noour : C'est marrant parce que moi j'apprécie vraiment Leah en dépit de son caractère, même si elle peut se révéler un peu agaçante j'en conviens, mais Aina arrive progressivement à l'apprivoiser et c'est tant mieux ;) Et j'aime aussi beaucoup les moments entre Aina et les quileutes ! Merci pour ton commentaire :)
WhiteAir : Effectivement ce passage du feu de camp me paraissait essentiel, mais en relisant le passage du tome 2 de Twilight je me suis dis que c'était une occasion parfaite pour insérer cette conversation avec Leah, je suis contente que ça t'ait plu ! La relation entre Aina et Leah est encore quelques peu indescriptible mais je suis d'accord, ce lien qu'elles ont a quelque chose de rassurant :)
Bonne lecture !
28. Perspectives
Quand je vois arriver une Angela surexcitée au travail, je me dis qu'il doit se tramer quelque chose. Même pour Angela, on se situe bien au-delà de la bonne humeur habituelle. Et là, elle me montre la bague qui orne son annulaire gauche et je comprends.
— Ben t'a demandé en mariage ? m'exclamé-je dans le petit vestiaire décrépit où nous sommes seules.
Le sourire rayonnant d'Angela me répond bien au-delà de ce que les mots auraient pu faire. Prise de court par cette excellente nouvelle, je ne trouve moi non plus de mots et, le sourire aux lèvres, je prends mon amie dans mes bras.
— C'est merveilleux, Angela !
— Je suis comblée ! me confie-t-elle. De toute façon, s'il ne se décidait pas, c'était moi qui allais finir par le faire…
— Oh je n'en doute pas ! répliqué-je dans un éclat de rire. En tout cas, je suis vraiment contente pour toi. Toutes mes félicitations à vous deux.
— Merci, Aina. Bon, et si nous allions travailler ? Je vais finir par nous mettre en retard.
— Allons-y. Mais Angela, il faut qu'on fête ça !
— Et si on sortait un soir, avec Ben et Embry ?
— Ce serait avec plaisir. Je ne pense pas qu'Embry aura la moindre objection.
— Alors c'est décidé !
Plusieurs jours plus tard, nous nous retrouvons donc tous les quatre à Port Angeles. Ça me fait étrange de sortir avec Embry en compagnie d'autres personnes que les loups quileutes, d'autant plus dans ce qu'on pourrait appeler un double rendez-vous.
Au moment de retrouver les jeunes fiancés, nous commençons par les féliciter, et puis nous les suivons à l'intérieur du restaurant dans lequel ils ont réservé une table pour quatre.
Très rapidement, il devient évident qu'Embry et Ben vont très bien s'entendre. Angela et moi nous amusons de cette complicité née si rapidement.
— On peut vous laisser, si vous voulez… remarqué-je.
Embry se tourne vers moi, le regard perdu.
— Laisse-tomber ! m'esclaffé-je.
Nous passons une très bonne soirée. Une soirée de normalité qui me fait oublier toute la folie qui est partie intégrante de ma vie. Enfin, ça, c'est juste qu'à ce que je la vois à nouveau.
Elle m'apparaît alors que je suis en plein milieu d'une conversation avec Angela. Par-dessus l'épaule de mon amie, au loin, près de la porte des cuisines, j'ai cru la voir pendant l'espace d'une seconde. Pourtant, même si je ne la vois maintenant plus, mon regard reste fixé là où sa silhouette s'est évaporée.
— Aina ? m'appelle Angela.
Je vois Embry se tourner vers moi plus que je ne l'entends m'appeler à son tour. Après quelques secondes, je reviens à moi. Je croise le regard inquiet d'Embry. Je me force à lui sourire normalement pour l'apaiser.
— Désolée, j'étais ailleurs, m'excusé-je. Il faut que j'aille aux toilettes. Je reviens.
Je n'ai convaincu ni Embry ni Angela, mais personne ne m'arrête ni ne cherche à me suivre. Tandis que j'avance parmi les tables, je guette chaque coin du restaurant, à sa recherche. En poussant la porte des toilettes, je m'attends à la trouver là, mais elle n'est visible nulle part. Je pousse un soupir de déception.
