Bonsoir tout le monde!
Et voilà, comme promis la 2ème partie du chapitre 39! Je suis sûre que vous vous attendiez grave pas à ce que je tienne mes engagements ^^
Je n'ai plus qu'à vous souhaiter une bonne lecture et j'attend impatiemment vos avis dessus! ^^
Bonne soirée!
LSAfor
PS: Comme toujours, merci à Debo pour sa correction!
Chapitre 39 : Partie II
Une heure plus tard, Lexa arriva au siège de Woods & Co New-York en compagnie d'Anya. Elles s'avancèrent silencieusement dans le grand Hall en direction des ascenseurs, ignorant les multiples regards craintifs qui se posèrent sur elles.
- Si tu voulais te faire discrète, je pense que c'est foutu, déclara Anya en appuyant sur le bouton pour appeler un ascenseur.
- Au contraire, répondit Lexa. Plus il y a de monde qui sait que je suis à New-York, mieux c'est…
Elles pénétrèrent à l'intérieur d'une cabine et Anya appuya sur le bouton de l'étage où se trouvait son bureau puis celui du dernier étage.
- Tu es sûre de vouloir la jouer de cette manière? demanda-t-elle lorsque les portes se refermèrent.
Elle se tourna vers Lexa et lui adressa un regard incertain.
- Il est temps que je le confronte, lui répondit Lexa.
- Et s'il s'empresse de tout lui dire?
Lexa secoua la tête de gauche à droite avant de répondre:
- Il ne le fera pas.
Et le ton de sa voix devait être assez convaincant car Anya ne contesta pas plus et acquiesça. Elles restèrent ensuite silencieuses jusqu'à ce que l'ascenseur s'immobilise à l'étage d'Anya. Cette dernière en sortit avant de se tourner vers Lexa.
- Je m'occupe de regrouper les infos dont Linc a besoin, lui dit-elle. Si jamais…
- Je sais où te trouver, termina Lexa pour elle avec un sourire rassurant. Ne t'inquiète pas, je sais ce que je fais.
Anya acquiesça.
- Je sais…
Lexa fixa sa cousine et vit qu'elle voulait lui dire plus. Elle savait qu'elle voulait lui dire plus. Elle savait que tout ce qui s'était passé depuis ce matin, toutes les révélations, principalement celles sur son plan initial, faisaient qu'elle voulait lui dire plus.
Mais elle aurait tout le temps de le faire plus tard. Pour le moment, la priorité était à leur plan actuel et elles le savaient toutes les deux.
Alors elles continuèrent de se regarder sans rien dire jusqu'à ce que les portes se referment entre elles.
Lexa poussa un profond soupir et se laissa aller contre la paroi derrière elle, sa façade pleine de certitudes se craquelant légèrement.
Elle était sûre de ce qu'elle était en train de faire. Bon sang, elle n'avait pas eu autant de certitudes depuis que l'idée de la Coalition lui était venue.
Pour la première fois depuis des mois, ses idées étaient claires, son esprit était focalisé, elle savait où elle allait.
Mais elle savait aussi que ce qu'elle s'apprêtait à faire allait tout changer. Pour Woods & Co mais aussi pour elle. Elle savait qu'il allait y avoir un avant et un après ce jour.
Et elle avait du mal à l'intégrer complètement. Elle avait du mal à le concevoir. Elle avait du mal à se projeter.
Et, comme de nombreuses fois auparavant, surtout ces dernières semaines, elle se retrouva à se demander ce que penserait son père de tout ça.
Mais elle n'eut pas le temps de s'attarder plus longtemps sur cette pensée car l'ascenseur s'immobilisa une nouvelle fois.
Elle se redressa, prit une profonde inspiration et s'efforça de faire disparaître le moindre doute de son visage.
Elle sortit et commença à s'avancer d'un pas déterminé dans le couloir. Mais, lorsqu'elle tourna la tête et que son regard se posa sur la porte du bureau de son oncle Gustus, elle ralentit inconsciemment jusqu'à s'arrêter complètement. Elle vit à travers les parois vitrées qu'il était là, assis derrière son grand bureau, ses sourcils froncés, concentré sur un dossier qu'il était en train d'étudier.
Elle continua de le regarder, hésitante et incertaine. Et, après quelques secondes de tergiversions, son regard passant de l'allée qui menait à son propre bureau à celui de son oncle, elle s'avança dans la direction de ce dernier.
Après tout, elle s'était jurée de régler toutes ses problématiques.
Elle marcha donc jusqu'à la porte du bureau de son oncle à laquelle elle toqua doucement. Puis, elle attendit qu'il lance un « Entrez » avant de l'ouvrir et de pénétrer à l'intérieur.
- Lexa? prononça-t-il d'une voix où on pouvait déceler la surprise. Je ne savais pas que tu devais venir aujourd'hui, je pensais que tu étais déjà sur le chemin du retour pour la Californie.
- J'avais quelque chose d'important à régler ici, lui répondit Lexa.
Son oncle acquiesça et avant que Lexa ne puisse ajouter autre chose, il la devança et lui dit:
- J'ai été content de te voir au mariage hier.
- Je n'aurais loupé ça pour rien au monde, assura Lexa avec un sourire.
Elle continua de fixer son oncle qui esquissa un mince sourire à son tour avant de lever les yeux vers elle d'un air contemplateur.
- J'avais beaucoup de réticences concernant ce mariage, déclara-t-il lentement. Mais j'admets qu'Octavia est une brave fille.
- Elle est extraordinaire, répondit Lexa se sentant tout de suite sur la défensive comme à chaque fois que sa famille évoquait ses amies.
Elle marqua une légère pause et s'efforça de prendre une inspiration pour tenter de se contrôler.
- Je suis contente que tu laisses enfin tes à priori sur elle de côté, ajouta-t-elle d'une voix beaucoup plus calme.
- C'était ça, n'est-ce pas? demanda Gustus. Des à priori…
Il glissa une main dans sa barbe et la caressa distraitement, tout en continuant d'arborer son air contemplateur.
- Nous nous sommes arrêtés sur le fait qu'elle était orpheline, issue d'un milieu pauvre, pour nous dire que notre fils méritait mieux… Et ce pourquoi? Parce que nous, nous avons de l'argent? J'ai tendance à oublier qu'Edward et moi étions comme Octavia avant que nous devenions ce que nous sommes aujourd'hui…
Lexa le regarda en fronçant les sourcils, confuse face au comportement de son oncle.
Elle ne s'était pas attendue à l'entendre dire ce genre de chose en pénétrant à l'intérieur du bureau. Elle avait pensé qu'elle serait celle qui s'exprimerait la première.
- Je suis devenu plein de préjugés, continua son oncle semblant se parler plus à lui-même qu'à elle. Et tu sais quoi? Je ne m'en suis rendu compte qu'hier au mariage. J'étais tellement plein de ces préjugés que je ne voyais pas à quel point cette jeune femme rendait mon fils heureux. Il a fallu que je les regarde échanger leurs vœux, il a fallu que je vous écoute porter vos toasts à leur amour pour me rendre compte que les appréhensions que j'avais n'étaient pas fondées…
Il se refocalisa sur Lexa et lui adressa un nouveau sourire, un sourire plus grand, plus authentique.
- Je suis devenu plein de préjugés, Lexa, répéta-t-il. Et c'est vous qui me l'avez montré. Anya, Lincoln et toi. On vous a toujours sous-estimés et pourtant je réalise que vous avez tellement à nous apprendre…
Lexa se retrouva complètement prise au dépourvu par les paroles de son oncle. Elle le fixa longuement sans rien dire puis, oubliant momentanément la raison de sa présence ici, elle fit le tour des fauteuils qui faisaient face au bureau et s'assis devant lui.
Finalement, peut-être que ce qui l'avait poussé à rentrer dans ce bureau allait se révéler plus facile qu'elle ne l'avait pensé.
- Et si, pour une fois, on jouait carte sur table, Oncle Gustus? déclara-t-elle de but en blanc.
Sa proposition sembla déstabiliser son oncle car il perdit légèrement son sourire et fronça des sourcils.
- Jouer cartes sur table? répéta-t-il. Tu veux me dire quelque chose en particulier ?
Et Lexa pouvait déceler une pointe d'incertitude dans sa voix. Mais ça ne la découragea pas. Il y avait tellement de choses qu'elle voulait dire à son oncle, tellement de choses qu'elle voulait lui demander qu'elle ne pouvait pas laisser passer l'occasion alors qu'il était là, face à elle, ouvert à la discussion comme elle ne l'avait encore jamais vu auparavant.
Elle garda donc son regard ancré au sien, et, tout en penchant la tête sur le côté d'un geste contemplateur, elle lui posa la question qui la travaillait depuis un certain temps maintenant:
- Pourquoi es-tu autant contre la mise en place de la Coalition?
Oui, elle n'avait cessé de se poser cette question depuis que son oncle avait montré un désaccord évident face à son projet. Et pourtant elle avait pensé qu'elle aurait son soutien avant même celui de sa mère, lui qui avait toujours été le plus conciliant, le plus tolérant des ainés de leur famille face au changement.
Mais ça n'avait pas été le cas, et maintenant qu'elle était face à lui et qu'il semblait enclin à parler honnêtement et sans filtre, elle espérait enfin obtenir une vraie réponse.
