Je vous ai déjà dit à quel point j'aimais écrire le personnage de Christian Tio, le père d'Alya ? Ses dialogues viennent tout seul c'est fou. Bref, vous le devinez, il fait une apparition dans ce chapitre ^^

Bonne lecture à vous !


Chapitre 39

Lorsque j'ouvre les yeux, je m'aperçois que la nuit est tombée et que pas une bougie n'éclaire la longue pièce silencieuse. En voulant bouger mes bras, je sens un poids posé sur les draps près de moi et vois les boucles châtains de Jasmine répandues sur la couette. Elle dort assise sur une chaise, la tête posée sur le matelas tandis que sa main repose près de la mienne. Mais est-ce vraiment ma main ? Celle-ci est entortillée dans des kilomètres de bandage et seul mon pouce rouge et gonflé est visible.

Je veux me relever, mais la douleur de mes membres courbaturés est si vive que je finis haletante et sans avoir bougé d'un pouce. Je tourne davantage la tête et remarque alors Soneïs allongée sur le lit d'à côté, enfin, Casper occupe une autre couche un peu plus loin. Aucun d'eux n'est réveillé et je me renfonce dans mes oreillers sans un bruit. La respiration de mes amis vient vite rythmer ce silence religieux qui s'est déposé sur le château et qui fait bourdonner mes oreilles.

.

Bon nombre de questions tournent en moi sans que je ne réussisse à trouver le sommeil. J'aimerais, pour commencer, savoir quel jour nous sommes. Suis-je restée endormie plusieurs jours ou bien sommes-nous toujours ce fameux mercredi d'avril ? Ai-je gagné ? Ai-je perdu ? Même si je ne me fais pas vraiment d'illusions à ce propos, c'est rarement celui qui s'évanouit qui peut prétendre au podium. Dans tous les cas, Casper me doit un an de dragées surprise pour avoir participé à tout ce bordel et en être sorti en vie !

Un grognement mal réveillé se fait entendre du côté de la porte d'entrée et je relève la tête du mieux que je peux pour essayer de deviner qui pionce sur le carrelage. Ce n'est que lorsque je vois Arkwood se mettre debout avec difficulté que je comprends. Celui-ci me jette d'ailleurs un rapide regard en s'attendant vraisemblablement à ce que je sois encore endormie, mais son expression change vite quand il voit que ce n'est pas le cas. Avec des gestes silencieux, il s'approche de mon lit et se penche enfin vers moi en présentant un sourire fatigué. Ses yeux sont toujours durs et je lis de l'amertume sur ses traits, mais ils ne me sont en aucun cas adressés.

-Salut, chuchote-t-il d'une voix pâteuse.

-Salut.

Le temps d'une respiration s'écoule et nos regards ne se quittent pas.

-Pourquoi tu n'as pas eu le droit à un lit ? je demande d'une voix à peine audible. T'as été puni ?

-Ouai. Ton pote m'aime pas alors j'ai dormi dans le couloir une partie de la nuit. Quand il s'est mis à cailler trop fort, je suis rentré et j'ai attendu près de la porte pour me barrer quand il se réveillerais.

-Le grand Arkwood, chef de gang et terreur de Poufsouffle a peur d'un gentil Serdaigle ? On aura tout vu.

-J'ai pas oublié qu'il a résisté à deux Stupefix d'affilés, alors compte pas sur moi pour me frotter à lui, même pour tes beaux yeux.

-Mon héros...

Je pouffe et je le vois se détendre. Cela ne dure pas et il s'assoie à mes côtés sans que Jasmine, qui est de l'autre côté, ne se réveille.

-Félicitation pour ta victoire, me dit-il en se penchant davantage vers moi. Si t'avais évité de te faire cramer en même temps que les fougères, ça aurait été encore mieux.

-J'ai… J'ai gagné ?

-Ouai, ça s'est joué à un poil de cul près, mais le gong a retenti juste avant que tu perdes connaissance. T'aurais vu la tronche de la Directrice de Beauxbâtons, c'était hilarant. Elle a voulu contester, mais ton père nous a piqué un putain de scandale comme on en avait jamais vu. Au moins, toute l'école sait de qui tu tiens ton sale caractère.

