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Comme promis, voici l'épilogue qui boucle le tout.

Bon retour chers Ulysse :)

Merci encore pour votre soutien !

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Epilogue

Ithakê

ou

Finis Coronat Opus

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Pssst…Cedric !

L'élève le plus populaire chez les Poufsouffle s'arrêta, interpelé par les jumeaux Weasley qui (une fois n'est pas coutume) semblaient comploter assis au pied d'une statue.

-Fred et Georges Weasley ? demanda-t-il, poliment.

-Hé Cedric, avec Fred on voulait te demander un conseil…

-Oui, on se demandait comment il fallait s'y prendre pour avoir autant de succès que toi avec les filles ?

Digorry rosit considérablement, mais sembla flatté.

-Vous exagérez, je ne suis pas…

-Ta ta ta, tu vois, Georges, je te l'avais dit : il est modeste.

-Trop modeste. Voyons Cedric, vient prendre place ici : Fred et moi-même avions justement besoin d'un esprit avisé pour un conseil, et une petite expérience.

-Une expérience pour…comprendre les filles ?

-Exactement.

-Il est brillant.

-Supra-lucide.

-Un don du ciel. Tiens, assied-toi, et…ne bouge plus !

Le Poufsouffle fit comme on lui disait avec l'air un peu perplexe, doutant de bien comprendre ce dans quoi il était embarqué.

Gred, Forge, Cedric : le conseil, Partie I.


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SIX ANS PLUS TARD

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Mercredi 21 avril – 7 heures
Schérie

Pris au dépourvu :le mettre dans l'embarras à un moment où il n'est pas prêt à répondre à une demande

-Pôpâ !

-Oui Trina, ma puce, mon coquelicot, je viens tout de suite.

L'enfant patienta, une seconde. Voyant que son père ne se matérialisait pas dans l'encadrement de la porte de sa chambre, elle hocha la tête de gauche à droite, d'un air désabusé, avant de prendre une grande inspiration…

-PÔ-PÂÂÂÂÂÂÂÂÂÂÂÂÂÂÂÂÂÂÂÂ !

Aouch ! de quoi réveiller tout l'immeuble. L'homme encore vêtu de sa veste d'extérieur se précipita dans la chambre aux murs verts recouverts d'affiches représentant des insectes, ses lacets défaits.

-Je suis lààààà, s'exclama-t-il en fondant sur sa fille pour la couvrir de câlins.

Il passa gentiment une main dans sa chevelure brune et épaisse, saisissant de l'autre un livre de contes de fées.

-Papa vient seulement de rentrer du travail, tu sais. Alors, qu'est-ce que tu veux écouter aujourd'hui ? Les Mille-et-une nuits, les Contes de ma mère l'Oye, ceux de Cantorbéry

La petite fille le fixa de ses grands yeux noirs, où perçaient parfois un trait violet, perplexe.

-Mais…Pôpâ, tu t'es encore trompé d'heure. C'est fini, il faut sortir de l'avion : ici on est à Londres, et c'est pas l'heure des histoires : c'est l'heure de l'école !

-Que…

Blaise jeta à sa montre un coup d'œil affolé. Il était sept heures…du matin ! Evidemment, il n'avait pas remonté les aiguilles et elle était restée calée sur l'heure d'Auckland. Il faisait noir lorsqu'il était sorti de l'avion, encore plus en décalage qu'il ne l'avait cru…

Il soupira, balançant pour de bon ses souliers vernis à l'autre bout de la pièce. Trina le gratifia d'un regard aigu, désapprobateur, tout en croisant les bras afin de sous-entendre qu'elle n'appréciait guère qu'il vienne installer une pagaille pour laquelle elle serait susceptible d'être réprimandée.

C'est fou ce qu'elle ressemblait à sa mère, avec cette expression sur le visage, nota-t-il tandis que son cœur se gonflait d'affection pour elles.

-Blaisou ?

Trina pouffa, Blaise fit la moue.

-Demelza mon amour, ma vie : je suis... dans la chambre de Trinou !

Et cette dernière de le gratifier d'une petite tape sur la jambe, qui le fit rire à son tour.

Demelza entra dans la pièce en chemise de nuit et robe de chambre, les yeux encore embrumés de sommeil.

-Je ne t'ai pas entendu rentrer, je croyais que tu arrivais plus tard, avec…

-Justement, coupa Zabini, il y a encore un imprévu avec son vol il n'est pas encore certain qu'il vienne.

Un peu plus réveillé, Demelza sonda du regard l'homme qu'elle avait épousé cinq ans auparavant.

-Il viendra, prédit-elle. C'est certain.

-J'aimerais partager ton optimisme, mais c'est déjà la quatrième année qu'il promet de passer, et manque l'invitation…

-Oui, mais cette fois-ci, il viendra, le rasséréna-t-elle en se rapprochant pour accueillir Trina dans ses bras. Viens ma puce, on va faire ta toilette et ton petit-déjeuner avant que ton frère ne se réveille.

-Wiiiiiiiiii ! S'enchanta la petite en battant des mains. On fera une tasse de café pour que pôpâ puisse lire l'heure. On révisera le temps ensemble, pôpa : la maîtresse nous a expliqué comment lire les horloges.

-Avec plaisir, mon coquelicot, répartit gentiment Blaise tentant de réprimer son fou rire. Seigneur, il avait plutôt besoin d'une sieste que d'un café…

Oui : en premier lieu, une sieste s'imposait. Et ensuite, il faudrait péniblement guetter de ses nouvelles.

-Pôpâ ! Entendit-il sa chair l'interpeler depuis la salle de bain. Alors il sera là, au goûter cet après-midi ?

-Qui donc, mon coquelicot ?

Trina entra en trombe dans la chambre, les mains recouvertes de savon, Demelza à ses trousses.

-Ben tiens, qui…tonton Dracula bien sûr !

Cette fois-ci, Zabini laissa éclater son hilarité pour de bon. L'enfant chercha le regard de sa mère, qui lui rendit un mystérieux sourire.


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Les pieds dans le plat : faire une gaffe, parler avec indiscrétion d'une question délicate.

Mercredi 21 avril – 8 heures
Eumée

-Louis, comment remercie-tu Grwanny ?

Le garçon blond fit résonner un bon baiser sur la joue de Mrs Weasley.

-Merci you, Nanny !

-Oh mais de rien mon petit, ce tricot te va à ravir, tu seras le plus élégant de la fête.

-Ne le salis pas, Louis, prévint gentiment Fleur avant de laisser filer son fils.

Le Terrier était paisible, pour une fois : la météo clémente avait incité tous les cousins et cousines à profiter du grand jardin pour poursuivre après le petit déjeuner, avec des activités en plein air. Qui des pétards, qui du cricket : de la fenêtre du salon exsangue qui donnait sur l'extérieur, Mrs Weasley et Fleur pouvaient profiter du tableau champêtre que leur offrait cette belle campagne anglaise vallonnée et bourgeonnée, tout en pétrissant au rouleur la pâte des petits biscuits qui garniraient bientôt les estomacs des plus gourmands.

Elles étaient seules dans la petite pièce enfin, seules avec Charlie qui bricolait dans son coin les cordes de sa guitare.

