Hum hum... et oui, vous ne rêvez pas ! Plus d'un an après le dernier chapitre, nous voici de retour ! J'espère qu'il vous plaira parce qu'il n'a pas été facile à écrire et qu'il vous permettra de se changer un peu les idées dans cette période morose qui dure qui dure qui dure... depuis presque plus d'un an désormais. En espérant que vous alliez bien ainsi que vos proches, nous vous souhaitons une bonne lecture ! :)
Erell
- Alors toi et Dubois, hein ?
La remarque a le mérite de me prendre totalement par surprise et je manque de tomber de l'escabeau sur lequel je suis actuellement perchée, en train d'essayer tant bien que mal d'accrocher des guirlandes de pin autour d'un pilier de marbre. Décembre a rapidement succédé à novembre et c'est sous la houlette de Rusard que les préfets et préfètes sont chargés de décorer le château en ce dimanche. Ce qui aurait pu être une tâche sympa s'avère en vérité pas loin du calvaire en partie en raison de l'esprit frappeur qui a décidé de se joindre à nous. La matinée est à peine entamée que Peeves a déjà tenté de m'étrangler avec une guirlande de gui et attaqué Kenneth Towler et Rusard à coup de boules de Noël, cassant au passage une partie de la décoration sous les jurons de notre concierge bien-mal-aimé.
Je jette un regard de reproche à ma meilleure amie qui pour toute remarque hausse un sourcil en stabilisant mon escabeau.
- Hum… je… je ne sais pas… c'est bizarre einh ?!
- Non, non. Pas vraiment.
La perspective d'un « Dubois et moi » dans un avenir proche ne semble pas du tout l'émouvoir. En fait, elle me semble même bien plus sereine que moi sur le sujet. Comme si elle avait toujours su que cela devait arriver un jour, et que la seule incertitude qu'elle ait sur le sujet en soit la date. Parfois Susan se prend pour Trelawney. Et parfois elle a vraiment raison sur des trucs qui se réalisent, ce qui en un sens la rend bien plus effrayante que notre professeure de divination.
- Enfin je veux dire… si ça se trouve il aura oublié d'ici la sortie à Pré-au-Lard… et si ça se trouve il a pas du tout dit ça dans le sens auquel tu l'as compris donc bon…
- Et j'aurais compris quoi selon toi ? ricane Susan.
Je ne lui réponds pas et me remets à ma tâche, avec une application toute nouvelle. Rien que le fait de repenser à cette proposition me fait rougir. Aller boire un coup à Pré-au-Lard… Qu'est-ce que Dubois peut bien entendre par là ? Un frisson d'angoisse me parcourt en l'imaginant m'emmener dans le salon de thé de Mme Pieddodu. Pour être passée plusieurs fois devant avec Fred, George et Susan, j'ai pu observer et surtout me moquer des couples occupés à se lécher les amygdales à l'intérieur. La perspective de devenir l'un d'eux m'est donc assez peu alléchante. À vrai dire, je dois bien admettre qu'il n'y a que Susan pour trouver l'endroit et sa décoration rococo « kitsch à souhait, et le kitsch ça a du charme ! ». L'angoisse… Non ! Je le jure sur la barbe de Merlin et les cheveux de Morgane, si Dubois compte me faire entrer là-dedans, ce sera à ses risques et périls !
- Enfin je veux dire… c'était pas vraiment une question si ? Dubois n'attendait pas vraiment de réponse… vu qu'il est parti… et puis c'est pas comme si c'était la première fois qu'il me faisait ce genre de remarques…
- Oh parce qu'il y a des antécédents ? demande Susan les yeux ébahis. De mieux en mieux…
- Eh bien… je sais pas… oui… je crois… j'interprète peut-être…
Je rougis de plus belle ce qui n'échappe pas à ma Poufsouffle d'amie. Je me déteste de réagir ainsi pour ce qui n'est en soi rien de plus qu'une simple proposition amicale. Enfin, que j'espère amicale pour le bien de mon cœur. Le fait que cela semble amuser Susan m'embête d'autant plus mais je ne peux guère lui en vouloir. Comme dirait Djem' « Tout est une question de karma » et c'est malheureusement le retour du bâton pour des années de fous rires étouffés à propos de ses amourettes avec Tyler et son faible pour Georgie.
- Et donc tu es parvenue à une réponse ? continue mon amie sans se formaliser de ma gêne plus que ça.
Je grogne. La date de la prochaine sortie à Pré-au-Lard, convenue pour le dernier week-end de décembre avant les vacances, approche à grands pas et il ne me reste plus que deux petites semaines déjà bien entamées pour me décider sur la démarche à adopter.
- Si par réponse tu entends une liste de possibles excuses à lui sortir au cas où il n'aurait pas oublié sa proposition, alors je commence à y voir plus clair. J'hésite toujours entre une intoxication à la Poudre à Roter et l'entraînement de Quidditch cela dit… mais je crois qu'il me reste une des pastilles que les jumeaux nous ont offertes…
- Ah non, pas de ça, m'interrompt Susan pendant que nous changeons de pilier de marbre. Si tu ne le sens pas, dis-le-lui ! Mais ne trouve pas une excuse pourrie pour éviter la confrontation, c'est nul !
Je soupire mais elle a raison. La partie rationnelle de mon cerveau le sait, si je me pose des questions quant à ce que Dubois peut bien me vouloir alors autant les poser directement au principal intéressé qui se fera un plaisir d'y répondre. Seulement, la partie non-rationnelle de mon cerveau voudrait partir en courant. Parce que je ne suis pas certaine de ce que je veux, d'avoir envie d'entendre ses foutues réponses, j'ai peur d'être déçue, que leur teneur me déplaise ou pire, qu'une fois les choses dites et clairement explicitées, je ne sois plus en mesure de me rétracter. J'ai peur que lui aussi ait des questions et que moi je n'aie aucune réponse à lui donner parce que quand il est en face de moi, parfois, mon cerveau cesse un peu de fonctionner.
