Regulus
La fermeture éclair de mon sac de voyage se ferme en un bruit caractéristique. Ça y est, nos affaires sont prêtes. Notre séjour en Grande-Bretagne s'arrête aujourd'hui. Olivia et moi rentrons d'ici quelques heures par portauloin à Berlin.
Je remonte la tête vers ma femme qui s'encapuchone avec une longue cape en velour noir tacheté d'étoiles brodés en fil d'argent. Elle couvre sa longue chevelure, et boucle son vêtement tout en coinçant sa baguette dans la ceinture.
— Je ne serai pas longue, m'indique-t-elle en revenant vers moi.
— Tu es certaine que tu ne veux pas que je t'accompagne ? insisté-je une dernière fois.
— Non, ne t'en fais pas mon amour, souffle-t-elle en aplatissant ses lèvres rouges sur les miennes. A deux, nous serons plus facilement repérables. A tout de suite ! Je t'aime !
J'ai à peine le temps de répondre qu'elle a déjà pris le chemin de la sortie et que la porte d'entrée claque derrière elle.
— Je t'aime, réponds-je vaguement alors qu'elle n'est déjà plus là.
Je ramène ma montre à gousset vers moi et constate l'heure. Le portoloin est dans deux heures. J'ai encore de quoi tuer le temps donc… Comme dire au revoir à Juliet par exemple. Pourtant je ne peux m'y résoudre. Je n'y arrive pas et ma baguette reste enfouie dans ma poche.
— Kreattur pourrait peut-être vous être utile, maître ?
Je me retourne et fais face à mon serviteur qui se courbe, prostré à l'encadrement du salon. Je l'observe silencieusement alors que ma main plonge dans la poche de ma veste. Je rencontre le métal froid du médaillon maudit de Serpentard.
Trois ans que nous essayons de le détruire. Trois ans qu'il prend le pas sur ma vie de famille. Je ne compte plus le nombre de fois où ce maudit talisman a pris le pas sur mon humeur et combien de fois j'ai déjà pu être infecte avec Olivia. Je m'en veux. Elle ne mérite pas ça. Et notre fille, Iris, ne mérite pas un père absent qui s'évertue tous les soirs à percer les mystères d'une guerre qui ne lui regarde plus. Voldemort fait partie du passé à présent.
J'abandonne et me concentre sur ma vraie famille. C'est décidé.
Sans vraiment y réfléchir, j'en sors le bijou et le tends à mon elfe.
— Oui. Détruit ça. Par tous les moyens.
Les yeux globuleux du petit être se mettent à reluire d'intensité. Il m'observe comme si je lui tendais la huitième merveille du monde. A vrai dire, je me débarrasse de la pire création sur Terre. Je ne veux plus en entendre parler. Je veux vivre en paix à présent. Loin de cette maudite guerre.
Kreattur récupère le bijou et s'incline une nouvelle fois devant moi. Satisfait de me libérer d'un tel poids, je n'attends pas et m'empare de ma propre cape de sorcier noire. Je l'enfile et disparaît à mon tour de Square Grimmaurd.
Lorsque j'atterris, à Verenity Hills, je suis subitement happé par les souvenirs. Ici et devant moi se dresse l'ancien manoir des Black. Celui que mes ancêtres occupaient bien avant que ma famille ne vienne s'installer à Londres. Ici le domaine donne sur les landes du comté de Suffolk, il est loin et isolé des villes. Il est imposant et faisait autrefois rayonner le prestige de notre nom.
C'est ici que tous les Black sont nés. C'est aussi ici qu'ils reposent. Tous. Dans le fond du jardin, leurs pierres tombales s'entassent les unes à côté des autres. Les plus anciennes pierres sont fissurées et de la mousse verte recouvre les inscriptions. Sur les plus récentes, on peut encore y lire l'éternel blason. Toujours pur.
Ma respiration se coupe lorsque mes yeux gris se déposent sur une gravure. La mienne.
Regulus Arturus Black
Digne et légitime héritier de la noble et ancienne Famille Black
1961-1979
Toujours pur
Ça me fout un coup au bide, c'est certain. Dans le genre morbide, je n'ai jamais vu plus fort. Mais il fallait s'y attendre. L'ancien Regulus est mort.
Je migre vers celle de mes parents. Celle de mon père est plus terne que celle de ma mère. L'inscription en or qui affiche son prénom est encore bien plus vive, bien plus fraîche que celui de mon vieux père, décédé il y a trois ans d'une écrabouille cérébrume.
Un bouquet de fleurs, elles aussi encore belles et pleines de vie, repose à même le sol devant leur gravure. Je suis pris d'un pincement au cœur et ferme les paupières quelques instants. Notre famille a complètement été éclatée. Détruite. Entre mes cousines, mon frère, ma mère, des Black il ne reste rien. Aucun prestige, aucun lien. Rien.
Pourtant je ne peux ignorer les deux personnes qui m'ont donné la vie et qui m'ont élevé. Encore moins la complicité que je pouvais avoir enfant, avec mon frère. Ni même les parties interminables de cache-cache que je pouvais avoir dans ce vieux jardin avec mes cousines. Ou encore les séances d'arithmancie avec ma grand-mère et les cours de fourchelangue avec mon grand-père.
Combien de personnes étaient présentes à leur funéraille ? Je l'ignore. Peu de monde c'est certain. Au fil des années, les Black sont passés par les trahisons, les coups tordus et les désunions si bien qu'aujourd'hui, notre blason s'est complètement effrité et ne porte plus aucun poids dans la société sorcière. Sur la fin, mes parents n'avaient plus aucun ami. Plus aucune famille. Plus aucun fils.
Je fais apparaître à mon tour une gerbe de fleurs du bout de ma baguette et la dépose devant elle. Des roses noires. Ses préférées.
Deux de mes doigts partent de mes lèvres puis viennent se déposer sur la tombe froide. Je soupire bruyamment et ferme longuement les paupières. Adieux.
Le croassement rocailleux d'un corbeau m'interrompt et je sursaute. Je décolle mes yeux de la pierre et me tourne vers l'animal qui me nargue depuis le vieux réverbère.
Bien. Il est temps d'y aller, je crois.
Sans un retour en arrière, je quitte le vieil endroit dont le parterre est tapissé d'une épaisse mousse verte qui étouffe mes pas. Je jette un dernier coup d'œil vers le manoir qui sans doute doit être abandonné maintenant. Ni mon frère ni mes cousines n'ont réclamé le bien il me semble. Tout part en ruine.
Qu'importe. Ma famille n'est plus ici à présent. Ma vie non plus.
Je transplane et retourne Square Grimmaurd. Je constate que Olivia n'est toujours pas revenue lorsque je repose ma cape sur le portemanteau vide qui trône dans l'entrée.
Je fais revenir vers moi nos grosses valises en lévitation jusque dans l'entrée lorsque je suis interrompu par un bruit de vaisselle éclatée qui provient depuis la cuisine. Je me fige, tends l'oreille mais plus rien.
— Kreattur ?
Toujours rien. Je fronce les sourcils, abandonne mes bagages et traverse le salon à grandes enjambées. Mais je me fige dès que quatre silhouettes encapuchonnées me font face. Mon sang se glace et je peine à déglutir. Merde !
— Un mouvement de ta part et je l'égorge ! menace une voix qui émerge d'entre tous.
Mon palpitant s'accélère alors que ma cousine soulève son masque et me dévoile son regard fou et pervers. Sa baguette pointe mon elfe de maison, replié sur lui-même, les mains recouvrant ses petites oreilles. Caché dans les pans de sa robe sombre, il est complètement apeuré et tremble comme une feuille.
Je lève mes mains, comme pour indiquer que je ne dégainerai pas ma baguette pour répondre. Heureusement, je n'en ai plus besoin. Mais ça, ils l'ignorent.
— Tiens, tiens, mais qui voilà ? lance la voix suraiguë de Bellatrix. Est-ce vraiment toi ? Mon cher cousin ?
Je déglutis avec difficulté, cogitant déjà à la prochaine échappatoire. Je dois les oublièter. Tous. Et vite ! Et surtout, je dois les neutraliser avant qu'ils ne tombent sur Olivia.
— Tu ne m'as pas l'air très mort, complète-t-elle en un soupir déçu. C'est… Dommage.
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Juliet
Assises en plein soleil sur la terrasse de la coloc, Marlene et moi fumons ensemble et refaisons le monde. Affalée sur une chaise et les jambes posées sur la table du jardin, j'écoute mon amie se plaindre sur sa vie sentimentale tout en tapotant ma clope au-dessus du cendrier.
— Non mais je te jure, je devrais écrire un manuel, soupire-t-elle. Avec tout le savoir que j'emmagasine sur le sujet, je pourrais devenir la référence des unions chaotiques.
— Sans aucun doute, approuvé-je en tirant longuement sur ma cigarette. Mais c'est toi qui repousse constamment Remus. Pas lui.
— Tout comme toi avec Sirius, réplique-t-elle. Il n'empêche pas que votre histoire était complètement foireuse.
— Certe, accordé-je en mimant une grimace. Mais… Vous avez recouchés ensemble ?
— Non ! s'indigne-t-elle. Ça ne va pas ou quoi ?! Non, non… C'est juste qu'il me fixe toujours avec ses yeux de chiot en s'imaginant que j'ai envie de remettre le couvert. C'est… Ça ne risque pas de se reproduire et en attendant… Bye-bye mon amitié avec lui.
— Je compatis à mille pour cent, soupiré-je. Le sexe dans une amitié, ça détruit tout.
— Peut-être que si je m'affiche avec quelqu'un d'autre, il finira par comprendre que c'est mort, réfléchit-elle en plissant les yeux. Un peu comme tu fais au final : la connasse sans cœur !