Et soudainement, me coupant le souffle, elle apparait face à moi. Nos yeux se croisent, les miens écarquillés, les siens emplis de bienveillance — feinte ou pas, je l'ignore.
— Vous… soufflé-je. Je pensais avoir rêvé.
Un sourire étire les lèvres de l'inconnue.
— Vous êtes partie précipitamment la dernière fois, lui fais-je amèrement remarquer.
— La discussion était terminée.
— Uniquement parce que vous l'aviez décidé.
Elle ne répond rien, continuant à sourire.
— Êtes-vous encore venue me narguer avec les réponses que vous avez mais que vous ne pouvez pas me donner ?
— Non, Aina. Je ne suis pas venue pour narguer qui que ce soit, comme tu le dis.
— Alors quoi ? Qu'attendez-vous de moi ?
— Justement, je suis venue savoir ce que toi tu attendais de moi.
— Moi ? relevé-je.
Décidément, je ne comprends plus rien à ce qu'il se passe. Suis-je en train d'halluciner ? Suis-je la victime d'une caméra cachée ?
— Oui, toi.
— Vous le savez déjà, rétorqué-je. Je veux des réponses. Savoir qui je suis. Savoir qui vous êtes.
— Non, Aina. Dis-moi ce que tu attends vraiment de moi.
Je fronce les sourcils, totalement perdue maintenant. Est-ce une espèce d'énigme sibylline à laquelle je dois répondre ? J'ai envie de m'offusquer, de m'énerver contre cette inconnue qui se joue ainsi de moi, mais je me retiens au dernier moment. Ce n'est pas digne de moi, pas digne de la sagesse que je suis censée avoir développée tout au long de ces décennies.
Alors je réfléchis. Je réfléchis à l'inconnue qui est en face de moi, aux réponses desquelles je crois la savoir en possession, aux pouvoirs inexplicables que je l'ai vue manifester, et enfin, je réfléchis à moi, et à ce que je veux au plus profond de moi.
— Je veux des réponses, répété-je finalement. Mais pas des réponses uniquement pour comprendre comment j'en suis arrivée là. Bien sûr que j'aimerais comprendre, mais ce n'est pas là le fond du problème. Ce que j'ai besoin de comprendre, vraiment besoin, c'est de savoir si ma condition est inéluctable, si je suis condamnée pour toujours à cette vie…
L'étrangère sourit sans pour autant faire mine de vouloir m'apporter une réponse. Néanmoins, contrairement à la dernière fois, je m'efforce de rester calme.
— Quel chemin parcouru, Aina, finit-elle par reprendre. Je me souviens encore de toi, si jeune, si innocente. Et pourtant, quand je t'ai rencontrée, tu avais déjà trop souffert pour une si courte vie.
Je suis pendue à ses lèvres, n'osant pas l'interrompre.
— Nous nous reverrons bientôt, Aina. Ne sois pas frustrée de ne pas encore obtenir de réponses. Réfléchis à la situation. Réfléchis-y très sérieusement. Si tu fais ça, quand nous nous reverrons, je pense que tu seras prête.
Sans que je sache pourquoi, d'où cette émotion a surgi, mes yeux se remplissent de larmes. Ainsi aveuglée par les larmes, je remarque à peine la disparition de l'inconnue.
Quelqu'un surgit alors derrière moi. Je ne me tourne même pas pour savoir de qui il s'agit.
— Aina ? appelle la voix d'Angela tandis que la jeune femme me contourne pour voir mon visage. Est-ce que tout va bien ?
Alors que je hoche la tête, je prends conscience que mes larmes discréditent totalement ma réponse.
— Est-ce que je peux faire quelque chose pour toi ? s'inquiète mon amie.
— Non, non, répliqué-je. Tout va bien, je t'assure. Je ne sais pas ce qui m'est arrivé. J'ai juste besoin de… quelques minutes.
