Lizzie
C'est avec des émotions mitigées que je m'étais préparée à ce séjour dans le Kent. Il me tardait de quitter la maison pour quelque temps. Longbourn me pesait avec cette atmosphère étouffante et les rancœurs incessantes de mère, que rien n'arrivait à tempérer. Et même si l'idée de séjourner chez Mr Collins freinait mon impatience, je me réjouissais de retrouver ma chère amie d'enfance dans cette campagne luxuriante que Charlotte m'avait tant vantée dans ses courriers.
Le trajet fut assez agréable. J'apprécie la présence de Sir Lucas. Sa bonhomie est si plaisante et distrayante qu'on ne voit point les heures défiler.
Ce voyage m'a permit également d'apprendre à mieux connaître Maria Lucas. Je saisis mieux à présent la nouvelle amitié qui la lie avec Kitty. J'ai toujours été si proche de sa sœur aînée que sa personnalité m'était complètement cachée.
Je suis ravie de ce temps qui m'est offert pour en profiter. J'ai découvert en elle une demoiselle délicate et timide avec, malgré tout, beaucoup d'humour. Elle fait assurément une amie idéale pour une jeune fille aussi insouciante que Kitty. Oserais-je dire, bien mieux que notre cadette Lydia !
Voici plusieurs jours que nous sommes arrivés à Hunsford. Mr Collins nous a accueilli chez lui avec grande fierté. Il n'a pas lâché son beau-père afin de lui montrer combien il avait bien installé sa jeune épousée. Sir Lucas semble ravi.
J'avais oublié combien notre cousin pouvait être lassant et si bavard ! Dieu que je ne regrette pas de l'avoir refusé! Cela conforte l'idée que j'aurai été incapable de le supporter une vie entière à mes côtés. Mais il faut avouer qu'il est un bon hôte pour nous, généreux et attentif, je me garderai bien de le vexer... une seconde fois.
Ma chère amie Charlotte a changé et paraît épanouie contrairement à ce que je redoutais. Il est vrai qu'elle a à présent tout ce qu'elle avait toujours souhaité, hormis les enfants. Mais de cela nous n'en n'avons pas encore parlé. Elle semble avoir trouvé l'équilibre qui lui manquait. Son époux est attentionné envers elle et elle sait visiblement comment le tempérer. Je suis sincèrement heureuse pour elle.
Tout cela démontre combien nous sommes toutes deux bien différentes. Certes, l'endroit est très joli, verdoyant avec une charmante petite communauté locale. La maison est simple et bien entretenue et Charlotte dispose de tout ce qu'il faut pour mener une vie décente et confortable. Mais jamais je ne pourrais envisager un tel avenir pour moi, vivre une vie trop calme auprès d'un mari que je ne pourrais aimer.
J'aspire à la passion et une vie trépidante, à un amour sincère, fort et partagé, de cet amour qui vous submerge et vous retourne la tête.
Cet homme, dès que je le rencontrai, je le reconnaîtrai. Je saurais que c'est lui.
Peu importe son nom et sa situation, je pourrais le suivre bien loin de ma famille et de ma condition. Seule Jane me manquerait. Je rêve de voyages et de paysages grandioses à ses côtés. Je veux une vie qui me permet de me dépasser, qui m'ouvre l'esprit et comble ma curiosité. Je suis prête, pourquoi pas, à m'ouvrir à une autre culture ou à une autre façon penser.
Mais tout cela ne sont que des rêves difficiles à concrétiser, et qui ne se réaliseront probablement jamais. Une chimère, rien de plus, sur laquelle je me repose pour ne pas me fixer. Un tel amour passionnel n'existe que dans les romans dans lesquels je m'évade pour passer mon temps.
Ce n'est point avec la vie que je mène et dans mon entourage que je pourrais trouver ce tel spécimen qui hante mes nuits agitées. Encore moins ici dans le Kent, au milieu des champs et des forêts, où les personnes que je fréquente sont celles qui viennent écouter le sermon du pasteur Collins le dimanche ou le salon lugubre de Rosings !
Trêve de rêveries! Je vais continuer de m'imprégner de cette douce campagne qui m'appelle tant que je séjourne ici. Ces longues promenades calment mes excès et me donnent le prétexte de m'éclipser de la présence de Collins que je préfère la plus brève possible.
Toutes les conversations du pasteur tournent autour de cette Lady de Bourgh, qu'il nomme pompeusement sa bienfaitrice. Cette dame n'a rien de bienfaisant. Elle est condescendante, froide, orgueilleuse et méprisante... un peu comme son neveu d'ailleurs, Mr Darcy, maître de Pemberley, qui est sensé arriver à Rosings pour Pâques. Quelle veine! Juste en ce moment!
J'éviterais tant que je peux de m'y rendre. Dommage, je ne verrais plus Miss de Bourgh que j'ai appris à apprécier, seule personne dotée de bon sens et de sensibilité dans ce manoir voisin.
Mr Darcy... J'aurai préféré ne plus entendre son nom qui m'évoque des souvenirs tourmentés... et un certain carnet dons certains vers ne m'ont depuis jamais quittée.
L'épouseur de famille
L'épouseur de famille fuit la fille
Qui n'a pour dot qu'un cul sans écu.
Aussi, quoique jolie, Azélie
Se trouve vierge encore faute d'or.
Le désir la picote sous sa cotte,
Et souvent elle doit mettre un doigt
Qui longtemps y repose sur sa rose.
Le dard raide et fumant d'un amant
Ferait mieux son affaire, mais que faire
Quand on est seule au lit et qu'on lit
Un roman érotique spermatique,
Qui fait rentrer le bras sous les draps ?
La main partout lutine, libertine,
Agace le bouton du téton
Qui, sentant la caresse se redresse,
Passe au ventre poli sans un pli,
Tâte les fesses, rondes mappemondes,
Entr'ouvre les poils longs, bruns ou blonds
Et glisse triomphante dans la fente
Où, sous le capuchon folichon,
Le clitoris s'abrite, rose ermite.
L'index frotte d'abord sur le bord
La coquille rosée arrosée
Du liquide élixir du désir;
Cherche le point sensible de la cible,
Et trouvant le ressort bandé fort,
Fait jaillir Aphrodite interdite
D'avoir joué ce tour à l'amour.
D'autres fois, plus lubrique, elle applique
En long son traversin sur son sein;
Dans ses cuisses l'enferme, fort et ferme,
L'étreint comme un amant puissamment,
Lève les reins et frotte à sa motte
Le molasse phallus tant et plus.
Ce sac de plume d'oie qui se ploie,
Représente assez mal l'idéal.
Pourtant la pose est digne du beau cygne
Qui, chez les Grecs, banda pour Léda.
Hélas ! Sur la mortelle aucune aile
Des cieux en frémissant ne descend.
Aucun dieu de l'Olympe ne la grimpe :
Les dieux, chauds autrefois, sont très froids.
La jouissance arrive, convulsive,
Tachant d'un jet subtil le courtil.
Dans la petite coupe une soupe,
Où manque le bouillon de couillon,
Par Vénus attrapée est trempée ;
Et l'amour autre part met son dard !
Moralité
Ma fille, sois ardente, mais prudente,
Et sentant l'oreiller se plier
Tout au bas de ton ventre où rien n'entre
Ne vas pas, pour jouir, enfouir
Dans ta fleur élargie ta bougie.
Bientôt le chandelier tout entier
Suivrait, sans la bobèche qui l'empêche.
Au fond du temple étroit que le doigt
Respecte la membrane diaphane,
Dont passera l'hymen l'examen.
Théophile Gautier, Poésies libertines