-Tu peux parler, à côté de toi, je suis la personne la plus adorable du monde.

Il a un sourire narquois et se penche vers moi pour poser ses lèvres sur les miennes. Sa douceur m'arrache un soupir d'aise et je réponds avec ardeur à son baiser tandis que ses mains viennent se glisser le long de mon cou. Si je me souviens bien, j'étais en colère contre lui pour tout un tas de raisons, notamment ses manières de ruffians et sa volonté de remettre le couvert contre les Harpies de Serpentard. Pourtant, à cet instant très précis, plus rien ne compte que ses doigts sur mes joues, sa langue contre la mienne et son odeur qui m'entoure.

Lorsqu'il se redresse, je me souviens de quelque chose d'important.

-Et Rabastan ? je demande avec empressement. Il a combattu contre Durmstrang ?

-Ouais.

-Et ?!

C'est ce moment que choisit Casper pour se réveiller et nous adresser un regard sombre, bien loin de sa mine habituellement affable.

-Je vais y aller, me dit finalement Arkwood en se remettant sur ses pieds. On se voit à ta sortie. Encore bravo pour ta victoire.

Puis, il marche jusqu'à la porte de l'infirmerie et la quitte sans un bruit.

-Casper ! dis-je d'une voix agacée en regardant mon ami se passer une main sur le visage. T'es vraiment pas possible !

Jasmine relève la tête à ce moment et semble avoir complètement oublié où elle se trouvait. Puis, c'est au tour de Soneïs qui paraît aussi fraîche que la rosée du matin, alors qu'elle a dormi toute habillée.

-Quoi ? grogne mon ami en se traînant vers les toilettes situées plus loin. Je lui ai rien dit à ton petit copain.

Je lève les yeux au ciel et reporte vite mon attention sur ma sœur qui s'est approchée de moi pour me prendre dans les bras. Du moins, pour s'affaler à moitié sur mon cou et fourrer son visage contre ma joue. Jasmine, quant à elle, me regarde en se tordant les mains et paraît à la fois désolée, tout en étant heureuse de me voir réveillée. Je lève une main bandée vers elle et elle la prends doucement en se mordant la lèvre.

-Je suis désolée, Aly, souffle-t-elle comme si ces mots étaient trop durs à prononcer. Tout ça c'est de ma faute.

Soneïs se relève en entendant les paroles de mon amie et fait naviguer son regard entre nous deux sans comprendre. Pour ma part, je fronce les sourcils et hoche la tête de dénégation comme je peux.

-Arrête ça, t'y es pour rien. C'est moi qui ai décidé de lancer mon sort alors que je savais bien que j'allais être touchée aussi. En vérité, je pensais juste chauffer un peu des oreilles et pas que l'éclair me traverserait.

-C'était inconscient dans les deux cas, intervient Soneïs en me regardant avec réprobation. Je te l'ai déjà dit : on s'en fiche que tu gagnes, à condition que ça ne te mette pas en danger ! Qu'est-ce que ça sera pour la finale, hein ? Papa t'as toujours répété, "on ne se suicide pas pour tuer un ennemi, à aucun prix". On est pas dans un bête film moldu !

L'éclat de voix de ma grande sœur me laisse un peu honteuse et elle continue de me fusiller du regard jusqu'à l'arrivée de Casper. Celui-ci s'assoit à l'endroit où se trouvait Arkwood une minute auparavant et croise ses bras sur son torse. Un silence se dépose entre nous quatre et je pose alors la question qui me brûle les lèvres et pour laquelle je n'ai pas eu de réponse.

-Rabastan ?

-A gagné ! s'exclame Jasmine avec ravissement. Du grand art, tu aurais vu ça !

Je vois Casper se gratter le menton et s'adresser à moi sans se fendre d'un seul sourire.

