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Acte 2 - Première partie : Un nouveau combat

Chapitre 2 : La menace du Corbeau

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Les jours passent. Rapidement le campement devient autosuffisant. Grâce aux barbares, nous repoussons plus facilement les attaques, bien qu'elles soient de plus en plus agressives. Nous commençons à explorer notre territoire plus avant. Mais, ce faisant, nous nous retrouvons bientôt confrontées à un nouveau problème. Nous avons l'habitude des déchus et khasdras, mais moins des mort-vivants. Nous pensons d'abord qu'ils viennent de Tristram car Cain et moi en avions vus là-bas, mais il nous apparaît rapidement qu'il existe une source plus proche et plus active.

Plusieurs éclaireuses rapportent la même chose. Il y a une sorte de groupement de hameaux abandonnés plus à l'Est et les morts semblent en émerger en masse, notamment d'un cimetière situé à l'écart. Leur nombre a freiné leur progression si bien qu'elles n'ont pas pu déterminer l'origine exacte.

Un barbare s'est alors proposé pour seconder une éclaireuse et lever le mystère sur cette source de nécromancie. Lorsqu'il est revenu gravement blessé, le dos piqué de plusieurs flèches empennées de noire, la sœur avec qui il était parti, morte dans ses bras des mêmes blessures, nous n'avons pas eu l'ombre d'un doute sur l'ennemi qui nous faisait face.

- "Nous n'avons même pas vu qui nous attaquait." Témoigne le barbare avant de tomber à genoux d'épuisement. Plusieurs de ses congénères viennent le souvenir et prendre notre sœur de ses bras.
- "Moiraine." Crache Kashya le regard brûlant de rage.

La vision de ma maîtresse d'armes exprimant une émotion si forte coupe net ma propre colère. A ce moment précis, elle me terrifie. Je vois le meurtre dans ses yeux. Mais c'est une envie de mort indistincte, une pulsion à assouvir dans l'urgence de sa détresse.

- "Kashya!" Rappelle à l'ordre la Grande Prêtresse en s'approchant des victimes à grands pas.

L'interpellée se renfrogne mais ses yeux prouvent qu'elle ne se calme pas. Elle est une cocotte minute prête à exploser à tout moment. Akara confirme tristement la mort de notre sœur avant de s'avancer vers le barbare blessé. Elle observe l'angle avec lequel les flèches ont pénétré dans son corps et grimace.

- "Elle a visé pour tué." Dit-elle. "Vous saignez de l'intérieur. Si je les retire, vu les organes touchés, vous allez vous vider de votre sang."

Garak s'avance et pose une main sur l'épaule de son camarade avant de se tourner Akara.

- "Nous pouvons l'aider, si vous pouvez soigner ses chairs."

La Grande Prêtresse l'observe un moment avant d'acquiescer.

- "Tenez vous prêts. A mon signal, quelqu'un devra retirer les flèches. Toutes. Nous aurons peu de temps." L'un d'entre eux lève la main et se place dans le dos de son camarade. "Quant à vous, ne pensez qu'à une chose. Vivre." Dit-elle au barbare d'un ton impératif avant de s'agenouiller devant lui. Il hoche la tête en silence. Elle pose ses mains sur son torse puissant et se concentre un instant. Puis elle ordonne : "Maintenant!"

Les flèches sont arrachées avec brutalité. Le blessé sert les dents mais aucun son ne franchit ses lèvres. Comme l'avait annoncé Akara, le sang se met à couler en abondance de ses blessures. Garak pousse alors un cri puissant qui est repris comme un écho par les autres. Je sens une énergie formidable envahir mon corps. La Grande Prêtresse déploie alors son incroyable aura, éblouissant tous ceux capables de la voir.

Le processus prend plusieurs minutes pendant lesquelles le blessé semble perdre la bataille. Puis au bout d'un moment, le sang se tarit et les plaies extérieures commencent à se refermer. Cela me ramène, plus d'un an en arrière, à ma propre guérison. L'aura d'Akara disparaît et elle se relève légèrement chancelante tandis que son patient tombe vers l'arrière. Ses compagnons l'attrapent dans sa chute et l'allongent sur sol. La Grande Prêtresse a recouvré la plus grande partie de son pouvoir d'antan pour soigner les blessés modérées, mais ce genre de prouesse la laisse souvent affaiblie quelque temps. Le contre coup de la tempête qu'elle a déchaînée pour nous permettre de fuir est encore bien visible.

- "Vos cris lui ont sauvé la vie." Annonce-t-elle posément. "Il va avoir besoin de beaucoup de repos. Mais vu votre constitution, je ne doute pas qu'il s'en remettra vite."
- "Nous ne savons comment vous remercier." Dit Garak, visiblement ému.
- "Votre compagnon l'a déjà fait en ramenant notre sœur parmi nous. Nous l'honoreront ce soir." Il hoche la tête. "En attendant, venez avec moi, je vous prie. Annor, Kashya, vous aussi." Son ton est plus sec lorsqu'elle s'adresse à nous."

