Cher Lectrices, cher lecteurs, voici venir l'un de mes combats préférés. Il a été le premier que j'ai imaginé lorsque je me suis mise à écrire cette histoire et j'espère vraiment que vous aimerez le lire, tout comme j'ai aimé le rédiger ^^
Chapitre 38
-Inspire… Expire. Souviens-toi, tu n'as rien à prouver à personne, rien à nous devoir. Tu fais de ton mieux un point c'est tout.
Casper jette un œil à mes mains crispées et à mon pied qui tape nerveusement sur le parquet. Autour de nous, les cris des élèves sont difficilement supportables, même si j'entends tout de même la voix suraiguë de Jasmine s'élever par-dessus.
-Tu m'as entendu ? insiste mon ami en essayant de capter mon attention. Elle est forte, c'est vrai, mais tu t'es préparée pendant des mois et je sais que tu fais largement le poids face à elle.
Les paroles de mon ami tentent de se frayer un chemin à travers ma conscience agitée et je ne peux empêcher mon regard de fuir vers les hauteurs. D'où je suis, c'est-à-dire à un bout de l'aire de combat, j'aperçois Rabastan, Galaad et Aaron nous observer avec attention et ils m'adressent tous un discret geste de la main pour m'encourager. Non loin, mes parents et ceux de Casper discutent sérieusement en me jetant de fréquents coups d'œil et Soneïs agite sa jolie banderole sur laquelle elle a animé les lettres de mon nom. Le petit frère Mc Tavish, quant à lui, m'observe avec des jumelles piquées à Jacob et j'imagine qu'il ne loupe rien de ma mine blafarde.
-Tu te souviens de la stratégie de la première manche ? Il ne faut pas que tu te loupes car tu n'auras pas le droit à un second essai. Une fois qu'elle aura compris ton mouvement, elle saura à quoi s'attendre et ne se fera plus avoir.
Je hoche distraitement la tête et échauffe mes chevilles et mes genoux en continuant d'observer les alentours. Bastian est souriant - pour ne rien changer - et Caussman tire la gueule, sans doute parce qu'il s'est encore pris un râteau de sa nana. Arkwood est absent et mon regard tombe enfin sur celui de Jasmine. J'y lis une amitié inflexible qui me réchauffe le cœur et je me sens me détendre imperceptiblement.
-Les arbitres nous appellent, il est temps d'y aller.
La main chaude de Casper me fait revenir sur terre et je me tourne vers les professeurs Mc Gonagall et Bibine. Celles-ci nous regardent approcher au centre de l'aire tandis qu'Eléonore Picard et sa seconde nous rejoignent d'un pas tranquille. Leurs visages restent graves et nous nous saluons formellement avant de retourner à nos places respectives.
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-En garde !
La voix du professeur couvre aisément les hurlements alentour, sa main se lève et s'abaisse sèchement tandis que le gong retentit en résonnant à mes oreilles.
-Allez !
Le calme m'envahit. Mes épaules se relâchent, mon cœur se calme. Je sais ce que j'ai à faire.
Je me permets de suspendre mes gestes le temps d'une longue expiration, de laisser mon cerveau occulter mon environnement pour se concentrer entièrement sur la jeune fille située à une vingtaine de mètres de moi. Enfin, j'avance d'un premier pas. Mon adversaire penche légèrement la tête sur le côté, mais je crois qu'elle attend que je fasse le premier geste.
Après l'avoir vu combattre contre Rabastan, j'en ai déduis qu'elle était du genre à riposter plutôt qu'à attaquer frontalement. Il est vrai que je ne pourrais jamais critiquer pareille prudence, car je suis du genre à agir ainsi mais, pour le coup, c'est bien là sa plus grosse faiblesse… Du moins si cette jeune fille en possède une.
Ma main se glisse naturellement dans la poche arrière de mon jean et attrape les fins objets s'y trouvant. Je les cache ensuite derrière mes doigts repliés et effectue un second pas. L'aire fait combien de mètres déjà, vingt ? Oui, c'est ça.