-Du coup, vous finissez tous les deux en finale, me dit-il d'une voix morne. Et là, vous vous affronterez pour savoir qui détient le titre de champion Européen de duels dans la catégorie jeunesse. Du moins, si tu sors entière de ce lit.

-Mme Pomfresh paraissait confiante, lui dit Soneïs en posant une main douce sur la mienne, cachée sous les bandages. Si tu n'es pas entièrement soignée pour demain, elle assure que vendredi tu seras sur pied !

J'acquiesce et laisse mon regard suivre les arches du plafond tandis que mes pensées s'agitent sous ma caboche.

J'ai gagné. Je pars en finale. Je crois que cette nouvelle devrait me faire plus plaisir que ça, mais je suis trop éreintée. À la place, je laisse Casper et Jasmine me souhaiter la bonne nuit tandis que Soneïs vient s'allonger à mes côtés.

.

-Tu nous as tous fait très peur, Aly, me dit ma sœur d'une voix douce, une fois la porte de l'infirmerie refermée. Je ne comprends pas pourquoi tu es allée jusque-là. Ce n'est qu'une bête compétition qu'on aura tous oublié dans un mois. Il n'y avait aucune raison pour que tu prennes de pareils risques.

Je hausse les épaules comme je peux et lui présente une moue ennuyée.

-Je ne sais pas trop quoi te répondre, Sony. Je me moque constamment de ceux qui prennent tout ça à coeur, mais… Tu sais, se battre c'est un peu comme mettre sa vie et son honneur en jeu. Comme si tu acceptais de laisser ton talent et ton travail te définir entièrement, alors qu'on est tous bien plus que ça quand on y pense. Et puis, même si tu restes objective et que tu sais que ce n'est pas grand chose, tu es triste quand tu perds et super heureuse quand tu gagnes.

Je la vois hausser les épaules et me caresser la joue de sa main chaude.

-J'ai un message de Papa, au fait. Il m'a dit qu'il te passerait Sergent dès ta sortie de l'infirmerie.

Ses mots me font rire et elle m'imite.

-Et je n'ai même pas le droit à un mot de ma grande sœur adorée concernant mes tristes fréquentations ?

-Si tu veux parler du gars qui dormait sur le carrelage cette nuit, sache que je ne dirais rien.

-J'aime pas quand tu dis rien.

Elle sourit et se redresse sur un coude pour lever un doigt devant mon nez.

-Je voudrais juste noter que pour quelqu'un qui sait donner des leçons concernant les mecs, tu es très mal placée. Ce sont les cordonniers les plus mal chaussés, comme on dit.

-Je trouve que t'es vachement tranchée pour une fille qui ne dit rien.

-Et puis il a vraiment mauvaise réputation, si tu veux savoir.

-Oui, je sais, je l'ai combattu ces trois dernières années. Il n'est pas aimable et mauvais perdant, mais bon…

-Je ne parle pas de son caractère mais de ses histoires avec les autres filles !

-Je m'en cogne un peu de ses anciennes conquêtes si tu veux vraiment mon avis.

Elle fronce sa petite frimousse adorable et laisse quelques secondes s'écouler avant de secouer plus fort son doigt devant mon nez.

-Oui, et bien comme tu n'as rien d'autre à faire que de m'écouter, je vais quand même te dire ce que j'en pense !

Je lève les yeux au ciel, mais je dois avouer que je m'y attendais un peu. Quand ma sœur a décidé de me parler d'un truc, elle est rarement du genre à laisser tomber.

-Tu sais le nombre de filles qu'il a laissé en plan ces dernières années ?

-Non et je m'en fiche.

-Huit ! Quand je pense à la pauvre Miranda qui a donné de son temps quand il était à l'infirmerie. Et à cause de toi en plus ! De toi et de tes sottises avec les filles de Serpentard !

Un long sourire étire mon visage et je me redresse légèrement.

-Son ex, la blonde de Poufsouffle, s'appelle vraiment Miranda ?

-Oui pourquoi ?

