Disclaimer : L'univers de Diablo appartient à Blizzard
Acte 2 - Première partie : Un nouveau combat
Chapitre 1 : L'âme du guerrier
###
Les premières semaines sont les plus difficiles. Avec ce que nous avons ramené de Tristram, nous avons pu protéger un peu mieux les plus jeunes d'entre nous, mais nous manquons toujours de tout. Charsi a apprécié l'acquisition du marteau de Griswold et l'utilise avec un savoir-faire sans précédent. Même sans enclume, elle arrive à tirer le meilleur des enchantements qui s'y trouvent pour travailler. Elle a cependant confié nombre de tâches à sa dernière apprentie car elle a peu de temps pour s'occuper des réparations diverses. En effet, tout le monde compte beaucoup sur elle. De toutes, c'est elle qui a le plus de force. Elle est la seule à pouvoir déplacer les rochers et les troncs d'arbres.
Nous progressons lentement à l'élaboration d'une muraille pour améliorer nos défenses. Il n'aura pas fallu longtemps pour que déchus et khasdras retrouvent notre trace et viennent nous harceler par vagues. Heureusement, ils ne sont pas encore très nombreux. Nos flèches suffisent. Parfois Akara intervient en utilisant sa puissante magie, mais je n'aime pas ces moments-là. Ils ravivent ma peine et ma rancœur.
Quelques semaines plus tard, ce sont même des rogues renégates qui commencent à venir tester nos défenses. Même si elles étaient nos sœurs autrefois, je n'ai aucun mal à me faire à l'idée de les combattre. Elles n'ont plus rien d'humaines. Elles sont toutes partiellement transformées et se comportent comme des bêtes enragées. Elles ont de la force mais aucune cohésion. La seule chose qui retient parfois mon bras au moment de frapper, c'est l'idée que Moiraine n'est certainement plus qu'un animal, comme elles.
Quoique je fasse, tout finit par me ramener à elle et malgré les semaines qui passent, je ne guéris pas. J'ai toujours aussi mal. J'imagine que c'est parce qu'elle a été ma première sœur. Mais elle n'est pas la seule qui me manque cruellement. Je n'ai côtoyé Maeko qu'une année, peut-être moins, mais elle s'était faite une place dans mon cœur. Il y a des images que je ne peux effacer de mon cerveau et chacune d'entre elles me blesse. Elles font partie de ces colères que je n'arrive pas à faire taire. Comme celle latente que je nourris envers Akara et Kashya qui ont permis par leur inaction que ce cauchemar arrive.
###
Cain a rapidement trouvé sa place parmi nous. Son âge mais surtout sa mauvaise condition physique aurait pu être un poids pour nous mais il s'est trouvé un rôle central qui nous a toutes surprises. Il a pris sous son aile les plus jeunes et s'est donné l'objectif de les protéger de la plus belle des manières qui soit.
Nous avons vécu l'horreur et les attaques incessantes ravivent toutes les blessures morales que nous avons. Il ne faut pas se voiler la face, nous sommes toutes traumatisées à différents degrés. Nous travaillons dur et cela nous aide à tenir, mais les enfants n'ont pas cette échappatoire. Alors, Cain leur a offert des rêves. De beaux rêves.
Moi-même, lorsque je ne suis pas de garde, je reste en retrait pour l'écouter. Tous les soirs, il passe des heures à leur parler de belles choses. Tous les soirs, il invente de nouvelles histoires et exorcise leurs peurs. Tous les soirs, il apaise leur cœur.
Il s'est également lié à Akara. La journée, ils passent de nombreuses heures à échanger des connaissances. Il nous a offert l'expertise des Horadrims sur de nombreux sujets.
Au fil des jours, je le trouve plus alerte et malgré les conditions difficiles de vie, j'ai l'impression que sa santé s'améliore.
- "J'ai la sensation de rajeunir." Me confie-t-il un jour. "J'ignorai que la vie à la dure serait ce qui dérouillerait mon corps fatigué. En vérité, je ne suis pas si vieux, vous savez. Je n'ai que soixante ans. Je crois que c'est l'influence de Diablo pendant toutes ces années qui a fait de moi cette vieille branche tordue. Je vivais à Tristram bien avant que la cour royale ne s'y installe. C'était un bourg ridicule et la plupart des figures de proue que vous avez rencontré s'y sont installées après, lorsque la ville a pris de l'essor."
###
Lorsque les premières sœurs de retour du désert d'Aranoch nous ont rejoint, j'ai senti une grande euphorie. J'entrevoyais pour la première fois une lueur dans les ténèbres. De par les relations qu'elles avaient tissées avec les dirigeants de Luth Golheim, elles offraient l'espoir de voir se constituer des caravanes marchandes, même s'il fallait attendre encore plusieurs semaines avant qu'elles nous atteignent. Mais, c'est lorsque les Barbares sont arrivés que tout à vraiment changé.