À vue de nez, nous nous trouvons chacune à deux mètres de la limite extérieure - quatre pour moi désormais - ce qui nous sépare donc de quatorze mètres. Je me tourne rapidement vers Casper et celui-ci lève discrètement deux doigts tandis que j'acquiesce. Avec une longue inspiration je marche encore deux mètres et vois la main de ma concurrente entamer un mouvement peu rapide. Je comprends qu'elle commence à s'ennuyer et je sais alors qu'il est temps d'agir.
Avec une rapidité qui semble la surprendre, je plie les genoux pour abaisser mon centre de gravité et me propulse alors en avant aussi vite que je puisse. Mon brusque changement d'allure tire un cri à l'assemblée, mais je ne m'arrête pas pour autant. À l'inverse, je pousse davantage sur mes petites jambes et cours à toute vitesse vers la combattante de Beauxbâtons. Celle-ci ouvre de grands yeux en me voyant filer vers elle à vive allure et sa main s'élève devant elle pour faire apparaître une marée de lianes qui vient se déverser sur le sol.
Mes pas résonnent crescendo sur le parquet à mesure que je me rapproche et je ne tarde pas à rejoindre les lianes mouvantes. À cet instant, je jette les disques de métal que je tenais à la main et, d'un Wingardim Leviosa, je les fais léviter à mi-hauteur pour me créer un chemin vers elle.
Je saute sur le premier disque au moment où une liane tente de me happer le pied et enchaîne ma course sur le second, puis le troisième. Dans mon champ de vision périphérique, je vois les plantes s'élever brusquement pour essayer de me stopper, mais elles ne rencontrent chaque fois que le vide et je bondis de disque en disque pour arriver enfin à moins de deux mètres d'Eléonore. J'ai le temps de voir ses yeux écarquillés, avant de pousser une dernière fois sur mes pieds et projeter de toutes mes forces mon épaules dans son plexus solaire. Mon inertie, couplée à la faible constitution de mon opposante, à raison de cette dernière et je la repousse alors avec violence en lui arrachant un cri de douleur.
Je vois son corps basculer, ses jambes tenter de récupérer son équilibre, mais elle s'écroule finalement au sol et le gong sonne lorsque sa tête passe la délimitation de l'aire. Pour ma part, je m'affale sur le tapis de liane toujours présent et entends la foule applaudir à tout rompre. Je prends tout de même le temps de retrouver mon souffle et me relève lorsque les lianes disparaissent doucement dans le sol. Mon adversaire s'est également relevée et nous nous observons avec gravité tandis que sa seconde s'approche afin de s'assurer qu'elle n'a rien.
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-Veuillez retourner votre place, me dit le professeur Bibine en venant vers nous et en me désignant l'autre bord de l'aire.
J'acquiesce sans un mot et pars rejoindre Casper qui ne cache pas sa satisfaction. Il pose une main sur mon épaule et semble lui aussi reprendre son souffle.
-Excellent, Aly, me dit-il en manquant de rire de sa voix grave. Le timing était parfait ! Comment tu te sens ?
-Je ne sais pas… Pas très bien je crois. J'ai l'impression de me retrouver à la place d'Arkwood lors des sélections. Mais avec les remords en plus.
-Ton coup était des plus réglementaire, on s'en est assuré avec Jasmine, ne t'inquiète pas. Tu te souviens du prochain mouvement ?
Je hoche piteusement la tête et me tourne vers mon adversaire qui discute avec sa seconde. Une pointe douloureuse se plante dans ma conscience et je me prends à regretter d'avoir suivi les instructions de Casper. Je suis une sorcière, après tout, pas un troll des montagnes !
-Je ne vais pas faire comme tu dis pour la prochaine…
Casper fronce les sourcils à mes mots et resserre ses doigts sur mes épaules.
-Pourquoi ça ? Si tu as réussi celui-ci, le prochain ça sera de la tarte !
-Je veux me battre à la régulière.
-Mais c'est tout à fait…
-Non ! dis-je d'une voix forte en le coupant. Je sais que vous tenez à ma victoire, mais je serais incapable de me regarder en face si je gagne par des coups aussi bas !