Consciente que j'ai besoin d'être seule pendant ces quelques minutes, Angela fait demi-tour. Je me dirige quant à moi vers le miroir, m'efforçant d'effacer les traces de cette brutale montée d'émotion. Même après avoir essuyé ces larmes, il est aisé de remarquer que j'ai pleuré, mais je suis certaine que mes compagnons de table auront la délicatesse de ne pas me le faire remarquer.
Avant de sortir d'ici, je me force à sourire à mon reflet, dans l'espoir de me composer un visage un peu moins inquiétant. Car je vais bien. Je n'ai pas menti à Angela. J'ai simplement été profondément perturbée par cette deuxième rencontre avec mon étrange inconnue. Je ne comprends pas pourquoi, mais elle a provoqué quelque chose en moi. Quelque chose auquel je vais devoir m'efforcer de réfléchir, comme elle me l'a demandé. Si je veux espérer obtenir quoi que ce soit d'elle, il semblerait que je doive suivre les règles.
Une fois que je suis totalement remise, je me décide à sortir et à aller affronter les regards de mes amis. Comme prévu, personne ne fait la moindre remarque. Cependant, Embry attrape délicatement ma main sous la table. Le contact chaleureux de sa paume achève de m'apaiser. Je m'efforce de reprendre la conversation là où elle avait été laissée, et personne ne mentionne mon comportement pendant le reste de la soirée.
Quand nous quittons Angela et Ben et que je me retrouve seule avec Embry, il en va différemment. Je me demande ce qu'Embry a deviné de la situation. M'a-t-il entendue parler à l'étrangère ? Alors que je sors les clés de ma voiture de mon sac, Embry s'en saisit habilement et se dirige côté conducteur sans me laisser le choix. Je ne lui demande pas de se justifier et me dirige docilement vers le côté passager. Il a sûrement raison, je ne suis pas vraiment en état de me concentrer sur la route ce soir.
Il enclenche le contact, sans un mot, et nous entamons le trajet de retour. Embry ne dit toujours rien et je me demande un instant s'il est en colère contre moi. Je ne comprends pas son comportement.
— M'en veux-tu pour quelque chose ? osé-je demander au bout d'un moment.
— T'en vouloir ? s'étonne-t-il.
Il tourne la tête vers moi, constate que je suis sérieuse.
— Je ne t'en veux pas, Aina. Je te laisse du temps. Je devine que tu en as lourd sur le cœur et je ne veux simplement pas t'obliger à me parler si tu n'es pas prête.
— Tu sais ce qui s'est passé ce soir ? m'enquis-je.
— Je ne peux que le deviner.
— Ne nous as-tu pas entendues parler, la femme et moi ?
— Je n'ai rien entendu du tout, Aina. Quand tu es entrée dans ces toilettes, j'ai cessé de t'entendre, comme si tu avais disparue. Pendant un instant, j'ai vraiment cru que tu avais disparue. Tu n'imagines pas comme j'ai pu avoir peur. J'ai pris sur moi pour ne pas bouger, mais crois-moi, j'en mourrais d'envie. S'il t'était arrivé quoi que ce soit, je m'en serais terriblement voulu pour mon inactivité… Je ne savais vraiment pas quoi faire.
— Embry ! le coupé-je. Ne t'en veux pas de quoi que ce soit. Je vais bien. Et l'inconnue, elle ne me veut pas le moindre mal, je t'assure. Mais tu dis que tu n'entendais plus rien ? Comment cela se fait-il ?
— Ta nouvelle copine a manifestement des tas de pouvoirs qu'on ignore, au-delà de son habitude d'apparaitre et de disparaitre à tout bout de champ. Je suis désolée, Aina, mais je ne parviens pas à lui faire confiance. Pas quand on ignore tout d'elle, de ce dont elle est capable.
— Moi, je lui fais confiance. Fais-moi confiance, d'accord ?
Il soupire, sûrement peu ravi, mais je sais qu'il a déjà lâché les armes.