- Parce que je pense qu'il s'agit d'une mauvaise idée, lui répondit simplement Gustus.
Sa réponse amena Lexa à froncer des sourcils.
- C'est une des meilleures choses qui peut arriver à Woods & Co et je suis sûre que tu le sais, lui dit-elle.
- Surement, concéda Gustus. Mais pas pour toi.
Sa réponse accentua la confusion de Lexa qui, déstabilisée à son tour, ne sut quoi répondre.
- Tu as raison, c'est un beau projet, poursuivit son oncle. En théorie… Mais en pratique, j'ai peur que tu y laisses ta vie… Allier onze entreprises avec un mauvais bilan et des antécédents loin d'être amicaux avec Woods & Co me semble dangereux… J'ai peur que la charge soit trop lourde pour toi…
Il hésita quelques secondes puis ajouta avec un tressaillement dans la voix:
- J'ai vu ton père se perdre pour cette entreprise. Je ne veux pas te voir en faire de même…
Lexa s'était attendue à tout comme réponse, sauf à celle-ci.
- Tu t'inquiètes donc pour… moi? s'enquit-elle de plus en plus abasourdie.
Depuis son plus jeune âge, elle avait vu les aînés de la famille Woods toujours mettre un point d'honneur à faire passer le bien-être de leur entreprise avant tout le reste. Y compris celui de leurs enfants.
Et même si elle avait été celle qui en avait pâti le plus, à la manière du premier de la lignée d'une monarchie, à la manière de celle qui hériterait du trône, elle savait que ses cousins subissaient également la pression de leur nom.
Peut-être pas autant qu'elle. Mais ils la subissaient.
Parce que son oncle s'était toujours engagé à suivre son frère.
Donc, l'entendre dire que la seule raison qui l'avait amené à être réticent à son projet était son bien-être à elle, avait le don de la déconcerter complètement.
Gustus ne répondit pas immédiatement. Il leva les yeux vers elle et la fixa d'un air grave avant de pousser un profond soupir. Et Lexa vit avec stupéfaction le masque de stoïcisme de son oncle, celui qui lui rappelait tellement son père à chaque fois qu'elle le regardait, disparaître.
- Je sais que ton père ne t'a jamais vraiment parlé de nos parents, déclara-t-il lentement. Tout comme Anya et Lincoln, la seule chose que tu dois savoir d'eux c'est qu'ils sont décédés il y a longtemps…
Là aussi, Lexa se retrouva prise au dépourvu par les paroles de son oncle. Elle se retrouva à froncer un peu plus des sourcils en se souvenant qu'effectivement son père ne lui avait jamais vraiment parlé de ses propres parents. La seule chose qu'elle savait d'eux c'était qu'ils avaient été tous les deux dans l'armée et qu'ils étaient décédés en mission. Et ces informations, c'était ses cousins qui les lui avaient données. Son père ne s'en était jamais donné la peine. Il n'avait jamais fait dans l'intime, dans le personnel.
La seule chose de son passé qu'il avait jamais partagé avec elle lorsqu'elle le lui avait demandé, c'était qu'il s'était construit tout seul. Et même cette information-là, il la lui avait communiqué factuellement, dans le cadre de son apprentissage au sein de Woods & Co.
Elle ne comprenait donc pas où son oncle voulait en venir. Mais, au lieu de le lui demander, elle se contenta d'acquiescer sans rien dire. Parce qu'elle voyait, elle savait, que son oncle était en train de s'ouvrir, de se confier à elle et elle ne voulait surtout pas prendre le risque de le voir faire machine arrière en disant quoi que ce soit.
- Ce que vous ne savez pas c'est que, lorsque c'est arrivé, Edward avait quinze ans et moi je venais toujours juste d'en avoir dix-huit, dit-il lentement. Un officier est venu nous voir un jour, a sonné à notre porte, nous a présenté ses condoléances et un drapeau, et juste comme ça, nous étions orphelins…
Les mots amenèrent le cœur de Lexa à se serrer. Mais ce fut le regard de son oncle qui eut le don de le briser.
Il se faisait de plus en plus lointain et elle se demanda quels souvenirs il était en train de revivre.
- C'est pour cette raison que tu disais que vous aviez vécu la même situation qu'Octavia, comprit-elle doucement.
Le regard de son oncle se refocalisa sur elle et il acquiesça.
- Malgré tout, nous nous sommes vite rendu compte que notre quotidien n'en était pas réellement bouleversé, poursuivit-il. Avant même leur décès, nos parents n'avaient jamais réellement étaient présents. Ils avaient toujours été en missions à l'étranger et pendant de très longues périodes. Et les rares fois où ils étaient là, ils ne l'étaient pas vraiment… Nous avons donc toujours été livrés à nous-mêmes, sans réelle figure parentale, sans réel exemple à suivre... Et pour Edward, sans réel manque…
Il marqua une nouvelle pause et cette fois-ci, Lexa ne chercha pas à l'interrompre. Elle ne comprenait toujours pas pourquoi il lui parlait de ça et quel était le rapport avec son projet de Coalition, mais elle était complètement subjuguée.
- Il n'a jamais vraiment ressenti leur absence hormis à travers le regard des gens, lui dit son oncle. Et je pense que c'était surtout ça qu'il n'a jamais réussi à accepter. Le fait que, pour tout le monde, nous étions vus comme les enfants sans parents. Raillés, dénigrés, jamais pris au sérieux…
Lexa se retrouva tout de suite envahit par l'image de son père, lui qu'elle avait toujours connu fort et impénétrable, touché par des moqueries cruelles et injustes, rabaissé pour quelque chose sur laquelle il n'avait aucun pouvoir dessus.
Et elle n'avait jamais ressenti autant de peine pour lui qu'en cet instant précis.
- Il s'est donc plongé corps et âme dans ses études puis, lorsqu'il les a terminé, dans la création de sa propre entreprise. Il était complètement focalisé, complètement déterminé et régit. Par son ambition, par son envie de réussir à tout prix… Il ne voulait s'arrêter que lorsqu'il aurait gravit tous les échelons et qu'il n'aurait plus personne qui le prendrait de haut parce que, justement, la personne qui serait au plus haut, ce serait lui… Et il n'a jamais arrêté parce que chaque plafond de verre qu'il passait n'était pas assez. Il en voulait toujours plus… Et moi?
Il s'interrompit, prit une nouvelle inspiration et, tout en soupirant, il poursuivit:
- Moi, je n'avais d'autre choix que de le suivre… Il était mon petit frère, il était la seule famille que j'avais. Si je n'étais pas là pour lui, si je ne veillais pas sur lui, qui le ferait?
Lexa sentit sa gorge se serrer en entendant l'émotion dans la voix de son grand et solide oncle qui leva une nouvelle fois le regard vers elle.
- Ce soir-là, lorsque Luna Rivers a annoncé qu'il était son géniteur, tu m'as dit que j'aurais dû le pousser à assumer ses responsabilités, déclara-t-il. Et tu avais raison… Mais j'avais peur de le faire. Tout simplement parce que j'avais peur de le perdre…
Lexa se souvenait parfaitement de cette conversation qu'ils avaient eue dans le bureau de son père après l'annonce de Luna durant le Gala. Elle l'avait accusé d'avoir été lâche pour ne pas avoir confronté son père.
Maintenant qu'elle entendait pourquoi, maintenant qu'elle comprenait un peu plus la relation qui avait lié son oncle et son père, elle réalisait qu'elle avait peut-être été un peu dure.
Son père aurait dû assumer, c'était un fait. Et son oncle aurait dû l'y pousser. Tout comme il aurait dû le pousser à plein d'autres choses.
Mais elle pouvait comprendre pourquoi il ne l'avait pas fait.
Il avait eu peur de perdre la personne qui comptait le plus pour lui.
- Quelques fois, j'avais l'impression que c'était moi le petit frère… lui dit son oncle Gustus avec un petit rire désabusé. Je pensais veiller sur lui en le suivant dans ses choix, en lui offrant mon soutien indéfectible. Au lieu de ça, je l'ai laissé faire les mêmes erreurs que nos parents… Et aujourd'hui, il n'est plus là et les seules choses qu'il me reste ce sont tous ces regrets. Ces regrets d'avoir laissé mon frère se perdre dans son ambition…
Il reporta une nouvelle fois son attention sur Lexa.
- J'essaye donc de ne pas faire les mêmes erreurs avec toi en essayant de t'empêcher de faire les mêmes erreurs que lui… lui expliqua-t-il enfin. Tu as pris sa place et tu l'occupes avec autant d'ambition que lui, Lexa. Je ne veux pas que tu t'y perdes…
Il termina son récit et un silence s'installa. Un long silence durant lequel Lexa se retrouva à le fixer avec l'impression d'être complètement sonnée.
Elle ne s'était pas attendue à une conversation aussi honnête et sincère lorsqu'elle s'était décidée à entrer dans le bureau de son oncle. En réalité, elle ne s'était pas attendue à grand-chose et encore moins à le trouver aussi ouvert à la discussion. À le voir se remettre en question et se confier à elle comme il ne l'avait encore jamais fait auparavant.
Non, elle était rentrée dans le bureau de son oncle avec la simple intention de mettre les choses à plat avec lui.
