Mot de l'auteur

/!\ Cette histoire est une réécriture en version boy x boy de "La quête des Livres-Monde" de Carina Rozenfeld, l'histoire et les personnages lui appartiennent ! Les livres peuvent être acheter sur amazon, fnac et en librairie ! (Environ 5 à 14 euros le livre et environ 30 euros l'intégrale) pour soutenir l'auteur et la financer dans ses projets ! /!\

PS : Les personnages autres que Nathan, Zayn, Lia et Aela ne m'appartiennent pas ! Ils sont de Carina Rozenfeld, une écrivaine très talentueuse que j'admire !


LE BLOG DU BRIC À BRAC !

- Qui a une baguette magique ?

C'est une bonne question, n'est-ce pas ? Je pense que je ne suis pas le seul à rêver de posséder une baguette magique. Je suis certain que vous êtes en train de vous demander, interloqués devant votre écran : « Mais pourquoi ce pauvre Nathan a-t-il besoin de magie puisqu'il se vante allègrement d'être un super-héros depuis quelques semaines ?»

Ah ! ah ! Bonne question ! Oui, certes, je suis un super héros, mais dans la panoplie de mes pouvoirs (peu nombreux, je vous rassure) je n'ai pas celui de briser les murs. Que dis-je ? les murailles de la vie.

Ça ne vous est jamais arrivé de vous retrouver face à un mur tellement épais, tellement solide, que rien ne peut le détruire ? Et comme il est très long, très haut, vous ne pouvez même pas le contourner. C'est exactement ce que je vis en ce moment. Je suis confronté à un problème insoluble. L'issue de tout cela pourrait être simple, évidente, claire devant mes yeux, mais la seule personne qui pourrait m'aider à la déchiffrer est... comment dire ?... indisponible en ce moment. Alors je tourne en rond, espérant le miracle - comme la découverte idéale d'une baguette magique - qui me permettrait d'aller au bout de ma mission...

Le pire, c'est que je vois le temps qui passe, les jours qui défilent, et c'est bientôt la rentrée ! Dans à peu près trois semaines, je retrouve les bancs du lycée. (Enfin, on a des chaises, assez pourries même, avouons-le.) Ce n'est pas possible, j'ai été pris dans un accélérateur de temps, je ne vois pas d'autre explication !

Le souci, c'est que je dois absolument trouver la solution à mon problème avant la rentrée. Je sais que je peux compter sur mes amis pour m'aider à surmonter tout ce qui m'attend, mais j'ai bien peur qu'il n'y ait aucun dénouement heureux. C'est l'angoisse, quoi...

Voilà la seconde raison pour laquelle j'aimerais avoir une baguette magique comme Harry Potter. Je la secouerais un petit coup en prononçant une formule bizarre et, hop ! Je ferais un bond dans le futur. Comme ça, je pourrais voir comment les événements se sont déroulés, comment les ennuis se sont réglés. Ça me rassurerait. Hélas, ce n'est pas possible. La seule option, c'est de vivre les journées les unes après les autres en espérant qu'elles apporteront les réponses à mes questions...

On y croit ? Allez, on y croit. Un peu d'optimisme n'a jamais fait de mal à personne !


Posté par Lialabg à 18 h 43 :

Je suis bien d'accord avec toi. Un peu de positivisme, ça permet de rester zen :). Et tu sais que tu peux compter sur ta Robine pour affronter toutes les situations. Courage, mon pote. J'attends ton cri de ralliement pour notre prochaine réunion au QG !


Posté par Aela à 19 h 02 :

Nathan, il faut qu'on arrête cette guerre des répondeurs. Je dois vraiment te parler de vive voix. Je suis comme Lia, j'attends un signe de toi. Il s'est passé quelque chose, mais je ne peux et ne veux pas te l'expliquer sur ta messagerie. On doit se voir, AB-SO-LU-MENT !


Posté par ThéAuJambon à 19 h 14 :

Bon, quand tu auras fini tes missions et que tu auras du temps, tu te connecteras sur ton Messenger, ça fait un moment qu'on n'a pas tchaté ! Tu me manques, mon superhéros préféré ! Bisous partout !