-Pour rien. Je me disais bien qu'elle avait une tête à s'appeler Vanessa, Barbara ou un truc dans ce genre. Miranda lui va très bien.

-Aly !

Je rêverais de me boucher les oreilles mais mes mains bandées sont trop douloureuses à porter à mes oreilles.

-Miranda est une fille adorable ! C'est immature de se moquer des gens comme ça !

-Je sais, c'est plus fort que moi, dis-je en ricanant. Et puis qu'est-ce que t'en sais, d'abord, qu'elle est sympa ? T'es sa copine, peut-être ?

-Tout à fait, nous sommes binôme en cours de potion.

Au fond de mes draps je me marre plus fort et vois ma sœur s'agacer.

-Je savais bien que t'avais des mauvaises fréquentations, lui dis-je pour la taquiner davantage. Et papa est au courant que tu traines avec une Miranda ? Je suis étonnée qu'il ne t'ai pas encore rétrogradée au nettoyage des chiottes. Tu me diras, il sait bien que tu côtoies Brian, et tu n'as toujours pas été déshéritée. Faut vraiment croire qu'il y a du favoritisme dans cette famille.

Les sourcils froncés, elle me donne une tape sur l'épaule, sans toutefois réussir à cacher son sourire en coin.

-Il n'y a pas qu'elle ! continue-t-elle, alors que j'espérais qu'elle change de sujet. Hinako s'est faite jetée comme une malpropre pas plus tard que lundi et je ne te parle même pas des sœurs Privet !

-Et tu me fais tout ce laïus parce que… ?

-Parce que je veux que tu saches à quoi t'attendre d'un gars comme Arkwood !

-Tiens, ce n'est plus "le gars qui dort sur le carrelage" ?

-Tu m'énerves !

Je ris et elle se rallonge finalement à mes côtés avec son petit air grognon trop chou que je lui connais bien. Le silence nous entoure et je vois les minutes courir sur la grande horloge tandis que le vent siffle doucement à travers les interstices.

-Il te brisera le cœur, me dit finalement ma sœur d'une voix à peine audible.

Je ne réponds rien et essaye de déterminer si c'est du sang séché que j'aperçois à la jointure d'un bandage entourant mon épaule.

-Peut-être qu'il t'aime, mais vous êtes trop différent pour que ça dure.

Oui, je crois bien que c'est du sang. J'ai entendu des élèves dire, un jour, que les électrocutions laissaient sur le corps des traces brunes en forme d'éclair. Si c'est vrai, j'en veux une dans le dos, ça serait vraiment trop la classe !

-Crois-en mon expérience, ce genre de garçon te… Tu écoutes ce que je dis au moins ?

Je présente un sourire factice à ma sœur et je la vois s'agacer. Elle finit par lever les yeux au ciel et à s'abattre sur les draps à mes côtés.

-Fais ce que tu veux, je m'en fiche, râle-t-elle en rabattant la couverture sur elle.

-Je t'ai entendu, grande sœur, dis-je à son oreille en sentant le sommeil se glisser sous mes paupières. Merci de t'inquiéter pour moi, je t'aime tu sais ?

Elle ne répond rien et se serre davantage contre moi, puis, nous sombrons toutes les deux dans un sommeil bienvenu.

.

.

Je regarde mes mains rosées à la lumière du jour et ne vois plus aucune trace de brûlure. Le soleil qui se déverse par les hautes fenêtres de l'infirmerie chauffe agréablement mon visage, mais Mme Pomfresh vient vite se placer devant.

-Pliez les doigts, me dit-elle en tournant autour du tabouret sur lequel je suis perchée. Dites-moi si vous ressentez une quelconque gêne ou une douleur.

J'agite mes bras ainsi que mes jambes et constate avec ravissement que tout fonctionne pour le mieux. La plante de mes pieds est plus sensible qu'auparavant, mais rien de trop désagréable et je n'ai pas perdu mes cheveux par touffes comme m'a annoncé Casper le matin même. Je le soupçonne d'être grognon à cause de la finale et de défouler sa mauvaise humeur sur moi pour me faire les pieds.

