20 juin 1507 : sans me laisser le temps de réfléchir, le sorcier envoie un nouveau Stupéfix. C'est d'extrême justesse que j'arrive à le parer d'un Protego maladroit, qui dévie le sortilège sur le côté. Je bondis pour éviter l'attaque suivante, et me relève tant bien que mal.
Si mes notes en Défense Contre les Forces du Mal n'étaient pas trop mauvaises, je ne suis pas un duelliste. Et clairement, je manque de pratique. En quelques instants, je suis débordé, forcé de reculer encore et encore. Mon adversaire est puissant. S'il ne m'a pas encore terrassé, c'est uniquement parce qu'il ne prend aucun risque. Il ne cherche pas à m'atteindre au plus vite par un torrent furieux de sortilèges, mais s'avance petit à petit, implacable, ses défenses impénétrables m'enlevant toute possibilité de contre-attaquer.
Ses attaques se font plus précises. Maintenant, il ne lance plus seulement des Stupéfix mais aussi d'autres sorts, que je ne reconnais pas, et que mes Protego ne dévient pas aussi bien. Voilà ensuite une sorte de double attaque, envoyée d'un unique coup de baguette. A l'avant, un premier jet d'étincelles bleues fait tout simplement disparaître mon Charme du Bouclier, dans un crépitement d'énergie.
Ce qui ouvre le passage au second maléfice, qui fuse droit vers ma tête. J'esquive par miracle, ou plutôt, je n'esquive qu'à moitié. Les étincelles jaunes frappent mon bras gauche, qui tombe, flasque. Je ne sens plus rien dans ce bras, ne peux plus le bouger…
Il me faut une solution, et vite ! Le problème, c'est que mon opposant ne me laisse aucun répit, aucune chance de m'en sortir. Je recule encore, avant de comprendre que je ne peux pas m'enfuir plus loin. Juste derrière moi, un ravin assez profond me bloque toute retraite. Je manque d'y tomber en évitant un nouvel assaut. Que faire ? Combattre n'est pas possible, l'autre sorcier est bien plus puissant. Et fuir… Par où fuir…
L'attaque suivante m'envoie rouler au sol, juste au bord du ravin. Je ne peux pas me redresser. Le sol se dérobe sous mes pieds, mon bras gauche pend toujours, inutile… Tandis que ma main droite se cramponne à ma baguette. Je n'ose pas la lâcher pour saisir une branche, et me tortille au bord du gouffre sans réussir à me relever. Mon assaillant n'est plus qu'à quelques pas, et je ne tiendrai pas un assaut de plus. Derrière moi, plusieurs mètres de vide me barrent la route. L'Espagnol en pourpoint noir lance à nouveau son attaque double, un éclair bleuté balayant mon Bouclier, suivi du maléfice jaune pâle qui m'a blessé au bras.
Acculé, j'opte pour le seul plan qui me passe par la tête : sauter dans le vide. C'est dangereux, stupidement dangereux, mais dans le feu de l'action je ne réfléchis pas vraiment. Je roule sur le côté pour éviter les étincelles jaunes et bascule dans le ravin. Pendant un court instant, je me retrouve hors de vue du sorcier. Avec un crac sonore, je transplane, priant pour disparaître assez vite, assez vite pour ne pas me prendre un nouveau maléfice, assez vite pour ne pas m'écraser contre les rochers, en contrebas.
Et je m'écrase bel et bien, mais contre du sable. Je suis de retour sur la plage, près de mon campement. Ma chute me laisse sonné, plusieurs de mes côtes ont dû se briser sous le choc. Je reste étendu par terre un long moment, incapable de bouger. Mon bras gauche est toujours inerte, respirer me fait mal, et je suis couvert de sang. Des dizaines de coupures et contusions parsèment mes membres, là où je me suis cogné en esquivant les sortilèges.
J'ignore combien de temps je suis resté ainsi immobile. D'un côté, la partie rationnelle de mon esprit s'inquiétait de mes blessures, et, toujours plus pressante, m'incitait à rentrer au plus vite en Angleterre, pour trouver un guérisseur. De l'autre, l'épuisement m'empêchait de bouger.
« Repose-toi, me soufflait la fatigue. Juste encore un peu. Tu ne peux pas transplaner comme ça, tu risques un accident, tu vas désartibuler. »
Je somnolais ainsi, jusqu'à ce qu'un oiseau, rouge et or, finisse par s'approcher, depuis les frondaisons de la jungle. Il se posa tout près, avant de se transformer en un Indien à la peau couverte de peintures éclatantes, son abondante chevelure ornée de plumes rouge écarlate.
Encore à demi-inconscient, je vis le sorcier m'examiner, puis passer la main au-dessus de mon corps en psalmodiant à voix basse. Il m'aida à boire un peu d'eau et à m'allonger plus confortablement sous une tente, avant de s'éloigner quelques instants. Lorsqu'il revint, ce fut avec un assortiment de plantes et de poudres, qu'il mélangea pour fabriquer une sorte d'onguent.
Appliqué sur mes plaies, le remède stoppa tout saignement, et la douleur dans ma poitrine s'apaisa. Je respirais soudain plus librement, et finis par me laisser enfin sombrer dans un sommeil profond et sans rêves.