Parce que ce n'est pas tant la perspective d'aller boire un verre avec Dubois qui m'effraie, non ! C'est plutôt tout ce que sous-entend cette proposition qui me fait peur. S'il y a bien un domaine qui m'est inconnu ce sont les relations amoureuses mais même moi j'ai fini par remarquer que Dubois et moi nous rapprochions – en partie grâce aux remarques de Susan et Rose, mais soit. Nous passons plus de temps ensemble, nos discussions sont plus matures et posées ce que j'apprécie grandement et l'année dernière il m'a même offert des Fizwizbiz pour la Saint Valentin (que je n'ai jamais osé manger par ailleurs sans pour autant me résoudre à me débarrasser de la boîte !).
- Tu n'as rien à perdre à aller prendre ce verre avec lui, continue Susan en montant sur l'escabeau pendant que c'est mon tour de le maintenir en place. Et puis si c'est vraiment si terrible que ça, on n'a qu'à reprendre mon idée de signal et j'arriverai en prétextant que Fred et George ont besoin de toi pour faire leur devoir de potions sinon c'est la retenue. C'est une excuse tout à fait plausible et on se sauvera easy peasy !
- Seulement si je ne meurs pas de stress aigu avant…
- Dis-moi quelque chose que je ne sais pas déjà ! plaisante mon amie en terminant d'accrocher sa guirlande.
- Euh… Vénus va croiser la trajectoire de la Lune cette nuit. Si on se lève assez tôt on pourra peut-être observer le phénomène à l'aube…
- Humpff… quelque chose que je ne sais pas et qui m'intéresse… attends ! Tu es sérieuse à propos de Vénus et de la Lune ?
- Affirmatif !
Susan se frappe le front de la main et pousse un soupir de découragement.
- Sacrebleu ! Je vais devoir reprendre cette foutue carte d'Astronomie qui est à rendre pour demain ! Je me suis complètement plantée sur la trajectoire de Vénus !
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Le lendemain, c'est une Susan beaucoup moins moqueuse qui rend toute penaude son devoir d'Astronomie sous le regard perplexe du professeur Sinistra. Cette dernière nous sert un discours bien ficelé sur la nécessité de ne pas relâcher nos efforts pendant les vacances à venir si nous voulons avoir une chance pour nos BUSEs. Discours qui est repris par une partie du corps enseignant, avec une mention spéciale angoisse et stress pour McGonagall et Rogue. Il n'y a bien que Flitwick et Hagrid qui semblent être gagnés par l'ambiance de Noël. Le premier a décoré sa classe de petites fées scintillantes et le second nous offre un cours magique – sans mauvais jeu de mots – en nous apportant des licornaux à nourrir. Cette attention a le mérite de ravir les filles, moi y compris car c'est la première fois qu'il m'est donné l'occasion d'en voir de si près, mais de faire grogner la gent masculine, obligée de rester en retrait pour leur sécurité. En effet, les licornes se laissent plus facilement approcher par les sorcières que par les sorciers.
Le temps, lui, semble s'être enfin calmé. Exit la pluie glacée incessante, bonjour le givre. Le ciel s'est même teinté d'un bleu blanchâtre annonciateur des premières neiges. Dans l'ensemble, la perspective de Noël, des vacances et d'une sortie à Pré-au-Lard sont des évènements suffisants pour reléguer aux oubliettes le fait que Black ait pénétré l'école, quelques semaines auparavant. Même Dubois est animé d'une énergie toute nouvelle suite à la victoire de Serdaigle, et a remis son équipe sur la voie des entraînements intensifs. Non pas que j'en sache quelque chose puisque j'ai tendance à l'éviter depuis quelques jours, mais les jumeaux ne tarissent jamais de plaintes à ce sujet.
Non, le seul qui semble tirer une tête d'enterrement dans cette joie ambiante – mis à part les cinquièmes et septièmes années qui croulent sous les devoirs s'entend (et encore j'ai parfois l'impression que même nous sommes plus heureux) – c'est Potter.
- C'est à cause de son balai, nous informe Fred, pendant un temps libre que nous avons en commun et que nous avons décidé de passer tous les quatre dans les cuisines.
- Il ne l'a toujours pas remplacé ? demande Susan.
Le Nimbus 2000 de Potter s'est écrasé sur le Saule Cogneur après que son propriétaire s'est écrasé au sol, lors du match contre Poufsouffle. L'arbre magique étant un peu susceptible, le pauvre balai n'a pas survécu et malgré les tentatives de McGonagall et de Dumbledore pour récupérer les morceaux et le réparer, l'attrapeur de Gryffondor est désormais sans monture.
- Non. Il a dû emprunter un vieux Comète lors du dernier entraînement. Dubois était fou !
- Il n'y a pas que ça, ajoute George. Son oncle et sa tante ont refusé de signer son autorisation de sortie et comme la sortie à Pré-au-Lard approche, j'imagine que ça joue forcément !
- Ron et Hermione ne restent pas avec lui ?
- Harry aime bien jouer les martyrs, me répond Fred d'un ton fataliste avant de se pencher sur mon épaule. Alors que penses-tu de mon devoir de potions ?
- Beaucoup de choses… pas vraiment positives, j'en ai bien peur…
Fred ne se formalise pas du tout de ce fait et replonge dans le plat de mignardises mis à notre disposition par les elfes de maison. Intriguée, Susan vient jeter un coup d'œil au devoir en question avant d'éclater de rire.
- Ahaha, tu as osé répondre « un bézoard » à toutes les questions sur les antidotes ! Ahaha, excellent je n'y avais pas pensé !
Devant mon regard perplexe, elle s'empresse de corriger d'un air grave.
- Cela dit je doute que ce soit la réponse que Rogue attend.
- Vous savez, il me fait vraiment de la peine Harry, intervient la voix de George. À rester tout seul dans le château pendant que tout le monde s'amuse à Pré-au-Lard !