— Mais va te faire ! Je ne suis pas une connasse ! Et encore moins sans cœur, m'offusqué-je en l'assaillant d'une tape sur l'épaule.
Marlene se marre et me renvoie un regard chargé de malice. Cette fille aurait définitivement dû finir à Serpentard. Enfin… Elle est aussi fougueuse, intrépide et n'a peur de rien ou presque. Donc sa place à Gryffondor, elle ne l'a pas volé. Mais parfois, elle peut vraiment être une vraie peste ! Bon une peste adorable, mais quand même ! Elle sait très bien combien avoir perdu mon ami le plus cher me pèse. Et elle sait aussi que comparé aux sentiments que j'éprouve pour Adrian, je ne pouvais pas lutter.
— Du coup comment vas-tu faire pour trouver une nouvelle proie ? enchaîné-je. Quel est ton propre conseil, Gourou de l'amour ?
— Oh et bien c'est très simple, si tu veux attirer l'attention d'un mec il n'y a pas quarante six façons différentes : il faut t'aimer et être bien dans ta peau. Il va forcément te remarquer et se dire "Ouh ! Elle, elle a l'air heureuse. J'ai bien envie de rentrer dans sa vie et de tout foutre en l'air !". Et voilà, c'est comme ça que tu attires un mec !
J'éclate de rire face à son ironie toujours aussi brillante et foudroyante. Cette fille est un vrai génie !
— Oh bon sang, rié-je, pliée en deux. Du coup… Il faudrait que tu te replies sur une fille. Elles ne sont pas aussi destructrices ? Si ?
— Oh détrompe-toi ! siffle Marlene en tirant longuement sur sa clope. Elles sont hyper jalouses, elles peuvent faire de ta vie un enfer ! Surtout lorsque comme moi, tu peux être potentiellement attirée et à tout moment, par les deux sexes.
— La confiance, ça se gagne et ça s'entretient, réponds-je avec un sourire.
— Mais regardez-la moi ! Madame donne des conseils ! me chambre mon amie.
— Non ! Je ne me permettrais pas, soufflé-je en faisant les gros yeux. Mais… C'est assez logique. Si tu ne fais pas confiance à la personne, tu ne peux rien construire avec.
— Hin-hin. Et toi du coup… Tu veux construire ?
Le regard bleu de la blonde se dépose sur moi et elle me fixe avec un sourcil arqué. Elle reste suspendue à mes lèvres, attendant patiemment que je me livre.
— On se fait confiance, si c'est ça ta question ?
— Non ça je le sais déjà. J'en ai même été témoin de votre confiance presque aveugle l'un pour l'autre, lorsque vous étiez chez moi et que j'embêtais Adrian sur le fait que mon frère n'arrêtait pas de te toucher.
— Tu l'as emmerdé avec ça ?! m'écrié-je.
— Bien sûr que oui ! Je dois bien savoir où sont ses limites à ce garçon, réplique-t-elle en haussant les épaules. Je ne vais pas lui filer ma meilleure amie avant d'être certaine qu'il ne sera pas un con égocentrique et possessif.
Touchée, j'esquisse un sourire bien que je doute quelque peu de sa réelle volonté à "tester" Adrian pour mon plus grand bien. Non, moi ce que je crois, c'est qu'elle avait juste envie de le faire chier. C'est plus fort qu'elle !
— Et du coup ? revient-elle à la charge.
— Du coup je… Je crois que je vais le suivre.
Marlene s'étouffe avec son verre de limonade. Ses yeux effarés reviennent sur moi. Elle cligne des paupières et attend que je m'explique.
— Co-comment ça tu vas… le suivre ? bégaye-t-elle.
— Je me retrouve dans une situation où quoi que je fasse, quoi que je décide, je ne me sentirais pas bien s'il n'est pas là.
— Oh pitié, aies un peu d'amour propre ma fille, soupire-t-elle. Tout ne se résume pas à un homme.
— Je sais ! Et je suis complètement indépendante de lui, mais c'est juste que… Le monde ne tourne pas rond si nous ne sommes pas ensemble. C'est tout. C'est comme ça. C'est hyper niais je le sais mais… Pendant trois ans, je me suis sentie tellement vide. Tellement affaiblie. Et maintenant, je me sens capable de soulever des montagnes. C'est indescriptible, c'est impalpable et inquantifiable. C'est juste… Une sensation. Mais qui est tellement forte.
— C'est de l'amour, résume platement Marlene, les yeux dans le vide.
— Je sais que pour toi, ça te parait aberrant et impossible mais quand tu le vis, que tu lâches complètement prise et que tu t'autorises juste à vivre pleinement ton histoire… Tu, t'es juste heureuse en fait.
Étonnement, la blonde ne se moque pas de moi. Elle m'adresse même un sourire contrit, presque nostalgique.
—Alors tu vas vraiment le faire hein ? Repartir avec lui. Sans nous ?
— Je… Je t'avoue que c'est ce qui me freine le plus, soufflé-je, le cœur serré. Mais soit je dis au revoir à vous, soit à lui. Et…
— Tu n'en est pas capable, résume-t-elle, compréhensive.
Bon sang, c'est tellement horrible et douloureux. J'ai l'impression d'être la pire personne au monde. Je vais devoir les abandonner et ça ne me plait pas. Vraiment pas. Et d'un autre côté, tout ce que je vis actuellement ne devrait pas avoir lieu. J'aurais dû mourir il y a trois ans et tout ce qui se passe là maintenant, avec mes amis, n'auraient pas dû exister. Ni pour eux, ni pour moi. Si je reste, je vais continuer à perturber le temps. Et si je reste, je vais à nouveau devoir grandir sans Adrian. Et ça, je n'arrive pas à l'envisager. Si je n'ai pas réussi à passer à autre chose en trois ans, c'est que je n'y parviendrai jamais.
— J'espère un jour pouvoir vivre ça aussi, souffle la blonde à demi-mot. Lâcher prise. Envoyer bouler tout mon univers, mes convictions, mes repères, mon camp. Et juste… Partir et m'éloigner de tout ça. De tout ce bazar. Avec la personne que j'aime.
Elle fixe ses doigts qu'elle triture contre son ventre. Ses yeux sont chargés de larmes et sa voix est rocailleuse. Elle est passée de moqueuse et arrogante à nostalgique et à fleur de peau. La transition est foudroyante et étonnante. Qu'est-ce qu'elle ne me dit pas ?
— Marlene tu…
Je suis interrompue par un flash de lumière argenté qui déboule à toute allure dans le jardin. Interloquée, je dévisage le lion qui me fait face.
— Ah ! Ton prince charmant t'appelle, se moque Marlene.
— Il doit m'annoncer qu'il en est à sa douzième pinte avec Gideon et Sturgis et qu'il ne rentrera pas ce soir, suggéré-je en pouffant de rire.
Elle me gratifie d'une tape dans le dos tandis que je me lève et vais à la rencontre du patronus. Pourtant, je sais d'avance que ce n'est pas celui d'Adrian. Son animal est plus grand et plus musclé que celui-ci. Sa crinière est plus touffue aussi. Ici, c'est un lion sombre et méfiant qui me tourne autour, comme s'il me jaugeait.
Aller vas-y, délivre ton message. Tu peux me faire confiance. Je ne trahirai pas ton maître.
Comme s'il lisait en moi, le fauve se décide enfin. Il pose son arrière train sur le sol et m'observe silencieusement. C'est alors que la voix de Regulus résonne en moi.
Je vais partir d'ici quelques heures. Si tu veux passer me dire au revoir, c'est maintenant ou jamais.
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Lorsque j'atterris Square Grimmaurd, le soleil perce les nuages et je suis aveuglée par les rayons lumineux. Les beaux jours de l'été commencent à poindre et je l'espère, annoncent des jours meilleurs.
Je dévisage la façade qui s'étire pour laisser place à la maison de Reg. C'est la première fois que je m'y rends seule. Impatiente, je pousse le portillon en fer, gravis le péron et toque trois coups francs sur la porte d'entrée. Je jette un coup d'œil aux alentours, vérifiant que je ne suis pas épiée et m'engouffre aussitôt dans la maison dès que la porte s'ouvre sur l'elfe de maison de Reg.
— Bonjour Kreattur ! lancé-je d'un ton joyeux.
Je ne me soucie guère de la créature qui ne me répond pas et franchit l'entrée de la maison des Black. Je dépose ma veste en jeans sur la chaise de l'entrée et m'aventure dans la maison plongée dans le calme absolu.
— Reg ?
— Dans le salon !
J'esquisse un sourire et me dirige droit vers la pièce. Dès que je tourne à l'angle, mes yeux clairs rencontrent ceux de mon ami, embrumés de larmes.
— Incarcerem !
Mon cœur loupe un battement alors que je suis frappée de plein fouet par le sortilège, sans même avoir le temps de réagir. Des lianes surgissent de nulle part et viennent s'enrouler à la vitesse de l'éclair autour de mes mains. Leur pression agit sur mes bras, mes jambes, ma gorge. Elles viennent lacérer ma peau et me compresser de parts en parts. Saucissonnée en moins de deux, je m'effondre sur le sol, suffocante. La prise est tellement forte sur mon corps, que je sens ma baguette se fendre en deux dans la poche de mon jeans. Oh misère…
Confrontée à l'inévitable, je vois Regulus être prisonnier dans la cage à démon. Il est au centre de la pièce, ses yeux sont révulsés tandis que la baguette de Bellatrix Lestrange est tendue vers lui. Elle m'adresse un sourire satisfait puis lève le sortilège de l'Imperium. Transpirant de sueur, pour avoir lutté maintes et maintes fois, Regulus retrouve ses esprits en se laissant tomber à terre, épuisé.