Avec son air joli-cœur, d'éternel adolescent, il n'aurait échangé pour rien au monde sa vie sauvage, un brin bohême. Curieux, n'est-ce pas ? Tandis que Bill est d'aspect extérieur plus sauvage, il est malgré tout le seul des frères Weasley à avoir opté pour une carrière lisse de banquier, et a épousé une belle femme distinguée, qui lui a fait de beaux petits enfants blond-blé. Femme qui, quoiqu'en dise encore Ginny, est capable de douceur et d'intelligence sous ses dehors très…français !

Fort de l'invocation des noms qui flottaient en l'air, Molly interrogea son fils :

-Au fait Charlie, a-t-elle confirmé sa venue au thé ? Je parle de ton amie aux cheveux vénitiens, qui a tellement fait rougir Ronald par le mordant de sa répartie lors de l'inauguration du nouveau musée des animaux de Saint-Andrew, l'année dernière.

Le cadet Weasley ne put s'empêcher de rire dans sa barbe à ce souvenir. Oh, cette Serpentard là…

-Je ne sais pas, m'man. Tracey a été invitée, bien sûr, mais… elle voyage toujours beaucoup, aussi est-il est rare que nous nous trouvassions dans le même pays, au même moment. Enfin, le souvenir justement de sa répartie constituera peut-être un objet de motivation suffisant pour qu'elle vienne en personne…

Et de faire résonner quelques notes, qui s'envolèrent dans l'air léger se mêler gentiment aux voix des petits. Mrs Weasley eut un petit sourire satisfait.

-Je suis sûre qu'elle nous rejoindra, mon instinct me le souffle. Après tout, ça n'arrive pas tous les jours.

Face à elle, Fleur hochait la tête avec sérénité, occupée à ajuster un ruban de sucre autour d'un bonhomme à chapeau de fée.

-C'est bien vrai, approuva Charlie les yeux toujours dans le vague.

Ils se turent de nouveau, jouissant d'une nouvelle brise qui charriait à leurs narines l'odeur de fraîche chlorophylle, mêlé au suc suave des fleurs. Les enfants, eux, riaient toujours, insouciants, courant derrière leurs cerfs-volants qui se levaient avec le soleil.


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S'apprêter:rendre prêt, préparer.

Mercredi 21 avril – 9 heures
Cicones

-De quoi ai-je l'air ? S'enquit nerveusement Théodore, en tirant sur les manches de sa chemise d'un air emprunté.

Il s'était rasé de frais, et ses joues peu habituées à l'alcool du Cologne ou à la morsure du vent le piquaient désagréablement.

-Ne te dandine donc pas ainsi, le réprimanda sèchement sa fiancée. J'ai passé des heures à arranger tes vêtements. Tu as l'air très bien, Monsieur le rapporteur : je suis convaincue que ton audition se passera sans encombre.

-Il y aura du monde. Probablement le ministre. Les caméras, mes concurrents…

La femme à ses côtés passa un doigt blanc et rond sur un pan de sa joue désormais douce. Ce contact l'apaisa, lui permettant de prendre conscience de la crispation de sa mâchoire. Inspirant profondément, il se détendit : ses épaules retombèrent, sa nuque se fit moins roide, tandis que ses lèvres esquissaient le premier sourire de leur journée.

-Pardonne-moi, très chère, soupira-t-il en français. Je suis un peu à cran. Ces dernières semaines ne m'ont laissées que très peu de répit : les résultats des sondages (qui variaient d'une semaine à l'autre dans des proportions infernales) ne m'ont pas permis d'anticiper auprès de qui j'allais devoir réaliser cet audit.

-Tout ira bien, le rasséréna la brune, en le gratifiant d'une œillade inquisitrice.

(Elle voulait s'assurer que la cravate mettait bien en valeur la couleur de ses cheveux)

Il s'en amusa en réalité, la voir aussi détachée lui permettait de relativiser aussi sa situation. Finalement, qui sait si l'on ne commenterait pas plus sa tenue que le fond de ses dossiers ? Ce serait cocasse, mais pas inattendu eu égard l'imprévisible légèreté humaine.

Il apposa un baiser aérien sur sa main pâle, appréciant le parfum qui exhalait de son poignet. Il notait avec un ravissement renouvelé qu'à son annuaire, trônait l'anneau discret qui disait leur mariage futur. Lorsqu'il se redressa, ce fut le cœur léger et l'humeur guillerette.

-Allons, il est presque dix heures : il s'agirait de ne pas être en retard.

-Je t'observerai depuis la télévision, my own dear.

-Nous retrouvons-nous également pour le thé ?

Il vit ces yeux vert-poison traversés d'un éclair d'hésitation.

-Je ne sais pas encore, Théodore. Nous verrons…

Un dernier baisemain, et le voilà qui file la serviette sous le bras en direction de la rue pour héler un taxi.

Depuis la fenêtre de l'appartement Londonien qu'il louait, elle l'observa caler l'énorme masse des dossiers sur la banquette arrière du véhicule, sous le regard affable du conducteur. Elle ne pu empêcher une petite note de mélancolie poindre tandis qu'il disparaissait à l'angle de la rue, pensant qu'elle serait seule pour les heures à venir.

La solitude en elle-même l'importait peu : il y avait toujours une montagne de travail à faire, et Dieu comme elle aimait le sien ! Non, ce qui la dérangeait était qu'il faudrait dans cet intervalle prendre une décision.

Faut-il oui ou non, se rendre à la tea party ? Pour une fois qu'elle était en Angleterre, c'eût été un affront que de manquer une si belle occasion…Oui, mais voilà : celle à laquelle elle se trouvait invitée au titre de compagne de Maître Nott, ne manquerait probablement pas d'être folklorique, au sens premier du terme.

Alors, alors ?

Elle se demandait s'il ne serait pas plus aisé d'y réfléchir un bon Earl Grey à la main, quand son téléphone se mit à sonner.

Comptant sur un appel de Théo pour une paperasse qu'il aurait oublié, elle eut un sursaut indigne de sa réputation en voyant le nom qui s'affichait sur son cellulaire.

Et sans doute est-il mieux qu'elle n'ait pas eu de tasse en main, car sous le choc, elle l'eût probablement lâchée.

Abasourdie, elle décrocha néanmoins.

-Bien le bonjour, Mademoiselle !

-Mais…je…

Fut tout ce qu'elle parvint à articuler d'une voix blanche.

-Vous ?


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-Vois-tu Cedric, nous avons lu dans une études ab-so-lu-ment sérieuses que les filles avaient une petite préférence pour les hommes qui savent se montrer vulnérables.

Le Poufsouffle hocha la tête.

-Oui, les mauvais garçons hors des fictions, n'ont pas vraiment de succès.

-Quel esprit. Fred, peux-tu montrer à notre bellâ- bel ami les accessoires pour l'essai?

-Tout de suite Georges!

Et de sortir de son sac un bandeau, une bouteille vide, une veste floquée d'une moto ainsi qu'une paire de lunettes.