Ils sont arrivés au tout début de l'hiver. J'étais en poste avec Kashya au nord du camp. Je me souviendrai toujours de l'impression qu'ils m'ont faite. Si l'on peut aisément considérer Charsi comme une force de la nature, les hommes qui sont arrivés défient tout ce que je pouvais imaginer sur les membres de son peuple.
Ce sont des colosses d'au moins deux mètres trente qui ont surgi un matin de la brume. Torses nus malgré le froid mordant, la peau barrée de cicatrices et de tatouages tribaux, mais le regard noble et portant au clair et avec fierté leurs armes surdimensionnées : arcs, haches, épées ou marteaux.
Rien que de les voir émerger du brouillard, je fus parcourue de frissons. Ils n'étaient que dix hommes, mais j'avais l'impression d'être face à dix rois. Ils tiraient avec eux, à la force de leur bras, une charrette à leur échelle, remplie à craquer de tout ce dont nous avions manqué jusque-là. Couvertures, vêtements, cordages, outils, ustensiles…
Nous repassions soudainement de l'âge de pierre à la civilisation.
Le plus âgé du groupe, Garak, j'appris plus tard, se présenta à nous avec une humilité qui me désarçonna. Ce vaillant homme d'un âge certain, en témoignent ses cheveux et son épaisse barbe poivre et sel, était somme toute le plus impressionnant de tous. Il portait dans son regard la sagesse de celui qui a vécu et la bonté d'un grand cœur.
Ignorant à qui il devait parler en premier lieu, cet homme qui me dominait physiquement de toute sa taille et de sa musculature s'adressa à moi comme il se serait adressé à la Grande Prêtresse elle-même.
- "Nous avons entendu votre appel et sommes venus honorer les anciennes paroles." Sa voix grave et puissante résonnait en moi. "Nous vous offrons la force de nos bras et de nos cris. Nous vous amenons également ces quelques présents pour vous aider à passer l'hiver. Nous savons que vous avez des enfants à protéger."
Je restai muette. Les imaginer parcourir les centaines de kilomètres qui nous séparent des monts enneigés d'Arréat en traînant inlassablement ce chargement avec eux pour nous l'offrir sans la moindre contrepartie me fit éclater en sanglots. Akara ne mentait pas. Les Barbares ont la force des Démons et l'âme des Anges. Me voyant submergée par l'émotion, Kashya prit le relais.
- "Vous êtes plus que le bienvenu, Barbares. Laissez-moi vous conduire à la Grande Prêtresse."
Garak nous salua et la suivit, le cortège à sa suite. Le dernier barbare de la file s'arrêta à ma hauteur et posa son énorme main sur mon épaule.
- "Souriez, ma sœur. Nous partagerons bientôt la joie de repousser les ténèbres ensembles. Il me tarde de vivre ce moment avec vous car je sens en vous battre le cœur d'une guerrière exceptionnelle."
Alors j'ai souri. Cela faisait des semaines que je n'avais pas ressenti de joie réelle. Je me souvins alors de Lachdanan, l'homme inflexible qui repoussait le mal même dans la mort à qui j'avais redonné l'envie de se battre. Ce barbare inconnu venait de m'offrir la même chose : l'envie de me battre pour une noble cause, pas seulement par colère et vengeance. Il venait de me faire revivre un petit peu, pour quelques minutes.
###
Avec l'arrivée des barbares, le campement prit rapidement forme. Charsi n'était plus seule à transporter les matériaux lourds. En deux semaines seulement nous avions des murailles de bois solides et un abri pour dormir le soir.
Leur présence sembla, pendant un temps tout du moins, avoir découragé nos ennemis de nous attaquer.
Dès que j'en ai eu l'occasion, j'ai demandé des renseignements à Charsi sur les gens de son peuple. Hélas, elle n'a jamais connu autre chose que le monastère et, à part ce que son sang de barbare lui fait savoir d'instinct, elle ne put me rien me dire de plus que ce que je connaissais déjà.
Un soir, je passe outre le côté intimidant de Garak pour lui poser directement la question.
- "Je ne voudrai pas paraître impolie, seigneur Garak, mais puis-je vous poser une question indiscrète?"
- "Je ne suis pas un seigneur. Je ne suis qu'un guerrier comme toi ma sœur, parle franchement." Je souris.
- "Vous avez parlé de la force de vos cris la première fois que l'on s'est rencontré. De quoi s'agit-il exactement ?"
- "Il paraît que vous autres les voyez l'âme des guerriers." Je comprends qu'il parle du corps éthéré. "Que vois-tu en me regardant?"