La sorcière brune éclate alors de rire.
— Mais regarde donc mon cher cousin ! s'extasie-t-elle. Nous avons de la compagnie. Nous avons une spectatrice à présent ! Juliet mon chou, c'est tellement adorable de te joindre à nous ! J'étais persuadée que Reg ne tarderait pas à t'appeler. Après tout, toi et moi avons des choses à rattraper.
A peine a-t-elle prononcé ses paroles que mon palpitant monte dans des tours insoupçonnées. Je me débat dans les filets et tente d'articuler un cri ou ne serait-ce qu'un gémissement mais la liane qui me compresse la bouche entrave ma voix et il m'est donc impossible d'argumenter.
La sorcière brune pouffe de rire et est accompagnée par ses fidèles acolytes qui ne sont nuls autres que Rodolphus et Rabastan Lestrange, Travers et Fenrir Greyback. Les quatre hommes encerclent la cage à démon dans laquelle Reg est prisonnier. Ce dernier gémit sur le sol, à bout de force. Ses vêtements sont gorgés de sueur, son front est reluisant de transpiration tandis qu'un long filet de sang s'écoule de son nez. Il a été torturé par ces ignobles monstres, c'est certain. Privé de sa baguette et de ses dons de légilimens, il est aussi inoffensif que moi. Il est tout autant à leur merci. Je sais alors d'avance qu'ils ne nous feront aucun cadeau.
— Amenez-la moi, ordonne Bellatrix en entortillant une mèche de ses cheveux noirs autour de son doigt.
Deux de ses compagnons s'avancent vers moi et me soulèvent comme si je n'étais qu'un vulgaire sac de patates. Je me débat et produit des sons étouffés mais rien n'y fait. Je suis toujours aussi impuissante. Ils finissent par me laisser tomber à ses pieds dans un lourd fracas. Mes hanches rencontrent le sol avec violence et j'ai la sensation que mon corps s'est brisé en deux tant c'était douloureux. J'étouffe un cri de douleur et me tords sur le sol, endoloris.
— Han Juliet, souffle Bellatrix en m'adressant un sourire. Tu te mets dans un sacré état pour si peu, tu sais ? Le meilleur reste à venir alors ne nous lâche pas de sitôt. Admire déjà le spectacle.
Elle s'empare de mon visage, strié et violacé par les lianes, pour le diriger droit vers Regulus, affalé à terre devant mes yeux.
— Reg a été un très méchant garçon, susurre la sorcière à mon oreille. Et tu sais ce qu'on fait aux méchants garçons ? On les punit.
Elle glisse délicatement une mèche de mes cheveux derrière mon oreille pour me dégager la vue tandis que je tente de m'extirper de mon emprise. Je lutte, je gémis, je frissonne de peur. Je suis prête à tout pour sortir de là. Pour nous sortir d'ici.
D'un coup de tête dirigé vers son compagnon, Rodolphus renforce sa poigne sur sa baguette magique puis la pointe directement vers mon ami. Non ! Non, non, non…
— Endoloris !
La voix rauque du Mangemort emplit la pièce puis un éclair rouge se dirige droit vers Regulus. Il est frappé de plein fouet et son cri de souffrance résonne soudainement.
— AHHHHHHHHH !
— NOOOOOOON ! hurlé-je dans un hurlement inaudible.
Regulus se cramponne sur le sol, des larmes de douleurs déforment ses traits, il convulse sur le sol, il hurle de douleur et mon cœur se fissure. Les larmes me gagnent aussitôt ! Non ! Je ne peux pas ! C'est trop ! Je ne peux pas le voir se faire torturer !
— Laissez-le ! vociféré-je contre ma liane qui m'entrave la bouche.
Bellatrix me caresse tendrement les cheveux et ricane doucement contre moi.
— Chut, doucement ma belle, tu vas t'épuiser avant l'heure. Doucement, doucement, rassure-t-elle. Ton heure viendra, je te le promets.
Elle remonte le visage vers son époux. Ils échangent tous les deux un regard exalté puis cette dernière hoche la tête.
— Encore, indique-t-elle d'une voix calme.
Rodolphus s'exécute tandis que je m'agite à nouveau.
— Non ! Arrêtez ! ARRETEZ CA ! Je vous en prie !
— ENDOLORIS !
— NON REG !
— ARRRRRGGGGGGGGHHHH AHAHAAHHHHH !
Les larmes perlent sur mon visage à mesure que je vois le brun se contorsionner à terre, privé de ses pouvoirs et seulement prisonnier de la douleur. C'est insupportable de le voir souffrir. C'est au-dessus de mes forces ! Je meurs ! Je veux qu'ils m'achèvent ! Je ne peux pas, je n'ai pas la force ! Ses cris résonnent en moi et me fissurent le cœur, je m'effondre en miettes. Pantelante, je gémis de douleur. Moi aussi j'ai mal ! Tellement mal. Je l'aime tellement ! Le voir souffrir est insupportable.
Satisfaite de son petit numéro, Bellatrix retire mon bâillon et m'autorise la parole.
— Laissez-le partir, s'il vous plaît, supplié-je aussitôt. Gardez-moi. Prenez-moi à la place. Faites ce que vous voulez de moi mais laissez-le !
Elle relève les yeux vers ses camarades et ils se marrent tous en cœur.
— C'est marrant, ils disent toujours tous ça, commente Rabastan Lestrange.
— "Prenez-moi mais laissez-le !", répète Travers d'une voix suraiguë.
Les Mangemorts éclatent de rire. D'un rire mauvais et froid, à glacer le sang. Mon ami remonte les yeux vers moi. Il tremble de la tête aux pieds, à bout de force.
— Je… Je suis désolé, articule-t-il avec difficulté.
— Mais regardez-les comme ils sont mignons ces deux-là ! se moque Rodolphus.
— Romeo & Juliet, ricane Bellatrix en roulant des yeux. Mais vois-tu, chère Juliet. Le sort de ton petit protégé est amplement mérité. Je veux dire… Il croyait vraiment qu'il allait pouvoir s'en tirer comme ça ? Il croyait vraiment qu'il allait pouvoir transplaner dans le domaine de nos ancêtres sans que je ne le sache ? Grossière erreur Reg. Très grosse erreur ! Dès que ses pas ont foulé la terre sacrée des Black, je l'ai su. J'ai su qu'il nous avait tous pris pour des idiots. Regulus-chéri ne fait que répondre de ses actes.
— Et en l'occurrence, on lui rappelle qu'on ne peut pas nous échapper, ponctue Fenrir Greyback en étirant un sourire vicieux.
— Mangemort un jour, Mangemort toujours, approuve Bellatrix en soupirant. Mais je t'avoue que ta présence est un petit plus ! Un petit Impero et je savais qu'elles étaient les dernières personnes qu'il a vu récemment. Évidemment toi et ce foutu legilimens étaient sur la liste alors nous n'avons pas perdu de temps pour t'inviter à la fête, jolie Juliet !
Je descends mes yeux embrumés de larmes vers mon ami, qui n'ose même pas croiser mon regard tant il se sent faible et honteux. Faible de ne pas avoir pu résister aux attaques de sa cousine. Honteux de m'avoir livré sur un plateau d'argent. Je déglutis avec difficulté. Tout ce que j'espère, c'est qu'ils n'ont pas envoyé de patronus à Adrian.
— C'est marrant ces petits trucs argentés quand même, pouffe Rodolphus. C'est fou comment, mal exploités, ça peut vite virer au cauchemar.
— L'Ordre du Phénix se fait avoir à son propre jeu, approuve son frère. Pathétique.
— Désolant, complète Bellatrix en me faisant une pichenette sur le nez.
Elle se relève en soupirant puis s'approche du corps de son cousin. Regulus refuse de se confronter à son regard bien que sa mâchoire inférieure tressaille de fureur. Je le vois qui lutte de toutes ses forces pour ne pas rugir de rage. Mais pour en avoir déjà fait l'expérience, se servir de ses pouvoirs au sein de la cage est une très mauvaise idée. Tout va ricocher et lui retomber dessus.
Profitant de la conversation que les deux Black ont entre eux, je me tortille sur le sol et essaie de gagner la poche de mon jeans. Je ne sais pas ce que j'espère, si ce n'est retrouver une baguette fendue en deux qui ne m'est de plus aucune utilité.
Au même moment, la porte d'entrée claque et tout le monde se fige. Tous les regards se braquent sur l'entrée du salon. Mon cœur se met à pulser comme un détraqué dans ma poitrine. De qui s'agit-il ?! Vient-on à notre secours ou au contraire… Vient-on nous achever ?
Je n'ai le temps de comprendre ce qu'il se passe, qu'un énorme serpent noir vole à travers la pièce et vient s'enrouler autour du cou de Travers qui s'effrondre sur le sol. Sans crier gare, une silhouette encapuchonnée surgit de l'ombre et les sorts se mettent à fuser.
Bellatrix et les frères Lestranges répondent avec hargne et les étincelles vertes, rouges, bleues, argentées, volent dans tous les sens. N'en croyant pas mes yeux, je vois Olivia faire valdinguer la Mangemort folle jusqu'à l'autre bout de la pièce. Elle se retrouve prisonnière d'une gigantesque toile d'araignée qui la placarde contre les murs. Son corps, sa tête, ses pieds se font recouvrir de la substance visqueuse blanche et elle est hors d'état de nuir. Sa baguette continue à fendre l'air, la jeune femme fait front avec bravoure avant que Rabastan ne soit assommé, Fenrir propulsé contre le buffet et que Rodolphus ne se retrouve métamorphosé en scarabé.
— Olivia, attention ! rugis-je, les yeux écarquillés.