-Tiens Cedric, est-ce que tu veux bien enfiler ça, juste pour un moment? C'est juste pour que nous puissions nous rendre compte de l'effet que ça produirait sur nous, vu de loin sur un grand homme séduisant...

Décidément flatté, Cedric obtempéra.

-Oh, un instant: je crois que j'ai oublié quelque chose, je reviens dans une minute...

-A ton aise, Fred. Tiens Cedric, tu veux bien essayer ce collier aussi? Ah les lunettes te font loucher? Parfait, attends voir...

Gred, Forge, Cedric : le conseil, Partie II.

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Mercredi 21 avril – 10 heures
Pylos

-Sudhir, dépêchons, dépêchons !

-Oui Madame, tout de suite Madame.

Le majordome était d'un flegme parfaitement british, parfaitement à son honneur. Son employeur pouvait se permettre toutes les humeurs : fantasque, pimbêche, rêveuse, généreuse, étourdie : il ne bronchait pas.

Jamais on ne lui avait connu un mouvement d'humeur, un tic nerveux, ou quelconque marque d'expressivité malvenue. Il venait d'une famille où l'étiquette avait toujours été mise à l'honneur, et s'était très tôt plu à jouer au majordome auprès de ses grands-parents, ou des divers invités qui passaient à leur maison. Fondu dans son costume noir impeccable, le soulier vernis étincelant, son sourcil même restait stoïque : Sudhir était majordome de vocation, et rien ne lui était plus aise que le goût du travail bien fait, et la lueur émerveillée et la gratitude dans les yeux des personnes auprès de qui il remplissait ces menues tâches.

Depuis quatre ans, il avait la chance immense d'officier pour le compte d'une personne qui prenait ses compétences et son désir de bien faire au sérieux. Elle était de loin, la dame la plus exigeante qu'il eût connu elle demandait une constante perfection en tout. Mais enfin, la contrepartie n'était pas négligeable - il avait conscience d'être le premier aide de camp de celle qui était considérée comme le général invaincu du Bon Goût.

Et pour lui, il n'y avait pas de plus bel honneur.

Il s'enorgueillissait d'apprendre d'elle tous les jours : sur le mariage des couleurs, la composition des bouquets de fleur, l'agrément d'une table et son plan…Il était à la fois assistant et disciple, suivant flegmatiquement la maîtresse de maison où qu'elle aille, parfois d'un pays à l'autre.

Car elle aimait voyager ! D'abord, pour son loisir. Après une longue période sédentaire, elle s'était éprise des grands espaces et de la sérénité qu'ils procurent. Lorsqu'il avait fait ses débuts auprès de cette Maison, il avait suivi Madame en Nouvelle-Zélande bout deux semaines après son arrivée. Jamais les Maoris n'oublieront la respectabilité et la dignité de ce majordome, qui effectuait réservations et accommodations dans tous les environnements, sans manifester jamais quelque impatience, et gardant ses souliers éclatants à l'épreuve même de la boue et de l'eau.

Puis, ils avaient bifurqués vers l'Australie, cette terre des Angles condamnés. Entre les serpents et les alligators, il avait découvert chez Madame un talent qu'il ne lui soupçonnait pas : celui du croquis. Et les voilà dans le désert de Victoria, lui, portant ses carnets, elle immortalisant le paysage qui suscitait son admiration. Son crayonné était certes imparfait, mais il avait sa propre touche, sa propre lumière.

Ce n'était pas anodin si, après le prononcé de son divorce, elle avait élu domicile dans une modeste villa au sommet d'une falaise à Saint Mary's, la plus grand île des Sorlingue : l'endroit était propice à l'introspection artistique. La demeure où elle vivait avait été bâtie au dix-huitième siècle sa pierre gris clair mirait la mer comme un miroir, quand le temps était gros. La lumière particulière, réfractée par les carreaux de couleur des grandes fenêtres y renvoyait l'éclat du couchant, projetait le bleu, le vert et l'orange, donnant aux pièces des allures de boîte à bijoux. Alors, Sudhir allumait un feu dans l'âtre de la majestueuse salle à manger, et il écoutait les vagues s'acharner contre les rochers, et il espérait que ce fracas ne ferait pas tomber ses soufflés.

Pour son loisir, oui…Mais pas seulement. La domina voyageait aussi pour ses affaires – familiales, caritatives. A ces occasions, il avait la lourde responsabilité de mettre la maison en ordre pour plusieurs invités ses hôtes les plus récurrents étant le Maître Severus, toujours vêtu de noir, et la grande sœur Andromeda, constamment ruisselante d'étoiles et d'écume.

C'était pour une telle affaire, qu'il chargeait la voiture de leurs bagages : une nouvelle de première importance avait convaincu Madame de s'engager sur la grande île, où Londres s'agitait. En se séparant de son époux, Narcissa Malfoy n'avait renoncé à rien : ni à son nom d'épouse (il lui répugnait que Draco pu se retrouver être l'enfant d'une « fille de rien »), ni à ses activités mondaines, ni à sa superbe.

Au contraire : elle avait gagné, s'était forgée une liberté neuve, et son humeur avait retrouvé sa légèreté d'antan. Comme Hélène de retour à Sparte, régnait sur Pylos aux blondes dunes… Cette spontanéité enjouée et insolente en surprenait toujours plus d'un, quoique celui qui en fit le plus souvent les frais demeurait Sudhir. Il ne s'en plaignait pas - il se complaisait à jouer le rôle de l'ombre attachée à cette femme brillante, dont la petite cinquantaine n'avait pas entamé la beauté, bien que les rides se fassent plus nombreuses, accentuées ici par les lames marines.

Elle le gratifia d'un sourire radieux tandis qu'il installait les dernière malles dans le coffre de la petite voiture noir-laqué qu'ils utilisaient pour les déplacements sur l'île. Seulement, ce matin ils descendraient directement à l'aérogare : il n'y avait qu'un vol par jour, et Narcissa ne pouvait se permettre de le manquer.

C'est un jour qu'elle avait attendu avec un mélange d'impatience et de crainte, ainsi qu'elle en avait fait part la veille au téléphone à sa grande sœur. Mais après toutes ces années, elle avait espéré ce jour, enfin, il était de retour.

-Allons-y, mon bon Sudhir, décida-t-elle gaiement tandis que ce dernier s'installait au volant du véhicule. Je suis sûre que ce voyage va nous ravir ! Je lirai quelques lignes de Shakespeare sur la route, pour vous détendre. Qu'aimeriez-vous entendre ?

-Si Madame avait la bonté de réciter quelques vers du Conte d'Hiver…

Cissy sourit à pleines dents tandis qu'elle tournait les pages d'un livre qui ne lui appartenait pas, mais dont elle se ravissait de découvrir d'une page à l'autre, les commentaires qui ravivaient à ses oreilles l'écho d'une voix chérie, qui la remplissait d'amour maternel.

« What wisdom stirs amongst you? Come, sir, now. I am for you again, pray you, sit by us,
And tell's a tale…"

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Mercredi 21 avril -11 heures
Ogygie

-Je suis la vengeance…je suis la nuit…je suis…Harry !