Les barbares et les sœurs prennent les choses en mains et commencent sans même que l'ordre soit donné les préparatifs d'un bûcher. Le souvenir douloureux du premier jour en ce lieu comprime ma poitrine. Je suis sans un mot mes aînées jusque dans la tente qui a été construite pour Akara. Garak est le seul à s'asseoir, car sa grande taille l'empêche d'y tenir debout.

- "Votre frère a été blessé par Moiraine, surnommé Corbeau de Sang. Les flèches ne mentent pas." Dit-elle. "Elle était la meilleure rogue du monastère." Je vois Kashya serrer les poings. "Elle a des capacités hors du commun à l'arc et un corps plus fort que la moyenne. Elle a hérité par son père d'une partie de la force des barbares."
- "Je vois, elle est un demi-sang." Dit Garak en se frottant la barbe. "Connaît-elle l'art du cri?"
- "Non, elle est arrivée au monastère assez jeune et dans des conditions assez complexes. Comme Charsi, elle n'a pas appris les coutumes de votre peuple. Cependant elle possède un atout majeur. Elle connaît les arcanes sous diverses formes." Le barbare grimace. "Elle peut arrêter les projectiles par la force de la pensée et atteindre une cible dans son dos. Si elle vous chasse, vous êtes mort. La seule chose qui a permis à votre frère de survivre à l'attaque initiale, c'est votre incroyable constitution naturelle et son esprit combatif."
- "Pourquoi fait-elle cela?" Demande Garak, en fronçant les sourcils. Akara soupire.
- "Elle a succombé aux ténèbres. C'est elle qui fait entrer l'armée démoniaque dans le monastère. Je pensais l'avoir tué le jour où nous avons fui, c'est pourquoi je ne vous ai pas parlé d'elle et nous n'avions plus vu de rogues renégates depuis longtemps. Mais j'aurai dû me douter qu'elle survivrait, d'une manière ou d'une autre."
- "Je vais lui arracher le cœur de mes mains." Grogne soudainement Kashya dont j'avais presque oublié la présence.

Son regard est celui d'une bête. La gifle que lui assène Akara est aussi sonore qu'inattendue.

- "Contrôle-toi. J'ai besoin de ton cerveau et de tes stratégies, pas de ton esprit de vengeance."

Ces paroles semblent la calmer quelque peu. Elle se masse la joue en silence.

- "Moiraine a été asservie et métamorphosée mais elle n'est pas une simple succube. L'attaque prouve qu'elle a concerné sa capacité de réflexion. Nous ne la vaincrons pas par la force brute, et difficilement par la ruse. Elle est très intelligente et connaît nos méthodes. Nous ne pourrons pas la surprendre aisément. De plus, je doute que son but soit de nous affronter directement." Poursuit Akara.
- "En effet, elle va tenter de nous affaiblir jusqu'à ce que nous craquions." Confirme Kashya. "La connaissant, elle va chercher à nous contenir ici. Il faut s'attendre à ce que les vagues d'ennemis se renforcent encore, dans les jours à venir."
- "Dans ce cas, il nous faut également des renforts." Déclare Garak. "Mais ce camp n'est pas une forteresse. Nous ne pourrons pas tenir indéfiniment avec les ressources que nous avons. La chasse est encore bonne mais le gibier va se faire de plus en plus rare à mesure que l'hiver s'installe."
- "Nos alliés de l'Est n'ont pas encore répondu. Je suis inquiète, je ne vous le cacherai pas." Déclare Akara. "Nous n'avons pas de nouvelles des sororités Khéjistanis ni des forces de Luth Golheim. Pour le moment, il va falloir compter que sur nous même."
- "Qu'il en soit ainsi... Quoiqu'il arrive, c'est un honneur de se battre à vos côtés." Dit le barbare en se redressant légèrement pour sortir de la tente.
- "Une dernière chose, Garak." Il interrompt son mouvement. "Si les choses tournent mal... vraiment mal. Fuyez avec nos enfants. Elles ont déjà vécu trop d'horreur." Le barbare sourit.
- "Je comprends et je vous le promets."

Il quitte la tente et rejoint ses compagnons, nous laissant seule avec la Grande Prêtresse.

- "Kashya. Trouve nous un plan de contre attaque. Tu peux disposer." Ordonne cette dernière, la renvoyant manu militari.

Ma maîtresse d'armes la salue sèchement et disparaît à son tour.