Parce que, lorsqu'elle avait cherché qui était le traitre parmi ses proches, ses doutes s'étaient dirigés vers lui. Il était celui qui s'était le plus opposé à son projet, celui qui avait émis le plus d'objections. Cependant, elle avait rapidement éliminé l'idée parce qu'elle connaissait son oncle et qu'elle savait que s'il y avait une chose qui comptait pour lui plus que l'entreprise, c'était sa loyauté envers sa famille.
Mais le fait qu'elle ait pu avoir des doutes sur lui l'avait amené à se poser des questions. Ils l'avaient amené à se dire qu'il résidait encore trop de non-dits entre eux. Et elle n'en voulait plus, elle ne voulait plus d'incompréhensions et d'incertitudes. Ces choses amenaient beaucoup trop de chaos.
C'était donc ce qui l'avait poussé à aller le voir lorsqu'elle l'avait aperçu dans son bureau.
Mais elle ne s'était pas imaginée une seule seconde qu'elle allait avoir avec lui une conversation qui la chamboulerait autant.
L'homme face à elle était son oncle, c'était un fait qu'elle avait intégré depuis son plus jeune âge. Il avait toujours été là depuis aussi longtemps qu'elle s'en souvenait. Il avait toujours fait partie de sa vie.
Mais pour elle, cela avait toujours voulu dire qu'il était le bras droit de son père.
Elle n'avait jamais réellement réalisé jusqu'à cet instant précis qu'il avait été avant tout le frère de ce dernier.
Son grand frère.
Celui qui avait dû endosser le rôle de protecteur que leurs parents n'avaient jamais rempli.
Celui qui avait veillé sur lui.
Et pour la première fois, elle se sentit coupable.
Coupable de l'avoir jugé alors qu'elle ne connaissait rien de lui. Coupable de n'avoir jamais réellement cherché à voir ce qui se cachait derrière cette imposante et terrifiante carapace.
Tout comme elle n'avait jamais réellement cherché à comprendre celle de son père. Et elle savait que ça n'excusait en rien le comportement que ce dernier avait eu à son égard, l'antipathie dont il avait fait preuve. Ça n'excusait en rien leurs erreurs.
Mais ça les expliquait.
Et ça, ça changeait tout pour elle…
- Oncle Gustus, prononça-t-elle doucement après de longues secondes, presque timidement.
Elle regarda son oncle refocaliser une nouvelle fois son regard lointain sur elle.
- Cette Coalition n'est pas un moyen pour moi de me perdre dans un projet beaucoup trop ambitieux pour moi, tenta-t-elle d'expliquer. J'essaye juste de rectifier ses erreurs aussi. Avant qu'il ne soit trop tard et qu'il ne me reste plus que des regrets à mon tour…
Et elle réalisait seulement, à cet instant précis, que malgré tout ce qui avait pu se passer depuis sa décision de mettre en place ce projet, malgré ses choix désastreux qui avaient suivi, elle continuait de penser que cette Coalition était la meilleure chose à faire. Elle aurait surement dû faire autrement, elle aurait dû se montrer plus prudente, plus patiente, plus conciliante, c'était un fait. Mais le projet en lui-même n'était pas une mauvaise idée.
C'était sa manière de le gérer qui l'avait été.
Et elle pouvait encore corriger ça. Elle pouvait encore le sauver, elle en était persuadée.
- Et tu peux m'y aider, poursuivit-elle en adressant un mince sourire à son oncle. Je veux que tu m'y aides... Je suis sûre qu'on peut accomplir énormément de choses ensemble sans mettre quoi que ce soit en péril. Il suffit qu'on prenne le temps de s'écouter. Mutuellement…
Gustus la fixa longuement avant d'esquisser un léger sourire à son tour. Il s'agissait d'un petit étirement de lèvres mais il eut le don d'illuminer complètement son visage.
- Je le pense aussi, lui dit-il.
Le sourire de Lexa s'agrandit. Elle eut l'impression, pour la première fois, d'avoir créé un réel lien avec lui.
Une réelle compréhension.
Ils se regardèrent pendant quelques secondes de plus, semblant savourer tous les deux le sentiment. Puis Lexa se souvint de la raison principale de sa présence ici, à Woods & Co. Raison qu'elle avait mis momentanément de côté lorsqu'elle avait aperçu son oncle. Et il était temps qu'elle y revienne.
Même si – et cette pensée eut le don de la surprendre – elle aurait préféré rester ici, enveloppée dans ce sentiment nouveau de sécurité que lui procurait Gustus, celui-là même qui lui disait que tout allait finir par aller bien, elle savait qu'il était temps qu'elle s'en aille.
Après tout, pour que tout aille bien, il fallait qu'elle réussisse à remettre de l'ordre.
- Je dois y aller, déclara-t-elle en levant de son siège.
- Je peux peut-être t'aider pour cette chose importante que tu as à régler? lui proposa Gustus.
Lexa hésita. Après tout, ce serait tellement plus simple de laisser son oncle s'en charger pour elle. Surtout maintenant qu'elle n'avait plus aucun doute sur ses intentions.
Mais elle savait qu'elle ne lui rendrait pas service. Il aimait tellement son père qu'elle savait que cette situation lui ferait beaucoup de mal. Alors elle esquissa un nouveau petit sourire et hocha la tête négativement.
- C'est quelque chose dont je dois m'occuper seule, lui répondit-elle.
Elle le vit froncer des sourcils curieusement mais il ne creusa pas plus et acquiesça. Et Lexa sentit une vague d'appréciation nouvelle pour lui.
Il ne la sous-estimait plus. Il lui faisait confiance.
Elle se détourna une nouvelle fois de lui et s'avança vers la porte. Mais, au moment où elle s'apprêta à actionner la poignée pour sortir, elle s'immobilisa une nouvelle fois.
- Oncle Gustus? prononça-t-elle en se tournant une nouvelle fois vers son oncle.
Ce dernier qui semblait s'être de nouveau égaré dans ses pensées, reporta son attention sur elle.
- C'était pour cette raison n'est-ce pas? lui demanda doucement Lexa. Qu'il n'a jamais vraiment cherché à avoir de relation avec moi… C'était à cause de ça? Parce qu'il n'en a jamais ressenti le manque, même avec ses propres parents?
Gustus la fixa quelques secondes sans rien dire. Puis il esquissa un petit sourire morne.
- Il tenait à toi à sa manière, dit-il lentement. Il pensait que, tout comme lui, tu avais plus besoin d'un empire sur lequel régner que d'un père…
Lexa opina de la tête à son tour mais ne dit rien. Elle ne savait pas ce qu'elle ressentait, ce qu'elle pensait.
Pendant des années et des années, elle s'était demandée inlassablement ce qui n'allait pas avec elle pour que son père ne s'intéresse pas à elle. C'était devenu une hantise, une obsession qui l'avait amenée à tenter d'atteindre la perfection dans tout ce qu'elle entreprenait. Elle avait essayé sans relâche, s'était démenée à son maximum, pour avoir son approbation. Mais ça n'avait jamais été suffisant.
Et maintenant, alors qu'elle comprenait que le problème n'avait jamais été elle, elle sentait un poids lui être retiré de ses épaules.
Elle continua donc de regarder son oncle, cet homme qui ressemblait tellement à son père physiquement mais qui était tellement différent de lui, et lui adressa un nouveau petit sourire.
- J'aurais aimé qu'il soit plus comme toi… confia-t-elle d'une voix à peine audible.
Son oncle Gustus la regarda mais ne dit rien. Et Lexa savait qu'il ne dirait rien. Mais elle n'en attendait pas moins.
Après tout, il était un Woods. L'ainé des Woods. Et de ce qu'elle venait de comprendre, celui sans qui ce nom n'aurait jamais pu devenir ce qu'il était.
Elle lui adressa donc un dernier salut de la tête et sortit du bureau.
Ce ne fut que lorsqu'elle se retrouva à l'extérieur et qu'elle fit quelques pas dans le grand vestibule pour mettre un peu de distance qu'elle laissa s'échapper la respiration qu'elle avait retenue inconsciemment.
Les portes d'un des ascenseurs s'ouvrirent à ce moment-là et Anya fit son apparition avec plusieurs dossiers dans les mains.
- C'est réglé? lui demanda-t-elle sans préambule lorsqu'elle arriva à sa hauteur.
- Non pas encore, répondit Lexa. J'étais occupée à discuter avec –
Elle termina sa phrase en faisant un signe de main en direction du bureau de son oncle Gustus. Le regard d'Anya se posa dessus avant de revenir se poser sur elle. Et lorsqu'elle vit le teint blafard qu'elle arborait, elle fronça des sourcils.
- Tout va bien?
- Je n'en sais rien, avoua Lexa.
Elle n'arrivait pas encore à intégrer tout ce qu'elle venait d'apprendre et elle savait qu'il lui faudrait des jours, voire des mois, pour le faire.
- Mais ça ira, ajouta-t-elle en esquissant un sourire.
Et elle réalisa en prononçant les mots qu'elle les pensait réellement.
Tout ce qui avait pu se passer depuis la veille, depuis qu'elle avait retrouvé Clarke et qu'elle lui avait avoué toute la vérité, lui montrait que ça allait être le cas.