Travers se débarrasse de son serpent et transplane derrière elle pour la prendre par surprise. Une dague pointue et impressionnante se dresse au-dessus de la tête de la brune. Cette dernière fait volte face, agite sa baguette et un gigantesque aigle fait d'une fumée rouge percute le Mangemort qui pousse un cri d'horreur absolument épouvantable. Ses genoux fléchissent, ses yeux se perdent dans le vide et j'entends ses côtes se briser une à une. Une marre de sang s'étale sur le sol et vient inonder ses vêtements. D'une violence inouïe, le sortilège d'Olivia perfore le sorcier dont chaque vertèbres se retrouvent écartées et pointent vers l'extérieur. Elle vient littéralement d'exécuter un aigle de sang devant mes yeux ! Le Mangemort s'effondre alors, mort.
La brune renifle un filet de sang qui s'écoule de son nez et dirige son regard droit vers son époux puis sur moi. Remontée à bloc, la brune s'avance vers nous, plus déterminée que jamais. Mon palpitant pulse comme un dingue dans ma cage thoracique, encore bluffée du spectacle. Je n'ai jamais vu quelqu'un maîtriser aussi rapidement et efficacement une horde de cinq mangemorts !
Je m'autorise à souffler, tirée d'affaires. Bon sang !
— Infinite ! pointe-t-elle sur moi avant de se diriger vers son mari prisonnier de la cage à démon. Reg ! Bon sang je vais les étriper ! Dis-moi que tu vas…
— OLIVIA ! Derrière toi ! rugit Regulus en écarquillant des yeux.
La brune tourne la tête et Fenrir Greyback, griffes sorties et acérées, fonce droit sur elle. Avant qu'elle n'ait le temps de bouger la pierre qui maintient la prison de Reg, la force surhumaine du sorcier s'abat sur son visage. Elle pousse un cri de douleur, sa baguette tombe à terre et avant que je ne puisse l'anticiper et les crocs vengeurs et carnassiers du loup-garou fondent sur la carotide de la jeune femme. Il tire d'un coup sec, et ses vertèbres cervicales se brisent d'un coup net et franc. Le corps d'Olivia retombe alors dans un bruit mat et sourd sur le parquet.
Je regroupe mes mains devant ma bouche, choquée. Une mare de sang se propage à mes pieds et je suis prise de spasmes de terreur. Les yeux grand ouverts, et égorgée, git Olivia, sans vie. Sans rien.
— OLIVIA ! hurle Regulus comme un damné. OLIVIA !
Son cri de souffrance emplit toute la maison. Jamais ses traits n'ont été autant déformés. Il se tient à l'intérieur de la cage à démon, recroquevillé sur le sol et beugle de tout son saoul le prénom de sa femme, morte devant ses yeux.
Fenrir Greyback crache un long filet de sang sur le sol et essuie sa bouche d'un revers de la main. Non, non, non. Ce n'est pas possible. Je ne peux pas le croire. Olivia ne peut pas être morte ! C'est impossible. Elle n'a pas pu se laisser prendre aussi facilement par le loup-garou. Elle est douée, rapide et réfléchie. Elle nous a sauvé ! Elle était sur le point de nous libérer. NON ! Elle ne peut pas mourir. Elle ne peut pas laisser Reg, ni Iris ! Ils ont besoin d'elle !
Mes yeux se gorgent à nouveau de larmes alors que mon meilleur ami continue à pousser ses lamentations. Il pleure, il crie, il se contorsionne de douleur. Le sortilège Doloris n'est rien comparé à ce qu'il ressent à cet instant présent. L'amour de sa vie lui a été arraché. Brutalement. Violemment. Devant ses yeux.
— OLIVIAAAA AAAAAAHHHHHHHH !
Son poing s'abat sur le sol. Il est secoué de trémolos, complètement brisé et anéantit. Ma gorge est aussi serrée qu'un étau. Je remonte les yeux vers l'énorme carcasse de Fenrir Greyback qui dorénavant me fait face. Mes lianes ont disparu grâce au sortilège de la brune, je suis donc théoriquement libre de mes mouvements. Théoriquement. Mais l'allure du loup garou qui avance lentement vers moi, me paralyse de la tête aux pieds.
Chacun de ses pas, lourds et brutaux, s'écrasent sur le sol en un lourd fracas. Chacun de ses pas fait trembler l'argenterie sagement rangée dans le buffet du salon. Je déglutis.
— A nous deux à présent, susurre l'homme en étirant un sourire carnassier.
A tâtons, je cherche ma baguette dans la poche de mon jeans. Avec horreur, je constate qu'effectivement, elle est belle et bien brisée en deux. Instinctivement, je recule alors, les mains et les fesses contre terre. Je butte contre le sofa et sursaute dès qu'il rencontre mon dos. Greyback ricane, exalté de me terroriser.
— JULIET ! BARRE TOI DE LA ! me hurle Regulus, les yeux rougis. SAUVE-TOI !
Je jette un coup d'œil furtif entre lui et le loup-garou. Quoi que je fasse, je ne serai pas assez rapide. Il me faut quelque chose… Mes yeux clairs tombent sur le tisonnier de la cheminée. Je ne réfléchit pas plus longtemps, me jette dessus. Fenrir réagit au quart de tour et se jette sur moi en lâchant un cri de rage. Je m'empare de mon arme de fortune et le fracasse contre son crâne de toutes mes forces. Pris au dépourvu et légèrement sonné, l'homme oscille sur le côté. Mais ce n'est évidemment pas suffisant pour l'assommer. Son quintal de muscles tombe sur les meubles du salon et il perd sa baguette des mains en cours de route mais c'est loin d'être suffisant pour le maîtriser. Sans attendre davantage, je cours aux pieds d'Olivia et récupère sa baguette et la pointe droit vers le sorcier qui s'apprête déjà à me mutiler la peau avec ses abominables griffes.
— Luna temporis !
C'est un sortilège de dernier recours que les garçons utilisent parfois pour contrôler les pulsions meurtrières de Remus. Aussitôt, le jour fait place à la nuit et les rayons d'une demi-lune traversent les vitraux de la pièce. Greyback se fige et son cœur se met à battre précipitamment. Ce n'est pas la pleine lune, seulement la demi-lune. Soit la phase où les loups-garous sont les plus faibles. Effectivement, le teint du sorcier prend une couleur pâle et d'horribles cernes apparaissent sur ses joues. Il se rattrape à la table du salon, ne parvenant plus à soutenir son poids.
— Espèce de petite trainée, grogne l'homme dans sa barbe.
— SAUVE-TOI !
Je ne me le fait pas répéter, tourne les talons et cours à toutes jambes vers l'entrée. Mais c'est sans compter sur Rabastan qui a retrouvé ses esprits. Baguette à la main, il me bloque le passage. Sans hésiter, j'attaque alors en première, la rage au ventre. Un sortilège de Stupéfixion sort de ma baguette et avec étonnement, ce dernier est plus fort et puissant qu'à l'ordinaire. Je m'attendais du contraire mais visiblement la baguette d'Olivia m'a adopté à l'instant où mes doigts se sont posés dessus. Malheureusement, l'homme parvient à se protéger et à se défendre. Une explosion retentit et je suis projetée quelques mètres plus loin, tout près de Greyback qui, fléchit sur ses pieds et la main portée au cœur, se jette sur moi.
— AH ! poussé-je, terrifiée. Catena argentum !
Un long filet de chaînes d'argent surgit de ma baguette et vient violemment s'enrouler autour de la gorge du sorcier, lui coupant aussitôt la respiration. Le contact du fer sur sa peau, le carbonise aussitôt. Il pousse un cri de douleur monumental, les loup-garou détestant le contact de l'argent. Je n'attends pas et agite à nouveau la baguette d'Olivia dans les airs.
— Spero patronum !
Ma lionne argentée apparaît et en moins de temps qu'il n'en faut pour la faire rugir, elle décampe aussitôt par la fenêtre, partie chercher les renforts.
— Infinite ! pointe Rabastan sur son frère, qui retrouve une forme humaine.
Il réitère et Bellatrix tombe à terre, se relevant de ses filets. La demi-lune disparaît à son tour et sans attendre, je m'engage dans un duel avec eux quatre. Les sorts fusent, les meubles explosent et valdinguent d'un endroit à l'autre. J'essaie de m'approcher peu à peu de la prison de Reg, pour pouvoir le libérer mais les Mangemorts m'en empêchent. Ils m'encerclent et j'ai beau transplaner d'un endroit à l'autre, répondre à l'un ou l'autre, je ne fais pas le poids. Je ne suis pas Olivia…
Pendant ce temps, mon meilleur ami perd patience et est à bout de nerf. Le cadavre de sa femme violemment assasciné git devant ses yeux. Son sang coule jusqu'à lui et il reste là, impuissant. Sans baguette, sans pouvoir. Je le vois bouillonner de l'intérieur. Sa peine et sa rage se rassemblent en lui en une énorme boule de nerf et je le sens sur le point d'exploser.
— Tient bon Reg !
— Je n'en peux plus ! Je veux que… ÇA SE FINISSE !
A ma plus grande horreur, le brun crispe ses poings et concentre tout son amas de flux magique entre ses mains. Sa mâchoire se serre, ses yeux gorgés de souffrance se ferment et il… Il se concentre. Il veut faire exploser sa prison. Oh bon sang ! Il n'y arrivera pas ! J'ai déjà vu Adrian essayer. C'est du suicide ! NON !
— Reg ne fait pas ça ! Tout va te revenir en pleine...
— ARRRRRRGGGHHHHHHHHH !
Un flash de lumière puissant traverse toute la pièce. Il fouette mes cheveux et nous aveugle tous. C'est un souffle chaud et puissant qui fait grésiller les remparts de la prison de mon ami. Je vois des fissures se former et l'habitacle transparent devient à présent opaque et s'effrite peu à peu. Oui ! Il est en train de réussir !