Son intervention a le mérite de nous faire changer de sujet.
- Et tu voudrais faire quoi ? Signer son attestation et se faire passer pour sa famille Moldue ? Je suis presque certaine que McGonagall ne se laissera pas berner…
- On pourrait lui donner les moyens de sortir du château, me coupe George.
Un petit silence suit sa proposition, le temps pour moi de comprendre à quoi il fait référence.
- Non. Hors de question !
- Oh ! Allez, Erell, fais pas ta préfète !
- Ce garçon est déjà en danger de mort permanent, on ne va pas en plus lui donner les moyens de sortir du château alors que c'est l'endroit le plus sécurisé qui existe en ce moment !
- Justement, fait Fred apparemment très fier de lui. En lui donnant la carte, il aurait un moyen de voir le danger venir de loin !
- Oh ! Parce que vous ne voulez pas juste l'informer sur le passage secret de la Sorcière Borgne ? Vous voulez carrément lui donner la carte ? interroge Susan, perplexe.
- Le problème avec Potter, c'est que je ne sais pas s'il attire le danger à lui, ou si c'est le danger qui l'attire, je contre. Et je ne suis pas certaine que, s'il voit un jour s'afficher Tu-Sais-Qui ou Sirius Black sur la carte, il n'aille pas se jeter tout droit dans la gueule du loup !
- Oh, il le ferait certainement, approuve Fred. C'est ce qui rend Harry beaucoup moins ennuyant que Ronnie ! Il sait ce que le mot panache signifie !
Une furieuse envie de frapper mon meilleur ami me titille les mains mais je m'abstiens pour le bien de notre amitié.
- Je ne sais pas trop… intervient Susan, hésitante. Je suis mitigée…
- Sur le fait qu'Erell est en train de devenir une version féminine de Percy ?
Je foudroie George du regard. Évidement que les deux frères allaient se couvrir l'un et l'autre ; les deux se partagent un seul et même cerveau !
- Sur le fait de donner la carte à Potter, explicite mon amie. L'intention est noble… et c'est très… altruiste de votre part…
George bombe le torse fièrement ravi, tandis que Fred se tourne vers moi et me lance un regard perdu que j'interprète comme « qu'est-ce que ça veut dire altruite ? ».
- … mais, je veux dire, elle est vachement utile cette carte quand même. Et elle nous a empêché plusieurs fois de nous retrouver dans de sacrés pétrins…
- Harry a eu son lot de pétrin aussi ! proteste George. Laissons-le s'amuser pour une fois, sans qu'il ait à craindre de finir en retenue !
- Ce n'est pas le fait qu'il finisse en retenue qui m'inquiète, je surenchéris.
- Et si on avait besoin de la carte dans le futur ? Pensez à tout ce que l'on pourrait encore faire avec elle ! On pourrait… Je sais pas moi… se retrouver ? continue Susan, les joues étrangement rouges et la voix un peu plus aiguë.
- Susie, Susie, fait Fred en secouant la tête de droite à gauche. Cette carte est un don, c'est vrai, mais après cinq ans passés avec elle, elle n'a plus rien à nous apprendre.
- On connaît tous les passages secrets…
- … tous les raccourcis…
-… et toutes les cachettes…
- … qu'il y a connaître !
- Résultat : même si on tombe sur Rusard…
- … ou sur un autre professeur…
- … on sera parfaitement en mesure de le semer !
- Je serais même tenté d'ajouter que la crainte de se faire prendre rajoutera un peu de piquant à nos sorties nocturnes devenues bien trop sages depuis quelques années, conclut Fred en tapant dans la main de son jumeau.
- Et puis en plus, elle commence à montrer des signes de défaillance, nous informe George d'un ton blasé. La dernière fois j'ai vu Peter Pettigrow dormir à côté de Ron dans le dortoir des garçons, alors que tout le monde sait qu'il est mort et que Ron ne partagerait jamais son lit avec quelqu'un de plein gré !
- Génial, donnons un objet magique défaillant et possiblement dangereux à un adolescent de treize ans passionné par tout ce qui peut représenter un danger pour sa vie ! j'ironise.
Fred lève les yeux au ciel.
- Ne sois pas aussi dramatique !
- Je ne le suis pas. Je suis responsable.
- Alors ne le sois pas !
- Il faut bien que quelqu'un le soit, puisqu'aucun de vous deux ne l'est ! je proteste.
Susan, elle, ne semble pas avoir dit son dernier mot et abat une dernière carte sur la table dans ce qui m'apparaît très vite comme étant une tentative désespérée.
- Bon, techniquement, même si la carte est en votre propriété, nous sommes actuellement quatre à en avoir l'usage…
- Seulement à mi-temps pour deux d'entre-nous dont je tairai les noms, souffle George.
- … donc, continue Susan sans tenir compte de l'aparté de notre camarade, nous devrions voter !
- Pour quoi faire ? George et moi avons trouvé la carte ! Elle nous appartient !
- Seulement parce qu'Erell et moi avons fait diversion avec Peeves pour que Rusard sorte de son bureau ! note Susan. On est aussi légitimes que vous à posséder cette carte !
- Ne le prends pas mal Susan mais on aurait totalement pu se débrouiller sans votre aide, sur ce coup, fait George d'un haussement de sourcil.
Je crois que cette dernière remarque est ce que l'on pourrait appeler un coup fatal pour Susan et moi. Les traits de mon amie s'affaissent le temps d'une demi-seconde avant qu'elle se reprenne et grogne quelque chose d'incompréhensible dans sa barbe. Quant à moi, je fronce les sourcils, touchée par autant d'ingratitude de leur part et jette un regard à Fred qui se contente de hocher la tête d'un air fataliste.
- Faites ce que vous voulez, je me désolidarise, je soupire. Mais je tiens à vous rappeler qu'il y a un mage noir dans la nature qui en a très certainement contre lui. Si Harry meurt, vous aurez sa mort sur la conscience !