Elle ne savait pas ce qui allait se passer, elle ne savait pas ce qu'allait donner son plan, ce que lui réservaient les confrontations qui l'attendaient mais, pour la première fois depuis des semaines, son esprit était serin et confiant.
Parce qu'elle était entourée. Parce qu'elle avait du soutien. Et elle savait que c'était tout ce qui comptait.
Anya était curieuse. Elle voulait savoir ce dont Lexa et son père avaient bien pu discuter pour la mettre dans un état pareil. Mais elle se retint. Elle connaissait sa cousine, lorsqu'elle voudrait en parler, elle le ferait d'elle-même. Elle s'efforça donc de ne pas poser la question qui lui brulait les lèvres et porta son regard derrière Lexa, vers l'immense couloir face à elle qui, elle le savait, menait aux deux derniers bureaux de l'étage.
- Je sais que je te l'ai déjà demandé plusieurs fois mais tu es sûre de toi? lui demanda-t-elle.
Lexa suivit son regard et se tourna pour fixer à son tour la porte du bureau qui faisait face au sien.
Celui vers lequel elle se dirigeait initialement avant d'apercevoir son oncle.
- Plus que jamais, répondit-elle.
Si la conversation avec Gustus avait bien servi à quelque chose, c'était à la motiver encore plus à en terminer.
- Attends-moi ici, intima-t-elle en se tournant de nouveau vers Anya, ça risque de ne pas être long.
Anya lui répondit par un acquiescement puis la suivit du regard lorsqu'elle s'avança pour se rapprocher de la porte qu'elle fixait un peu plus tôt.
Cette fois-ci, lorsque Lexa toqua à la porte, elle n'attendit pas d'être invitée avant de pénétrer à l'intérieur. Elle regarda Titus se redresser brusquement de son siège en la fixant d'un air hébété.
- Mlle Woods, prononça-t-il d'une voix respectueuse, je – hum – je ne savais pas que vous étiez là…
Lexa ne prit pas la peine de lui répondre. Elle fit quelques pas puis, comme elle l'avait fait quelques minutes plus tôt dans le bureau de son oncle, elle s'installa sur un des deux sièges qui se trouvaient face au bureau.
- Titus, déclara-t-elle lentement, il faut qu'on parle.
Voyant qu'il demeurait toujours debout et immobile, elle lui fit un geste de la main en direction de son fauteuil pour l'inviter à s'asseoir. Il la fixa pendant quelques secondes, semblant toujours perturbé par son arrivée impromptue, avant de se rasseoir lentement, d'un geste plein d'hésitations.
Lexa ne le quitta pas du regard. Elle l'observa longuement, attentivement. Cet homme qui, malgré elle, avait toujours été une constante de sa vie. Il avait toujours été là, à remplir ce rôle de mentor, à prendre le relai de son père dans son apprentissage, à lui prodiguer des conseils, même lorsqu'elle ne les voulait pas.
Titus avait toujours été un pilier de Woods & Co. Et, par conséquent, il avait toujours été un pilier de sa vie.
- Par respect pour tout ce que vous avez fait pour cette entreprise, je ne vais pas tourner autour du pot et j'espère que vous en ferez de même, lui dit-elle d'une voix stoïque.
Elle marqua une légère pause avant de prononcer lentement:
- Je sais que vous jouez double-jeu, Titus.
Pendant une fraction de seconde, les yeux de Titus s'écarquillèrent avant qu'il ne retrouve un visage inexpressif et, si elle ne l'avait pas étudié attentivement du regard, Lexa l'aurait surement manqué.
- Je vous demande pardon? répondit-il d'une voix légèrement tremblante.
Il était évident qu'il tentait de garder son sang-froid. Mais, contrairement à elle ou à n'importe lequel des membres de la famille Woods, Titus n'était pas doué pour camoufler ses émotions. Lexa voyait parfaitement qu'il commençait à paniquer, même s'il faisait son maximum pour le cacher.
- Je sais que vous jouez double-jeu, se contenta-t-elle de répéter d'une voix toujours calme.
- Je ne vois pas de quoi vous parlez, répondit Titus.
Ce qui amena Lexa à pousser un soupir.
- Je viens de vous le dire Titus, je n'ai aucune envie de tourner autour du pot, lui dit-elle. Je sais que vous avez comploté avec Nia Queen, je sais que vous lui avez communiqué des informations confidentielles.
Elle se redressa légèrement et, sans le quitter un seul instant du regard, elle continua:
- Je savais qu'il y avait une taupe parmi mes proches mais je n'avais aucune preuve. J'ai donc fait en sorte de communiquer différentes informations aux différentes personnes avec qui je travaillais étroitement. Ensuite, je n'avais plus qu'à constater lesquelles de ces informations remontaient jusqu'à Nia pour savoir qui c'était. Et c'était vous, Titus. Donc épargnons-nous du temps et de l'énergie à tous les deux et dites-moi pour quelles raisons l'avez-vous fait?
Son regard se fit beaucoup plus dur lorsqu'elle ajouta:
- Pourquoi nous avoir trahi pour quelqu'un que vous semblez avoir toujours méprisé? Pourquoi avoir feint une loyauté sans égale à l'égard de mon père pour le trahir de cette manière?
Titus ne lui répondit pas immédiatement. Il la fixa sans rien dire pendant de longues secondes puis il déclara d'une voix monotone, factuelle:
- Je n'ai jamais trahi votre père, il n'aurait jamais été d'accord avec votre projet de Coalition. Il aurait su qu'il causerait la destruction de Woods & Co.
Lexa esquissa un mince sourire loin d'être chaleureux.
- Les fichiers qui ont disparu juste avant la réunion, la panne informatique, énuméra-t-elle. C'était vous.
- J'essayais de gagner du temps pour vous faire changer d'avis, répondit Titus d'un ton toujours aussi inanimé. Mais vous continuiez de vous obstiner à vouloir à tout prix faire signer ce contrat lors de la réunion.
- Et donc, lorsque vous avez vu que ça n'avait pas marché, vous avez décidé de vous en prendre à ma petite-amie? questionna Lexa qui, pour la première fois depuis son entrée dans le bureau, sentit sa haine tenter de reprendre l'ascendant sur elle.
Titus ne répondit pas et détourna le regard. Lexa sentit qu'une brèche était en train de se dessiner. Elle s'efforça donc de garder son sang-froid et le pressa un peu plus.
- C'est vous qui lui avez soufflé l'idée, n'est-ce pas? demanda-t-elle entre ses dents.
Elle se retrouva confrontée une nouvelle fois au silence de Titus, ce qui l'encouragea à poursuivre.
- Nia ne pouvait pas savoir à quel point Clarke comptait pour moi, fit-elle remarquer. Mais vous, vous le saviez. Vous le saviez parfaitement vu le nombre de fois où vous me l'avez reproché. Donc vous l'avez aidé…
Elle marqua une pause, fixa l'homme face à elle qui continuait de l'éviter du regard et ajouta lentement:
- Tout comme vous l'avez surement aidé à tuer mon père…
Cette fois-ci, Titus sembla oublier tout faux semblant. Il tourna brusquement son regard vers elle et elle vit son visage se transformer complètement. Et elle réalisa qu'elle avait raison.
Lorsqu'elle avait compris que la personne qui jouait double-jeu était Titus, elle s'était demandée à quel point il l'avait trahi.
Elle s'était demandée si c'était récent, si c'était seulement lé à la Coalition, ou s'il avait réussi à tous les tromper pendant toutes ces années. Si la loyauté qu'il avait toujours affichée vis-à-vis de son père, vis-à-vis de Woods & Co était réelle ou s'il l'avait juste feinte.
Parce que si c'était le cas, s'il avait toujours été du côté de Nia Queen, alors elle prenait de très gros risque en étant là, face à lui à cet instant précis.
Rien ne l'empêcherait de la trahir encore plus et de la vendre auprès de Nia Queen.
Mais elle avait décidé de prendre tout de même le risque, parce que son instinct lui disait que ce n'était pas le cas. Il lui disait qu'il avait réellement était loyal à son père et à Woods & Co.
Après tout, s'il avait réellement été un agent double de Nia Queen depuis toutes ces années, il n'aurait jamais mis en place la clause d'hérédité, il n'aurait jamais bataillé pour que la place de PDG revienne à Lexa.
Il n'aurait jamais voulu dévoiler le contrat qui aurait pu empêcher à Luna Rivers de prétendre à la place également.
Elle connaissait Titus. C'était pour cette raison qu'elle avait eu des soupçons sur lui dès le début. C'était pour cette raison qu'elle n'avait pas été surprise lorsqu'elle avait eu la confirmation qu'il était la taupe.
C'était pour cette raison qu'elle se doutait que l'origine de sa trahison était la mise en place de la Coalition.
Et c'était pour cette raison qu'elle savait qu'il n'avait jamais trahi son père et qu'il n'était pas au courant de la cause réelle de son décès.
Ce qui semblait se confirmer par la réaction de Titus qu'elle vit secouer imperceptiblement la tête de gauche à droite, le visage déformé par le choc.
- Je ne comprends pas de quoi vous parlez… prononça-t-il.
Lexa le fixa d'un regard dur et décida de poursuivre ses fausses accusations. Elle avait besoin d'une réelle confirmation, d'une réelle preuve qu'elle faisait bonne route, qu'elle l'avait bien cerné.