-Je ne sens rien, dis-je à l'infirmière, attentive à la moindre grimace. Soneïs, tu sais si les parents sont arrivés ?

Je vois ma sœur cesser de se battre avec Casper pour un bout de matelas et acquiescer vivement. Ma garde malade vient cependant se placer à nouveau devant moi pour me faire ingurgiter je-ne-sais quelle potion infâme sensé me donner des forces.

-Ouvrez grand les yeux et suivez mon doigt, oui comme ça.

Je me plie à ses exigences un temps et me penche ensuite sur le côté pour interroger ma sœur du regard.

-Papa est avec le Directeur, m'informe-t-elle en donnant un coup de coude bien placé à notre ami.

J'entends d'ailleurs ce dernier souffler "Les Mc Tavish n'abandonnent jamais" mais elle ne l'écoute pas et pointe le parc du doigt.

-Maman est toujours à la maison, elle n'arrivera qu'à quatorze heures.

Pourquoi ça ne m'étonne pas ? Le jour où elle en aura quelque chose à cirer de mon état de santé, alors qu'est qu'il faudra que je m'inquiète du sien. Je ne réponds rien et laisse l'infirmière terminer son contrôle avant de me tendre des vêtements propres.

Une fois vêtue, j'attrape mon sac et l'écoute me sermonner une dernière fois pour ensuite me laisser filer avec Casper et Soneïs. Nous arpentons tous les trois les longs couloirs bondés pour tenter d'atteindre la grande salle et Soneïs s'inquiète la première de la suite du programme.

-Tu n'es pas censée préparer une stratégie avant ton prochain combat ? me demande-t-elle en esquivant les élèves souriants qui nous reconnaissent.

-Si, lui répond Casper. Mais, avec ce qu'il s'est passé, on va devoir bricoler un truc à la va-vite avant le début.

-De toute façon je connais Rabastan par cœur, je le coupe en adressant un vague geste de la main à un groupe de filles qui nous saluent. Je ne risque pas d'être surprise par son style de combat. En vérité ce sont plus les sorts que Galaad lui a préparé que je redoute.

Casper acquiesce et tourne la tête en tous sens pour chercher quelqu'un.

-Il faut qu'on mette la main sur Jasmine rapidement, dit-il en continuant son manège. C'est elle qui a le grimoire où on a tout recensé. Le problème c'est que je ne l'ai pas croisée depuis hier soir et que j'ai aucune idée d'où est-ce qu'elle a bien pu aller.

-Elle est avec Rabastan, pour sûr.

-C'est ça le soucis, lui non plus je ne le trouve pas.

Je fronce les sourcils et nous arrivons enfin en vue de la grande salle. À l'intérieur, un brouhaha sans précédent se réverbe sur les arches et je soupire d'avance en m'imaginant devoir manger dans ce bordel.

.

-Christian ? s'étonne tout à coup Casper en pilant sur le seuil.

Avec Soneïs, nous nous arrêtons à notre tour et nous apercevons notre père discuter avec un élève au fond d'un couloir attenant. Le jeune homme lui désigne la direction de la grande salle et mon père le remercie alors par un salut martial qui l'étonne assez pour qu'il s'en aille sans demander son reste. Avec un grand sourire, nous nous engageons dans le couloir à notre tour et rejoignons le chef de la famille Tio qui semble ravi de nous voir.

-Officiers au rapport ! s'exclame-t-il de sa grosse voix bourrue, avant de se tourner vers moi. Qu'est-ce que c'est que cette mine d'enterrement, ma fille ? Aujourd'hui vous affrontez l'ennemi, alors plus de cœur à l'ouvrage et que-ça-saute !

Il me tapote plusieurs fois l'épaule avec conviction et embrasse Soneïs sur le front avant de serrer la main de Casper.

-Tu as vu notre directeur, papa ? je demande sans cacher ma curiosité. Qu'est-ce qu'il t'a dit ?

Je le vois qui se rengorge et commence quelques pas dans le couloir que nous suivons.