Il faisait noir, un noir d'encre, un noir presque solide tellement il était dense, épais, envahissant. Pourtant, parfois, il lui semblait voir des points de lumière, mais qui flottaient très loin de lui. Il avait envie d'aller à la rencontre de ces points de lumière, de courir vers eux avant qu'ils disparaissent, engloutis par les ténèbres, mais soudain il se rappelait que ses jambes ne fonctionnaient plus depuis très longtemps. Qu'elles étaient rigides et sèches comme deux branches d'un arbre mort. Alors il lui revenait à l'esprit qu'il n'avait pas besoin de jambes puisqu'il avait des ailes ! En creusant sa mémoire, il tentait de se souvenir comment il faisait pour les déployer de chaque côté de son dos, comment il leur ordonnait de battre, de le soulever, de le porter. Il avait des réminiscences de liberté, d'ivresse, de caresses d'un air doux et empli de parfums dans un ciel mauve où deux lunes, une blanche et une rose, dansaient lentement.

Mais, malgré tous ses efforts, ses ailes ne bougeaient pas. Il ne les sentait plus contre ses omoplates, elles aussi devenues sèches et raides, deux appendices inutiles, juste là pour lui rappeler qu'il avait été un autre homme, un jour...

Quand les lumières étaient absorbées par le trou noir dans lequel il s'enfonçait encore, il tentait de hurler à l'aide, car il entendait des voix chuchoter. Même s'il ne comprenait pas ce qu'elles disaient, elles étaient si près de lui... S'il criait assez fort, peut-être que quelqu'un le remarquerait, l'attraperait par la main et le sortirait du gouffre où il se noyait de solitude et d'angoisse.

Personne ne l'entendait, personne ne répondait, et sa main restait tendue devant lui, tremblante, inutile. Pour éviter d'avoir trop peur, il se recroquevillait et se laisser happer de nouveau par l'oubli. Jusqu'à la prochaine lumière, jusqu'aux prochaines voix, si elles revenaient un jour…


Nathan contemplait la nuit qui tombait lentement, colorant le ciel de strates violettes, roses, orange. Perché sur le coin de toit où il avait pique-niqué avec Zayn quelques soirs auparavant, il avait remonté ses jambes pliées devant lui et posé son menton sur un genou. Son regard se perdait dans le vague. Les journées raccourcissaient de plus en plus et les températures étaient moins caniculaires maintenant que la mi-août était passée. D'ici, il avait une vue magnifique sur Paris et la tour Eiffel. Être le témoin lointain de la folie humaine lui apportait une forme d'apaisement, loin du bruit, des tracas... Il aurait pu s'envoler encore plus haut pour repousser davantage la réalité, si dure à affronter, mais il savait que cela ne servirait à rien. Ses pensées, ses souvenirs, ses responsabilités le suivraient où qu'il aille, aussi haut qu'il volerait

Son cœur se serra quand il pensa à Eyver. Le vieux Chébérien était toujours dans le coma et rien ne semblait indiquer qu'il en sortirait un jour. Sans lui, la quête des Livres-Monde s'arrêtait net. Il était le seul à pouvoir lire les indices laissés en chébérien dans le carnet de Mélior.

L'adolescent soupira profondément et pencha un peu plus la tête jusqu'à ce que son front repose sur l'os dur de son genou et que son regard ne voie rien d'autre que la toile du bermuda en jean délavé qu'il portait. Comme il l'avait écrit dans son blog ce matin, il aurait aimé se projeter dans le futur et constater avec soulagement qu'Eyver avait repris connaissance, que le troisième Livre-Monde, le Livre du Temps, était en leur possession et qu'ils allaient pouvoir recréer Chébérith. Enfin.

Il secoua la tête, espérant en extirper le manège de ses angoisses, puis il la redressa et poussa un autre long soupir.

Alors que ses pensées vagabondaient au-dessus des rues qui s'allumaient à ses pieds, il entendit un léger bruissement juste derrière lui. Sans se retourner, il sourit.

Une main se posa sur son épaule nue. Il frissonna, non en raison de sa fraîcheur mais parce qu'il savait à qui elle appartenait.

- J'étais sûr que je te trouverais ici, murmura Zayn dans son dos. Je suis passée chez toi, et ta mère m'a dit que tu étais parti faire un tour.

Les doigts longèrent son omoplate et effleurèrent son aile.

Nathan observa son ami qui s'asseyait près de lui. Ses belles ailes dorées brillaient dans la lumière du couchant. Ses cheveux volant au vent aux reflets aussi dorés que ses ailes. Il s'assit dans la même position que lui : genoux relevés, menton posé dessus, les yeux dans le vague... Ils restèrent un moment silencieux.