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Le soir, c'est encore agacée par cette conversation avec les jumeaux que je profite d'une soirée sans ronde, pour me reposer dans la Salle Commune de Serdaigle. Enfin reposer, tout est relatif, puisqu'il s'agit surtout pour notre trio, Emma, Rose et moi, de terminer ce devoir de botanique sur le chou mordeur de Chine. Une douce vague de murmures et de chuchotis berce la pièce circulaire, illuminée par la couleur chatoyante des flammes dansant gaiement dans l'âtre de la cheminée, et qui se reflètent sur les étoiles argentées parsemant le plafond en dôme.
Un sapin a été placé dans l'alcôve en face de l'entrée, obscurcissant la vue à la statue de mon ancêtre, et des chaussettes portant le nom des élèves ont été accrochées un peu partout dans la pièce. Dans une alcôve, Davies est occupé à parler avec entrain avec une quatrième année et je devine aux mouvements qu'il fait, qu'il doit être en train de mimer ses exploits au Quidditch. Près du feu, la jumelle Patil est plongée dans la lecture d'un énorme livre que je parviens à identifier, sûrement pour l'avoir moi-même beaucoup parcouru, comme étant L'Histoire de Poudlard. Elle est vite rejointe par ses quelques camarades de promotion, parmi lesquels Goldstein, Corner et Boot. À quelques pas d'eux, Chang et une de ses amies font une partie de Bataille Explosive et sur ma droite Carmichael rédige un devoir de Métamorphoses avec ardeur. La directrice des Gryffondors s'est montrée exceptionnellement dure avec lui depuis qu'elle a appris qu'il était celui qui se cachait derrière le trafic de Poudre à Roter dans le château. Même Flitwick ne lui adresse plus le moindre bonjour quand ils se croisent désormais ! Quelques premières années se prélassent par-ci par-là et l'envie me prend de vouloir me joindre à eux, mais un claquement de langue d'Emma me ramène sur terre.
- Erell, tu es avec nous ? Je voulais savoir si tu avais réussi à compléter ton schéma de Chou mordeur ?
- Hein… euh, oui, oui, j'ai terminé ! Tiens si tu veux, tu peux regarder ! je lui propose en avançant mon schéma vers elle.
- Non merci, je vais juste me contenter du livre que tu as utilisé. Je suis plus que capable de me débrouiller toute seule !
La phrase sonne avec une pointe d'agressivité mais je laisse passer et me replonge sur mon devoir. Une dispute par jour est suffisante. Je n'ai pas la force de me prendre la tête avec Emma et les jumeaux. Je n'ai pas eu l'occasion de revoir les jumeaux après notre désaccord concernant le futur de la carte du Maraudeur si ce n'est durant le cours de Métamorphoses que nous partageons. Mais la surveillance accrue de McGonagall couplée à sa sévérité habituelle n'en fait pas vraiment le lieu idéal pour s'expliquer. Je sais, même s'ils ne nous le disent pas, que Fred et George nous en veulent de ne plus passer autant de temps avec eux depuis que nous sommes préfètes, Susan et moi. Le regard teinté de mépris de Fred en sortant de la salle de classe en disait suffisamment long. À vrai dire, je le regrette moi aussi. Tout était plus simple sans le poids des responsabilités entre nous.
Mais même si j'aimerais leur accorder plus de mon temps, entre les rondes et les devoirs, les entraînements de Quidditch et les cours, je ne peux guère faire autrement.
- Tu es Erell Donnovan, c'est bien ça ? fait une voix éthérée à ma droite.
Je cligne des yeux en détaillant la nouvelle venue qui est également à l'origine de cette question. Je hoche la tête en détaillant son accoutrement pour le moins inhabituel. Il s'agit d'une élève de deuxième année aux longs cheveux blonds délavés. Ses yeux bleus sont globuleux, et donnent l'impression de rouler sur eux-mêmes. Mais ce qui attire le plus mon regard ce sont ses boucles d'oreilles en formes de radis et le magazine qu'elle tient à l'envers et que j'identifie comme étant Le Chicaneur. La nouvelle venue ne semble absolument pas dérangée par nos trois paires d'yeux qui l'observent, intriguées. Il se dégage d'elle une douceur qui me la rend immédiatement sympathique.
- Je savais que je te trouverais ici, j'ai suivi les Nargoles. Je suis Luna Lovegood.
À l'entente de son prénom, Emma pousse un raclement de gorge qui ressemble étonnement à un rire moqueur étouffé. Je fronce les sourcils mais Luna ne semble pas s'en offusquer.
- Oh tu peux rire, mais je serais toi, j'irais plutôt consulter Mrs Pomfresh, tu as le cerveau infesté de Joncheruines !
- Qu'est-ce que sont les Joncheruines ? demande Rose dans un intérêt sincère.
- Des créatures qui n'existent pas, réplique Emma en retroussant son nez en signe de dégoût.
- Ce n'est pas parce que tu ne peux pas voir quelque chose que cela n'existe pas, réplique Luna avec force avant de se tourner vers Emma avec sérieux. Je peux les entendre, ils sont très nombreux.
- Euh… tu voulais me voir Luna ? je demande pour couper court à tout débat entre elle et Emma concernant l'(in)existence possible des Joncheruines.
La deuxième année reporte son attention sur moi et sourit doucement.
- La Dame Grise m'a dit que tu pourrais m'aider à retrouver mes affaires, m'explique-t-elle. D'ordinaire je n'y prête pas beaucoup d'attention mais j'ai besoin de les retrouver avant de rentrer chez mon père ou sinon il va se faire du souci pour moi et ça m'embêterait beaucoup.
- T'aider à retrouver tes affaires ? Oui, bien sûr ! Tu sais où tu les as perdues ? je demande en sortant ma baguette.
Voilà qui me fera une excellente raison de réviser mon sortilège d'Attraction.