-Il m'a demandé ce que tu comptais faire après tes études. Il paraît que, depuis la fin de la guerre, les Aurors sont en manque d'effectifs.

-Et ?

-Et je lui ai répondu que tu avais peur du noir, que tes notes en potions étaient inexistantes vu que t'avais arrêté cette matière de merde et que, de toute façon, c'était rempli de petits trou-du-cul arrivistes pas capable de résoudre autre-chose que des mots croisés.

J'ouvre la bouche en grand et me retiens d'exploser de rire, même si Casper ne se gêne pas.

-Papa, ce n'est pas parce qu'un Auror a été incapable de retrouver celui qui a rayé ta voiture, l'année dernière, qu'ils sont tous nuls, lui répond Soneïs avec calme.

Il acquiesce vaguement et lui tapote distraitement le dos.

-Oui, tu as raison, dit-il avec cette voix conciliante qu'il prend généralement pour te faire comprendre qu'il en a rien à cirer de ton avis. Et si on allait manger maintenant ? Parait que les elfes de maison d'ici font des plats meilleurs que ceux de votre mère, entre nous ça va pas être trop dur vu ce qu'elle...

Il s'arrête de marcher et je remarque que nous nous sommes avancés jusqu'à un carrefour. Dans la coursive perpendiculaire se tiennent quatre autres personnes que je reconnais comme étant Rabastan, ses parents et… Jasmine ?

J'avance d'un pas et comprend que les deux jeunes gens se prennent une avoinée par Monsieur et Madame Rowle. Mais avant que je n'ai pensé à faire autre chose que paraître stupéfaite, mon père s'engage d'un bon pas dans le couloir et marche vers eux avec assurance.

Pour vous figurer, mon paternel n'est pas un homme que l'on qualifierait naturellement de charismatique. Il est petit, trapu et basané comme nos lointains ancêtres espagnols, sans compter que sa coupe à la brosse commence sérieusement à s'éclaircir. Vu de loin, quiconque s'y laisserait prendre et ne ferait pas attention à cette lueur qu'il y a dans ses yeux. Maman dit que ce sont ceux d'un homme qui en a trop vu mais, moi, je sais ce qu'il y a au fond de lui. Je le sais car je l'ai également en moi, sauf que, lui, ce n'est pas une panthère qui s'agite derrière ses prunelles. Je dirais plutôt un gigantesque grizzli des montagnes au pelage hérissé et aux nerfs constamment à vif.

C'est donc avec agacement et condescendance que les parents de Rabastan accueillent le chef de la famille Tio.

-Bonjour petite Jasmine, s'exclame alors ce dernier de sa voix grave en donnant une tape affectueuse sur l'épaule de notre amie.

Je remarque à cet instant qu'elle est blanche comme un linge et qu'elle s'est légèrement cachée derrière Rabastan. L'arrivée de mon père semble la surprendre tout autant que nous, mais elle ne dit rien et se contente de le regarder, les yeux ronds.

-Oh, mais je vois que tu es bien accompagnée ! Tu ne me présente pas ton petit ami ?

J'ai souvent ramené Jasmine les étés, par conséquent, mon père et elle se sont déjà croisés à de nombreuses reprises. Mais jamais je n'aurais pensé une seule fois qu'il puisse être aussi familier avec elle. Elle a l'air de penser la même chose et j'entends alors la famille Rowle s'outrer.

-Je vous prierais de bien vouloir vider les lieux, Monsieur, nous entretenons une conversation privée avec ces deux personnes !

Madame Rowle renchérit aux dires de son mari et agite un doigt devant elle comme si elle grondait un enfant pas sage.

-Il en va de l'avenir de notre famille, alors je vous demanderais de ne pas vous mêler de ce qui ne vous regarde pas.

Mon père se met à exploser de rire et tape davantage sur l'épaule de Jasmine.