Pourtant, l'explosion est rapidement rappelée en plein centre de la cage à démon et explose en son sein. Mon ventre se tord d'atrocité alors que mon cœur loupe un battement. Une fumée à l'odeur carbonisée se dissipe et avec horreur, je vois alors Regulus effondré par terre, les yeux grands ouverts, des larmes de sang lui échappant de ses orbitres. Son nez et ses oreilles ont également subi le même traitement. C'était trop. Tous ses pouvoirs lui sont revenus en pleine figure tel un boomerang.
Il ne respire plus. Il est là, sans vie.
Non. Non, non… Je vacille. Je me retiens au mur pour ne pas sombrer. Bellatrix et les autres éclatent de rire mais je n'entends plus. Je ne vois plus rien. Tout se brouille. Mon rythme cardiaque s'emballe et j'ai l'impression que je vais rendre à tout instant. Ce n'est pas possible. Il ne peut pas… Lui aussi. Non !
Je sens littéralement une fissure se creuser en plein dans mon cœur. Les larmes de douleur viennent inonder mes paupières. Je trébuche et tombe à terre, les traits déformés par la peine.
— REG ! hurlé-je. NOOOOOON !
— Fais tes prières à présent, jolie Juliet ! AVADA KEDAVRA !
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Quelques instants plus tôt
Adrian
J'écrase ma clope dans le cendrier qui repose sagement sur le rebord de la fenêtre qui donne sur le jardin et rentre dans la coloc de Juliet. Je traverse la cuisine et passe par le salon. Je n'ai théoriquement pas le "droit" de traîner en ces lieux mais lorsque le maître de maison n'est pas là, autant dire que je ne m'en prive pas. J'en profite pour me servir d'ailleurs une bière dans le frigo, que je descends en quelques gorgées.
Je reviens à peine des parents de Gideon, chez qui j'ai passé la journée avec Sturgis. Ça faisait quelques jours que nous ne nous étions pas vus à cause des récents événements et je suis venu m'assurer de leur état. Santé et morale. Autant dire que pour le rouquin ça ne va pas fort. Sturgis ça passe, si ce n'est qu'il ne parle pas ou très peu. Bref… Une ambiance de mort comme on les aime. Je pensais passer la soirée avec eux, voire même passer la nuit dans le Dorset mais ils avaient visiblement envie d'être seuls et de rester au calme. Alors au bout de deux heures, Sturg' est reparti de lui-même. Puis j'ai suivi la marche.
Il est dix sept heures, techniquement Juliet a fini sa journée. Enfin… Techniquement. Il n'y a jamais d'heures précises avec l'Ordre et nous pouvons être rappelés à n'importe quel moment.
Depuis le drame dans le hangar, nous ne sommes pas repartis ensemble en mission, elle et moi. Je crois que Dumby évite volontairement de nous mettre en duo. Et honnêtement… Ça m'emmerde profondément. Je n'ai pas remonté le temps par fun et pour m'amuser à revivre l'histoire de mes propres yeux. Non. J'ai remonté le temps pour être avec celle qui me rend complètement barge ! Au final, on ne se voit pas de la journée et la nuit je dois grimper à sa fenêtre comme son Romeo pour m'assurer que Sirius ne me voit pas dans la baraque. Autant dire que ça commence à me peser sur le système…
Mais d'un autre côté, je m'attendais à quoi ? Qu'elle s'arrêterait subitement de vivre expressement pour passer ses journées à me regarder dans le blanc des yeux ? Qu'on passerait nos journées à se balader main dans la main, dans les champs de blé ? Non, c'est absurde. Et carrément égoïste. Et puis… Si Juliet s'arrêtait de se soucier des autres, ça ne serait pas Juliet. Et je ne serais pas aussi fou d'elle.
Il n'empêche que l'envie de l'arracher à cette vie, à cette époque, me tente de plus en plus. Depuis qu'on s'est promis de ne plus se quitter et de se suivre peu importe là où l'autre décidait d'aller, je ne cesse de ruminer. Pour être tout à fait franc, je suis prêt à faire ma valise dans la seconde. J'ai vraiment envie de lui offrir de nouvelles opportunités. Qu'elle puisse vivre heureuse et surtout en sécurité. Mais je n'ose pas… Je ne veux pas qu'elle sache que je suis impatient. Je veux qu'elle profite des autres encore un peu. Pendant qu'il en est encore temps.
Alors que je m'apprête à monter les escaliers qui mènent à l'étage, je me fige et m'arrête soudainement à me poser des questions existentielles lorsque je croise une paire d'yeux gris. Merde.
Sirius est en haut des marches et me dévisage avec son air de rottweiler. Oui toutou, je suis sur ton territoire, je sais ! Mais détends tes testicules deux secondes, je n'en ai pas pour longtemps.
— Qu'est-ce que tu fout ici ? gronde-t-il, les mains renfrognées dans ses poches.
— Je venais chercher Juliet.
Black ne répond pas. Il descend simplement les marches et vient me bousculer d'un coup d'épaule lorsqu'il me passe devant. Je me retourne sur son passage, ennuyé.
— Elle n'est pas là.
— Tu sais quand elle rentre ?
— Je ne suis pas son mec, répond le brun en m'adressant un sourire forcé. Je ne connais pas son emploi du temps par cœur. Du coup… Toi tu devrais le savoir, non ?
Je soupire, légèrement ennuyé par sa pique. Qu'est-ce que j'en ai à foutre de connaître ses faits et gestes au quart d'heure près ?!
— Ok Black, je concède. Dans bien des domaines tu me surpasses, accordé-je en lui renvoyant son air de faux cul. A commencer par ton incroyable talent à te faire friendzoner.
Outch ! 1-0 pour Adrichou ! Blackouille se crispe et je le pense aussi tendu que le string de sa grand-mère. Je me retiens pour ne pas pouffer de rire. Me foutre de sa gueule est bien trop tentant !
— Dégage d'ici, grogne-t-il.
— Alors c'est ça ? Quand t'es à cours d'argument, tu me fout dehors ? répliqué-je, en étirant un sourire perfide. Tu prends l'avantage là où tu peux avoir du pouvoir juste pour te sentir quoi Black ? Plus fort ? Plus puissant ?
Sirius me dévisage, sa lèvre supérieure tressaillant de fureur. Il finit par secouer la tête de gauche à droite puis se poste devant moi et me pointe avec son grossier index.
— Moi j'avais les moyens de la rendre heureuse, réplique-t-il en fondant son regard glacial dans le mien. Toi, tu as quoi à lui offrir ?
— Visiblement plus que toi, pouffé-je en lui adressant un clin d'œil entendu.
— Si tu crois que les fondements d'une relation de couple reposent exclusivement sur le cul, alors permet-moi de te dire que vous courrez tous les deux à la catastrophe.
— C'est trop aimable de te soucier de notre… Équilibre, vieux, soufflé-je en lui tapotant l'épaule.
— Je ne m'en soucie pas. Je ne fais que constater. Tu n'as rien de bon à lui offrir, continue-t-il, à fond dans son délire. Ici, tu n'as rien et tu n'es rien. T'es juste un putain de gratteur. Tu vis au crochet de l'Ordre. A ton époque, ce n'est pas mieux. Oui Potter fais pas l'étonné, les filles ça parlent entre elles. J'ai tout entendu quand elle discutait avec Marlene tout à l'heure. Je sais que tu comptes l'emmener avec toi. Alors à ton époque t'as quoi de mieux à lui proposer, hein ? Ta drogue, ton alcool, tes clopes, tes relations douteuses, tes jeux d'argent, tes affaires louches et tes innombrables ex ? T'es le genre de type à t'endormir dans ton propre vomi et à ne plus voir les jours défilés tant t'es à la ramasse. C'est ça que tu vas lui proposer ? Une vie de débauche comme tu l'as toujours si bien fait ?
Je me fige et l'observe silencieusement me déverser toute sa bile sur moi. Ses mots sont aussi tranchants que des lames de rasoirs et font résonner une certaine vérité en moi. Une vérité évidente à une certaine époque mais maintenant non. Toutes ces choses ne m'intéressent plus.
— Je n'ai pas besoin de ton jugement cher Sirius, surtout que tu parles sans savoir, répliqué-je en soupirant.
Je ne vais quand même pas me justifier merde. J'ai repris ma vie en main sans même savoir que Juliet m'y rejoindrait alors ses spéculations douteuses, il peut se les carrer où je pense. Surtout que d'entre nous deux, ce n'est pas moi qui vais finir à Azkaban pour les treize prochaines années.
Alors qu'il s'apprête à ouvrir la bouche pour continuer notre round de joutes verbales, nous sommes soudainement aveuglés par un patronus qui traverse les murs à la vitesse de l'éclair. Une grande lionne magnifique et majestueuse se poste devant moi. Son regard est affolé et elle ne cesse de donner des coups d'œil alertes vers la porte d'entrée.
— C'est le patronus de Juliet, signifié-je en fronçant les sourcils.
L'animal n'a pas de message à délivrer mais il ne tient pas en place. Mon palpitant s'accélère alors, craignant le pire. Merde ! Dans quels beaux draps s'est-elle encore fourrée ?!
— Elle veut qu'on la suive, indique Sirius, paralysé dans l'entrée.
— Qu'on ? Hin-hin… Tu restes où tu es Blackouilles, signifié-je en sortant ma baguette de ma poche.
Déterminé, je suis l'animal qui traverse déjà l'entrée.
— Juliet a possiblement des ennuis, je viens avec toi, réplique ce dernier en m'envoyant son air courroucé.