Mon ami ne répond rien et reste m'observer sans cacher sa déception. Peut-être n'a-t-il pas assez confiance en moi pour l'affronter sans ruse, mais je m'en contrecarre. Sans m'embarrasser d'explications supplémentaires, je lui tourne le dos et attrape la bouteille d'eau pour boire une longue gorgée salvatrice. Puis, je viens me placer au bout de l'aire et ferme les yeux pour me calmer.
Dans ma tête, tout tournoie et se mêle en une danse sans fin tandis que je force ma respiration à se ralentir. J'entends les enseignements de mon père se frayer un chemin pour résonner sur le bois sec de ma décision.
Il me répète à nouveau que nous nous définissons par nos actions, par notre volonté, notre courage, mais avant tout par le respect que nous accordons à nos ennemis. "Tout fout le camp, m'avait-il dit un jour. Les hommes se tapent sur la gueule sans grande distinction et oublient parfois qu'ils sont faits du même bois, de la même graine plantée il y a des putains de milliers d'années. Regarde deux ours se battre pour un territoire et tu apprendras comment le monde devrait tourner : ils sont là, debout l'un face à l'autre. Même si ça caille et que ça fait une heure que pas un ne bouge, tu les verras pas flancher ni lâcher l'affaire. Puis, ça se fonce dessus et ça se fout des grandes mandales qui t'arracheraient la tête, jusqu'à ce que l'un d'eux s'écroule. Une fois que c'est fait, l'ours vaincu se relève et il a une journée pour vider les lieux. Jamais tu le verras assassiner le vainqueur dans le dos, ni réclamer un second combat, ni même aller chercher du renfort pour une vengeance illégitime. Il accepte sa défaite. Il respecte la force de l'autre. T'es pas un ours, ma fille, t'en sera jamais un, mais le respect s'applique à tous ceux dont tu l'espéres en retour. Maintenant, médite sur mes paroles et va aider ta mère à replanter les bégonias que t'as bousillé avec la tondeuse."
Un long sourire étire mes lèvres et je rouvre les yeux sur une Mc Gonagall attentive. Je crois voir le coin de sa lèvre s'écorner légèrement, mais c'est trop bref pour que j'en sois sûre. Elle agite ensuite ses mains et mon adversaire vient à son tour se positionner au bord de l'aire.
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-En garde ! s'exclame notre professeur. Allez !
Le gong sonne et je suis sereine. Face à moi, la jeune fille agite sa baguette et trois immenses fleurs viennent s'ouvrir au-dessus d'elle : deux bleues et une verte. La qualité des enchantements me laisse de nouveau admirative et je lève les yeux vers Rabastan accoudé à l'autre bout de l'arène. Nos regards se rivent l'un à l'autre et je crois bien qu'il comprend.
J'aimerais lui dire que je suis désolée. Désolée de ne pas monter en finale avec lui car je refuse de laisser la facilité et la fourberie l'emporter sur la beauté du sport. Je vois ses épaules s'abaisser imperceptiblement et ses lèvres prononcer silencieusement les mots "je t'attends". Attends donc, mon ami. Mais ne sois pas déçu et ne m'en veux pas si je ne te rejoins pas.
Je reporte mon attention sur la concurrente de Beauxbâtons qui n'a pas esquissé un geste depuis que ses fleurs sont apparues. Je vois les lianes s'agiter doucement tandis qu'elles miroitent étrangement sous la carapace d'eau que leur incantatrice à apposé. Un sort basique d'un niveau peu élevé que moi-même je maîtrise. Mais la force d'un duelliste ne réside pas dans la puissance de ses sorts, je l'ai souvent répété ; car c'est dans leur enchaînement et dans la rapidité de leur mise en application que se calcule finalement la force d'un ennemi. Malheureusement pour moi, Eléonore Picard maîtrise l'ensemble de ces critères.
J'inspire profondément et laisse mon esprit cavaler pour passer en revue la large palette de sorts à ma disposition. Lorsqu'il s'arrête sur l'un d'entre eux, un long sourire étire mon visage. C'est parti, qu'ai-je à perdre après tout ?
Mes bras se lèvent devant moi et j'incante.
-Aguamenti Levitatum !