-Reçu cinq sur cinq, s'amuse-t-il sans se départir de cette lueur menaçante que je ne lui vois qu'en de rares cas. Je comprends qu'accueillir sa bru c'est pas une chose facile. Moi-même, je ne pourrais jamais vraiment m'empêcher de foutre des tartes au premier gars que mes filles me présenteront. Mais je la connais bien cette petite, une fille en or ! Votre fils sera un homme heureux avec une femme de sa trempe.

C'est là que Mme Rowle devient rouge de colère et tape bruyamment du talon au sol. Elle pointe de nouveau un doigt sévère vers mon père et foudroie Jasmine du regard.

-Jamais ! crie-t-elle. Jamais cette petite pouilleuse ne fera partie de la famille Rowle, vous m'entendez ?! Il est hors de question de nous abaisser de la sorte avec la vermine !

Elle se tourne enfin vers Rabastan et agite le bras vigoureusement.

-Comment oses-tu nous faire pareille offense ? Toi que nous avons aimé et élevé dans le respect des traditions ! Si, après cette compétition, tu ne présentes pas tes excuses à la famille Yaxley en promettant de revenir sur tes dires, ça va très mal aller.

-Vraiment ? lui répond son fils d'une voix posée. Et qu'allez-vous faire ? M'enfermer ?

-Nous te couperons les vivres ! intervient Monsieur Rowle. Et nous ferons en sorte que tu ne vois plus cette sale cat…

Je le vois qui s'arrête de parler au moment où il croise le regard de mon père, ainsi que son long sourire carnassier. La dernière fois que mon paternel a affiché une telle expression, c'était deux secondes avant de mettre son poing sur le nez d'un pickpocket pris la main dans le sac.

-De toute façon, nous nous sommes engagés auprès des Yaxley et il est trop tard pour revenir dessus, affirme Madame Rowle pour clore le débat. Viviane accepte de passer outre ton attitude regrettable et tu ne peux que t'en sentir redevable. Maintenant, cesse de faire l'enfant et reviens dans le droit chemin.

Rabastan reste impassible face aux paroles de ses parents et je retiens ma respiration en remarquant le poing serré de mon père. J'ignore ce qu'il compte faire car cette histoire ne nous regarde en rien, mais mon père a toujours été comme ça de toute façon. Je suis quasi sûre que, si je lui demandais, il me dirait que la seconde guerre mondiale ne s'est gagnée que parce que les pays se sont alliés contre l'ennemi. Ne me demandez pas lesquels, je me suis toujours contrecarré de ses hobbies.

Pour le moment, il garde sa main posée sur l'épaule de Jasmine et continue d'afficher cet air faussement affable qui glace généralement le sang.

-Nous comprenons que tu as voulu faire ta petite crise d'adolescence, continue Madame Rowle d'une voix se voulant douce. Et nous sommes prêts à passer sur ça. Nous sommes tes parents après tout et nous t'aimons plus que tout, tu le sais.

Elle sourit mais ses yeux restent vides de toute amabilité. Elle entame ensuite un geste vers son fils pour le prendre dans ses bras et celui-ci recule en attrapant Jasmine par les épaules. La jeune femme se retrouve alors coincée entre mon père et Rabastan. je ne sais pas ce qu'elle se dit mais, si je pouvais, je viendrais moi aussi la supporter. À la place, je reste plantée près de Casper et Soneïs et prie pour que personne ne se retrouve avec des dents en moins d'ici la fin de la journée. Entre nous, c'est très mal parti pour.

-Inutile de vous acharner plus, mère, ma décision est prise, affirme Rabastan sans même élever la voix. Viviane et Galaad comprennent mon choix et c'est le principal. Quant à vos petits arrangements financiers, croyez bien que je suis navré. Maintenant que nous en avons fini, permettez que nous nous retirions, je dois me préparer pour mon prochain combat qui a lieu dans une heure.

Sur ses mots, il entame un mouvement pour emmener Jasmine dans notre direction, mais son père attrape son bras d'un geste vif.