Mais quelle tête de mule celui-là ! Il ne lâche jamais l'affaire sérieusement ?! Je n'argumente pas plus, je sais d'avance que c'est sans espoir. Je me concentre plutôt sur la lionne qui nous emmène sur le perron de la porte.
Elle pose son arrière-train au sol et m'adresse un regard suppliant. Ok, j'ai compris. C'est le moment où on transplane.
— Accroche-toi Blacky, soufflé-je en tendant mon coude au brun avant de diriger mon regard vers le fauve. Amène-nous à Juliet.
Sirius m'attrape le bras, le patronus se redresse et lorsqu'il se met à rugir, nous tournoyons sur nous même et sommes arrachés du sol. En moins de deux, nous transplanons.
Lorsque nous arrivons sur les lieux, le brun s'empresse de me relâcher. Il me jette un regard noir avant de reculer de plusieurs pas, comme si j'avais la dragoncelle. Je roule des yeux et tourne le visage vers la bâtisse qui nous fait face. Je reconnais très vite la maison de Square Grimmaurd et je pâlis sur place. Sirius n'en mène pas large. Il doit certainement se demander ce que Juliet fout dans la maison de son enfance.
— Mon vieux, tout ce que je peux te dire c'est que ce à quoi tu vas assister, n'était pas du tout prévu, signifié-je en le gratifiant d'une tape dans le dos.
Le clébard m'interroge du regard mais je l'évite, mes yeux braqués vers la maison. Ma respiration se bloque dans ma gorge. Je déteste cette sensation de doute et de peur qui plane au-dessus de ma tête. Ça me file des sueurs froides et honnêtement, je crains le pire. Le patronus était affolé. Elle avait besoin de moi. Et Reg est dans cette foutu barraque. Et merde, je le sens pas ce coup !
Je n'attends pas plus longtemps et enfonce la porte d'entrée à coup de sortilège.
La baraque est plongée dans le noir et je vois déjà des flash de lumières provenir depuis le salon. Mon cœur pulse comme un détraqué dans ma poitrine, je me mets à courir à toutes jambes, Sirius sur mes talons. Ce dernier m'interpelle et me demande comment j'ai pu franchir aussi facilement les portes mais je n'ai pas le temps pour ces futilités. D'autres choses plus importantes se passent sous notre nez Blackouille !
Baguette à la main, je traverse la maison et dérape à l'encadrement du salon. Tout est très flou tant il se passe de choses à l'intérieur. Je vois des corps à terre mais je vois surtout Juliet recroquevillée sur elle-même, le visage ravagé par les larmes et un sort vert la braquant. J'écarquille les yeux d'horreur et mon sort brise l'air.
— PROTEGO !
Un bouclier transparent se dresse devant la brune et le sortilège de mort envoyé par Bellatrix ricoche contre pour frapper le portrait de famille des Black accroché au mur. Ce dernier explose dans un grand fracas et retombe violemment sur le sol en plusieurs morceaux, laissant une trace noire sur la tapisserie.
Mon regard gris tombe ensuite sur une flaque de sang qui mène jusqu'à Olivia. Ma respiration se coupe. Devant elle, gît également la dépouille de Regulus. Puis une autre. Un mangemort dont les côtes ont été écartées et qui ressortent de sa peau. Merde, merde, merde ! C'est quoi cette boucherie ?! Et Juliet qui est là. Qui a assisté à tout. Ce n'était pas du tout prévu ça !
Je compresse mes mains et maîtrise les trois autres mangemorts présents dans la pièce en leur ordonnant de s'endormir. Ils s'effondrent sur le sol mais Bellatrix reste dressée. Elle affiche encore un air étonné. Je ne lui donne pas le temps de comprendre que je l'attaque d'un sortilège de Stupéfixion. Elle me répond aussitôt et nous nous engageons dans un duel mortel. Je tourne pendant une fraction de seconde la tête vers Sirius qui s'est figé à l'encadrement de la pièce lorsqu'il a reconnu son frère, mort.
— Occupe-toi de Juliet ! hurlé-je pour le secouer.
Bordel je peux pas tout gérer tout seul. Alors secoue toi les puces Black ! Je fais valdinguer la vieille horloge de la famille à travers la pièce. Elle manque d'atteindre Bellatrix qui la fait exploser en de milliers de morceaux. Les lambris sont renvoyés vers Juliet qui rampe vers le cadavre de son meilleur ami.
— Reg, pleurniche-t-elle.
Heureusement, son super sex friend a réagi à temps et l'a protégé d'un bouclier transparent. Il se jette sur elle et l'emmène à l'écart, loin de la bataille qui fait rage.
— Je me demandais quand est-ce que tu allais rappliquer le legilimens, ricanne la sorcière folle en m'envoyant un maléfice en pleine tronche.
Je me protège in extremis d'une épaisse paroie d'eau et son sort s'évanouit à son contact. J'en profite pour beugler sur Black.
— Partez d'ici ! beuglé-je. Je vous rejoins.
Sirius a un moment d'hésitation en abaissant son regard sur son jeune frère pendant que Juliet pleure et se débat dans ses bras.
— PARS !
Réveillé de sa torpeur. Le brun acquiesce et tire la jeune femme en arrière vers la sortie. Je ne m'y attarde pas plus longtemps et me reconcentre sur Bellatrix qui récidive à nouveau. Je vais parvenir des lianes fortes et puissantes depuis la terre, qui viennent éventrer les planches en bois du sol pour venir foncer directement droit vers la sorcière qui les tranches à coup de baguette tout en explosant de rire, exaltée.
Je veux en finir au plus vite et surtout, je ne veux pas changer l'histoire. On a failli frôler la catastrophe ! Juliet a failli y passer. ENCORE. Bordel de merde, ça me vénère à un point ! Je dois donc me sortir d'ici tout en trouvant un moyen de maîtriser Bellatrix sans la tuer. Tout ça en évitant les sortilèges de mort qui vont et viennent à tout va. Fait chier !
Lorsque je roule sur le côté, trébuche et me cogne contre le meuble, je suis illuminé d'une idée. Je vais m'aider de la maison.
— Magiter locum ! m'écrié-je.
Aussitôt, je suis traversé d'un puissant frisson qui me prend de l'échine et qui se propage jusqu'à mes orteils. En une infime seconde, les sortilèges de protection de la maison des Black analysent le sang des occupants présents dans la pièce. J'ai une chance sur deux pour qu'il me débarrasse de Bellatrix. Cette garce est la cousine du propriétaire…
Pourtant je suis soulagé lorsque je la vois être secouée de spasmes. Elle cesse aussitôt les attaques, moi je libère mon emprise sur ses autres camarades et en deux temps trois mouvements, ils sont expulsés hors du salon comme les pestiférés qu'ils sont. Bellatrix, maintenant Lestrange et non plus Black, suit le mouvement et est évincée de l'équation. La Maison reprend ses droits et chasse les étrangers en un temps record. Moi, en tant qu'héritier de Black, je suis toléré à rester.
A rester seul. Saul, face aux cadavres de Regulus et d'Olivia.
Je déglutit avec difficulté et les considère silencieusement. Mon palpitant continue à pulser comme un fou dans ma cage-thoracique. Je n'arrive pas à me défaire de ce déchirement. Cette sensation.
Ils sont là, l'un à côté de l'autre. Leurs doigts se frôlent mais ne se touchent pas car ils sont séparés par une barrière invisible.
Je shoote dans une des pierres et la cage à démon se désagrège aussitôt. Reg est libre.
Le cœur lourd, je mets de l'ordre dans la pièce et considère silencieusement le jeune couple. Ma gorge est serrée. Ça me fait mal. Mon ventre se tord de douleur et j'ai du mal à expirer. Ils ne méritaient pas ça. Vraiment pas.
Mais c'est un mal nécessaire. S'ils ne mouraient pas alors je n'aurais pas pu exister.
Au moins, l'avantage d'avoir remonter le temps, c'est que je vais pouvoir leur offrir de belles funérailles. Dignes des personnes qu'ils étaient.
Chouinant et recroquevillé sur lui-même, Kreattur apparaît enfin, les oreilles abaissées. Des larmes de tristesse recouvrent son visage et il sanglote bruyamment alors qu'il est bâillonné et que ses poings et mains sont liés. Il se laisse tomber près de son maître, sous mes yeux et commence à l'implorer.
Je lève ma baguette et le défait de ses attaches. Bellatrix et ses sbrires sont des putain de barbares ...
— Tu vas m'aider Kreattur, indiqué-je, la voix rouillée.
L'elfe lève les yeux sur moi. Il ne sait pas qui je suis, si ce n'est que je suis relié de près ou de loin à la dynastie des Black. Il comprend aussi que je souhaite m'occuper dignement des deux dépouilles. Il se contente alors de cligner des paupières, m'adressant son accord.
C'est parti. Allons enterrer Reg et Olivia.
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Lorsque je reviens à la coloc de Juliet, la maison est plongée dans un calme assourdissant. Je traverse le couloir et vais directement dans le salon. De là, Sirius se dresse sur ses pieds et m'assassine du regard.
— Où est-ce que tu étais passé ?! beugle-t-il. C'ÉTAIT QUOI ÇA ?!
Sa baguette est braquée droit sur moi. Ses yeux sont gorgés de larmes et son buste monte et descend au rythme de sa respiration rapide et chaotique. James et Remus sont là et tentent de le calmer mais le brun est dans tous ses états. Normal en même temps.
— Pourquoi mon frère était-il là ? reprend-t-il, la voix rouillée. Que s'est-il passé ?!
— Plus tard Black, je suis pas d'humeur, grogné-je. Où est Juliet ?
— Réponds-moi !
Il me menace de sa baguette et m'empêche d'avancer.
Ennuyé, je soupire longuement et me passe une main sur le visage. Je fronce des sourcils avant de relever les yeux vers Sirius.