- Tu penses à Eyver ? demanda-t-il dans un souffle.

Nathan esquissa un bref sourire.

- À lui, à Chébérith, aux Livres-Monde, à la rentrée des classes qui approche, aux choix auxquels j'aurai à faire face : arrêter les cours ou arrêter la recherche des livres... Je ne sais pas comment on va s'en sortir cette fois. Enfin, j'ai quand même un motif de satisfaction : l'Avaleur de Mondes n'est pas revenu depuis quelques jours... C'est déjà ça.

Zayn acquiesça d'un signe de tête, le regard rivé sur l'horizon qui s'assombrissait. Puis, pris d'une inspiration subite, il farfouilla dans son sac à dos. Nathan continuait de fixer l'horizon, mais il sentit qu'il lui glissait dans l'oreille un écouteur. Les notes de musique résonnèrent doucement.

Sometimes in our lives we all have pain (Parfois dans la vie, nous ressentons de la peine)

We all have sorrow (Nous avons tous des soucis)

But if we are wise (Mais avec de la sagesse)

We know that there's always tomorrow (Nous savons qu'il y aura toujours un lendemain)

Lean on me when you're not strong (Compte sur moi quand tu n'as plus la force)

And I'll be your friend (Je serai ton ami)

I'll help you carry on (Je t'aiderai à tenir bon)

For it won't be long (Car à un moment ou un autre)

'Til I'm gonna need (Ce sera moi)

Somebody to lean on. (Qui aurai besoin de compter sur quelqu'un)

Lean on me by Bill Witcher

Il sourit.

- J'aime bien cette chanson. Merci d'être là, chuchota-t-il à Zayn en lui donnant un petit coup d'épaule.

Il aurait voulu le serrer contre lui, qu'il pose sa tête dans le creux de son cou, mais il ne bougea pas. Il n'osa pas. Est-ce que Zayn lui avait complètement pardonné d'être sorti avec Aela ? C'était encore trop tôt.

Le jeune homme lui adressa un clin d'œil et se mit à fredonner Lean on Me. La nuit prit le temps de s'étendre complètement alors que les dernières notes mouraient.

Zayn retira son écouteur et celui de Nathan.

- You know that you can lean on me... On us. You are not alone.

- Je sais...

Il s'en voulait d'être aussi sombre alors que ses amis faisaient tout pour lui remonter le moral. Quand il y pensait, il avait du mal à croire que quelques semaines plus tôt, au moment où Eyver lui avait dévoilé ses origines et la mission qui lui incombait, il avait ressenti du désintérêt et de la rancune envers les Chébériens. À présent, rien ne lui semblait plus important que de retrouver le dernier Livre-Monde et de permettre aux habitants de cette planète dont il venait, mais qui lui était inconnue, de retrouver la lumière, d'ouvrir les yeux sur leur monde à nouveau...

- Tu devrais appeler Aela.

De surprise, Nathan se redressa. Même si Zayn et Aela avaient appris à s'accepter et semblaient s'apprécier un peu, il n'en revenait pas que Zayn insiste pour qu'il appelle celle qui avait été un temps sa rivale.

- Pourquoi ?

Zayn fit une petite moue.

- Tu n'as pas lu le commentaire qu'elle a laissé sur ton blog ? Visiblement, il s'est passé quelque chose de son côté et elle veut absolument nous en parler.

- Elle m'a appelé plusieurs fois sans me laisser de message, je ne pensais pas que c'était urgent, marmonna-t-il.

- Elle ne veut pas te le dire par téléphone interposé. Elle attend qu'on se réunisse pour nous parler.

Nathan soupira. Aela ne changerait donc jamais ! Elle tenait à annoncer les choses importantes en face à face. Cette manie avait eu pour conséquence de créer un quiproquo douloureux, quelques semaines auparavant, quand elle avait voulu avouer à Nathan qu'elle savait pour ses ailes.

- C'est son truc de me parler en direct..., grogna-t-il en faisant mine d'être désespéré par cette lubie. Elle doit être légèrement paranoïaque !

Zayn pouffa.

- Bon, je crois qu'il est temps de passer à l'action, alors, déclara le jeune homme en se levant.

Il tendit une main à Zayn pour l'aider à faire de même.

- Mais, avant ça, tu es tenté par une petite balade ?