Elle avait besoin de voir que cette loyauté était réelle. Parce qu'elle comptait dessus pour obtenir ce qu'elle voulait.
C'était la seule chose qui l'empêchait de ne pas se lever pour l'étrangler.
- Cessez de faire semblant Titus, lui dit-elle donc. Nia a fait tuer mon père et je suis sûre que vous l'y avez aidé de la même manière vous l'avez aidé pour Clarke…
Elle était en train de le pousser dans ses retranchements. Elle le sentait, elle le voyait.
- Votre père est mort dans un accident! s'écria Titus en se redressant de son siège.
Lexa pouvait voir la fureur dans les yeux de l'homme face à elle et, bizarrement, cette fureur la conforta dans son accalmie. Cette fureur l'empêcha de succomber à sa propre rage.
Elle resta donc assise et leva les yeux vers lui.
- Nia sait comment faire passer un meurtre pour un accident, déclara-t-elle lentement. Vous êtes bien placé pour le savoir, non?
Titus se figea et la fixa. Il la fixa longuement, l'étudiant du regard et Lexa pouvait voir qu'il essayait de déceler la moindre faille dans ce qu'elle disait, le moindre élément qui ferait qu'elle avait tort. Mais après de longues secondes, il ne sembla pas en trouver car il se laissa retomber dans son siège d'un geste complètement désabusé qui eut le don de la surprendre.
C'était la première fois qu'elle le voyait afficher une véritable émotion. Une émotion autre que de l'agacement ou de la colère. Une émotion qui montrait clairement qu'il était bouleversé.
Elle resta donc silencieuse et le laissa l'intégrer. Et pendant de très longues secondes, seul le bruit de l'ordinateur se fit entendre.
Puis:
- C'est vrai, admit lentement Titus d'une voix dénuée de toute l'hostilité qu'il arborait depuis le début, je suis celui qui lui a soufflé l'idée d'utiliser Mlle Griffin contre vous. Mais je ne savais pas qu'elle avait pour projet de lui causer un accident.
Il ne la regardait pas dans les yeux mais Lexa pouvait déceler l'émotion chez lui. À travers le tressaillement de sa voix, à travers la mine grave qu'il arborait.
Elle pouvait voir que ses défenses étaient réduites à néant, à la manière de quelqu'un qui réalisait qu'il n'avait plus rien à perdre parce qu'il avait déjà perdu le plus important.
Elle savait donc que ce qu'il lui disait était la vérité.
- Je lui ai dit que la seule chose qui pouvait réellement vous arrêter, c'était votre affection pour cette femme, déclara-t-il. J'ai donc émis l'idée de vous faire croire qu'il lui était arrivé quelque chose de grave, de faire en sorte que l'information vienne à vous en plein milieu de la réunion et de couper tout moyen de communication entre vous pour que vous quittiez la réunion subitement. Ainsi, vous auriez perdu toute crédibilité auprès des onze autres partis, ce qui les auraient rendus réticents à l'idée de signer cette alliance…
Titus marqua une légère pause et il fit quelque chose que Lexa ne l'avait jamais vu faire jusqu'à maintenant. Il poussa un soupir et glissa une main sur son visage d'un geste plein de lassitude.
Plein de fatigue.
- C'était censé être une fausse alerte… lui assura-t-il. C'était censé être un simple stratagème… Lorsqu'Anya est venue vous informer de l'accident de votre petite-amie, je vous jure que je ne savais pas qu'il s'agissait d'un véritable accident. Je pensais qu'il s'agissait seulement de l'exécution du plan initial… Ce n'est que bien après, lorsque j'ai eu des nouvelles par le biais de votre oncle Gustus que j'ai su la vérité…
Il déglutit avant de continuer:
- J'ai tout de suite confronté Nia Queen à ce sujet. Je lui ai dit que ce n'était pas ce que nous avions convenu de faire, je lui ai montré que ça n'avait fait que nous desservir parce qu'il fallait absolument que vous n'ayez aucune raison valable justifiant votre départ soudain. Or, en mettant en danger votre compagne comme elle l'avait fait, elle n'avait fait que vous apporter la sympathie des autres signataires… Je lui ai dit que je me retirais de notre partenariat mais elle m'a tout de suite menacé de tout vous raconter. Je n'avais donc pas d'autre choix que de continuer…
Là aussi, il se retrouva obligé de faire une pause pour avaler difficilement.
- C'est pour cette raison que j'ai continué de lui communiquer les informations sur la Coalition que vous me faisiez parvenir. Mais je vous assure que ce sont les seules informations que je lui ai fait suivre.
Il leva les yeux vers Lexa à qui il adressa un regard suppliant, implorant de le comprendre avant d'ajouter d'une voix éteinte:
- Je ne me suis seulement allié pour empêcher votre projet. Je voulais juste vous empêcher de faire une erreur, je n'ai jamais voulu…
Il laissa sa phrase en suspens et Lexa se retrouva à serrer la mâchoire.
Elle était restée silencieuse tout le long de son récit, une haine nouvelle l'envahissant un peu plus à chacun de ses mots.
L'entendre conter l'histoire de cette manière aussi factuelle, l'entendre lui dire que la seule et unique raison qui avait mis la vie de Clarke en danger était une simple tactique, un simple procédé visant à l'empêcher de signer un contrat lui donnait envie de vomir.
L'entendre en parler comme une stratégie d'entreprise lambda, comme s'il n'avait pas mis des vies en danger, lui donnait envie de lui foutre son poing dans la figure.
- Elle a réellement causé la mort d'Edward? demanda Titus d'une voix pleine d'incertitudes.
Lexa ne répondit pas immédiatement. Elle se concentra pour se calmer, pour retrouver l'apathie dont elle avait besoin, pour regagner le contrôle sur ses émotions, parce que là maintenant, elle avait besoin de garder la tête froide.
Elle avait besoin de prendre ses décisions avec pragmatisme. Elle avait besoin d'oublier ses envies de vengeance.
C'était la seule chose qui lui permettrait d'en finir une bonne fois pour toute.
Elle réussit donc à retrouver une certaine mainmise dessus et acquiesça lentement.
- Elle a les données de la boite noire en sa possession, expliqua-t-elle. Celle qu'ils n'ont jamais réussi à retrouver.
Titus hocha la tête plusieurs fois de haut en bas avant de la secouer de gauche à droite, comme s'il n'arrivait pas à réaliser, à intégrer ce qu'il venait d'apprendre.
- Vous savez j'ai juré à votre père que je serais là pour vous guider lorsque vous prendriez sa place, déclara-t-il. J'essayais seulement d'honorer ma parole.
- En nous trahissant pour vous allier à une des personnes qu'il méprisait le plus au monde? rétorqua Lexa. Celle qui l'a assassiné?
Titus resta silencieux pendant de longues secondes.
- Je suis désolé, finit-il par dire doucement.
Lexa avait envie de lui dire qu'elle n'en avait rien à faire qu'il soit désolé. Elle avait envie de faire le tour du bureau et de l'étrangler jusqu'à ce que le souffle lui manque comme il avait manqué à son père.
Comme il avait failli manquer à Clarke.
Mais elle ne dit rien de ça. Elle ne fit rien de ça. Et resta assise calmement à sa place.
- Vous réalisez que nous devons l'arrêter une bonne fois pour toute, déclara-t-elle.
Titus opina légèrement de la tête.
- Je ferais tout ce que vous voulez, promit-il.
C'était la réponse qu'avait attendu Lexa.
Celle qu'elle avait espérée.
Parce qu'elle savait que, même s'il l'avait trahi une première fois, il ne le referait pas. Il avait pensé agir pour le bien de l'entreprise mais maintenant qu'il avait tous les éléments en main, maintenant qu'il savait ce que Nia avait fait, elle savait qu'il ferait exactement ce qu'elle lui demanderait.
Et ce qu'elle lui demanderait était assez simple.
- Je voudrais que vous transmettiez une dernière information à Nia, lui dit-elle d'une voix pleine de directive. Je voudrais que vous lui disiez que je suis de retour à New-York et que j'ai l'intention de remettre en place mon projet de Coalition. Mais sans elle cette fois-ci. Et dans deux jours. Et qu'il faut donc qu'elle vienne absolument demain pour que vous trouviez un moyen d'arrêter ça.
Titus fronça des sourcils confusément face à la requête mais il acquiesça tout de même.
- Très bien, Mlle Woods, dit-il d'une voix solennelle.
- Je veux que vous lui disiez également avoir aperçu les Wallace avec moi aujourd'hui, que vous avez l'impression que nous avons passé un accord sur quelque chose mais que vous n'en savez pas plus. Dites-lui que vous tentez d'avoir plus d'informations et que vous lui direz tout ça lors de votre rendez-vous. Organisez une rencontre à Azgeda NY.
- Bien, Mlle Woods, déclara une nouvelle fois Titus. Je m'en occupe.
Lexa se redressa de son siège et, tout en continuant de lui faire face, elle ajouta d'une voix beaucoup plus dure:
- Et après ça… Je ne veux plus jamais vous revoir.
Peut-être qu'il avait pensé bien faire, peut-être qu'il n'avait pas voulu causer de mal à Clarke, peut-être qu'il avait réellement voulu utiliser seulement l'amour que Lexa lui portait. Mais le résultat était le même.