Le Survivant se retourna dans un mouvement qui fit virevolter la cape noire agrafée à ses épaules. A côté du grand miroir où il se tenait debout, Ron se tenait les côtes tout en se tordant de rire.

-Excellent ! Maintenant, essaie avec la perruque, tiens…

Potter jeta à bas son premier accoutrement, et dissimula un instant son visage à la vue de son meilleur ami, le temps d'enfiler l'accessoire suivant.

Il se retourna vivement, l'index tendu vers Ron :

-Coupable ! Coupez-lui la tête. Et à toute famille, aussi. N'oubliez pas ses animaux de compagnie. Et les meubles les rideaux, les tentures…Je veux qu'ils soient tous déclarés coupables !

-Mister Potter!

Tandis que Ron tombait à la renverse de son tabouret, le brun s'empressa d'ôter la perruque à boucles blanches, sous laquelle ses cheveux paraissaient plus ébouriffés que jamais. Les joues un peu rougies par l'excitation de sa prestation, il s'efforça de prendre un air contrit.

-Oui, bien sûr, Ginny. Je vais travailler mon discours sérieusement, maintenant. C'est juste que comme le public manquait d'entrain, j'ai voulu tenter différentes…mises en scène.

La rousse posa les mains sur les hanches, ressemblant plus que jamais à sa mère dans son mécontentement.

-Ron, tâche de te montrer un parterre d'invités officiels un peu plus scrupuleux de la solennité du moment. Ce n'est pas rien, cet après-midi : je vous signale qu'après la diffusion détaillée de l'audit des élections, Hermione aura à prêter serment devant le pays tout entier. La tragicomédie pourra attendre la tea party qui suivra au Terrier.

-Ça n'est pas plus mal, un peu de neuf, répondit laconiquement Ron, faisant de son mieux pour ne pas croiser le regard d'Harry.

La rousse leva les yeux au ciel.

-Je sors : j'ai encore quelques cartons d'invitation à déposer. Harry, je prends James avec moi : ça ne te dérange pas ?

Le visage de son époux se rembrunit.

-Mais Ginny ! James a un sens de l'humour incroyablement développé pour un enfant de cinq ans. Je comptais justement sur son esprit de facétie pour faire un test…

-Donc, James partira avec moi. N'oublie pas qu'Albus se réveillera à midi, et qu'il faudra changer ses langes et lui donner le biberon…Si tu trouves le temps, entre deux imitations de Barty Croupton. Ron, merci beaucoup pour le jus de pomme de ferme : je suis sûre d'en apprécier une coupe ce soir, quand Harry bordera les petits.

-Gna gna gna…marmonna le concerné dans sa barbe inexistante, alors que Ron disait qu'il n'y avait pas de quoi.

-Tout le monde trouve que je fais de bonnes imitations, à Scotland Yard, reprit le Survivant, d'un air penaud.

-Mais oui, mon vieux : elles sont très drôles, le rasséréna son meilleur ami. L'humour participe à une psychologie saine, ce n'est pas moi qu'on verra rebuffer à une bonne occasion de rire ! Il faudrait trouver quelque chose de subtil, pour faire passer la blague inaperçue pendant le discours…

Ils demeurèrent songeur l'un et l'autre quelques instants. A l'extérieur, un bruit de moteur qui s'éloignait se fit audible.

-Hé Ron…il me reste des dents de vampire de l'Halloween de l'année dernière…tu veux voir ?

-Volontiers, quoi que je devine déjà qui sera dans le rôle de la chauve-souris grognon !

Ils s'esclaffèrent de concert, décidément mis en train par toute cette agitation matinale.


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Mercredi 21 avril – 12 heures
Aea

-Âtchâ !

-A vos souhaits, Maître.

-…répondit ce dernier avec circonspection.

La femme en face de lui décocha à son intention un regard plus acéré qu'une dague effilée.

-Ahem, ahem, toussa-t-il précipitamment. Oui eh bien…merci Mrs Bla…Mrs Tonks.

-De rien, répondit vivement Andie. Je vous sais gré d'être venu jusqu'ici pour accueillir Cissy, nous savons à quel point elle trouve déprimant de n'être accueilli par personne, en voyage…

L'homme en noir acquiesça sobrement, sans ajouter un mot.

(Il se méfiait farouchement d'Andromeda, et faisait de son mieux chaque fois qu'il était en sa présence pour se fondre avec le mur. Il lui connaissait un sens de la répartie redoutable, et elle était l'un des rares adversaires face auquel il n'était pas certain de pouvoir remporter la victoire…)

(Ça, et le fait qu'elle allait régulièrement à Azkaban pour donner des cours aux détenus et prodiguer des soins à sa sœur. Deux misions que d'aucuns considéreraient comme suicidaires, lui-même avec son passé redoutant de se retrouver un jour dans un tel guêpier.)

-Avant cela…marmonna Andie en jetant un coup d'œil à sa montre, mon Dieu l'heure tourne…Il devrait déjà être là, à moins que son voyage, à lui, n'ai pris du retard ?

Rogue était interloquée par ce soliloque, mais se garda bien de le montrer. Il préféra reporter son attention sur le grand panneau qui affichait les vols entrants et sortants, attendant que de cette foule de fauve, surgisse ceux qu'ils étaient venu chercher.

-Là-bas !

Tiens, en parlant du guépard…

Severus en effet, vit une grande forme aux cheveux blonds s'avancer vers eux, un large sourire aux lèvres, comme un conquérant de la Toison. La cadette des Black lui adressa un grand signe de la main, et ce bras tendu faisait figure au voyageur fatigué, de phare final.

Et éloignons-nous discrètement, pour laisser cette famille se réjouir de ces semi-retrouvailles…


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-Rosie.

-Fred. Je sais pourquoi tu viens me voir, et c'est non.

-Je sais: tu m'as déjà refusé de venir danser avec moi lors du prochain bal, parce que tu comptes inviter Cedric Diggory. Je ne suis pas stupide, j'ai intégré le message, je passais juste pour te dire bonjour...

Elle posa une main sur son bras, contrite.

-Excuse-moi, Fred.

-Mais non, pas de mal. Tiens, parlant du prince charmant, ne serait-ce pas lui que j'aperçois là-bas?

Rosie tourna la tête, plissa les yeux pour distinguer la personne qui se tenait de l'autre côté de la cour. En temps normal, cette vision l'aurait enchantée, mais en l'occurrence, elle était troublée par quelques détails...

-Mais...doux Jésus, ce n'est tout de même pas une bouteille de bièreaubeure, qu'il tient à la main?

-Ah, j'ai entendu dire que les concours de boisson étaient de plus en plus populaire chez les Poufsouffle. Ces étudiants, tu sais comme ils aiment le boire et le manger...

-Et...Cette coupe au mulet? Ce blouson de motard?

-Oui, c'est tendance aussi. Quoi, il faut vivre avec son époque, non?

-Oh la la...dis, Fred: est-ce que tu es déjà pris, toi, ce samedi?

-Ta demande me surprend, mais enfin venue d'une si charmante personne, je ne peux que l'accepter...Je passe te prendre à dix-sept heures, bye-bye Rosie!