- Non, m'avoue Luna. Ce sont les autres qui me les ont prises. Mais j'ai fait une liste de tout ce qui a disparu…
- Les autres ? Les élèves ?
- Mmmh, ça les amuse beaucoup de faire ça. Moi moins mais comme j'aime bien marcher pieds-nus je laisse passer. Et puis les choses finissent toujours par revenir, me disait ma mère, alors à quoi bon perdre mon énergie à les chercher… Et avec tout le gui qu'il y a en ce moment dans l'école, ça ne m'étonnerait pas que ce soit un coup des Nargoles, termine Luna sur le ton de la conspiration.
- Mais tu aurais dû venir me voir avant ! je m'exclame, indignée d'apprendre que des élèves s'amusent à lui voler ses affaires.
- Ce que je t'ai dit te contrarie, je n'aurais pas dû t'en parler. Excuse-moi, je vais aller manger du pudding, j'adore le pudding…
- Non ! Attends, Luna !
Je me lève précipitamment pour la rattraper.
- Donne-moi ta liste, je vais voir ce que je peux faire pour tes affaires. Mais tu dois me promettre de venir me voir si jamais tu t'apercevais que d'autres de tes affaires disparaissaient… afin que… je puisse prendre les mesures nécessaires… contre les Nargoles dans l'école.
Le visage de Luna s'illumine d'un grand sourire et elle me tend sa liste qui fait presque une page entière. Je note que l'item collier bouchons Bièraubeurre a été souligné deux fois avec insistance. Sûrement une valeur sentimentale. Sans que j'arrive à me représenter exactement quel genre de bijou cela peut être, je fourre la liste dans mon agenda en prenant bien soin de la mettre avec tous les autres papiers de type important.
- La Dame Grise m'avait prévenue que tu étais gentille et très à l'écoute. Elle ne s'était pas trompée, me remercie ma camarade de maisonnée en me fixant de ses yeux globuleux.
- Oh... euh… eh bien, merci, fais-je, gênée par l'observation minutieuse qu'elle fait de moi. Tu as quelque chose d'autre à me dire peut-être ?
- Oh ! Tu veux que je m'en aille, c'est ça ? Tu es juste trop polie pour le dire… je comprends. Je vais aller manger du pudding aux cuisines alors… je ne sais pas si je te l'ai déjà dit mais j'adore le pudding !
Je la regarde s'éloigner en gambadant gaiement. Rose semble toujours sous le choc de cette rencontre pour le moins improbable et lunaire tandis qu'Emma est prise d'un rire moqueur.
- Elle aurait dû finir dans un asile au lieu d'aller à Poudlard celle-là…
Ce qui était dit comme une plaisanterie a le don de me faire froncer les sourcils. Emma a beaucoup de qualités mais elle a la fâcheuse tendance à pouvoir se montrer très moqueuse, trop parfois, allant même jusqu'à frôler la cruauté. Je l'avais déjà remarqué par le passé mais je l'acceptais peut-être un peu par lâcheté et peur de me prendre la tête avec la première amie que je me suis faite au sein de ma maison, ou bien parce que jusqu'à présent Emma n'avait jamais réellement franchi le cap de la méchanceté gratuite. Seulement depuis ce début d'année, je n'ai pu m'empêcher de remarquer que ses remarques acerbes s'accentuaient, allant même jusqu'à faire crépiter l'atmosphère habituellement détendue au sein de notre petit groupe. Je ne suis pas dupe pour autant. Je sais parfaitement que si elle se montre aussi méprisante face à Tyler en Potions, c'est seulement pour se sentir supérieure alors qu'elle même à beaucoup de mal à produire un élixir de Force correct.
- Je ne suis pas certaine que cette remarque soit très pertinente, lui fait remarquer Rose d'un ton froid en me sortant de mes pensées.
Je me rappelle subitement que la mère de Rose a passé quelques mois dans un établissement pour Moldus spécialisé dans les problèmes psychatriotiques ? Psychotriques ? Elle nous en a fait la confidence il y a de cela maintenant trois ans, en nous expliquant que sa mère, déjà malade auparavant, avait eu beaucoup de mal à accepter que sa fille unique ne soit pas « normale », à l'instar de ses deux frères aînés. Voilà qui explique son brutal changement d'humeur.
- Ce n'est pas comme si j'étais la seule à le penser pourtant ! Les Serpentards l'ont surnommée Loufoca Lovegood !
- Et bien la prochaine fois que tu te demandes pourquoi Dumbledore ne t'a pas choisie comme préfète, j'aimerais que tu te rappelles ce moment, fait Rose avant de claquer avec violence ses livres et de partir vers notre dortoir.
Je reste silencieuse un instant avant de ranger mes livres à mon tour. Emma me regarde et j'ai l'impression qu'elle attend que je lui dise quelque chose, n'importe quoi, qui viendrait excuser le comportement de Rose.
- Je vais voir comment elle va, je marmonne. Mais je pense qu'il est nécessaire que tu t'excuses auprès d'elle si tu veux qu'elle te reparle. Elle a raison sur un point : ta remarque n'était pas pertinente.
Et sans attendre sa réponse, je monte rejoindre mon amie.
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Le lendemain, je constate que les relations ne sont toujours pas au beau fixe entre mes deux amies. Emma s'est levée plus tôt que d'habitude et ne lâche pas Helen de la journée quand Rose semble décidée à ne pas lui adresser un regard tant qu'elle ne lui aura pas présenté de quelconques excuses. Après quelques tentatives pour jouer les intermédiaires, j'abandonne rapidement en voyant qu'aucune des deux ne montre véritablement l'envie de mettre de l'eau dans sa bière, et de faire le premier pas.