- Toujours, répondit le jeune homme, les yeux brillants.

L'envie de se pencher pour l'embrasser saisit le jeune homme, car il était magnifique dans la pénombre, ses cheveux volant au vent, ses ailes brillantes encadrant son corps.

Nathan ferma les yeux pour chasser la tentation et leva la tête afin de les rouvrir sur les étoiles.

Main dans la main, ils s'élancèrent dans le ciel piqueté de petits éclats de lumière tremblotants.


Nathan ouvrit le placard à douceurs dans la cuisine et en sortit un paquet de gâteaux qu'il vida dans une soucoupe. Du four, une délicieuse odeur de pizza s'échappait. Il ouvrit le frigo pour y prendre une bouteille d'Ice Tea et une autre d'eau pétillante, puis disposa des verres sur un plateau. Sa mère entra dans la pièce.

- Dis-moi, tu dorlotes tes invités !

- Ce sont mes meilleurs amis, et la soirée va être longue. On a des trucs à faire.

Elle se servit un verre d'eau et s'appuya contre le plan de travail.

- Qu'est-ce que vous pouvez bien trafiquer pendant ces vacances ?

Nathan rougit et entrouvrit la porte du four pour vérifier la cuisson de la pizza, afin d'échapper au regard inquisiteur de sa mère.

- Euh... rien, on parle de trucs, on rigole... Des délires de jeunes, quoi.

- C'est vrai, je suis tellement vieille que j'ai oublié ce que c'est de parler et de rigoler ! s'amusa-t-elle en rinçant son verre avant de le poser sur la paillasse de l'évier.

Nathan sentit ses joues s'enflammer davantage et il s'empressa de sortir la pizza brûlante, qu'il posa sur un plat.

- C'est pas ce que je voulais dire. T'es pas vieille... mais, bon...

Sa mère fit quelques pas et posa sa main sur la joue de son fils.

- Je te taquine. Je suis heureuse de te savoir si bien entouré. Je connais moins bien Aela et Zayn que Lia, mais ils ont l'air d'être des gens bien. Zayn a une beauté très originale, comme si il venait d'un pays exotique.

« Tu ne sais pas à quel point, pensa Nathan. Le continent de Goth, sur Chébérith, on ne fait pas plus exotique ! »

La main de sa mère se déplaça vers son épaule. Elle allait lui tapoter le dos ! D'un mouvement souple, il s'esquiva pour récupérer la sauce piquante dans le placard. Si elle sentait une bosse sous son tee-shirt, elle allait s'inquiéter, lui poser des questions. Il n'était pas encore temps qu'elle apprenne que son fils n'était pas vraiment son fils mais un être venu d'un autre monde, doté d'une paire d'ailes.

Heureusement, il fut sauvé par le gong : la sonnette de la porte résonna. Il se rua hors de la cuisine pour ouvrir à Lia, qui était forcément la première à arriver.

Quelques minutes plus tard, l'équipe au complet était réunie dans la chambre de Nathan, devenue, au fil des dernières semaines, leur quartier général. Cette fois encore, ils avaient pris leurs places habituelles : Zayn et Aela assis en tailleur sur le lit de Nathan, ce dernier présidant la réunion du haut de son fauteuil de bureau, et Lia avachi sur la moquette, le dos appuyé contre le sommier.

Nathan les regarda tous un moment avant de prendre la parole. Il était heureux de les voir ici, ses amis, son équipe... Des images des dernières semaines se succédèrent dans son esprit : le soir où il avait avoué à Lia qu'il avait des ailes, la première fois qu'il avait rencontré Zayn, leur vol au-dessus de la calanque d'En-Vau, leur émotion à la découverte du premier Livre-Monde, le premier baiser échangé avec Aela... Des souvenirs intenses que contre-balançaient d'autres moments plus douloureux : l'Avaleur de Mondes se ruant sur lui au sommet de la tour Montparnasse, l'entité dans le corps de la belle Aela qui le blessait au couteau, son attaque dans l'appartement de Lenny, la vie qui s'écoulait de son corps alors que la main serrait son cou...

Il avait du mal à réaliser que ces aventures faisaient partie de sa vie. Avec le recul, elles ressemblaient plus aux images d'une série télévisée dont il aurait suivi les épisodes pleins de suspense... Et pourtant...