Et de s'éclipser en direction de son frère, qui retenait son fou rire comme il pouvait. Il accueillit son jumeau avec un grand sourire.

-Alors?

Mais ce fut en direction de Cedric, que Fred répondit:

-Je n'avais aucun doute que tu serais l'homme qui pourrait débloquer la situation, Cedric. Merci infiniment!

Et sur le visage du blond, s'épanouit le sourire de celui qui n'a-fait-que-son-devoir.

Georges quant à lui, fut la brusque victime d'une crise d'éternuement.

Gred, Forge, Cedric : le conseil, Partie III.


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Mercredi 21 avril - Zénith
Thrinacie

On dit que la demeure d'Eole ne peut jamais être trouvée deux fois au même endroit.

C'est là une île entourée d'indestructibles murs de bronze, et qui vogue sans amarres : elle glisse sur l'onde, poussée par les vents comme vogue un navire. A l'intérieur, le dieu antique, ses six fils et six filles, banquettent nuit et jour. Pour eux la vie est un voyage, et tout voyage est une fête.

Dans le cas de notre héro, je ne sais pas si la métaphore se file. Sans doute, vagabonder sur les routes a été une existence plus plaisante que celle qu'il avait menée naguère – au temps où il vivait comme un prisonnier dans son bureau devenu cellule, engoncé dans une destinée qu'il ne désirait pas.

En quête de lui-même et de vérité, tel le Zénon de Bruges, il avait pris la poudre d'escampette. Sur les chemins de traverse, il avait joui de la vie mobile, qui l'avait poussée à ne jamais demeurer au même endroit plus de quelques mois.

Six ans d'errance ? Mais où diable a-t-il pu perdre son temps, est-on tenté d'interroger.

Hé bien, d'abord, il s'était embarqué pour la France la belle France. Au terme d'une traversée de l'Atlantique épique, en troisième classe sur un paquebot qui tournait au rafiot, il avait renoué avec ses instincts de débrouillardise voire de roublardise. Discutant avec les matelots et autres passagers, il avait été enchanté de découvrir que son français n'avait pas disparu.

Les discussions dans la langue de Molière furent l'occasion de se lier d'amitié avec Marius : cet Occitan à peine plus âgé était artisan, toujours de belle humeur, et d'une vaste culture. Passionné de navigation, il lui enseigna quelques rudiments pour survivre en mer. Les deux compagnons s'entendirent si bien que, une fois la Bretagne touchée, ils cheminèrent ensemble.

Draco avait espéré toute sa vie contempler cette terre celtique, se perdre à Huelgoat et errer dans les Arrée. Entre deux gorgées de cidre, ils s'attiraient parfois l'ire d'un fermier dont ils troublaient la paix d'un troupeau de mouton paissant, en courant derrière les bêtes, hilares.

Ils ne s'arrêtèrent pas en si bon chemin. D'auberges en gares, à pied ou à vélo, ils prirent leur temps pour savourer et ausculter les paysages : de la pugnace La Rochelle, aux étourdissants vignobles de Bordeaux. Des vergers d'Agen à la montagneuse Tarbes.

C'est dans ce pays de D'Artagnan qu'ils firent leurs adieux, et Draco devait désormais pour quelques temps, poursuivre sa route en solitaire.

Il avait infiniment dévié de son itinéraire d'origine : rien ne pouvait être plus à l'opposé de la Norvège, que la brûlante Espagne, pays où le sang bat ! Suivant les circonstances et les hasards, il se laissa couler : de Gibraltar au Maroc, à l'Italie par bateau. De la Suisse à l'Autriche par le lac Constance, aux terres de Bohême.

Il s'était perdu plus de fois qu'il ne saurait le dire. Il avait eu des ennuis, aussi : il ne comptait plus les vols de ses maigres effets personnels, et appris à éviter certains coins de rue quand les nuits se faisaient trop sombres. Plus d'une fois, il se retrouva complètement démuni : d'argent, de papiers d'identité…Et pour chaque aventure, le Ciel avait mis devant lui une bonne étoile, un signe qu'il n'avait pas été oublié. Et il comprenait mieux ceux qui voyageaient avec autour du cou, un médaillon de Saint-Antoine.

Nous n'avons malheureusement pas le temps de décrire les splendeurs et les misères qu'il vit et supporta pendant ces années de découverte. Il suffit de dire qu'il s'enfonça dans l'Eurasie par la Russie, jusqu'aux confins de la Chine et du Cambodge, et qu'il s'était juré un jour de séjourner en Inde. Qu'il avait faillit mourir de soif dans le désert en Argentine, mais qu'il avait aussi appris à aider les gens qu'il croisait sur sa route.

A force de battre, et de rebattre les cartes de son propre être, on pourrait se demander finalement si tout ce mouvement ne l'a pas épuisé, ou vidé de sa substance ? S'il valait la peine de s'agiter pour si peu… Car la terre est ronde, et toute épopée s'achève fatalement par un retour au même point...

Questions légitimes. Examinons un peu l'homme qui salue la Tante Andromeda et le parrain Severus, une besace usée à la main, le visage radieux. Quant à son allure, elle n'a que très peu changée : il est toujours le même grand et sec blondin, sur les joues duquel il ne pousser jamais de barbe.

Son aura cependant, est toute autre.

Plus avenant. Plus ouvert, et chaleureux. Quelle ne fut pas la surprise de sa tante quand il l'accueillit d'une étreinte, ou celle de son parrain, qu'il gratifia d'une chaleureuse poignée des deux mains. Il mourrait d'impatience d'entendre leurs récits respectifs, et se tenait à disposition si on pouvait obtenir quoique ce fût de lui. Quel changement ! Pour qui a connu l'enfant gâté, le jeune capricieux, l'homme irascible, l'étonnement suscité par cette transformation ne peut se dépeindre.

Pourtant, c'est toujours Draco. C'est bien lui, et au fond, il n'a pas changé : il est devenu lui-même. Débarrassé de ses vieilles hardes heuristiques, il respire. Il se montre tel qu'il a toujours été au fond de son âme, tel qu'il se montre lorsqu'il est en prière : un Homme de plus, et rien de moins.

Tandis qu'il attend impatiemment la venue de sa chère mère, qu'il n'a pas revue en chair et en os depuis deux ans, ses pensées s'éloignent de l'aérogare. Elles se déplacent sur le planisphère, jusqu'à Londres, où ils doivent se rendre aussitôt la Duchesse débarquée.

Oui, à Londres…Londres, et pas Dublin. C'est la ville sur Tamise, qui représente pour lui le terme de son Odyssée.

Et croyez-le bien : il brûle aussi. Il brûle, plein d'usage et de raison, de retourner vivre au sein de ses semblables le reste de son âge.

Ses semblables…ses proches…

Et puis, bien sûr : il y a elle.

Et nous savons tous ce que cela veut dire…


oOo

Mercredi 21 avril – 13 heures
Nekuia

-Tu es prête ?

-Non.

-Tu es prête, répéta plus fermement Jean Granger, réajustant d'un geste maniaque le col de sa fille.

Elle n'était pas dupe : émue de la nomination de sa fille au Ministère de la Justice, en tant que directrice œuvrant directement sous l'autorité du nouveau ministre, elle faisait tout ce qu'elle pouvait afin de se donner une contenance.