- "Je pense que ça ne t'aura pas échappé. Kashya est en train de perdre pied." Me dit Akara sans élever la voix.
- "Je ne l'ai jamais vu comme ça." Je réponds à voix basse. "Je ne pensais pas qu'elle pouvait éprouver des émotions."
- "Elle n'est pas insensible, bien loin s'en faut. Elle n'exprime rien simplement parce qu'elle ne sais pas comment analyser la réaction d'autrui. Elle a toujours été comme cela." Je fronce les sourcils. "Son esprit fonctionne différemment du nôtre. Il y a de la place pour beaucoup de choses mais pas pour les relations sociales telles que nous l'entendons. Elle rejette ce qu'elle ne comprend pas comme si c'était une donnée inutile et elle porte ce masque de stoïcisme pour contrôler ce que les gens perçoivent d'elle et ne pas déclencher de nouvelles réactions imprévues. Elle a besoin de rationnel plus que de passionnel dans son rapport aux autres. Et autant te dire qu'enseigner à des jeunes filles et des enfants est bien loin d'être l'expérience la plus rationnelle. Vous êtes toutes une source d'agression pour elle. Elle aime son travail avec vous, ne te méprends pas. Elle aime vous voir passer de l'exubérance de la jeunesse, qu'elle considère comme un chaos sans nom, à une forme de discipline propre aux sœurs. C'est sa vision des choses... Sache qu'elle est bien moins froide lorsqu'elle est seule avec moi ou d'autres sœurs calmes et pondérées. Mais surtout, il y avait une personne avec qui elle arrivait très succinctement à interagir, dans notre définition de la chose..."
- "Moiraine." Je complète dans un souffle. Akara acquiesce.
- "Kashya souffre énormément de la situation. Différemment de nous en tout cas car elle ne sait pas gérer des émotions aussi fortes. C'est la première fois pour elle..." Elle soupire. "C'est la première fois qu'elle ressent la morsure de la trahison, de l'échec d'une erreur profonde de jugement, et d'une si grande culpabilité..." Elle parle pour elle-même aussi. Je sers les poings. "Je sais que cette preuve de la survie de Moiraine te tourmente profondément aussi, mais j'ai vu dans ton regard que tu pouvais taire ta propre colère quand il le faut. Lorsque tu as vu la réaction de Kashya, tu as gardé la tête froide. Et c'est ce dont j'ai besoin maintenant."
- "J'éprouve une haine sans nom en ce moment-même." Dis-je les mâchoires serrées pour la détromper.
- "Je sais et elle est tournée contre moi, tout particulièrement." Ajoute-t-elle en souriant tristement. "Je la comprends totalement. Je sais que tu ne pardonneras certainement jamais, car je ne me pardonnerai jamais." Elle marque une pause. "Je sais aussi que tu es devenue par cette épreuve une véritable sœur. Depuis que nous sommes là, tu as su te contrôler pour penser au bien de toutes. J'ai peur que Kashya n'en soit bientôt plus capable. J'ignore comment l'aider en dehors de lui donner des tâches à faire pour l'occuper. Elle ne répond pas favorablement au dialogue. C'est pourquoi j'ai une dernière chose à te demander." Je la regarde en biais. "Te sens-tu capable de poursuivre l'entraînement avec moi pour tenter de dévoiler ton étincelle?"
- "Vous voulez combattre l'étincelle de Moiraine par la mienne?" Je ricane ouvertement.
- "Tu es la seule encore en vie à qui j'ai pu enseigner les arcanes à un niveau suffisant. Toutes les sœurs ici ont d'autres talents, mais celui-là leur fait défaut ou est insignifiant. Aucune d'entre elles ne pourra vaincre la menace du corbeau. Ton étincelle est plus prometteuse. Je la sens plus forte, bien qu'elle m'échappe. Et je n'ai plus l'énergie de multiplier les tentatives pour former une guerrière d'élite. Il faut que je me concentre sur une personne."
- "Moiraine m'a vue combattre, elle n'aura aucun mal à percer mes défenses. Ce ne sont pas quelques tours de plus qui feront la différence."
- "Bien au contraire. Si je t'apprends à utiliser la télékinésie, tu pourras parer ses attaques."
- "Kashya sait le faire." Je rétorque.
- "Et avec moi, c'est la seule. Le problème est que sa Vision Intérieure est bien moindre que la tienne. Elle distingue à peine l'aura des gens. Face à Moiraine elle n'aura pas le temps de réaction suffisant. Tant qu'elle ne peut être au corps à corps, elle n'a aucune chance."
- "Très bien. J'accepte." Je réponds au bout d'un moment. "Je ne demande qu'une seule chose en échange."
- "Je t'écoute."
- "Si nous parvenons à vaincre Moiraine, je veux être celle qui tuera Andariel ensuite. Je vous déteste peut-être, mais je sais que c'est ce démon qui est à l'origine de notre malheur et a perverti son cœur."
- "Accordé." Répond Akara. Je lis de la reconnaissance dans son regard.

Je quitte la tente le cœur battant. Je me promets de tout mettre en œuvre pour atteindre mon objectif. J'ignore si la vengeance m'appaisera mais l'idée de détruire cette créature des enfers me donne des forces.

Pour ceux qui ont joué aux jeux, vous aviez fait la relation dès le premier chapitre. Moiraine est Corbeau de Sang (Blood Raven), soit le premier mini boss de Diablo 2. Vous saviez donc qu'elle avait survécu à l'attaque d'Akara.

Allez à bientôt!