Dimanche 12 juillet au soir, chez les Tsugakari

Aminata et Nokama sont dans leur chambre. La première lit un roman allongée sur son lit, tandis que l'autre, assise au bureau, dessine quelques gribouillis. Au bout d'un moment, Nokama se tourne vers Aminata en faisant pivoter son siège à roulettes.

- Aminata, l'interpelle-t-elle.

- Oui ? répond cette dernière en détournant ses yeux de son livre.

- J'aimerais te poser une question.

- Je t'écoute ?

- Est-ce que... pour toi je suis plutôt une petite sœur ? Ou une camarade de classe ?

Cette question inattendue plonge Aminata dans le silence pendant quelques secondes.

- Ah... C'est une question compliquée... finit-elle par répondre avec un certain embarras. Pour tout te dire, je ne saurais pas y répondre...

- Hmm... En vrai, moi non-plus... avoue la fille aux cheveux bleus. Je crois qu'en fait, à trop être restée distante par peur de te perdre, j'ai pas appris à m'attacher assez à toi pour te considérer comme ma sœur...

Nokama se sent soudain envahie d'un sentiment de culpabilité et de remords.

- Je suis nulle, hein ?... dit-elle en se mettant soudain à pleurer. Tes parents et toi m'avez accueillie à bras ouverts, et moi qu'est-ce que j'ai fait ? Je me suis conduite de la façon la plus ingrate possible, tout ça par égoïsme !... J'ai été horrible avec vous, je n'ai rien été d'autre qu'un parasite, et pourtant vous avez été si gentils avec moi alors que je le méritais pas !

Aminata, désemparée par la réaction de sa petite camarade, se lève de son lit pour aller la réconforter.

- Non, ne dis pas ça ! lui assure-t-elle. Nous ne t'en voulons pas le moins du monde ! Certes tu as été assez froide avec nous, mais jamais nous ne t'en avons tenu rigueur, car nous savons tu as vécu une expérience traumatisante et que tu as été chamboulée psychologiquement. Nous n'avons jamais perdu la foi que tu finirais par t'acclimater et que tu redeviendrais heureuse parmi nous, c'est pourquoi nous t'avons baignée dans notre amour sans relâche.

Émue, Nokama se met à pleurer de plus belle.

- Aminata, je t'aime, déclare-t-elle, et j'ai envie que tu sois ma grande sœur !...

- Moi aussi je t'aime, Nokama, répond la déléguée, tout comme Papa et Maman. Tu fais partie intégrante de la famille, même si le sang qui coule dans tes veines n'est pas le même que le nôtre. Et au fond, même s'il est vrai qu'au collège je te montre plus souvent mon côté "déléguée", sache que depuis le premier jour je te considère comme ma petite sœur.

Après s'être fait ces aveux, Nokama se sent à présent plus légère. Elle descend de son siège pour se blottir dans les bras de sa grande sœur adoptive qu'elle aime tant.


Pendant ce temps-là, chez Nuparu...

Alors que, comme chaque soir, le jeune garçon regarde indolemment un animé à la télé, son portable vibre, lui indiquant qu'il a reçu une notification. Il le prend pour vérifier et voit qu'il s'agit d'un message de Laura. Il s'empresse alors de mettre son animé en pause et regarde immédiatement le contenu du message.

Laura : Salut Nuparu, comment vas-tu ?

Nuparu : Salut ! Je vais impeccablement bien, et toi ?

Laura : Moi aussi, j'ai pu commencer à bosser sur mon projet perso, donc niveau moral, je suis au top !

Nuparu : Tant mieux ! Et en ce moment, tu fais quoi de beau ?

Laura : Là je viens de finir de bouquiner. Et toi ?

Nuparu : Je regarde tranquillement un animé à la télé.

Laura : Ah oui ? Tu regardes quoi ?

Nuparu : Baccano!©. Et toi, c'est quoi que tu as lu ? Un manga, j'imagine ?

Laura : Bien vu ! J'ai lu le tome 11 de Les Vacances de Jésus et Bouddha©.

Nuparu : Ça existe, un manga comme ça ? Rien qu'au titre ça a l'air rigolo.

Laura : Oui, et c'est exactement ce à quoi tu penses : Jésus et Bouddha qui partent en vacances sur Terre et qui vivent plein de péripéties. Moi j'adore, en tout cas ! Tu devrais le lire, je suis sûre que ça te plairait, et en plus il existe même une adaptation en animé.

Nuparu : Eh ben j'y jetterai un oeil à l'occasion, dans ce cas.

Laura : Chouette ! Au fait, qu'est-ce que tu fais demain après-midi ?