C'est le vendredi avant la sortie à Pré-au-Lard que je fais part à Susan et à Rose de mon stratagème, durement imaginé, au cas où Dubois serait pris d'une envie de mettre sa menace à exécution et d'aller boire un verre avec moi. Je n'ai pas réellement eu l'occasion de le recroiser et la tension latente entre les jumeaux et moi m'a donné une excellente excuse pour ne pas m'attarder à la table des Gryffondors, mais Rose m'a confié l'avoir surpris plusieurs fois à me regarder lors des repas. Ce que je savais déjà par ailleurs, parce que je le regardais peut-être un peu moi aussi… Isolées dans la première salle de classe vide que j'ai pu trouver, je leur montre l'idée que j'ai eue, il est vrai, aidée par Rose.
- Alors voilà, je leur explique en sortant trois bagues parfaitement identiques de ma poche. J'ai effectué un simple sortilège de Réplication à partir d'un de mes bijoux et un maléfice Cuisant.
Susan regarde la bague argentée ornée d'une fine pierre rosée avec intérêt et la passe à son doigt.
- Quartz rose ? J'aime bien ! C'est joli… plein de belles propriétés !
Je hoche la tête avant de passer également la mienne à mon index et d'attendre que Rose en fasse de même.
- Comment ça marche ?
- Si je la tourne trois fois autour de mon doigt avant de placer la pierre vers l'intérieur c'est le signal d'alerte. Vos bagues se mettront immédiatement à chauffer, rien d'insoutenable rassurez-vous, mais comme ça vous savez que j'ai besoin que vous rappliquiez illico presto !
- On a fait le test dans notre dortoir tout à l'heure et ça marche très bien, affirme Rose en montrant sa main ornée à Susan qui éclate de rire.
- Oh mais je n'en doute pas ! Même si j'espère bien que tu n'auras pas à t'en servir, fait Susan en m'adressant un clin d'œil qui a le mérite de me faire rougir de la racine de mes cheveux jusqu'aux oreilles, et pouffer mes amies.
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Le samedi après-midi, c'est comme à notre habitude que Rose et moi descendons dans le Hall pour rejoindre nos camarades Poufsouffles qui nous attendent pour aller à Pré-au-Lard. Je sais par avance, même si nous n'en avons pas rediscuté entre nous, que les jumeaux ont décidé de donner la carte du Maraudeur à Harry. Il n'y a qu'à voir la manière dont ils le fixent, sans aucune subtilité, ni gêne, alors qu'il salue tristement Ron et Hermione de la main, et la manière dont ils laissent Lee partir devant eux en prétextant avoir quelque devoir à finir avant de le rejoindre, pour comprendre qu'ils attendent de pouvoir se retrouver seuls avec lui pour lui transmettre leur héritage.
Je ne m'en offusque même pas et hoche simplement la tête dans leur direction pour leur signifier mon assentiment prudent. George lève un sourcil incrédule mais Fred m'adresse un clin d'œil qui me réchauffe un peu le cœur. Heureusement que ce crétin n'a pas de mémoire, sinon il ne serait pas aussi aisé de se réconcilier avec lui !
- Euh… Erell ? Je pense que je vais te laisser, murmure la voix bizarrement aiguë de Rose à ma droite alors que nous finissons de descendre les marches vers le Hall.
Je détourne mon regard des jumeaux pour voir que Dubois se dirige droit sur nous, droit sur moi !... et cette fois-ci c'est définitif, une montée d'angoisse me serre la poitrine. Ce dernier m'adresse un sourire radieux, un brin moqueur, comme s'il savait pertinemment l'état de stress dans lequel je me trouve, par sa faute.
- Erell, me salue-t-il de sa voix grave avant de se tourner vers ma camarade. Byrnes, je crois que tes amies t'attendent, il me semble…
Rose me lance un dernier regard avant de rejoindre Susan, Jude et Djemilah qui nous observent de leur place dans une vaine tentative de discrétion. Je leur adresse un salut rapide de la main dans ce qui se veut être une attitude détendue, mais qui ressemble plus j'en ai peur, à une grimace crispée.
- Tu veux peut-être les rejoindre ? demande Dubois alors que nous regardons tous les deux mes amies s'éloigner.
Je comprends immédiatement qu'il a perçu la tension qui émane de moi, peut-être en partie dû au fait que je suis parfaitement incapable de soutenir son regard plus de trois secondes, et qu'il me laisse là une porte de sortie. Il n'y a aucune trace d'aigreur ou d'agressivité dans sa voix d'ailleurs, mis à part peut-être un semblant de crainte à l'idée de se faire ainsi rejeter. Bizarrement l'idée que je puisse moi aussi lui faire peur me rassure quelque peu, tout comme le fait de constater sa prévenance. Je souffle un bon coup, rassemble tout le courage dont je dispose et franchis les quelques marches qui nous séparent.
- Tout dépend, je murmure en levant le menton car le bougre est quand même bien plus grand que moi.
- Tout dépend de quoi ? me demande-t-il, perplexe face à ma réponse ambiguë.
- Tu ne comptes pas m'emmener chez Mme Pieddodu, n'est-ce pas ?
La question semble le prendre de court car il marque une courte pause alors que nous traversons le parc, avant d'éclater de rire. Tout le courage que j'avais amassé s'évanouit comme neige au soleil.
- Non parce que si c'est le cas, je préfère le savoir comme ça si j'entraperçois une possibilité de m'enfuir, je la saisirais, tu comprends…
- Donnovan, m'interrompt-il d'une voix soudain très sérieuse et en plantant son regard dans le mien. Le jour où je mettrai les pieds dans cet établissement n'est pas encore venu… même si tu me le demandais à genoux !
Je rosis légèrement à la fin de sa phrase mais pousse un petit soupir de soulagement. J'ai cru déceler une pointe de dégoût dans sa voix à la mention de l'endroit. Voilà qui est définitivement rassurant !
- Oh ! Eh bien dans ce cas, dis-je en réordonnant mes cheveux derrière mes oreilles et avec un entrain nouveau, allons boire ce verre !