Une longue langue d'eau se matérialise à mes pieds pour venir onduler autour de mon corps en gouttant sur le parquet. Le problème avec les sorts, c'est qu'il est assez compliqué d'en matérialiser plusieurs en même temps, car il faut une concentration en béton armé. C'est d'ailleurs là-dessus que Jasmine et Casper m'ont fait travailler ces dernières semaines. Si je réussis plutôt bien à maintenir plusieurs sorts basiques, ceux que je n'ai pas pour habitude de manipuler sont une autre paire de manches. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle je choisis ce premier sort basique en prévision de la suite de mon enchaînement.
Devant moi, mon adversaire agite à son tour sa baguette et plusieurs spores lumineux sortent alors de la large fleur verte lévitant près d'elle. Ils effectuent une parabole impeccable et retombent vers moi en illuminant mon visage levé. Ce premier mouvement n'est là que pour me tester et je me contente d'un simple geste de baguette. Aussitôt, l'eau s'élève au-dessus de ma tête et s'élargit en un large parapluie sur lequel vient s'éteindre les projectiles sans plus me faire de dégât.
Eléonore ne s'en contente pas et je l'entends prononcer plusieurs mots dans une langue étrangère. Ses lianes s'agitent sous ses paroles et je les vois immédiatement se précipiter vers moi. Ma respiration se bloque tandis que je laisse ma langue d'eau se glisser sur le parquet et que j'incante à nouveau. Les lianes couvrent rapidement la distance nous séparant, elles se jettent vers moi en pointant leurs extrémités agitées de frémissement menaçant. Enfin, elles sont devant moi, veulent m'attraper, c'est alors qu'apparaît entre nous un imposant cube de gelée jaune vif. L'ensemble des plantes s'y plante avec force dans un bruit peu ragoûtant et je vois l'assemblée se figer de surprise.
Je n'attends pas plus et me déplace latéralement pour sortir de derrière le bloc visqueux qui me cache la vision sur Eléonore. Ma main s'agite à la vitesse de l'éclair et ma langue d'eau se relève alors brusquement pour filer vers cette dernière tel un boulet de canon. Je vois mon sort fuser au-dessus du parquet, rayer de son ombre les plantes désormais coincées dans leur élan. Je prie alors Merlin que l'effet de surprise soit assez fort pour que la jeune fille ne puisse se protéger à temps et que mon sort la renverse ou, à minima, lui fasse perdre sa concentration.
Mon projectile arrive enfin sur elle, mais une de ses larges fleurs bleues à tout juste le temps de s'abaisser devant son corps et l'eau détruit une partie de ses pétales. Malheureusement pour moi, ce sont les seuls dégâts qu'il fait et je vois ses lianes faire rapidement exploser la gelée que j'ai matérialisée près de moi. Ils s'agitent avec fureur en retrouvant enfin leur liberté et je n'ai que le temps de faire apparaître un second cube pour les coincer de nouveau.
Cependant, ma concurrente est maligne et une partie de ses plantes contourne ma défense pour tenter de m'atteindre sur les flancs. Avec angoisse, je lève ma baguette et incante la première chose qui me vient à l'esprit. Deux hautes lames d'eau sortent alors du sol et viennent sectionner les végétaux qui retombent lamentablement autour de moi. Je remarque que les bords de cette eau sont gelés et aussi bien affûtés que les meilleurs des couteaux. En prenant conscience de la chose, je ne peux empêcher mon regard de se lever vers Rabastan qui observe la scène avec attention. J'aimerais qu'il comprenne le message que mes yeux silencieux tentent de lui faire passer, qu'il vienne m'expliquer ce qu'est cette magie si particulière qu'il a maîtrisé en combat et que je crois percevoir à mon tour.
Je n'ai néanmoins pas le temps de m'attarder, car de nouvelles lianes viennent vers moi et trois spores menaçants traversent l'aire en crépitant funestement. Je ne réfléchis pas plus et pousse sur mes jambes pour esquiver une première attaque d'un végétal aventureux. Il finit sectionné par un trait liquide sortant brusquement du parquet tandis que les spores retombent loin sur le sol. Trois autres lianes se jettent à leur tour sur moi et je leur fais subir le même sort en sentant ma magie couler librement à travers mes doigts. J'aimerais comprendre d'où cela me vient, pourquoi je suis subitement capable de coupler deux sorts sans même y penser, mais je dois à nouveau éviter les doigts verdâtres de mes assaillants.