— Tu n'étais pas censé le savoir. Jamais, soupiré-je. Mais ton frère n'était pas celui que tu croyais.
— C'est à dire ?! menace-t-il, les yeux sortant de ses orbitres tant il prend sur lui pour ne pas péter un plomb.
— C'est à dire que tes parents l'ont forcé à devenir un Mangemort à seize ans alors qu'il n'a jamais voulu en être un. Il a lutté depuis toujours contre Voldemort et il s'est fait passé pour mort pour qu'on lui lâche la grappe et pour trouver un moyen de l'anéantir. Ton frère est un héros et à été le seul et le premier à découvrir le moyen de renvoyer Voldemort dans sa tombe. C'est grâce à lui et aux indices qu'il a laissés derrière lui qu'on a pu venir à bout de cette guerre ! C'est plus clair comme ça ?! Maintenant fous moi la paix et garde tout ça pour toi. Personne ne doit être au courant. C'est compris ?!
Ma tristesse et ma colère sortent de mon nez à mesure que je déballe tout. Sirius se fige et m'observe avec interdiction. Ses yeux sont larmoyants. Les miens aussi. Toutes ses convictions au sujet de sa famille et plus précisément sur son frère, s'effondrent. Je ne sais pas si c'est une bonne chose ou non mais je n'ai pas le temps de m'y attarder.
Je l'abandonne là, les bras ballants et la mine défaite, pour foncer vers la salle de bain du rez-de-chaussée. J'entends l'eau qui traverse les tuyaux de la maison. Quelle journée de merde putain…
Mes mains qui portent le sang de Reg et d'Olivia verrouillent la porte derrière moi. La salle de bain est petite et presque plongée dans le noir. Seule une faible bougie posée sur le rebord du lavabo éclaire la pièce. L'eau coule à flot et un nuage de vapeur chaud s'élève depuis les parois transparentes. C'est alors que je la vois.
Juliet, encore habillée, assise par terre sous la douche, les genoux ramenés vers elle. Elle sanglote à n'en plus finir, encore en état de choc et de panique. Mes sourcils se froncent alors que mon cœur se compresse dans ma poitrine. Bon sang… Je déteste la voir comme ça. Elle non plus ne mérite pas de traverser tout ça. Surtout que tout ce qui est arrivé, est de ma faute. Je l'ai exposé. Sans moi, elle n'aurait pas eu besoin d'assister à ces horreurs. Elle n'aurait jamais eu à vivre deux fois la mort de son meilleur ami.
Sans réfléchir plus longtemps, je me débarrasse de mes chaussures et traverse la pièce. Je fait coulisser la paroi de la douche et m'accroupi devant la brune dont le visage est enfoncé entre ses mains.
Les gouttes chaudes du jet tombent à flot sur mes cheveux et coulissent le long de mes vêtements. Je me retrouve très vite imbibé d'eau alors que je m'approche prudemment de la brune.
— Juliet, soufflé-je doucement.
Ma main vient rencontrer son coude et elle sursaute, n'ayant pas réalisé que j'étais là. Elle remonte son visage déformé par la peine et plante ses yeux larmoyants dans les miens. Elle tremble de la tête au pied. Je devine alors qu'elle est frigorifiée. Tout son corps est traversé de spasmes et sa mâchoire claque.
— Bébé…
Bordel ça me fait du mal de la voir comme ça. Ma main remonte jusqu'à son épaule, glisse jusqu'à sa nuque et je l'approche vers moi. Je referme la porte de la douche derrière moi et je la réceptionne contre mon buste. Elle n'attend pas plus longtemps et éclate en sanglots. Je serre mes bras autour de son petit corps frêle qui est secoué de soubresauts.
— Je suis là, soufflé-je à son oreille tout en lui baisant le crâne.
Elle ne répond pas mais continue à pleurer de plus belle. Elle passe ses bras derrière ma nuque et s'agrippe à moi de toutes ses forces. La tête enfouie dans mon cou, elle se laisse aller complètement.
— Je suis désolé mon cœur, vraiment désolé…
Bordel je ne sais pas quoi dire. Je ne sais pas quoi faire pour la consoler. Moi-même, mes yeux sont gorgés de larmes et je menace d'exploser à tout instant mais je me retiens. Je veux rester fort pour elle. Je veux qu'elle puisse compter sur moi. Je veux être là.
Mon buste se gonfle d'air et je ne parviens plus à l'expirer, comme si tout était bloqué en moi. Je passe ma main sur les cheveux mouillés de Juliet et la câline contre moi. Je tente d'apaiser et de faire taire sa crise de larmes mais c'est dur. Toutes ses émotions et ses pensées bouleversées font écho en moi. Je n'arrive pas à ne pas les écouter. Ses plaintes sont déchirantes. C'est comme un poignard qui s'enfonce dans mon abdomen encore et encore. C'est ce qu'elle ressent, je le ressens aussi.
Les yeux humides, je relève sa tête vers moi. Elle papillonne des cils et est tout de suite happée par mon regard navré. Je dépose chastement mes lèvres sur les siennes pendant que mes pouces qui encadrent son visage lui administrent de douces caresses.
Ma gorge est nouée et je ne sais absolument pas quoi lui dire. Tout me parait stupide. "Ça ira mieux avec le temps ?". Non. "C'est fini". Encore moins. "Tu es sauve". Qu'est-ce qu'elle s'en branle ? Ce qui compte actuellement c'est Regulus. Je le sais et je le sens.
Alors je ne dis rien et la serre de toutes mes forces.
J'ignore combien de temps nous restons là, sous le jet d'eau chaude, dans les bras de l'autre. J'ignore plein de choses mais pas son chagrin. Peu à peu, elle recouvre ses esprits et je la débarrasse de ses vêtements lourds et gorgés d'eau. Je fais passer par-dessus sa tête son tee-shirt et embrasse son nez, sa pommette et descend jusque dans son cou. Je réitère avec ses doigts, dont le sang séché s'écoule sur le sol carrelé. Je baise son poignet, son avant-bras, son bras, son épaules. Elle se noue derrière ma nuque tout en se laissant faire. Je viens alors la débarrasser de son jeans et la redresse sur ses pieds. Son regard est vide, meurtri.
Je lui retire ses sous-vêtements et m'empare du gel douche que je fais glisser sur sa peau. Je la savonne délicatement, doucement, en traçant d'agréables arabesques pour la détendre tout en continuant d'aplatir mes lèvres sur ses tempes. Sur chaque centimètre carré de sa peau. Lorsqu'elle passe ses mains tremblantes sous mon haut, je comprends qu'elle veut me sentir contre elle. Peau contre peau.
Alors je me déshabille également. Mes fringues rejoignent la pile lourde et gorgée d'eau de ceux de Juliet et mon corps se glisse délicatement contre le sien. Je passe mes bras autour de sa taille tandis que sa tête est enfoncée dans mon cou. Mes mains chaudes et réconfortantes vont et viennent sur son corps endeuillé. Je chasse les gouttes de sang de ses jambes, de ses bras, de son visage. Je fais de même avec mes propres membres.
Puis lorsque nous sommes tous les deux totalement immaculés et débarrassés de toute trace de sang, je coupe le jet d'eau et vais chercher deux serviettes. Je m'emballe dans l'une et la noue autour des hanches tandis que je passe l'autre autour des frêles épaules de Juliet qui grelotte déjà de froid.
Elle ne pleure plus. Son regard est seulement rivé sur ses pieds. Son regard est vide, presque mort. Elle enchaîne beaucoup trop de traumatismes, je m'en veux tellement.
Je laisse nos fringues imbibées derrière nous, soulève Juliet en passant un bras derrière ses genoux et une autre dans son dos et la porte contre moi. Elle noue aussitôt ses mains derrière ma nuque et enfouie sa tête dans mon cou. Je baise tendrement son crâne avant de sortir de la salle de bain et de traverser le couloir. Je me fiche du regard des autres qui nous dévisagent depuis le salon et monte directement les escaliers qui mènent à l'étage.
D'un coup de pied, j'ouvre la porte de sa chambre et la dépose doucement sur son lit. Je referme derrière moi et allume sa lampe de chevet. Je m'accroupis devant elle, mes doigts noués aux siens et ancre mon regard dans le sien.
— Tu as besoin de quelque chose ?
Elle secoue négativement de la tête, les yeux rivés sur nos mains. Je dépose un nouveau baiser sur ses doigts puis me relève. Je pars chercher dans son armoire des fringues histoire de la mettre à l'aise et qu'elle puisse se réchauffer. Je trouve une polaire et un pantalon de jogging en coton noir et des sous-vêtements. Je les lui apporte, ignorant moi-même les frissons qui se propagent sur mon buste. Mes poils se soulèvent dans une chair de poule mais ce n'est rien comparé à ma petite brunette.
Elle ne parle pas mais m'adresse un regard reconnaissant lorsque je lui dépose la pile de fringues à ses côtés. Elle se déballe de la serviette de bain et vient passer ses fines cuisses dans sa culotte et sa tête dans le col de son pull. Lorsqu'elle est complètement habillée, elle tire la couverture du lit et vient directement s'enfoncer sous les draps. Je l'aide à s'installer et alors que je pensais devoir lui laisser un peu d'espace, elle m'attrape par le poignet et m'attire vers elle.
— Ne me laisse pas, chuchote-t-elle, à demi-mot.
Son regard clair se fond dans le mien. Sa lèvre inférieure tressaille de froid, de peur, de tout. Je n'attends pas, me débarrasse à mon tour de ma serviette humide et glisse sous la couette. Aussitôt, elle se plaque contre moi et repose sa tête sur mon torse. Je l'entoure de mes bras et la câline doucement, calmement, tendrement.