S'arrachant à ses pensées, il se racla la gorge pour attirer l'attention de tous. Lia leva les yeux de son téléphone, sur lequel il tapotait un texto. Zayn et Aela interrompirent leur conversation à propos d'un film romantique dont ils attendaient avec impatience la sortie.

- Bon... Avant de commencer, je voulais vous dire que Jérôme m'a appelé tout à l'heure : l'état d'Eyver n'a pas évolué. Nous ne sommes pas prêts de sortir de l'impasse où nous nous trouvons...

- Ben, qui lui a rendu visite hier, m'a prévenu qu'il n'y avait aucune amélioration, souffla Zayn.

Le silence tomba dans la chambre, chacun dédiant ses pensées au vieux Chébérien alité, plongé dans un profond coma suite à une distorsion particulièrement longue et violente.

Enfin, Aela décroisa les jambes et se mit à genoux en levant la main, pour leur signaler qu'elle avait quelque chose à dire.

Tous les regards se posèrent sur elle.

- Nathan, je sais que ce que j'ai à annoncer n'améliorera pas l'état d'Eyver, mais je crois que tout n'est pas perdu.

La jeune fille cala une mèche de ses longs cheveux blonds derrière une oreille. On sentait qu'elle avait repris confiance en elle. Après l'intrusion de l'Avaleur de Mondes dans sa tête, qui l'avait contrainte à blesser Nathan, elle s'était refermée sur elle-même, troquant ses vêtements sexy contre des tenues amples et sombres. Cet après-midi, vêtue d'un jean ultra slim rose bonbon assorti à un débardeur brodé de fleurs, elle allait visiblement beaucoup mieux. Elle inspira profondément.

- Il s'est produit un événement la veille des enchères. J'ai essayé de te contacter plusieurs fois, Nathan, pour te demander de nous réunir, mais tu es difficilement joignable...

Nathan lui adressa une petite grimace d'excuse. Le besoin de prendre du recul, de réfléchir à tout ce qui s'était déroulé dans sa vie depuis quelques semaines, avait pris le pas sur sa vie sociale. Aela enchaîna, la voix légèrement tremblante cette fois :

- Ce soir-là, en rentrant chez moi, j'ai trouvé un message sur le répondeur téléphonique de la maison. Je n'ai pas compris de quoi il s'agissait au début : un homme avec un drôle d'accent voulait parler à mon père. Voici ses paroles exactes, je les connais par cœur à force de l'avoir écouté en boucle : « Il se passe des choses étranges depuis quelques semaines. Nous tous, ici, ressentons d'énormes crises de douleurs et nous voudrions savoir si notre ami a une explication à ce sujet. »

Ils se regardèrent, la signification de ces mots pénétrant doucement dans leurs esprits.

- Ils ressentent les distorsions, chuchota Zayn, ce sont des Chébériens et ils sont quelque part sur Terre.

- Pas possible ! s'exclama Lia en se levant comme un diable jaillissant de sa boîte. C'est pas possible !

Nathan passa une main dans ses cheveux. D'autres Chébériens sur Terre ? Eyver ne les avait jamais mentionnés ! D'où sortaient-ils ?

- Tu les as appelés ? demanda-t-il avidement à Lia.

Elle fit non de la tête.

- Je n'ai pas osé. Je préférais vous en parler avant, ne sachant pas si je pouvais leur confier notre mission, leur expliquer pourquoi il y a ces distorsions. Je ne me sentais pas le droit de prendre une telle décision toute seule.

- Mais... ils prennent du mémo eux aussi, pour être encore en vie ? demanda Lia.

Aela haussa les épaules.

- Je n'en sais rien puisque je ne leur ai pas parlé. Mais c'est tout à fait probable, sinon ils auraient été effacés depuis longtemps.

- Il faut les appeler ! s'exclama Lia en se mettant à faire les cent pas dans la chambre de Nathan. Il faut savoir qui ils sont ! Eux, ils peuvent lire le carnet de Mélior, traduire les passages en chébérien et nous dire où est caché le troisième Livre-Monde !

- Je serais tenté de raisonner comme toi, enchaîna Nathan, c'est un vrai miracle, la solution à tous nos problèmes ! Mais je ne sais pas... Comme le dit Aela, est-ce qu'on peut leur dévoiler l'histoire des Livres-Monde, la présence de l'Avaleur de Mondes ? Je suis un peu perdu...