Vérifier encore que la tenue de cérémonie était impeccable. Gourmander Nicéphore, si elle le voyait chaparder trop de chips (« Enfin Nicée, pense à Molly qui doit avoir fait une montagne de petits gâteaux en vue de la tea party ! »)…

Oui, garder l'esprit occupé, pour ne pas sangloter dans les bras de son époux en voyant leur enfant s'apprêter à discourir devant des millions de citoyens.

Hermione n'en menait pas plus large. Elle avait appris par cœur, et répété à l'envi son discours devant un parterre divers d'auditeurs. Mais le trac ne la quittait pas.

Harry était en train de finir sa déclamation. Étonnement, lui qui hait plus que tout être sous le feu des projecteurs, s'accommode bien de sa corvée : Hermione soupçonnait parfois que son discours contienne des blagues, trop subtiles pour être comprises à la première écoute. Au premier rang, elle avait souvent vu Ronald se moucher comme pour cacher un rire…Une enquête serait peut être nécessaire…

Elle sursauta. Harry avait terminé. C'était à elle d'entrer dans le tribunal, maintenant.

-Seigneur, bégaya-t-elle.

Ses parents la gratifièrent d'une dernière étreinte, et d'un regard encourageant.

Inspirant une fois de plus, elle sera bien fort une médaille qu'elle gardait à portée de main, dans une poche cachée sous la multitude des plis de sa robe.

Un peu plus calme, et leva le menton, et avança.

Les flashs l'aveuglèrent un bref instant c'eût pu la désarçonner définitivement…

Ramenant ses boucles brunes en arrière, elle s'avança en pleine lumière, d'un pas résolu.


oOo

Mercredi 21 avril – 17 heures
Lotophages

-Saaaaanttéééééééééé!

Cette acclamation de jumeaux Weasley fut reprise à l'unanimité par des dizaines de tasses qui se levaient au firmament.

-Joyeux non-anniversaire ! Renchérit quelque part Luna.

(Ce à quoi Neville rendit un regard songeur)

Mr Weasley et Bill avaient travaillé dur, mais le résultat était probant. Sur le vaste et accidenté terrain attenant leur petite maison biscornue, ils avaient passé la journée à déployer tables, bancs, chaises. Autour de ceux-ci, tous les invités se réunissaient pour un thé bien mérité.

(Méri-thé, ha ha…)

Charlie quant à lui, avait monté une petite estrade sur laquelle il était juché avec d'autres musiciens. Leurs mélodies égayaient jusqu'au soleil ardent, et nombre d'invités improvisaient des pas de danse, entre deux bouchées de madeleine.

Mrs Weasley savourait son triomphe : ses gâteaux étaient un véritable succès, elle était ensevelie sous les compliments et les remerciements. Fleur n'était pas en reste, et ils furent nombreux à la quitter perplexe, qui après avoir été embrassé sur les deux joues…

Certaines liaisons se faisaient plus dangereuses : Blaise venait d'être introduit par Harry auprès de Fred et Georges. L'herbe crépitait littéralement sous le feu de leurs créativités respectives – en un rien de temps, un plan sur monté sur pied pour distraire Percy, qui discourait déjà trop bruyamment sur les rapports qu'il entendait faire de la cérémonie de l'après-midi…

Ginny et Demelza, fortes l'une et l'autre d'un nouveau poupon, échangeaient leurs impressions sur les dernières chroniques sportives à l'abri des tonnelles. Hannah aidait Seamus à servir le thé aux uns et aux autres, n'hésitant pas à glisser un doigt d'Old Bailey Fire Whiskey à l'occasion, quand le vieux Doge leur envoyait un clin d'œil.

Au milieu de la pelouse, il y a tout de même deux personnes qui ont l'air sortie de leur environnement naturel : un grand brun fraîchement rasé, se dandine un peu mal à l'aise, cherchant à accrocher la conversation avec ce monde qui lui est inconnu. Non loin de lui, scrutant le jardin comme si elle s'attendait à voir Moïse en surgir, fendant la foule en deux, était une femme particulièrement élégante.

Ces deux là étaient Théodore et sa compagne. Notant leur désarroi, ce fut Hermione en personne qui se dégagea du cercle de collaborateurs qui la nimbait déjà (présage des mois à venir), pour venir remercier Maître Nott de son aide.

A peine avait-elle ouvert la bouche qu'Hermione la laissa…Bée. Elle venait de reconnaître la femme qui accompagnait Théo, et sa surprise fut grande.

-Bienvenue, je…mais – Pansy ?

Eh oui, il s'agit bien de Pansy Parkinson ! Tellement changée, qu'à premier abord on s'égare. Oh pas du point de vue de l'élégance : vêtue de bottines en daim noir, et d'une robe printanière vert bouteille qui mettait ses yeux en avant, elle n'avait rien perdu de son élégance d'antan. Mais elle l'avait adoucit : alors qu'Hermione avait toujours connu son ancienne collègue stressée et s'affamant, et constata avec ravissement que Pansy était désormais toute en rondeur et en courbes, et que sur son visage on pouvait lire l'apaisement.

-Bonjour, Hermione. Tu as pensé à me faire un café, j'espère ? Plaisanta la rédactrice-en-chef.

-Et même mieux : nous avons du thé à foison ! Sourit Hermione, adressant un regard impressionné à Théodore. Merci beaucoup pour ton aide, Théo. Les noms de Parkinson et de Nott résonnent de plus en plus comme l'alliance de la probité et de la rigueur, vous irez loin ensemble !

L'avocat lui renvoya un sourire éclatant de bonheur, prenant gentiment la main de sa fiancée.

-J'espère te voir à la noce, Hermione. Et tu pourras te charger du discours : c'était très bien, ce que tu as dit aujourd'hui à la tribune. Je crois que tu redonne de l'espoir aux gens.

-De l'espoir, un horizon…Voilà des mots que l'on n'entend guère trop, et dont pourtant les gens ont besoin, approuva Pansy en prenant une gorgée de thé vert.

La nouvelle déléguée auprès du ministre de la justice s'empourpra.

-Oh je voudrais oublier ce discours à tout jamais, je crois que je n'ai jamais autant paniqué de toute ma vie. Enfin, l'exercice est bon pour l'humilité je présume, mais je ne suis pas comme toi Pansy : je n'ai pas l'art et la verve de prononcer des discours articulés en public…De belles heures de travail m'attendent...

-Tout vient en son temps, Hermione, professa avec calme Pansy. Tiens, sur un autre sujet : Zacharias a faillit s'étrangler de jalousie quand il a su pourquoi je quittais New-York pour quelques temps. D'abord, parce que je prends des vacances tandis que lui sert à la direction du magazine (et nous sommes plus occupés que jamais). Ensuite, parce qu'il se morfond de ne pas « avoir pu choisir avec Hermione la tenue qu'elle porterait pour son premier passage télévisé. Qu'elle ne pense pas y échapper quand elle sera élue Premier Ministre ».

