il fallait mettre un terme à ce jeu mortel, pour que chacun puisse en sortir et retrouver le sourire. Nous allions réaliser le souhait d'Ariana, apporter de la joie à ceux que nous rencontrerons, et sortir tout le monde de là.
"Dit Pyrrah." M'interpella Draco.
"Oui?"
"Qu'est ce qu'il adviendra d'Ariana si nous terminons le jeu et que ce monde disparaît?" Cette question semblait vraiment l'inquiéter, et j'espérais pouvoir le rassurer.
Je lui expliquai donc que pendant que je la transformais en cristal, je l'avais également sauvegardée dans la mémoire de mon VirtualRing. je ne savais pas encore comment je pourrai la matérialiser dans le monde réel, mais j'étais persuadé que ça serait faisable. Peut-être pas tout de suite, mais un jour. Et j'avais bien l'intention de ne pas lâcher le morceau.
"Super. Donc nous pourrons la revoir dans l'autre monde. "Sa confiance me faisait réellement plaisir.
Lui non plus ne lâcherait pas l'affaire. Sa main se saisit à nouveau du cristal et un sourire fleurit sur ses lèvres. Je ne savais pas ce qu'Ariana lui avait peut-être murmuré, mais ça l'avait apaisé.
C'est relativement en paix que nous rentrâmes dans notre foyer, bien décidés à profiter au maximum du temps qui nous resterait ici. Nous savions que nous allions retourner au front, mais en attendant, nous allions profiter au maximum de la paix de ses lieux, pour la retransmettre au plus de monde possible.
Cette nuit là, nous nous endormîmes simplement dans les bras l'un de l'autre, repensant à une fillette qui avait chamboulé notre monde en l'espace de quelques jours seulement.