J'effectue une roulade impeccable et agite ma main pour faire rouler une vague acérée autour de moi. De nombreuses lianes tombent à mes pieds tandis que des dizaines d'autres viennent prendre leur place. J'enchaine mes sorts encore et encore, je puise en moi pour trancher ces tentacules de plus en plus nombreux, mais je finis par être submergée par le nombre. Je ne réussis pas à détruire assez vite les lianes et ce n'est qu'une fois mes jambes enserrées que je comprends que je ne remporterai pas. Je lutte néanmoins jusqu'au bout, jusqu'à ce que je sente les végétaux se resserrer sur ma taille, mes bras, mon cou et finalement faire sonner le gong.
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Lorsque ma concurrente met fin à ses incantations, je me retrouve haletante au milieu de l'aire tandis que de la sueur coule sur mes tempes. Il me faut quelques longues secondes pour reprendre une respiration convenable et je laisse mes jambes fatiguées me mener jusqu'à Casper. Celui-ci me guide jusqu'à une chaise et s'accroupit devant moi sans un mot. Il attend ensuite patiemment que j'ai vidé la moitié de la bouteille d'eau et tapote mon genoux sans quitter son air sérieux.
-Ça va aller, Aly ? me demande-t-il d'une voix inquiète. Vous avez toutes les deux gagné un match alors il y a prolongation comme tu t'en doutes. Tu veux que je réclame une pause plus longue ?
Je ne réponds rien et observe mes mains tremblantes sans réussir à faire la part des choses. Ne me voyant pas répondre, mon ami se remet sur ses pieds et s'éloigne sans que je ne cherche à savoir où il va. Pour ma part, je continue de scruter mes paumes. J'aimerais avoir la capacité de voir cette magie si particulière que je sens par intermittence se glisser à la limite de ma vision ; à l'instar d'un papillon de nuit battant de ses ailes sombres pour disparaître chaque fois qu'on le recherche avec trop d'acharnement.
Lorsque Casper revient, je n'ai pas bougé et sa main chaude sur mon épaule me fait sortir de ma torpeur.
-J'ai demandé deux minutes trente de pause. On n'aura pas plus, alors maintenant dis-moi si ça va.
Je hoche la tête face à sa mine sombre et il finit par soupirer en s'agenouillant de nouveau devant moi.
-Tes sorts d'eau étaient très forts, me dit-il en regardant à son tour mes paumes tournées vers le ciel. Mais j'ai peur que ça ne soit pas assez efficace pour la battre. Il va falloir trouver autre chose.
J'aimerais rire, de ces éclats nerveux qui se pressent à la limite de mes lèvres sèches sans vouloir se décider à en sortir. Casper s'en aperçoit et ne prononce plus un mot. Que pourrait-il dire après tout ? Cette fille est l'adversaire le plus incroyable que je n'ai jamais affronté, le travail seul peut-il venir à bout du talent lorsqu'il est aussi évident ? Je l'ignore et j'aimerais n'en avoir rien à faire, mais je crois que je serais vraiment amère de devoir laisser la victoire à Rabastan, sans même avoir la possibilité de partager un ring avec lui.
-Qu'est-ce qui peut battre pareilles invocations ? dis-je dans un souffle, sans vraiment m'adresser à quelqu'un en particulier. Le feu est inutile, l'eau pas assez efficace, aucune protection ne tient assez longtemps face à elle et si Rabastan n'a pas réussi à la battre, alors je ne vois pas comment je pourrais.