-Je n'ai pas de telles ambitions, murmura Hermione, encore plus écarlate. Mais je serais ravie de voir Zacharias dans n'importe quel contexte, d'habitude nous nous rencontrons au cours de l'été…

-Et le prochain été n'est plus très loin devant nous, souligna Théo avec un sourire énigmatique.

La conversation se déplaça sur les bonnes nouvelles de la journée. Après avoir passé deux ans en tant que journaliste aux Etats-Unis, Hermione avait pris la décision de rentrer au bercail, pour reprendre ses affaires là où elle les avait laissées.

Ce fut un chemin de croix : il y eût d'abord une longue thérapie, au cours de laquelle elle exorcisa ses maux par les mots. En parallèle, elle prit du recul pour reconstruire son avenir professionnel. Quelques années dans le journalisme l'aidèrent à prendre conscience que si l'expérience étendant ses connaissances, d'autres combats demandaient son attention.

De retour chez Jean et Nicée, elle avait reprit sa vie de zéro. D'abord, elle avait effectué des tâches pour des associations locales, de manière bénévole. En parallèle, elle donnait des cours de soutien pour étudiants en difficulté, ou déscolarisé. De toutes ses réalisations, cette dernière est celle qui lui a apporté le plus de fierté : elle avait découvert que l'enseignement était logiquement sa vocation à long-terme.

Avant cela, elle voulait aider l'Ordre du Phénix : pour ce, elle avait accepté de se mettre un peu plus sur le devant de la scène, elle qui répugnait à toute forme de notoriété médiatique. Sous l'égide de l'indéboulonnable Mrs Bones, elle avait enfin mis les pieds au Ministère de la Justice.

Commencèrent alors quatre années de travail acharnées, au cours desquelles elle s'octroyait à peine deux semaines de vacances par an, essentiellement pour profiter de ses amis et de leurs familles.

Car la vie étant un cycle naturel, passé un certain âge, les hommes acceptent que la jeunesse ne soit pas éternelle, qu'un certain équilibre doit se perpétuer.

Ils approchaient des trente-cinq ans, tous. Tous touchaient au but : après des dizaines d'années d'introspection, de questionnement, parfois d'errance, ils avaient trouvé leur Voie. Et une fois inséré dans la roue des évènements, ils ne pouvaient plus que léguer leur expérience aux générations qu'ils aideraient à sculpter, avec le plus de justesse et de douceur possible.

Trente-cinq ans, donc : ce n'est pas indécent pour devenir directrice, après avoir travaillé d'arrache-pied. Malgré ses appréhensions, Hermione se réjouissait des travaux qu'elle pourrait enfin entreprendre, avec cet objectif ultime : éliminer une bonne fois pour toute la corruption souillant la magistrature et certains services de police. La tâche ne serait pas aisée, mais elle était confiante : son horizon était dégagé, et elle ne doutait plus de son cap.

-Hermione !

Ce timbre de voix était reconnaissable entre mille. Du fait de sa discrétion légendaire, elle ne s'étonnait pas de ne pas encore avoir croisé son ami à la réception.

-Anthony, est-ce bien toi ?

L'agent Goldstein posa une main empreinte de bonté sur son épaule, tandis que de l'autre, il saluait cordialement Théodore et Pansy.

-Magnifique rapport, Théodore ! J'ai rarement vu procédure détaillée de manière aussi carrée : je te tire mon chapeau, rendit-il hommage avec un grand sourire.

Nott passa une main gênée dans ses cheveux, tout en rosissant à son tour. Il balbutia quelques remerciements sous l'œil fier de la future Mrs Nott.

-Hermione, reprit Antony en se tournant vers elle. Rofl a besoin de toi à la cuisine, est-ce que ça ne te dérangerait pas d'aller l'aider ? Ce ne sera pas très long…

-Que…en cuisine ? Je…mais bien sûr, bien sûr, répondit-elle surprise, j'y vais immédiatement ! Théodore, Pansy, à plus tard sans doute…

Tandis qu'Anthony demeurait pour prolonger la conversation, Hermione en s'éloignant ne remarqua pas qu'au fond du regard de Pansy pétillait une malice…

Eh, quoi


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« Je ne peux pas ignorer les changements, les bouleversements dans ma vie : il me paraît trop cruel de te faire endurer les métamorphoses d'un être qui a été sédimenté pendant presque trente ans, et qui émerge lentement. Je veux savoir qui je suis, ce que j'ai encore au fond de mon âme. Et puis, voyons-voir où le destin nous mène si nous vivons, et comment nous nous retrouverons…

Les gens qui s'aiment sincèrement se retrouvent toujours, et toi, ma chère, très chère Atrée, sache que je vais, en ne te haïssant point. »

Six ans plus tôt dernière lettre d'Êta-Delta à Atrée.


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Mercredi 21 avril - Nadir
Ithaque

La brune avait traversé l'herbe, répondant de loin aux saluts et autres alpagues dont elle faisait l'objet. Cette journée était étourdissante, à bien des égards. Dans quelques années, en y repensant elle serait remplie de sérénité, et il montera en elle une bouffée de nostalgie : ce temps avait été heureux.

Heureux, qui comme Ulysse, a fait un beau voyage

Heureux, oui…

Mais d'un bonheur qui eût pu ne pas être complet. Parfois, le meilleur est encore à venir, n'est-ce pas ?

-Rolf ?

La petite cuisine des Weasley était vide. Il y flottait un parfum de fleur d'oranger et de pain d'épice. La table était surchargée de plateaux, et les placards débordaient de victuailles. Mais le paléontologue n'était nulle part en vue…

Hermione se retourna, perplexe. Elle décida d'aller investiguer dans le salon – peut être avait-elle mal compris Anthony ?

Ou comme cestuy-là qui conquit la toison,

Il n'y avait personne dans le salon non plus. De plus en plus étrange...

Pas âme qui vive dans les corridors non plus, mais alors, alors…

-L'Atride !

A ce cri, son cœur fit un bond dans sa poitrine. Son sursaut s'expliquait autant par la surprise, que par la frayeur.

Cette voix…

Et puis est retourné, plein d'usage et raison,

Elle se précipita en direction du perron, le souffle court.

La porte d'entrée était grande ouverte. Au travers de l'embrasure elle perçu une ombre, et se demanda si sa vision ne lui jouait pas des tours.

D'aucun n'aurait eu de doute sur l'identité de l'homme qui s'avançait vers elle…

Le sommet de son crâne blond était couronné des éclats du soleil qui avait commencé à décliner, l'entourant d'un halo un peu irréel. S'il avait quitté les hardes de voyageur qu'il arborait quelques heures plus tôt, il s'était contenté de passer une informelle chemise, qui retombait sur un simple pantalon de toile. Son visage avenant était mangé d'un immense sourire, et ses yeux luisaient d'une émotion qu'il ne contenait pas.

La femme qui lui faisait face, avait le visage plus sobre.

-Tu t'es bien fait attendre, reprocha Hermione en français.

Il éclata de rire.

-Me voilà de retour, et les premiers mots qui franchissent la barrière de tes lèvres sont déjà ceux d'une remontrance.

-Remontrance méritée : ta dernière lettre date de trois mois, et je commençais à me demander si un gang mexicain ne t'avait pas fait la peau.