Il l'avait trahi.
Il était celui qui avait posé la cible sur le dos de Clarke.
Il était celui qui avait donné les munitions à Nia.
Et pour ça, elle ne pourrait jamais lui pardonner.
- Mlle Woods, prononça Titus d'une voix paniquée en se redressant à son tour. Je vous en prie –
Mais Lexa ne le laissa pas terminer.
- Par respect pour vos services durant toutes ces années, prononça-t-elle lentement, par respect pour l'égard que mon père vous portait, je vous laisse partir… Mais si jamais j'ai le moindre vent de votre existence, je peux vous assurer que j'oublierais tout respect.
Elle fit un pas en avant et le fixa droit dans les yeux d'un regard empli de menaces.
- Quittez le pays et faites en sorte de ne jamais recroiser mon chemin.
Elle n'attendit pas de réponse, tourna les talons et s'en alla.
Clarke appuya sur le bouton de mise en marche de la cafetière pour lancer une nouvelle tournée avant de reporter son attention sur ce qui se passait dans le living-room.
Lexa et Anya étaient parties depuis deux heures maintenant et tout le monde s'était affairé à préparer ce dont ils auraient besoin pour réussir enfin à contrer Nia Queen et les Wallace.
Enfin, tout le monde sauf elle.
Tandis que Lincoln était au poste de police pour commencer à organiser sa mission, Raven et son père s'étaient accaparés une partie de la grande table où ils étaient concentrés sur trois différents ordinateurs.
Octavia qui, à l'instar de son frère, occupait un poste assez haut placé dans une entreprise de sécurité, étudiait plusieurs plans sur la table basse du salon et Costia, assise face à elle, était plongée dans des dossiers juridiques. Mme Woods, quant à elle, s'était éclipsée dans la chambre d'amis pour passer quelques appels qui aideraient à faire croire à Nia… ce qu'ils avaient besoin de lui faire croire. Chose que Clarke n'avait pas complètement saisie.
Et il était là le problème: elle était perdue.
Elle ne comprenait pas grand-chose à tout ce qui se passait et, par conséquent, ne pouvait pas vraiment aider comme chacun le faisait.
Et ça avait le don de la frustrer au plus haut point.
La porte de la chambre d'amis se rouvrit et Mme Woods refit son apparition. Clarke la vit s'immobiliser et jeter un regard circulaire à la pièce avant de le poser sur elle. Son cœur s'accéléra brutalement lorsque qu'elle la vit, après quelques secondes de réflexion, s'avancer dans sa direction.
Elle reporta donc immédiatement son attention sur la cafetière et fit semblant de s'affairer autour tandis que Mme Woods arrivait à sa hauteur.
- Clarke, prononça cette dernière d'une voix avenante.
La nommée leva les yeux vers elle et lui adressa un mince sourire qui, elle était certaine, ressemblait plus à une grimace nerveuse qu'autre chose.
Mais pouvait-on réellement lui en tenir rigueur? Aucune de ses interactions passées avec l'autre femme ne s'était bien passée, elle trouvait donc tout à fait légitime son appréhension.
- Mme Woods, dit-elle en retour. Tout s'est bien passé?
- Du mieux qu'on peut l'espérer, lui répondit Mme Woods.
Clarke se contenta d'acquiescer, n'ayant aucune idée de ce qu'elle pouvait bien répondre. Parce qu'elle ne savait pas ce que Mme Woods avait bien pu faire pour que tout se passe « du mieux qu'ils pouvaient l'espérer ».
Elle ne put s'empêcher de pousser un nouveau soupir devant son ignorance, ce qui n'échappa pas à Mme Woods.
- Tout va bien? s'enquit cette dernière.
- Oui, oui, s'empressa de répondre Clarke qui tenta de retrouver sa contenance.
Mais le regard dubitatif que lui adressa Mme Woods l'amena à abandonner rapidement.
C'était inutile de faire semblant.
- C'est juste que – commença-t-elle avant de s'interrompre.
Elle jeta un nouveau regard vers le salon où se trouvaient tous les autres et laissa échapper une nouvelle expiration lasse.
- Je me sens impuissante, admit-elle doucement. Chacun apporte sa contribution mais moi j'ai l'impression de ne servir à rien. Hormis m'occuper des victuailles, ajouta-t-elle avec une pointe de sarcasme dans la voix en indiquant d'un geste de la main la cafetière qui coulait devant elle.
Mme Woods la fixa sans rien dire pendant quelques secondes et ce ne fut qu'à ce moment-là que Clarke réalisa pleinement qu'elle était en train de se plaindre et surtout: à qui elle était en train de se plaindre. Un sentiment d'embarras et de malaise la gagna tandis que Mme Woods esquissait un mince sourire.
- Regardez autour de vous, Clarke, lui dit-elle lentement en faisant un geste circulaire de sa main pour montrer le petit groupe qui travaillait dans le living-room. Vous êtes celle qui nous avez réunis.
Clarke porta une nouvelle fois son attention sur les quatre personnes concentrés sur leurs différentes missions.
- Vous êtes celle qui avez réussi à convaincre Lexa de rester, de changer de stratégie, poursuivit Mme Woods. De se battre autrement… Tout ça n'aurait pu être possible sans vous. Sans vous, ma fille serait surement à Los Angeles à l'heure actuelle, complètement refermée sur elle-même, misérable et plongée dans une vendetta qui aurait détruit beaucoup de chose, elle la première…
Ses mots eurent le don de calmer momentanément Clarke mais ils ne réussirent pas à faire disparaître la boule étouffante qui avait élue domicile au creux de sa poitrine.
Cette boule qui illustrait le chaos qui sévissait en elle. Un chaos composé d'incertitudes, de craintes, d'inquiétudes et d'autres sentiments qu'elle n'arrivait même pas à définir.
- Je ne vous ai pas encore remercié de m'avoir dit la vérité, déclara Clarke en reportant son attention sur Mme Woods. Après tout, on ne serait pas là non plus sans vous…
Mme Woods ne répondit pas. Clarke la vit pencher légèrement la tête sur le côté et l'observer.
Elle l'observa à la manière d'un puzzle à assembler, comme si elle était face à un mystère qu'elle tentait de résoudre et Clarke le savait parce qu'elle ne comptait plus le nombre de fois où elle avait vu Lexa se vêtir du même regard lorsqu'elle se retrouvait face à quelque chose qu'elle tentait de comprendre.
- Vous savez, finit par prononcer Mme Woods. Lorsque Lexa et vous avez commencé à vous fréquenter, j'étais persuadée que vous n'étiez pas la personne qui lui fallait. Non pas parce que vous n'étiez pas assez bien pour elle, s'empressa-t-elle d'ajouter lorsqu'elle vit Clarke froncer des sourcils, parce que je savais que vous étiez un bon parti: une jeune femme respectable, issue de bonne famille et avec un avenir très prometteur. Mais mon expérience m'amenait à penser que ce n'était pas ce dont avait besoin ma fille…
Clarke sentit une pointe d'agacement la gagner. Et elle n'en avait vraiment pas besoin. Il y avait déjà beaucoup trop de choses qui se passaient, beaucoup trop de choses qui se bousculaient dans sa tête, pour qu'elle ait à subir une nouvelle fois le discours de Woods lui disant à quel point elle n'était pas faite pour être avec sa fille.
- Lexa était promise à un grand avenir avec de très grandes responsabilités, déclara Mme Woods qui poursuivit ses explications comme si de rien était. Elle avait donc besoin de quelqu'un qui saurait être présente pour elle. Quelqu'un qui ne serait pas pris par ses propres responsabilités. Quelqu'un du même monde qu'elle qui saurait faire les sacrifices nécessaires pour être à ses côtés quoi qu'il en coute…
Là c'en était assez, se dit Clarke. Elle ouvrit la bouche – pour contester ou l'envoyer balader, elle n'était pas sûre – mais Mme Woods ne lui en laissa pas le loisir.
- Je vous ai maintenant dit à plusieurs reprises que je m'étais trompée sur vous mais je ne vous ai jamais réellement dit pourquoi, lui dit-elle avec un regard légèrement amusé.
Amusé par l'agacement qu'elle pouvait voir chez Clarke.
- Je me suis rendue compte que je m'étais trompée parce que, depuis que je vous vois ensemble, je vois à quel point vous vous complétez…
Clarke, qui avait toujours la bouche ouverte, prête à en découdre une énième fois avec la femme face à elle, se retrouva prise complètement au dépourvu. Elle haussa les sourcils d'un air ahuri et se figea complètement.
- Vos différences vous amènent à vous équilibrer, lui dit Mme Woods, et pas seulement… Vous la soutenez tout en la challengeant lorsqu'il le faut, vous n'hésitez pas à le lui dire lorsqu'elle se trompe, à lui faire voir les choses autrement…
Son sourire s'agrandit et elle ajouta lentement, d'une voix presque révérencieuse:
- Vous réussissez là où je n'ai jamais réussi et pour ça, Clarke, je vous admire… Et j'espère sincèrement que tout va s'arranger entre vous et ma fille parce que je ne vois personne d'autre que vous faite pour elle…
L'ahurissement de Clarke sembla se décupler alors qu'elle continuait de fixer la femme face à elle.