-Si tu t'entêtes, tu ne seras plus le bienvenue dans notre famille, le menace-t-il d'une voix sourde. Tu as ma promesse. Je ferais en sorte qu'aucun poste ne te soit attribué au sein du Ministère, pas le moindre, tu entends ? Je te regarderai couler financièrement sans lever le petit doigt, tant que tu n'auras pas accepté de rentrer dans le rang !

Rabastan se dégage de l'emprise de son père et ouvre la bouche pour rétorquer. Il s'arrête cependant lorsque le mien tend sa main vers lui avec un sourire plus large encore.

-Christian Tio, lui dit-il. Vous qui avez l'air bien instruit, vous connaissez le dicton "les amis de mes amis sont mes amis ?". Je voudrais pas vous forcer la main, les jeunes, mais sachez que si vous avez besoin de fric ou de quoi crécher, je serais toujours disposé à vous aider, croyez-moi.

Sur ces mots, il sort une vieille carte de visite qu'il avait fait faire quand il était consultant et la fourre entre les mains du jeune homme. Enfin, il adresse un clin d'œil à Jasmine et se détourne pour nous rejoindre d'un pas jovial.

.

-À quoi tu joues, papa ? demande Soneïs lorsqu'il arrive enfin à notre hauteur.

Notre père nous regarde tour à tour et ouvre grand les bras de satisfaction.

-Quoi ? Vous ne félicitez même pas votre père de n'avoir cassé aucune mâchoire ? Il me donnait bien envie, pourtant, l'autre coincé dans son costume de sale bourge.

-Bravo pour l'effort, je marmonne en regardant Rabastan continuer de s'opposer à ses parents sans vouloir lâcher. Mais je ne suis pas sûre que ça fasse grande différence.

-Faut pas dire ça ma fille ! Quand j'étais jeune, tes grands-parents m'ont foutu à la porte quand ils ont appris que j'étais un foutu sorcier. Sans que je lui demande, Erwann m'a accueilli chez lui tous les été et même après Poudlard ! C'était juste avant que je m'engage dans l'armée. Sans lui, j'en aurais chier, pour sûr !

-Erwann… Mon père ? intervient Casper en ouvrant de grands yeux.

-Oui, mon petiot, Erwann Mc Tavish. Il t'a jamais raconté cette histoire ? Quand je pense à tous les troquets qu'on a fait à dos de mobylettes enchantées ! C'est d'ailleurs là qu'il a rencontré ta mère, elle était chanteuse de cabaret. Fais pas cette tronche, gamin, allez venez, je vais vous raconter ça autour d'une table, je crève de faim !

.

Les hurlements des spectateurs résonnent à mes oreilles, ils font vibrer ma cage thoracique qui accueille mon petit cœur cognant désespérément à ma poitrine ; je pensais m'être habitué à cette sensation, je vois qu'il n'en est rien. Avec appréhension, je tourne la tête vers la droite et croise le regard de Rabastan qui semble aussi tendu que moi. Pourtant, il étire ses lèvres et m'accorde un fin sourire que je suis la seule à percevoir.

-Bienvenue à cette dernière journée de duels ! s'exclame Dumbledore de son siège en nous forçant à reporter notre attention sur lui. Aujourd'hui, se déroule le combat final qui départagera Mademoiselle Tio et Monsieur Rowle pour le titre de champion. Je souhaite avant tout remercier les six élèves qui ont vaillamment défendu les couleurs de leur école et saluer leur courage et leur talent. Il en faut beaucoup pour monter au centre de cette estrade et mettre son honneur en jeu. Remercions les ensemble, je vous prie.

Il se met à applaudir et la foule l'imite avec ferveur.

-Mais j'imagine que vous êtes tous aussi impatient que moi de voir cela alors je vais maintenant demander à nos deux finalistes de bien vouloir se placer sur l'aire. Pour finir, je ne dirais qu'une seule chose… Que le meilleur gagne !

Les applaudissements retentissent plus fort encore et nous marchons chacun jusqu'au bord du long rectangle peint. Une fois positionnée, je prends une grande inspiration et partage un regard complice avec Casper.

-On se les fait ? me dit-il avec malice.

-On se les fait !