Le trajet jusqu'à Pré-au-Lard se passe exceptionnellement bien. Ni Dubois, ni moi ne manquons de sujets de conversations, et c'est dans une sérénité tranquille que nous marchons l'un à côté de l'autre, les mains dans les poches, alors que la neige tombe à petits flocons. Je dois même avouer que quand Dubois veut bien se donner la peine de parler d'autre chose que de Quidditch, c'est un interlocuteur très intéressant. Ce que je savais déjà, au vu de nos échanges épistolaires de cet été mais jusqu'à présent, je me refusais à accepter que cette éventualité puisse exister. Que Dubois puisse être autre chose que le Capitaine de l'équipe de Quidditch de Gryffondor un peu casse-pied qu'il était lors de notre première rencontre.
Je ne peux m'empêcher de noter cependant que Dubois ne prend pas la direction des Trois Balais, et semble au contraire s'éloigner du centre de la petite bourgade. Euh… il ne compte pas m'emmener à la Tête du Sanglier quand même ? Parce que niveau angoisse, on est pas mal, là non plus…
- On ne va pas dans le centre ? je demande. Je croyais que tu voulais qu'on trinque à ma victoire ?
- Toute récompense doit se mériter Donnovan, me répond Dubois d'un air faussement énigmatique.
- J'espérais qu'on passerait par Honeydukes, j'avoue à-demi boudeuse. Pour acheter des sucreries…
Pour toute réponse, le gardien de Gryffondor lâche un petit rire avant de plonger ses mains dans ses poches et de lancer quelque chose dans ma direction. Heureusement pour moi, mes réflexes d'Attrapeuse me permettent de rattraper ladite chose qui se trouve être un paquet de Chocogrenouille.
- J'ai fait des réserves, fait Dubois en haussant les épaules. Je ne voudrais pas que tu meures de faim… et puis, il me semble que je t'en devais une, non ?
Je lui adresse un petit sourire au souvenir de notre échange dans les vestiaires suite à la défaite de Gryffondor.
- Tu ne me devais rien, vraiment, j'ajoute en mordant dans la tête de ma grenouille. C'était un cadeau de réconfort !
- Eh bien considère cela comme mon cadeau de remerciement car désormais je suis de retour dans le tournoi !
Je fais semblant de lever les yeux au ciel mais en vérité je suis touchée par cette attention. C'est à ce moment-là que je m'aperçois que nous avons définitivement quitté le centre de Pré-au-Lard. Je fronce les sourcils.
- Tu m'emmènes à la Cabane Hurlante, c'est ça ? Tu sais qu'avec Fred, George et Susan on y est déjà allé, une fois ? Quand on était en deuxième année ! Quand je dis « allé », je veux dire vraiment, à l'intérieur et tout ! On voulait vérifier si elle était vraiment hantée mais au final, si elle est hantée c'est surtout par les araignées… C'était marrant, George s'est caché dans un vieux placard et quand Susan est entrée dans la pièce, il lui a sauté dessus ! Elle a hurlé comme jamais ! Fred a voulu faire la même chose avec moi mais c'était sans compter sur mes réflexes d'auto-défense et il a fini avec le nez ensanglanté…
Je ne peux m'empêcher de pouffer au souvenir de cette après-midi déjà bien lointaine. Dubois se joint à moi. J'aime bien l'entendre rire. L'espace d'un instant ses traits se détendent, il n'est plus le Capitaine de Quidditch de son équipe, il est juste un adolescent qui profite du moment, et j'aime bien ça. J'aime bien être celle qui le fait rire, je crois.
- J'avais deviné que les jumeaux ne se seraient pas arrêtés aux barrières et au panneau « Interdit d'entrer ! », avoue Dubois, donc j'ai préféré t'emmener ailleurs.
Cette fois-ci nous avons définitivement quitté tout forme de vie humaine. Il n'y a plus que nous et la nature. Pré-au-Lard est assez isolé, c'est ce qui lui permet d'être le village qu'il est, entièrement habité par des sorciers et des sorcières. Autour des habitations, il y a de la lande enneigée avec des petites sentiers tortueux et puis des bois. Nous nous enfonçons entre les quelques arbres clairsemés qui composent l'orée de la forêt. Je me laisse guider par Dubois, n'ayant aucun repère. Mes pas s'enfoncent dans les traces des siens.
- Parfois, j'aime bien me balader dans la campagne environnante quand je vais à Pré-au-Lard, m'explique Dubois. Ça m'aide à réfléchir, me poser, penser à des stratégies de Quidditch… j'ai découvert cet endroit il y a quelques temps, je ne suis même pas certain que quelqu'un sache qu'il existe… J'y vais souvent depuis. Je me suis dit qu'avec un peu de neige, ça ne devrait être que plus sympa…
Je suis son regard et pousse un petit souffle qui se transforme immédiatement en nuage de fumée. En contrebas d'où nous nous trouvons, se trouve un petit ruisseau, à moitié gelé, à moitié liquide qui serpente dans une clairière toute blanche. Le bruit de l'eau qui coule paisiblement et se répercute sur les rochers m'émerveille déjà. L'accès n'est pas facile, assez escarpé, mais je comprends maintenant ce que voulait dire Dubois par « toute récompense doit se mériter ».
Je me précipite immédiatement pour descendre dans la petite clairière sans tenir compte de la main tendue de Dubois, sans doute pensée pour m'aider à ne pas tomber. Le sentier est plein de pièges, racines et rochers affleurants mais une fois en bas, je ne peux qu'être émerveillée et satisfaite. Dubois me rejoint vite et je l'attends avant de me reprendre mon exploration des lieux.
- Donc c'était ça ton endroit secret mystérieux ? je demande en farfouillant dans tous les coins pour ne rien rater.
Je suis certaine que mes joues sont rosies par l'excitation ou le froid, je ne saurais le dire. Le ruisseau est parsemé de rochers ce qui donne l'illusion d'une petite cascade, avant de s'amasser dans une petite cuvette. On se croirait presque sur l'île de Skye, dans une version miniature et réduite des Fayrie Pools. L'eau y est transparente. C'est endroit est vraiment un véritable petit havre hors du temps. Un doute pourtant s'insinue en moi.