Nuparu : Rien de spécial, pourquoi ?

Laura : Ça te dirait qu'on se donne rendez-vous ? Ça fait un moment, et j'aimerais te faire visiter mon appartement. Ça te branche ?

Les yeux de Nuparu s'écarquillent.

- (Ça fait 2 jours d'affilée qu'une fille m'invite à venir chez elle... se dit-il, éberlué. Mais là ce n'est pas n'importe quelle fille... C'EST LAURA ! Elle m'invite à entrer dans son intimité ! C'est une chance inouïe qui s'offre à moi, je vais pouvoir davantage me rapprocher d'elle ! Je ne dois surtout pas louper cette occasion !)

Enivré par l'euphorie de la situation, le cœur de notre héros se met à battre à toute vitesse. C'est avec les mains toutes tremblantes d'excitation qu'il écrit sa réponse à Laura.

Nuparu : Ah ben ouais, carrément que ça me branche !

Laura : Super, j'en suis ravie ! Dans ce cas on se retrouve devant le Starbooks Coffee à 15h, comme la dernière fois, ça te va ?

Nuparu : Ouais !

Laura : OK, dans ce cas à demain.

Nuparu : À demain, passe une bonne soirée.

Laura : Merci, toi aussi.

Une fois leur échange terminé, Nuparu verrouille son portable et le pose à côté de lui. Il reste silencieux durant quelques secondes, le temps de se remettre de ses émotions, et...

- YES ! YEEEEES ! s'écrie-t-il en explosant de joie.

Puis soudain, sa mère débarque dans sa chambre.

- Tout va bien ? demande-t-elle. Je t'ai entendu crier.

- Oui oui, tout va pour le mieux, affirme son fils, qui est sur un petit nuage.


Le lendemain, Nuparu est au taquet pour son rendez-vous avec Laura. Comme il a l'intuition qu'aujourd'hui est un jour spécial, il a revêtu la même tenue qu'il portait lors de son premier rencart avec elle. Dans sa salle de bain, il prend bien son temps pour se préparer méticuleusement.

- (Elle m'a invité chez elle, il va forcément se passer un truc ! se persuade-t-il. Je dois être au top pour ce rencart-là !)

Il finit de se préparer avec soin, puis décampe de chez lui, impatient de retrouver cette fille pour qui il a le béguin absolu. À mesure qu'il se rapproche du lieu du rendez-vous, son cœur s'accélère de plus en plus. Malgré l'euphorie qui l'envahit, notre héros, comme à son habitude, est assailli par le stress. En effet, il a des attentes particulières envers ce rendez-vous, c'est pour cette raison qu'il espère que tout va bien se passer. Quand il arrive devant le Starbook Coffee, en voyant Laura de loin, il est ébloui par sa beauté. En effet, pour ce rencart, la fille a décidé de se détacher les cheveux, chose que ni Nuparu, ni aucune autre de ses camarades de classe n'avait pu voir jusqu'à présent. De plus, elle s'est parée d'une robe légère à volants de couleur vert pomme couverte de motifs floraux blancs, et de sandales blanches à talons. Elle porte à l'épaule un sac à main en cuir de la marque Gucci®. Celui-ci est de petite taille, de couleur rose marron et dispose d'une chaîne dorée en guise de bandoulière.

- Waoh, tu es ravissante, lui dit Nuparu, hypnotisé par sa vénusté.

- Merci beaucoup ~ jubile-t-elle. Toi, je vois que tu as remis les même vêtements que lors de notre premier rendez-vous. Ils te vont vraiment bien, tu as beaucoup d'allure avec une chemise, je trouve.

Face à un tel compliment, Nuparu ne peut pas se retenir de rougir.

- M-merci... dit-il, gagné par la timidité.

- On s'assoit ? l'invite ensuite Laura. Je te paye le coup à boire, si tu veux ?

- Oh, o-oui, volontiers ! accepte le garçon qui tente tant bien que mal de regagner son sang-froid. (Allez, détends-toi ! C'est pas le moment de tout niquer !...)

Les deux adolescents s'assoient à table pour commander à boire. Ils restent là à papoter pendant une petite heure, heure durant laquelle Nuparu arrive à peu près à garder son calme. Ils discutent d'un peu de tout, et d'un peu de rien, mais surtout de mangas et d'animés.