-Il en faut plus pour dévier ma trajectoire de la tienne, ma très chère moitié d'étoile.

Sans rien dire, elle s'approcha du visage de Draco. Elle nota qu'il avait vieilli : ses pattes d'oie étaient plus prononcées, les lignes de ses mains s'étaient creusées. Mais son regard était le même : cette cage d'acier bleu captura ses iris dans les siennes, et ils restèrent à se contempler sans rien dire, pendant de longues minutes.

-Oui…c'est toi, décida finalement Hermione avec calme.

Gentiment, elle enserra ce visage de ses mains.

-C'est bien toi.

Un ange passa.

-Bon retour à la maison, Draco.

Et elle posa sur son front un baiser qui scellait cette promesse.

Vivre entre ses parents le reste de son âge !

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J'imagine qu'Hermione et Draco eurent aimé pouvoir s'éclipser et profiter d'une ballade au creux de la nature, pour reprendre le fil de leur histoire respective commune.

Mais après des années d'absence, Hermione n'était pas la seule à vouloir jouir de la compagnie de Malfoy…

-Toooontooon Draculaaaaaaaa ! s'écria Trina, courant vers Draco pour s'agripper à l'une de ses jambes. Enfin, te voilà ! Viens, on va commencer une nouvelle partie de renard-passé…

-Draaaaaccooooooo ! s'écria Blaise, dans un mouvement analogue à celui de sa fille, surgissant dans le salon pour s'emparer de l'autre jambe de Draco. Je me faisais un sang d'encre, je croyais que ton vol serait annulé…

-Il l'a été, mais j'ai pu sauter in extremis dans un autre avion, précisa le blond, faisant un effort pour ne pas tomber, ni éclater de rire.

-Fantastique. Est-ce que tu restes loger chez nous ?

-Merci beaucoup pour ton hospitalité, mon vieux Blaise. Ma mère est à l'hôtel en compagnie de Tante Andromeda, parrain Severus, et de Sudhir. Quant à moi je passerai quelques jours chez Théodore et Pansy. Ce fut une longue absence, il y a de quoi rattraper…

Ce fut le moment que choisit Rolf pour faire irruption dans la pièce, un jumeau dans chaque bras.

-Ah ! Vous avez déjà joué la scène des retrouvailles ? Pas étonnant, Luna m'avait prévenu que je ne serais pas là à temps pour immortaliser ce moment d'une photo…

Il hocha la tête désabusé. C'était sans compter sur Blaise, qui reprit immédiatement l'idée à son compte.

-Mais au contraire Rolf : Trina et moi tenons Draco à ta disposition. Il serait de bon ton d'en profiter pour…appeler tout le monde, tant qu'il est encore notre otage !

-Blaaaaaiiiise…prévint Draco d'une voix qui se teintait des accents menaçant d'autrefois.

Hermione riait aux éclats : ce tohu-bohu n'était pas sans lui rappeler une scène analogue, qui s'était fini sur une arrestation rocambolesque au son d'une poêle à frire.

-Bienvenue chez toi Malfoy! Asséna Tracey, qui avait surgit de nulle part, en le gratifiant d'une tape sèche – et un peu forte – dans le dos.

-Ouch ! Tracey ? Que…

-Place, place : j'ai toujours une bouteille de Champagne sous le coude en prévision des évènements importants.

-Magnifique, Seamus. Mais qu'est-ce qu'on fête, en fait ?

-Les fiançailles d'Hermione, Ronald.

-Qu'est-ce que tu dis, Goldstein ? S'étrangla Théodore. Draco ne se serait jamais fiancé sans m'en avertir au préalable ! Qui pour s'occuper du cadre juridique ?

-Je plussoie : et l'enquête de moralité du prétendant, a-t-elle été soumise aux Aurors ? Je demande des précisions, sous peine de faire un scandale.

-Par la barbe de Merlin, Potter : je ne sais dire si tu as des constances, ou des obsessions !

-Constance, Malfoy, constance : d'après Oscar Wilde, il serait important de l'être…

-Est-ce que vous pourriez vous rapprocher un peu plus les uns des autres ? demanda Luna de sa voix douce, son antique appareil photo à la main. Tout le monde n'est pas dans le champ.

-Oui, ce serait bien si tu te rapprochais de Tracey, Ron…

-Merlin, je fais ce que je peux Neville…Tracey, pardon : je te marche sur les pieds je crois.

-Pas de mal, Ronald : en fait, je crois que c'est Rolf qui vient d'en pâtir.

-Excuse-moi, mon vieux…

-Et moi, tout le monde s'en moque ?

-Pôpâ, il faut qu'on lâche tonton Dracula : sinon on ne sera pas bien visibles sur la photo.

-J'approuve Trina, cher Winny : moi aussi, je voudrais bien une place auprès de Draco.

-Ça va tout le monde : ne bougez plus, vous êtes parfaits. Trois, deux, un…

Le salon se figea dans un silence, qui contrastait fortement avec sa frénésie préalable. Ils attendirent tous, sourires crispés sur le visage, un brin gênés par l'attente qui se prolongeait.

Enfin, la voix de Luna brisa gentiment le calme ambiant :

-Oups !

Elle appuya sur quelques boutons.

-Je ne me rendais pas compte que j'étais en train de filmer…Il faut la refaire !

Il y eu une exclamation râleuse collective, suivie de nombreux éclats de rire, et diverses répliques dramatiques servies par Harry et Blaise.

Ce fut cette dernière exclamation à gorge déployée qui fut immortalisée par Luna, et trônera sur bien des manteaux de cheminée à l'avenir.

Cette rigolade de partie de campagne passée, il faut maintenant laisser nos invités se disperser, pour rejoindre le jardin.

A l'extérieur, il y a déjà moins de monde : le soleil s'est presque totalement couché, et Percy a allumé des lampions afin que la fête puisse se poursuivre normalement, dans une ambiance plus intimiste. Les choses reprennent leur ordre naturel : l'euphorie envolée, les conversations prennent un tour plus calme, plus cordial, peut-être plus attendu aussi, il faut l'admettre...

Voilà enfin un récit qui se clôture ! Il y aurait pourtant encore bien des choses à dire, des questions auxquelles apporter une réponse. Que devient Lucius, a-t-il dit son dernier mot à l'égard de sa famille ? Tom croupit-il encore en cellule, est-il parvenu par quelque subterfuge habile, à se soustraire à la justice ? Draco survivra-t-il quand Nicéphore lui exposera les milliers de photos illustrant sa jeunesse de joueur de cricket ? Mystères, mystères : ce serait une erreur de vouloir tous les lever, quand tombe le rideau, pour de bon cette fois-ci : au lecteur de continuer le récit en imagination, ou en songe…

Quant à Draco et Hermione, nos deutéragonistes, ce fut un plaisir de voguer à leurs côtés.

Mais toute odyssée a sinon une fin, au moins une destination, à laquelle ils semblent parvenus.

Dans la paix donc, laissons-les côte-à-côte, main-dans-la-main, leur quête achevée, savourer ensemble la douceur retrouvée d'Ithaque.

oOo