Cette femme qu'elle n'avait jamais portée dans son cœur, cette femme qui l'avait toujours énervée, agacée par son comportement mais aussi énormément intimidée par sa prestance, son stoïcisme, sa froideur.
Cette femme qui, avec cette éloquence qu'elle semblait avoir en commun avec sa fille, venait de lui donner son approbation. Et, jusqu'à cet instant précis, Clarke n'aurait jamais pu soupçonner le bien que ça lui ferait.
Elle n'aurait jamais pu anticiper l'immense fierté que ça lui procurerait.
Et elle n'aurait jamais pu imaginer l'émotion que ça susciterait en elle.
- Merci, souffla-t-elle d'une petite voix, incapable de dire quoi que ce soit de plus.
Mais ça sembla suffire à Mme Woods qui lui adressa un grand sourire auquel Clarke ne put s'empêcher de répondre.
C'était fou comme un simple sourire pouvait transformer le visage de quelqu'un…
Leur moment se retrouva rapidement interrompu par la porte d'entrée qui s'ouvrit et elles se tournèrent toutes les deux pour voir Anya, Lincoln et Lexa pénétrer à l'intérieur de l'appartement. Le regard de cette dernière trouva immédiatement celui de Clarke qui, encore bousculée par la conversation qu'elle venait d'avoir avec Mme Woods, se retrouva incapable de le soutenir.
- Alors? questionna Octavia qui, à l'instar des trois autres qui se trouvaient dans le living-room, avait oublié momentanément ce qu'elle faisait pour se concentrer sur les nouveaux arrivés.
- Nia sera là demain, informa Lexa en s'avançant vers le living-room.
Anya et Lincoln lui emboitèrent le pas tandis que Clarke et Mme Woods quittaient la cuisine pour les rejoindre.
- Quant à moi, j'ai contacté mon ami du département du procureur et j'aurais le mandat d'écoute d'ici ce soir, indiqua Lincoln à son tour. J'ai également l'accord de mon chef, donc de mon côté tous les feux sont au vert…
- Et pour Titus? s'enquit lentement Mme Woods.
Lexa se tourna vers sa mère. Elle savait que cette dernière était touchée par la trahison de leur conseiller et elle se jura que, dès qu'elle le pourrait, elle lui expliquerait en détail tout ce qui s'était passé, tout ce qu'il avait pu lui dire. Elle lui apprendrait qu'il n'était pas impliqué dans la mort de son père.
Mais pour le moment, elle se contenta de lui répondre:
- On ne le reverra plus.
Mme Woods laissa échapper l'inspiration qu'elle retenait avant d'acquiescer. Un léger silence se fit durant lequel tout le monde sembla comprendre que les Woods avaient besoin de ces quelques instants pour prendre conscience qu'ils avaient perdu un allier de toujours.
Et même si elle avait du mal à l'accepter, Lexa était loin de se sentir indifférente face à la trahison de Titus.
Il avait toujours fait partie de sa vie. Il avait toujours eu une grosse influence sur son éducation. Il lui avait tellement appris, tellement enseigné. Et, même si elle ne le portait pas forcément dans son cœur, il avait toujours été une figure d'autorité pour elle, quelqu'un qui avait représenté pour elle un pilier, une constante de sa vie.
Quelqu'un qui avait contribué à faire d'elle ce qu'elle était aujourd'hui.
Et elle savait que c'était pour cette raison qu'elle l'avait laissé partir sans rien faire.
Elle savait aussi que de se dire qu'elle n'allait plus jamais le voir, qu'elle n'allait plus jamais entendre ses conseils – même ceux qu'elle ne sollicitait pas – causait en elle une sensation d'amertume.
Même si elle avait du mal à le reconnaître et l'accepter, elle savait qu'elle allait devoir faire le deuil de cette relation.
- Et pour Roan? s'enquit Raven après quelques secondes.
Lexa se refocalisa sur ce qu'il se passait et porta son attention sur elle.
- Il nous suit, informa-t-elle. D'après lui, dès lors que Nia est en déplacement, elle laisse son ordinateur dans le coffre-fort de son bureau. Il peut accéder facilement au bureau mais il n'est pas sûr de réussir à forcer le coffre. Il attend donc nos instructions…
Raven échangea un regard avec M. Griffin.
- Si Roan peut accéder à la pièce, on peut forcer le coffre, lui dit-elle.
- Oui mais il lui faut le bon matériel, répondit Jake. Je peux rentrer sur Los Angeles et m'occuper de l'équiper.
Raven acquiesça.
- Et moi je gérerais d'ici, ajouta-t-elle.
Jake opina de la tête à son tour avant de lui adresser un sourire complice. Lexa suivit l'échange silencieusement, un léger sentiment de fierté la gagnant.
Son instinct l'avait guidé à vouloir les faire travailler ensemble pour son projet et, lorsqu'elle voyait l'entente qu'ils avaient, la symbiose avec laquelle ils travaillaient, elle se disait qu'elle avait eu raison.
Et elle se jura à cet instant précis que, dès le moment où ils en auraient terminé avec Nia, dès le moment où les choses commenceraient à rentrer dans l'ordre, elle ferait tout pour honorer la promesse qu'elle leur avait faite.
- Bon du coup, comment on la joue? questionna Anya, sortant une nouvelle fois Lexa de ses pensées.
- Comme d'habitude, répondit cette dernière. En lançant tout en même temps.
Elle marqua une légère pause pour s'éclaircir la gorge puis poursuivit.
- Roan profitera de l'absence de sa mère pour tenter de mettre la main sur son ordinateur avec l'aide de Raven et M. Griffin, expliqua-t-elle. Au même moment, j'irais confronter Nia et –
- Comment ça, tu iras confronter Nia? l'interrompit brusquement Clarke.
C'était la première fois qu'elle prenait la parole depuis que Lexa était revenue, ce qui eut le don de légèrement perturber cette dernière.
- Il faut qu'on obtienne ses aveux, répondit Lexa avec un petit froncement de sourcils confus.
- Ça je sais bien, affirma Clarke, légèrement agacée. Mais pourquoi ce serait à toi de lui faire avouer?
Lexa ne répondit pas immédiatement. Elle échangea un regard avec Anya et sa mère avant de reporter son attention sur Clarke qu'elle sentait de plus en plus troublée.
- Parce que si on veut lui faire croire que les Wallace l'ont trahi, répondit Lexa, il faut que ce soit moi qui y aille…
La réponse lui paraissait logique. Clarke le voyait bien. Et elle n'aimait pas du tout le chemin que suivait cette conversation. Parce que pour elle, c'était loin d'être aussi évident.
Peut-être qu'elle ne comprenait pas tout ce qui se passait, peut-être qu'elle ne saisissait pas tout du plan qui était en train de se monter, mais elle pensait que pour cette partie-là, ils allaient laisser les autorités compétentes s'en occuper.
Mais maintenant Lexa lui disait que c'était elle qui allait s'en charger. Elle lui disait que c'était elle qui allait porter un foutu micro pour aller faire avouer elle-même à Nia le crime qui l'amènerait directement à la case prison.
Cette femme n'avait-elle donc aucun instinct de survie?!
- Et que crois-tu qu'il arrivera après ça? répliqua Clarke d'une voix légèrement tremblante. Qu'est-ce qui l'empêchera de se venger? Tu l'as dit toi-même, elle est dangereuse! Ce serait encore plus suicidaire que ton premier plan!
Un léger silence se fit pendant lequel aucune des personnes qui se trouvaient autour d'elles-deux n'osa dire quoi que ce soit.
Lexa, elle, ne quitta pas le regard de Clarke. Elle voyait que la tournure des évènements l'inquiétait et elle le comprenait parfaitement.
Mais ils n'avaient pas vraiment le choix.
- Clarke… prononça-t-elle doucement. Si tout se joue comme on l'a prévu, ils penseront qu'ils se sont trahis mutuellement. Ils seront tellement occupés les uns avec les autres qu'ils ne chercheront pas après moi. Mais le seul moyen pour ça c'est de faire avouer Nia en lui faisant croire que les Wallace l'ont doublé en me donnant des informations sur le décès de mon père qui l'accuse. Et pour ça, il faut que ce soit moi qui aille lui parler…
- Et quand ils auront compris que tu t'es jouée d'eux? s'enquit Clarke de plus en plus agitée. Que penses-tu qu'il arrivera à ce moment-là Lexa?
- Ça n'arrivera pas, assura Lexa. Je sais comment ils fonctionnent… Ils seront chacun tellement concentrés sur la vengeance de l'autre qu'ils m'oublieront, moi la personne qu'ils ont toujours sous-estimée…
- Tu n'en sais rien!
- C'est vrai, admit Lexa. Mais c'est le meilleur plan qu'on ait…
Elle avait conscience que son plan avait beaucoup de lacunes. Il reposait sur tellement d'éléments extérieurs en qui elle n'avait pas confiance: Titus, Roan, le bluff,…
Mais s'il fonctionnait, s'il se déroulait comme elle l'avait prévu, ils réussiraient enfin à se débarrasser des deux menaces qui pesaient sur eux depuis beaucoup trop longtemps.
Elle serait enfin libre. Woods & Co serait enfin libre. Sa mère serait enfin libre.
Et elle s'assurait de tellement les affaiblir qu'ils ne pourraient plus jamais faire du mal.