Mes paroles défaitistes et sans timbres tirent un grognement de dépit de la part de mon ami, mais je ne lui en veux pas. Je le vois d'ailleurs se relever et tourner la tête vers un point dans mon dos. En suivant son regard, j'aperçois Jasmine debout sur une des chaises et nous fixant avec intensité. Elle a levé ses bras pour leur faire faire une forme étrange que ni Casper ni moi ne comprenons. Mon ami lui fait signe de s'exprimer plus clairement, mais elle ne bouge pas et de nombreuses têtes commencent à se tourner vers elle. Je me relève de mon siège pour me tourner à mon tour vers elle et essaye vainement de comprendre où elle veut en venir.
-Tu crois qu'on peut devenir fou en moins de dix minutes ? me demande Casper en levant un sourcil affligé devant notre amie qui se donne bêtement en spectacle devant l'arène entière.
-Ça dépend. Si Rabastan lui a fait fumer des trucs illicites, ont peut raisonnablement tabler là-dessus.
Je vois les yeux de Jasmine nous quitter pour se poser sur l'horloge indiquant le décompte de temps restant et revenir à nous. Elle ouvre ensuite la bouche et prononce un mot silencieux en articulant. Je plisse les yeux et elle recommence sans qu'aucun de nous deux ne réussisse à interpréter ses mots.
-De l'humus ? propose Casper en fronçant les sourcils.
-Un Pitiponkus ? dis-je sans y croire non plus.
Nous la voyons qui tape du pied et s'agace de notre air sceptique tandis que des rires retentissent dans l'assemblée. Fatiguée de son manège, je tourne un œil las vers les élèves qui se moquent d'elle et mon regard croise alors celui d'Arkwood. Ses yeux écarquillés naviguent entre Jasmine et moi en semblant attendre quelque chose et je sens mon cœur faire un bond. Je n'ai cependant pas le temps de m'étendre sur la dualité de mes sentiments, suite à ce qu'il s'est passé dans les cachots, car je le vois vite pointer Jasmine du doigt pour me forcer à reporter mon attention sur elle. Il prononce à son tour un mot que j'arrive presque à lire et semble insister pour que je me creuse la cervelle.
De plus en plus perplexe, je fais passer mon regard de l'un à l'autre et c'est alors qu'Arkwood lève à son tour une main. Il effectue un large geste en semblant suivre la forme que Jasmine effectue toujours avec ses bras et c'est alors que je comprends.
-J'ai trouvé ! je m'exclame en sautant sur Casper qui ne s'y attend pas. Je sais ce que Jasmine veut nous dire !
Il paraît vouloir parler, mais c'est à ce moment précis que nous entendons notre professeur m'appeler. D'un bond, j'attrape ma baguette que j'avais posée sur ma chaise et trottine jusqu'au bout de l'aire sans avoir rien expliqué à Casper. Le professeur Mc Gonagall lève une main en l'air une fois que Eléonore et moi-même somme à notre place et prononce un "en garde" sonore. Le gong retentit et le troisième combat commence.
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Je pensais avoir un peu de temps pour préparer la manœuvre que m'a soufflée Jasmine, mais je n'en ai malheureusement pas le temps. La jeune fille invoque ses lianes plus rapidement que prévu et les envoie se ruer sur moi tandis qu'une immense fleur rose apparaît au-dessus de ma tête. D'un bond, j'esquive les pétales voraces du végétal et celui-ci défonce une partie du bois de l'aire sans effort. Par réflexe, j'incante une lame d'eau qui vient la découper proprement et tourne ensuite ma baguette vers les lianes désormais à moins de cinq mètres. Avec force, j'hurle un sort et une vague d'eau gelée sort de terre pour broyer les plantes.
Je sais que cela ne m'a donné qu'un simple sursis et je lève alors ma baguette vers le ciel pour incanter le sort de Jasmine. Faisant cela, je lève les yeux et remarque à temps la seconde fleur rose se précipitant sur moi. J'ai le temps de noter les innombrables dents rayant la surface des pétales, ainsi que les tentacules jaunes sortant de son pistil, avant de sauter en avant pour ne pas finir dévorée. Le sol explose derrière moi et je sens mon épaule craquer lorsque je me réceptionne durement sur le bois. Mais je n'ai pas le temps, ni celui de gémir de douleur, ni celui de reprendre ma respiration, car une troisième fleur - plus petite cette fois - se jette sur mon bras droit et l'avale.