Il se tirait les cheveux en arrière jusqu'à se faire mal et faisait pivoter sa chaise d'un côté à l'autre...

Lia, elle, faisait des bonds, complètement survoltée.

- Mais enfin ! Ils sont chébériens, ils connaissent forcément l'existence des livres ! Et de l'Avaleur de Mondes ! Donne-moi une seule bonne raison argumentée qui me ferait admettre qu'on doit se méfier d'eux ?

Zayn se leva et posa une main sur son épaule pour la calmer.

- Pour une fois, je suis d'accord avec Lia, déclara-t-il d'une voix posée. Nous n'avons aucune raison valable de ne pas leur faire confiance de prime abord. Le seul moyen de savoir qui ils sont et ce qu'on peut se permettre de leur révéler, c'est de les appeler. Tu as leur numéro ? demanda-t-il à Aela.

- Oui, je l'ai enregistré dans mon téléphone.

- Super. J'ai mon portable avec WhatsApp pour les communications internationales. On va les appeler.

- Là ? tout de suite ? demanda Lia.

- Je croyais que tu étais pressée ! rétorqua Nathan.

- Ben, oui, mais j'ai faim et la pizza est en train de refroidir, alors je me disais...

Ils éclatérent tous de rire.

- Je suis encore d'accord avec Lia, approuva Zayn. Décidément, ça commence à m'inquiéter ! Je vous propose de manger, et en même temps on réfléchit à ce qu'on va leur dire...


Lodan s'essuya le front du revers de la manche. Il faisait très chaud aujourd'hui. Le 4x4 cahotait sur le chemin irrégulier de la plaine désertique, soulevant un nuage de poussière brune qui arrivait à passer par les volets d'aération du véhicule. Bientôt il fut en vue des premières habitations du village. Il n'avait qu'une envie : prendre une douche et avaler une bière fraîche. Il espérait que Riguel lui annoncerait une bonne nouvelle. Cela faisait plus d'une semaine qu'il avait laissé le message et il continuait à espérer que Larchael le rappellerait. Les déchirements physiques dont ils avaient été victimes les avaient inquiétés. Depuis leur arrivée sur Terre, il y avait plus de trente ans, ils n'avaient jamais ressenti de telles douleurs. Riguel avait avancé que c'était parce qu'ils étaient loin de Chébérith depuis trop longtemps, que leurs organismes commençaient à ressentir les effets de l'éloignement, de la différence d'univers. Mais Lodan ne voulait pas y croire. Il y avait autre chose. Marima et les autres enfants métis n'avaient rien ressenti. Il fallait que Larchael lui fasse signe, sinon la révolte qui grondait dans le village allait prendre de l'ampleur.

Enfin, il gara la voiture devant la maison. Riguel devait être au laboratoire. La caisse pleine d'échantillons posée dans le coffre attendrait son retour. Lodan verrouilla le 4x4 et se rua chez lui. Il vivait ici avec son frère depuis la mort de Lonie. Les enfants étaient grands et avaient chacun fondé un foyer. Il avait apprécié que Riguel s'installe avec lui. Sa famille lui manquait moins ainsi. Azul l'accueillit avec des miaulements de joie en se roulant par terre,

- Salut, le chat, tout va bien ? murmura Lodan en passant près de lui.

Comme il se l'était promis, il plongea sous la douche. L'eau chaude l'aida à se détendre. Il déploya ses ailes afin de les débarrasser de la poussière qui collait au duvet clair. Vivement que la nuit tombe et qu'il puisse voler un peu. Quand il séjournait en ville, c'était sa plus grosse frustration. Il n'y avait qu'au village, non loin du désert, qu'il pouvait décoller et fendre le ciel étoilé en compagnie de ses amis et de sa famille. C'était le moment où il se sentait le plus en connexion avec Chébérith. Il manquait une lune dans le ciel mais, quand il admirait les silhouettes des Chébériens en plein vol, se découpant sur l'astre nocturne, il se sentait presque à la maison, sur sa planète.

Il s'habilla, prit une bière dans le frigo et alluma l'ordinateur pour se connecteur au serveur du laboratoire afin de vérifier si de nouveaux résultats avaient été publiés et d'entrer la liste des lieux où il avait collecté les derniers échantillons.

Il était tellement plongé dans son travail que le téléphone le fit sursauter. Machinalement il décrocha.

- ¿Alo? demanda-t-il.

Une voix inconnue lui répondit.