Elle clos ses paupières et se relâche complètement, comme si j'étais sa bouée de sauvetage. Et c'est très certainement ce que je suis. A cet instant précis, sans moi elle sombre. Evidemment, je ne laisserai pas une telle chose arriver. Je passe alors mes doigts entre ses mèches humides et lui masse le crâne tout en ruminant.
— Je suis désolé, c'est de ma faute tout ça, admis-je finalement au bout de longues minutes silencieuses.
Juliet relève la tête et croise mon regard. Elle fronce les sourcils et m'observe avec incompréhension.
— Quoi ?
— Je t'ai mise en danger. Je comprendrais que tu m'en veuilles, articulé-je, la voix rouillée.
Un poids de plomb semble loger dans ma gorge et me compresse de part en part. J'ai du mal à articuler. Encore plus à formuler toutes les pensées négatives qui se bousculent en moi. Ma culpabilité semble en tout cas faire réagir Juliet et la sortir de sa torpeur. Elle se redresse sur un coude et m'attrape le visage pour le diriger droit vers elle. Sa main encadre ma mâchoire qu'elle caresse d'un revers du pouce.
— T'en vouloir ? répète-t-elle d'une voix chevrotante. Ce sont des criminels qui ont tué Reg et Olivia. Pas toi.
Je déglutis avec difficulté et ferme les paupières, chamboulé.
— Tu as failli…
Je ne finis pas ma phrase. Bordel, je déteste être envahi comme ça par cette avalanche d'états d'âmes. Les émotions, c'est trop compliqué à gérer. Surtout que mes palpitations ne se tarissent pas et que je ne parviens pas à expirer l'air que j'emmagasine dans ma poitrine. Je coule mon regard chargé de remords vers Juliet et l'observe attentivement.
Ses yeux, son petit nez et ses lèvres rougies d'émotions. J'observe tout. Plus aucune larme ne déborde de ses beaux yeux bleu-vert. C'est déjà ça. Je détaille silencieusement chacun de ses traits, comme si je voulais les imprimer pour ne jamais les oublier. Comme s'ils étaient bien trop précieux et que je réalisais soudainement que ma venue à cette époque la mettait plus que jamais en danger. Je passe mon pouce sur le haut de ses pommettes, frôle son grain de peau doux et lisse, admire ses discrètes taches de rousseur, chatouille son petit nez et m'arrête sur ses lèvres roses et gonflées. J'agrippe sa mâchoire et l'attire vers moi.
— J'ai vraiment eu peur, soufflé-je avec difficulté en la caressant depuis mon arrêté nasale. Si je ne t'avais pas emmenée à Square Grimmaurd, Bellatrix ne se serait pas servie de toi. Tout aurait pu virer au drame. Toi, Sirius, moi. Mais surtout toi, je ne me le serai jamais pardonné…
J'entends les battements de son cœur battre à tout rompre dans sa petite poitrine. Ses doigts chauds se déposent avec prudence sur mon torse et je la sens descendre sur ma peau en m'administrant d'agréables caresses. Je ferme longuement les paupières, la laissant m'embarquer dans cette douce et tendre folie.
— Adrian… Aussi affreux que ce qui a pu se passer, je ne regrette rien, exprime-t-elle avec courage, les yeux rivés aux miens. Sans toi, je n'aurais jamais appris pour mes origines, je n'aurais jamais su que malgré tout, Olivia et Reg ont eu la chance de connaître une vie paisible avec leur fille pendant ces trois dernières années et Sirius n'aurait jamais su qui était réellement son frère.
Je ne réponds pas et la considère silencieusement. Enfin je parvins à expirer. Longuement, douloureusement. Mon ventre se tord de douleur et je relâche la tête en arrière, contre les oreillers. Bordel. Je déteste vraiment cette période...
Juliet se redresse encore un peu, réduit la distance entre nous deux, m'attire le visage vers elle et aplatit délicatement ses lèvres sur les miennes. Embarqué par un raz-de-marré d'émotions, j'enfonce mes doigts dans ses cheveux et appuie sur son crâne pour maintenir le contact. J'ouvre la bouche et m'infiltre dans la sienne pour ne faire qu'un. Ma langue chaude et séductrice s'acoquine à la sienne et l'entraîne dans une danse langoureuse et sensuelle. Je crois qu'elle et moi avons bien besoin de ce contact. J'ai besoin de m'assurer qu'elle est bien là et qu'elle ne m'échappera pas. J'ai besoin d'elle pour m'abreuver et oublier. Oublier tous ces détails sordides.
D'un accord tacite, elle m'attire vers elle et je glisse mon corps par-dessus le sien. Sa main droite longe mes flancs pour que ses ongles viennent se planter dans ma fesse. Je grogne contre ses lèvres, foudroyé par un désir ardent.
— Je t'aime.
Je retrouve sa bouche et l'embrasse comme un damné. Elle ne partira plus. Jamais.
— Hum Ad'…, soupire-t-elle d'aise. Moi aussi je t'aime…
Trop tard pour réfléchir. Trop tard pour pleurer et se laisser aller à l'apitoiement. Nos deux corps se cherchent et se veulent bien trop. Leur réunion nous fait tout oublier et panse nos blessures. Très vite, mes mains viennent chercher ses vêtements pour que je la déshabille. Comme une affamée, en manque de moi, elle m'attire vers elle et répond à mon baiser. Je soupire d'aise et laisse échapper un grognement impatient. C'est fou ce que je l'aime ! C'est fou combien je la veux !
Juliet se retrouve nue sous moi et nos peaux ressentent le besoin insatiable de se toucher, de se caresser, de coulisser l'une sur l'autre. Jamais le besoin de la sentir en moi n'aura été aussi fort et intense. Jamais la nécessité de la sentir en vie et de la posséder n'aura été aussi viscérale. Elle ne m'échappera plus. Plus jamais. Entre ces murs, entre mes bras, je garde le contrôle sur la situation.
Comme une damnée, ses dents se plantent dans ma lèvre inférieure avant qu'elle ne m'entraîne dans un baiser sulfureux. Un désir lancinant se répand de mon bas ventre pour venir inonder chacun de mes membres. Au-dessus d'elle, je ne cesse de l'embrasser, d'encadrer son beau visage et de le caresser avec délicatesse et fascination. Ces yeux, ce cœur qui bat, cette chaleur, cette odeur, cette douceur. Tout ça m'appartient et je ne la laisserai pas me filer entre les doigts. Rien ni personne ne me l'enlèvera. Pas même la mort.
— Tu es tellement… , soufflé-je en m'arrêtant de l'embrasser. Tellement tout.
Tellement belle, fougueuse, courageuse, forte, intrépide. Tellement de choses qui font que je suis raide dingue d'elle mais qui font qu'elle peut m'échapper en un claquement de doigt. Je ne peux pas accepter ça. Pas maintenant, pas ici.
Je rejoins à nouveau sa bouche pour l'entraîner dans un baiser passionné alors que mes hanches se calent sur les siennes. La nécessité de la sentir et me perdre en elle se fait évidente et pressante. Dans une parfaite coordination de baisers et de caresses, Juliet écarte les cuisses et m'accueille entre. Je m'y enfonce, ma langue glissant contre la sienne avec ferveur. Mes doigts se nouent aux siens que je viens maîtriser au-dessus de sa tête, frottant contre le tissu en coton de soie des taies d'oreiller.
J'avale son soupir dès l'instant où ma queue vient franchir la barrière chaude et humide de ses petites lèvres gorgées d'envie. C'est tellement fort ce que je ressens. Tellement incontrôlable. Je la désire d'une façon totalement inédite. Je m'enfonce en elle et mouve doucement mes hanches pour l'assaillir délicatement et profondément de mes coups de rein.
— Han Adrian, soupire-t-elle.
Je rouvre les paupières et constate que ses yeux sont humides et gorgés de larmes. Pourtant elle ne semble pas vouloir diminuer la pression de nos corps. Tout autant que moi, elle souhaite se perdre, s'oublier.
— Reste avec moi, articulé-je sans vraiment savoir pourquoi je lui sors un truc pareil.
— Je ne comptais pas partir.
— Je te protégerais, argumenté-je en donnant un sec mouvement de bassin.
Juliet se tend et gémit de délectation. Mes lèvres rejoignent à nouveau les siennes et viennent lui dérober un gémissement plaintif avant que je ne la délaisse pour venir baiser ses joues, ses tempes, son front, ses paupières.
— J'adore quand tu es doux comme ça, commente-t-elle en se calant sur le même rythme que moi.
— Ah… Putain c'est bon.
Je ferme les yeux et me déconnecte complètement de la réalité. Je suis plongé dans un espace temps qui n'existe que pour nous deux. Il n'y a qu'elle qui compte. Je l'assaille délicatement, profondément. Je me délecte de chacune de ses réactions. Nos corps se recouvrent d'une fine pellicule de sueur, lubrifiant alors notre peau et facilitant nos frictions. Je grogne et respire bruyamment contre son cou, m'abandonnant complètement.
— Je t'aime, répété-je comme si ce ne sera jamais assez suffisant pour lui faire comprendre.
Comme si j'avais besoin de lui dire un millier de fois pour que tout ce que je ressens pour elle prennent vraiment sens. Il m'en faudrait tellement, tellement plus pour qu'elle comprenne. Son odeur sucrée à l'amande finit de m'achever et me fait complètement divaguer. C'est pas possible… Cette fille est une drogue, bordel de merde !
Je grogne contre elle et accélère la cadence. Ses ongles se plantent dans mon dos, nos bouches se rejoignent à nouveau et nous nous laissons embarquer sur cette planète lointaine qui n'a de place que pour nous deux.
La planète d'Adrian et Juliet.