-Diffindo !
Mon sort fuse de ma baguette désormais dans le ventre du végétal et le détruit en une gerbe de sève collante. Je passe rapidement une main sur mon visage éclaboussé et me retourne pour découper la deuxième fleur toujours dans mon dos. Le liquide verdâtre colle vite à mes doigts et je prends deux secondes pour respirer tandis que j'aperçois plusieurs lianes glisser sournoisement à la limite de mon champ de vision.
Au loin, le visage de mon adversaire est concentré, comme si chaque fleur qu'elle invoquait lui demandait un effort incroyable. Je suis moi-même éreintée car j'ai profondément puisé dans les réserves au dernier combat et je sais que, plus cette confrontation s'éternisera, moins mes sorts seront efficaces. C'est la raison pour laquelle je me redresse sur mes pieds et laisse les lianes s'approcher sans plus les tenir en respect. Je lève à nouveau ma baguette vers le ciel, réalise le mouvement de baguette associé et crie.
-Virifulgus !
Une première étincelle apparaît au-dessus de moi. Elle s'agite quelque peu avant d'être rejointe par plusieurs autres qui s'agglomèrent joyeusement les unes aux autres. Une première liane attrape ma jambe, mais je me force à ne pas bouger de là où je suis. Une nuée d'autres étincelles ne tarde pas à se joindre à l'électricité crépitant joyeusement et je ne les quitte pas des yeux.
Une seconde liane se glisse le long de mon mollet et remonte le long de ma cuisse sans que je ne fasse le moindre geste. L'éclair est désormais à la moitié de sa puissance, mais je sais que je ne dois pas flancher maintenant, ou tout sera perdu. Pourtant, je ne peux pas ignorer les nombreux autres végétaux qui viennent attraper mon corps pour l'enserrer et remonter jusqu'à mon torse. Cette fois-ci, je ferme les yeux et un râle sourd sort de ma gorge à mesure que je me force à drainer cette magie que je ressens au plus profond de moi. Les lianes s'enroulent davantage, elles me soulèvent de terre, se collent à ma bouche tandis que les cris de la foule se font plus fort.
Lorsque je rouvre les yeux, je suis couverte de ces plantes luisantes qui tentent de me faire lâcher ma baguette. Par le maillage serré apposé sur mon visage, j'aperçois l'immense éclair qui lévite désormais au-dessus de ma main levée et un rire clair passe ma gorge compressée. Il secoue toutes les fibres de mon corps et je sais alors ce qu'il me reste à faire.
Mon bras s'abaisse malgré la végétation et l'éclair fend l'air si vite que j'ai à peine le temps de le voir. J'entends le cri des spectateurs en même temps que le crépitement incroyable de mon sort lorsqu'il s'enfonce dans le tapis verdoyant. Soudain, de gigantesques arcs blancs s'élèvent dans l'air tandis qu'ils répandent leur électricité mortelle le long des lianes gorgées d'une eau parfaitement conductrice.
Les deux fleurs bleues qui lévitaient au-dessus d'Eléonore explosent à leur tour en brûlant d'un feu vif, la forçant à reculer pour ne pas être écrasée par les débris incandescents. J'entends le gong qui sonne lorsqu'elle effleure le bord de l'aire dans sa panique, mais je n'ai pas le temps de m'en préoccuper. Autour de moi, les plantes qui m'entouraient explosent à leur tour à mesure que l'électricité remonte jusqu'au faîte de l'enchevêtrement que nous formons. À travers le maillage, j'ai le temps de voir les étincelles cavaler en carbonisant chaque parcelle de végétation.
Enfin, elles sont sur moi.
Casper me racontera plus tard que mon cri à couvert jusqu'aux hurlements de la foule et que le blanc qui s'en est suivit était le plus glaçant qu'il n'ait jamais vécu. Pour ma part, je me souviens uniquement de la douleur. Vive et impitoyable, de celle que votre esprit ne peut supporter plus de quelques secondes sans se court-circuiter de lui-même.
C'est pourquoi, lorsque je reprends connaissance, je suis à l'infirmerie de Poudlard.