- Alors… tu viens souvent ici ?
- Quasiment à chaque sortie à Pré-au-Lard, oui.
- Tout seul ?
Il éclate de rire.
- Pose ta question Donnovan, au lieu de tourner autour du pot !
Je fronce les sourcils, un poil vexée par son rire et le fait qu'il ait lu aussi facilement en moi mais obtempère néanmoins.
- Tu as déjà amené beaucoup de filles auparavant dans ce coin ?
Quand j'avais répété la question dans ma tête, elle était beaucoup plus subtile mais elle est sortie comme un boulet de canon et je crois qu'au final, la réponse que pourra me donner Dubois aura beaucoup plus d'impact, quelle qu'elle soit, que ce je veux admettre. J'ai un peu peur. J'ai un peu froid aussi. Et j'ai un peu envie de faire tourner la bague sur mon index, juste pour partir loin et ne pas à avoir à entendre une réponse qui pourrait me blesser, ou pire, qui appellera à d'autres questions, les siennes cette fois, auxquelles je ne suis pas prête à répondre.
Dubois me fixe un petit moment. Il n'a pas perdu son expression détendue, il est très sérieux. Je sens que lui aussi a compris qu'on était entré dans le vif du sujet, qu'on en avait marre tous les deux de ce jeu, qui nous plaît tant pourtant mais qui stagne un peu. On grandit. Nos envies aussi. On veut plus. Je crois.
- Non. Tu es la première, me répond-il.
Sa voix est grave. Et je sens qu'il est sincère. J'ai envie de le croire. D'y croire. Je hoche la tête. Je voudrais faire un truc drôle pour le faire rire encore, changer de sujet, partir et pourtant je ne fais rien.
- Je crois que je t'aime bien Donnovan, continue Dubois. Je crois que je t'aime vraiment bien, même. C'est même une certitude depuis quelques temps.
Ma respiration se coince dans ma gorge. Mon cœur s'accélère un peu aussi. La neige à mes pieds est vraiment fascinante et pourtant je n'arrive pas vraiment à détourner le regard de Dubois parce que je ressens ce besoin de plonger encore et encore dans le sien.
Je sais qu'il attend que je lui réponde. Mais moi, je ne sais pas trop ce en quoi je crois. Je crois que j'ai surtout envie de pleurer mais pleurer ça fait toujours fuir les gens. Alors je ne pleure pas et j'inspire une profonde inspiration.
- J'ai peur, je lui avoue dans un petit sourire.
Il me sourit aussi. D'un sourire tendre et encourageant. Il fait un petit pas dans ma direction, pas trop grand pour ne pas me faire encore plus peur. Je crois qu'il a envie d'esquisser un mouvement dans ma direction, mais ça non plus, il ne le fait pas, pour ne pas m'effrayer. On n'a jamais vraiment eu de contacts jusqu'à présent. Pas de vrais contacts en tout cas, consentis, tendres, affectueux. Comme des ami.e.s ou comme un peu plus que de simples ami.e.s.
- J'ai peur parce que les choses sont en train de changer entre nous et que j'aimais bien avant mais en même temps, j'aime bien aussi maintenant et je ne voudrais pas que ça redevienne comme avant. J'ai peur de ce que tu veux, et que tes envies ne coïncident pas avec les miennes ou avec ce que je peux te donner, maintenant, et que parce que c'est le cas, tu t'en ailles. J'ai peur aussi de m'en vouloir parce que je n'ai pas su te dire ce que je voulais, ce que je ressentais ou parce qu'une fois que tu seras parti, à ce moment-là seulement je réaliserai que je voulais la même chose que toi mais que j'étais trop mortifiée pour me l'avouer. J'ai peur de me retrouver avec toi, d'être avec toi… j'ai tellement peur que j'ai même fait une bague pour avertir Susan si jamais tout ce rendez-vous, toi et moi, c'était trop…
Je m'interromps un instant pour retirer mon gant et lui montrer la bague.
- Tu vois ? À l'heure qu'il est, elle doit probablement être en train de tourner dans tout Pré-au-Lard à notre recherche, je marmonne entre deux petits rires un peu honteux.
Ma main est tendue et je crois qu'il prend cela comme une invitation. Il la prend dans les siennes, encore gantées, toutes chaudes. Puis il me prend dans ses bras et je me laisse faire. J'inspire son odeur parce que j'ai toujours aimé son odeur, même quand je ne l'aimais pas comme ça. Parfois, les contacts m'étouffent, m'angoissent, m'oppressent. Pas le sien. Dans ces bras je suis bien et je me laisse faire.
Il me chuchote quelques mots à l'oreille. Ça me chatouille un peu et je rigole doucement, mais je ne sais s'il peut l'entendre. Mon rire est étouffé par son écharpe. Peu importe. Moi j'ai entendu ce qu'il avait à me dire. J'ai compris.
Je ne sais pas trop combien de temps nous sommes restés ainsi. Je crois que j'ai eu froid et que j'ai frissonné la première. Olivier a décidé que c'était l'heure du chocolat chaud et je n'ai pu qu'acquiescer. Quand nos regards se sont croisés, j'ai souri et il m'a souri en retour. J'aime vraiment beaucoup le fait qu'il puisse me faire sourire et que je puisse le faire sourire. J'aime bien quand nos regards se croisent. Il a essuyé une larme sur ma joue dont j'avais ignoré la présence jusqu'à ce qu'elle n'y soit plus.
Nous avons quitté la clairière et repris notre chemin, cette fois-ci vers Pré-au-Lard et les Trois Balais. Sereinement. Nous savions que nous marchions dans la même direction.
En chemin, ma main a trouvé la sienne. Pour toute réponse, il a serré fort ma main dans la sienne. Je ne pouvais peut-être pas lui donner plus, je ne pourrais peut-être jamais, ça, je pouvais le faire.
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