À elle, à ses proches ou à n'importe qui d'autre…
Clarke fixa attentivement Lexa et comprit qu'elle ne réussirait pas à lui faire changer d'avis. Et son sentiment de peur ne fit que se décupler.
Elle prit une profonde inspiration qu'elle relâcha lentement puis déclara:
- Je viens avec toi alors.
- Quoi? prononça Lexa. Non, il en est hors de question!
- BON SANG, ARRÊTE DE DÉCIDER POUR MOI! s'exclama Clarke.
Et elle comprit à cet instant précis qu'une des émotions qu'elle ressentait et pour laquelle elle n'arrivait pas à mettre de mots dessus était tout simplement sa rancœur.
Celle qu'elle se trimballait depuis des semaines et qui demeurait là, présente, et ce malgré les explications de Lexa.
Un silence suivit ses mots pendant lequel aucun de ceux qui se trouvaient avec elles n'osa dire quoi que ce soit. Ils suivirent l'échange sans rien dire, leurs regards passant de l'une à l'autre comme s'il s'agissait d'un match de tennis.
Lexa, elle, se retrouva complètement figée face à l'accusation. Elle maintint le regard de Clarke qui s'était fait coléreux et serra la mâchoire pour tenter de garder une mainmise sur ses propres émotions.
- Ce n'est pas le cas, prononça-t-elle doucement. Mais tu ne peux pas venir avec moi, je ne pourrais pas expliquer ta présence…
- Et donc on doit te laisser te mettre en danger sans rien faire?! s'indigna un peu plus Clarke.
- Clarke… soupira Lexa, incertaine.
Il était tout simplement hors de question qu'elle la laisse approcher de près ou de loin la personne qui avait causé son accident mais elle savait que si elle lui disait ça, elle risquait de l'énerver encore plus.
Elle tourna donc son regard désespéré vers Jake et l'implora silencieusement d'intervenir.
- Clarke, prononça M. Griffin en faisant un pas vers sa fille, Lexa a raison, tu ne peux pas y aller. Nia Queen pense que vous avez rompu, comment comptes-tu expliquer ta présence sans attiser la moindre suspicion?
Clarke ouvrit la bouche pour répondre mais aucun son n'en sortit et elle se retrouva à fixer son père, frustrée.
Elle savait très bien que sa demande était idiote. Elle savait que c'était complètement illogique et qu'elle causerait plus de mal qu'autre chose à un plan déjà fragile.
Mais elle ne supportait pas l'idée de voir Lexa aller confronter cette femme dangereuse.
Et encore moins toute seule.
- Si je peux me permettre de suggérer un compromis? déclara Lincoln en venant à sa rescousse. Lexa pourrait se faire accompagner d'Indra et Clarke pourrait rester avec moi dans le Van d'écoute si elle le souhaite?
Lexa lui adressa un regard noir qu'il l'amena à s'empresser d'ajouter:
- Elle ne courra aucun danger et elle saura ce qu'il se passe à l'instant T.
- D'accord, accepta Clarke avant que Lexa ne puisse contester.
Elles se regardèrent une nouvelle fois et Lexa se retrouva sans autre choix que d'abdiquer, même si l'idée était loin de lui plaire.
- Okay, dit-elle à son tour.
Un nouveau silence suivi durant lequel personne ne sut quoi faire. Ils échangèrent tous des regards incertains tandis que Lexa ne quittait pas du regard Clarke qui, elle, l'avait détourné.
- Bien, finit par dire Mme Woods avec un éclaircissement de voix. On ferait peut-être mieux de planifier tout ce qu'il faut avant demain.
- Bonne idée, répondit M. Griffin.
Ils commencèrent tous à s'avancer en direction du salon lorsque Lexa, qui n'avait pas bougé, prononça un faible « Clarke ? »
La nommée s'immobilisa immédiatement avant de se tourner vers elle et lui adresser un regard interrogateur.
- On pourrait parler? lui demanda-t-elle d'une voix légèrement incertaine.
Elle ne manqua pas les échanges de regard entre Raven, Anya et Octavia mais les ignora et garda son attention focalisée sur Clarke qui acquiesça doucement. Elle la suivit silencieusement jusqu'à la chambre d'amis et, alors que Clarke refermait la porte derrière elle, son regard se posa immédiatement sur l'objet qui était posé dans un des coins de la pièce.
Le tableau déchiré.
- Je – hum – je l'ai mis là en attendant de pouvoir le jeter, lui expliqua Clarke qui avait suivi son regard.
Lexa ne répondit pas et se retrouva à serrer une nouvelle fois la mâchoire.
Le sentiment de détresse qu'elle avait ressenti en voyant le tableau détruit la veille était encore là. C'était ce qu'il lui avait fait perdre le peu de retenu qu'il lui restait.
Et, de la même manière qu'elle l'avait fait la veille, elle détourna son regard de la peinture et le posa sur la magnifique femme dont elle était éperdument amoureuse.
- Je n'ai jamais cherché à prendre les décisions pour toi… lui dit-elle doucement. Ça n'a jamais été ma volonté.
- Et c'est pourtant ce que tu as fait, répondit Clarke avec un léger haussement d'épaules.
Son ton n'était pas accusateur ou hostile. Elle l'avait dit de manière factuelle, comme si elle énonçait une simple vérité.
- Tu n'as cessé de prendre les décisions pour moi, poursuivit-elle. Tu l'as fait lorsque tu as décidé de me cacher la vérité sur mon accident et tu l'as fait lorsque tu as décidé de rompre sans me donner la véritable raison.
Lexa fit un pas vers elle en esquissant un geste de la main mais, lorsqu'elle réalisa ce qu'elle faisait, elle s'immobilisa immédiatement, incertaine.
S'approcher de Clarke, la toucher, la prendre dans ses bras, ça avait toujours été une seconde nature chez elle, avant même qu'elles ne deviennent un couple.
Elles avaient toujours eu ce magnétisme qui faisait qu'elles n'arrivaient jamais à rester loin l'une de l'autre.
Mais maintenant elle avait l'impression qu'un énorme fossé se trouvait entre elles et elle détestait ça.
C'était une véritable torture.
Mais une torture qu'elle savait qu'elle méritait.
- Tu penses… commença-t-elle doucement avant de s'interrompre.
Elle s'éclaircit la gorge et s'efforça de poursuivre d'une voix toujours aussi peu audible:
- Tu penses que tu pourras me le pardonner un jour?
Clarke l'entendit parfaitement.
Elle entendit parfaitement la vulnérabilité qui se cachait dans le tremblement de sa voix.
Elle voyait parfaitement la culpabilité qui se reflétait dans son regard.
Et son amour, cet amour consumant qu'elle éprouvait pour Lexa, lui criait de tout faire pour les faire disparaître.
Mais sa rancœur, sa peur, sa douleur l'en empêchaient.
- Je ne sais pas, finit-elle par souffler.
Lexa eut l'impression que sa poitrine se refermait sur elle-même tandis que les yeux de Clarke face à elle se faisaient de plus en plus humides.
- Tu – tu m'as fait croire que tu ne voulais plus de nous, Lexa, lui dit Clarke d'une voix tremblante. Puis tu m'as fait croire que tu sortais avec cette fille… Et je comprends pourquoi tu as fait tout ça, je – je comprends que tu voulais me protéger et que tu pensais faire ce qu'il fallait. Vraiment, je le comprends. Surtout maintenant que je sais toute la vérité... Mais tu m'as fait du mal, tu m'as fait souffrir et – et c'est encore là.
Elle désigna son cœur en posant une main sur sa poitrine et secoua la tête.
- Donc je ne sais pas. Je ne sais pas si j'arriverais à te pardonner un jour… termina-t-elle dans un souffle.
Lexa se retrouva complètement tétanisée. Elle ne savait pas quoi répondre, elle ne savait pas quoi dire. Elle savait qu'elle aurait beau chercher parmi tous les arguments possibles et imaginables, elle ne réussirait pas à trouver celui qui ferait changer d'avis Clarke.
Parce qu'il n'existait pas.
Parce qu'elle avait raison.
Et elle se demandait ce que ça voulait dire.
Mais elle n'était pas sûre de vouloir la réponse.
Du bruit se fit entendre à l'extérieur de la chambre, ce qui eut le don de les sortir drastiquement de leur bulle.
Clarke prit une profonde inspiration en s'empressant de s'essuyer les yeux. Puis elle reporta son attention sur Lexa qui n'avait toujours pas esquissé le moindre geste et lui adressa un mince sourire plein de tristesse.
- On devrait se concentrer sur Nia Queen, c'est le plus important pour le moment, lui dit-elle. On verra pour tout le reste plus tard…
Elle fixa quelques secondes de plus Lexa qui se força à acquiescer puis quitta la pièce sans ajouter quoi que ce soit de plus.
Et Lexa la regarda disparaître sans réussir à la suivre.
Elle se rejoua leur conversation.
Une fois.
Deux fois.
Trois fois.
Elle se la rejoua encore et encore en se disant toujours la même chose.
Elle était sûre qu'elle pouvait surmonter tout ce qui lui était arrivé et tout ce qui l'attendait. Mais elle ne survivrait jamais si elle devait également faire le deuil de sa relation avec Clarke.