Ma première réflexion est que je vois un colosse que même les années ne peuvent faire plier. Il est visiblement âgé. Ses cheveux et sa barbe fournie portent la teinte des années et des rides profondes profondes marquent son visage. De plus, comparativement aux autres, sa musculature, bien que toujours très impressionnante, est plus sèche et noueuse.
Je l'observe un moment en utilisant la Vision Intérieure. Son corps éthéré diffuse une aura étrange, très fine et compacte, comme une armure. Une coque.
- "Je vois une âme solide." Dis-je en utilisant son vocabulaire. Il sourit.
- "Nous autres barbares utilisons notre voix pour partager notre âme avec nos frères et sœurs pendant le combat." Au début, je pense qu'il parle de manière figurative, mais la précision qu'il apporte ensuite me trouble. "Le cri libère ce qui sommeille dans l'âme du guerrier qui reçoit, comme les runes libèrent le pouvoir qui sommeille dans l'acier de l'arme que l'on tient pour se battre."
Sa manière de s'exprimer est étrange mais ses métaphores sont claires. Il est en train d'évoquer quelque chose qui ressemble aux arcanes mais qui utiliserait du son brut à la place des mots écrits. Serait-ce quelque chose de plus ancien?
Le lendemain, j'apprends que Garak souhaite mener la prochaine bataille à mes côtés. Je suis à la fois honorée et terrifiée. Comment être à la hauteur d'une force de la nature comme lui, alors qu'il pourrait me briser d'une seule main.
Quelques jours plus tard l'occasion se présente et nous comprenons pourquoi il n'y avait pas eu d'attaques depuis un moment. Les ennemis ont rassemblé leurs forces et c'est bien plus nombreux qu'ils attaquent cette fois. Lorsque Garak apprend leur nombre par les éclaireuses, il sourit.
- "Trois d'entre nous devraient suffire." Affirme-t-il. "Je prends avec moi sœur Annor, qui d'autre veut venir?"
Une autre novice lève la main. A ma surprise, Kashya et Akara approuvent le plan. Tout le monde se rassemble derrière la palissade pour être témoin du combat à venir. Garak nous prête à chacune un arc barbare, bien trop grand et difficile à manier pour nous et nous sortons pour faire face à la trentaine de khasdras qui fondent sur le campement.
Nous nous tenons à quelques pas seulement de la porte. Ouvrant grand les bras, Garak pousse alors un cri formidable qui résonne dans mon corps à en faire claquer mes os. Mais je ne ressens ni douleur ni peur. Au contraire, je sens mes forces se décupler. Cet arc ridiculement massif que je tiens me paraît soudainement plus léger. Puis le guerrier s'arme de sa hache et nous dit :
- "Tuez tout ce qui essaiera de s'échapper."
L'instant suivant, il prend son élan sur plusieurs mètres et fait un bond défiant les lois de la physique pour atterrir au milieu des khasdras. L'impact seul renverse tous les ennemis sur un large rayon. De son bras puissant, il les fauche comme on fauche les blés. La panique est instantanée et les survivants tentent de fuir. C'est avec surprise que ma camarade et moi bandons nos arcs barbares comme si nous avions la même force qu'eux et nous tirons. Nos flèches atteignent nos cibles qui sont pourtant bien au-delà de notre portée. Et l'assaut des khasdras est étouffé en quelques minutes seulement.
Des cris de joie s'élèvent dans notre dos. Après cette victoire expéditive, Garak revient vers nous, la hache posée nonchalamment sur l'épaule et il nous félicite.
- "J'ai crié pour vous donner de la force." Explique-t-il. "Il existe des cris pour rendre plus rapide, plus résistant et même stimuler votre métabolisme. L'effet est temporaire, quelques minutes tout au plus, mais c'est le temps qu'il vous faudra désormais pour défendre vos murs."
Sur ces paroles, il plante sa hache ensanglantée dans le sol et lève à nouveau les bras au ciel. Il pousse plusieurs cris gutturaux puissants qui résonnent au plus profond de nous. Je me sens plus vivante que jamais.
Garak se tourne vers moi et me sourit. Je comprends dans son regard que cette démonstration ne servait finalement qu'à redonner de la force et du courage à mes sœurs et moi-même. Je lui souris en retour. J'ai le plus grand respect pour lui.
J'adore les barbares dans l'univers de Diablo :). J'espère que cette première rencontre avec eux vous a plu.
A partir cet acte, vous allez découvrir de nombreux autres peuples et diverses tribus qui font la richesse de cet univers.
Attendez-vous à beaucoup de développement sur cela dorénavant. (J'ai pris évidemment des libertés pour mes besoins narratifs :)).
A bientôt