— Veux-tu me parler de ce qu'il s'est passé entre elle et toi, alors ?
— Pas grand-chose, lui avoué-je. Elle ne m'a rien appris. Elle m'a dit que nous nous reverrons bientôt.
Embry ne répond rien, semblant attendre la suite. Parce qu'effectivement, ça ne peut pas être là l'entièreté de la conversation. Mais comment lui relater une conversation à laquelle je n'ai rien compris ?
— Elle… elle a aussi dit qu'elle se souvenait de moi quand j'étais plus jeune. Elle a dit que, déjà à cet âge là, j'avais trop souffert pour une si courte vie. Je ne sais pas de quoi elle parlait, Embry. Je ne sais même pas à quelle époque elle faisait référence. Je ne me rappelle pas l'avoir jamais rencontrée. Je suppose qu'elle fait référence à cette période de ma vie de laquelle je n'ai aucune trace, celle avant les îles Féroé, cette période pendant laquelle je n'étais sûrement pas ce que je suis aujourd'hui. Je pense que j'étais encore normale, une humaine parfaitement normale. En admettant que je l'ai déjà été…
— Aina… souffle Embry en posant une de ses mains sur les miennes.
— Ça va, Embry. Ou en tout cas, ça va aller.
— Mais que veux-t-elle de toi, cette femme ?
— Je n'en sais rien. Je ne crois pas qu'elle veuille quoi que ce soit de moi. Je ne comprends toujours pas, mais j'ai l'impression que je suis sur le point de comprendre. Il me faut simplement du temps pour y penser, réfléchir.
— Je suis très inquiet, m'avoue-t-il.
— Inquiet ?
— Je ne veux pas te perdre.
Le silence s'installe tandis que j'essaie de comprendre la source des inquiétudes d'Embry. Pourquoi diable pense-t-il qu'il peut me perdre ?
— Pourquoi dis-tu ça ? m'enquis-je doucement.
— Parce que nous ne savons rien de cette femme, qu'elle a des pouvoirs que nous ignorons. Il y a toutes les chances qu'elle ait faite de toi ce que tu es aujourd'hui, non ? Ou en tout cas, elle doit avoir une part de responsabilité. Et si elle revenait aujourd'hui pour une raison particulière ? Venir te chercher ? T'arracher à cette vie ? Je n'en sais rien. Quelque chose dans ce goût là.
Je n'avais pas conscience qu'Embry nourrissait de telles pensées. Moi-même, je n'avais pas un instant songé à cette possibilité là.
— Le pire, c'est que la situation me dépasse. Je n'ai pas l'impression de pouvoir faire quoi que ce soit pour te protéger, pour combattre ceux qui voudraient t'arracher à moi.
— Je n'ai pas besoin d'être protégée, Embry. Tu sais pourquoi ? Parce que personne ne m'arrachera à toi, je te le promets. Ce n'est pas ce qui va se passer.
Je sais que c'est une promesse que je ne suis pas certaine de pouvoir tenir. Peut-être que je me trompe, après tout. Peut-être que Embry a analysé la situation avec bien plus de clarté que moi. C'est impossible de le deviner.
Ce que je sais pourtant, c'est que je ne laisserais personne me séparer d'Embry, pour la simple et bonne raison qu'il est tout ce qui compte à mes yeux aujourd'hui. Je ne les laisserais pas faire, s'ils cherchaient à m'arracher tout ça.
— J'espère que tu as raison, répond doucement Embry.
Je serre à mon tour la main qu'il a posée sur les miennes. Pourtant, moi aussi je commence à avoir peur. Peur de ce que l'avenir nous réserve.
Pour la première fois de ma vie, un avenir clair avait pourtant commencé à se dessiner. Et maintenant, tout était possiblement en train de voler en éclat sans que j'en aie la moindre idée. En serrant la main d'Embry, je m'accroche avec force à l'avenir que nous pouvons avoir tous les deux.
Je ne les laisserais pas faire, s'ils tentent de m'arracher cette perspective de vie heureuse. S'il le faut, alors je me battrais…