Vient enfin le moment fatidique où Laura amène son camarade visiter l'appartement où elle habite. Celui-ci se trouve au cœur du centre-ville de Mahora, dans un immeuble résidentiel très luxueux. Ils prennent l'ascenseur et se rendent au tout dernier étage, puis ils prennent à gauche en sortant et traversent le couloir jusqu'à atteindre la dernière porte sur la droite. Laura ouvre son sac à main pour prendre ses clés, déverrouille les trois serrures qui maintiennent la porte fermée, et l'ouvre. C'est avec effarement que Nuparu contemple l'appartement de la jeune fille, un appartement très spacieux et dont le design moderne témoigne d'un grand luxe.

Un vaste salon les accueille après qu'ils aient passé le seuil de la porte d'entrée. Ses murs sont d'un blanc immaculé et son parquet est si bien lustré qu'il en devient éblouissant lorsque la lumière se reflète dessus. Un très grand canapé recourbé, dont le velours de couleur noire rappelle le pelage d'une panthère, trône majestueusement au milieu de la pièce, faisant face à une commode basse qui supporte l'imposant écran plat qui sert de télévision à Laura. Entre le canapé et le meuble de télévision, posée sur un grand tapis, se trouve une table basse ronde au plateau en verre trempé soutenu en son centre par quatre pieds métalliques recourbés vers l'intérieur. À droite du coin canapé, installé en haut du mur, se trouve un système de ventilation qui possède à la fois une fonction chauffage et une fonction climatisation. À gauche du meuble de télévision se trouve le coin cuisine, équipée de tout le matériel dernier cri. Le salon dispose d'un éclairage optimal via trois rangées de LED encastrées dans le plafond qui s'allument automatiquement quand la lumière du jour faiblit, mais qui peuvent aussi être activées ou désactivées manuellement à tout moment. Mais la cerise du le gâteau est cette immense bée vitrée qui occupe l'entièreté du mur de devant et qui donne accès à un balcon. Placée au dernier étage du plus haut immeuble de la ville, l'appartement de Laura offre une vue imprenable sur l'ascenseur orbital en construction depuis son salon.

Mais ce n'est pas fini ! Sur le mur de gauche, qui est recouvert d'étagères remplies à ras-bord de livres, de feuilles et de cahiers à dessin, se trouvent deux portes. L'une, située dans la moitié gauche du mur, donne accès à la chambre de la jeune fille : une grande chambre avec un grand lit calé contre le mur du fond, près de la baie vitrée qui continue jusque dans la chambre, mais qui est équipée de rideaux. La chambre dispose également d'un plafonnier de style japonais. Laura a installé son bureau à dessin à gauche de son lit, lui aussi contre le mur, et son armoire à linge se trouve en face, contre l'autre mur, tandis que le mur de gauche n'est pourvu d'aucun meuble, seulement d'une porte. L'autre porte qui se trouve sur le mur de gauche du salon amène dans la salle de bain. De forme rectangulaire, s'étendant sur la longueur, ses murs et son sol sont intégralement recouverts d'un carrelage beige. Dans un renfoncement du mur de gauche se trouvent deux grandes vasques blanches posées sur un plateau en bois, avec un grand miroir scindé en deux moitiés pour chaque évier et des lampes murales qui éclairent la pièce. La douche, qui se trouve tout au fond de la pièce, dans le coin droit, est une douche à l'italienne encadrée par de grandes vitres. Et enfin, la porte qui se trouve sur le mur de droite n'est autre que la porte qu'on voyait sur le mur de gauche dans la chambre.

- C'est... C'est quoi cet appartement de fou ?! dit Nuparu, complètement médusé.

- Impressionnant, n'est-ce pas ? badine Laura, amusée par la réaction de son camarade. C'est clair que pour une étudiante, je vis plutôt confortablement.

- « Plutôt confortablement » ? C'est un sacré euphémisme ! rétorque Nuparu. Moi j'aurais plutôt dit « je vis carrément dans le luxe » !

- C'est vrai, tu as totalement raison ! rit la fille. C'est grâce à l'argent que m'envoient mes parents que je peux me payer un appartement pareil.

- Tes parents sont des richoux, alors !

- Oui, ma famille est assez riche, je ne vais pas te mentir.

- Remarque, j'aurais dû m'en douter lorsque j'ai vu ton sac Gucci® autour de l'épaule...

- Pour tout te dire, ça m'embarrasse un peu d'avoir une vie aussi aisée sur le plan financier, avoue Laura. Notre classe est très hétéroclite, la plupart des élèves viennent de familles issues de la classe moyenne, mais certaines proviennent de familles plus aisées. Et moi je suis sans doute celle dont la famille est la plus riche... J'ai toujours vécu dans le luxe depuis ma naissance, et je m'y complais car ça me permet d'avoir les moyens de me payer tout ce qui me plaît. Mais en contrepartie je m'efforce d'être humble au niveau de ma personnalité, de ne pas paraître superficielle ou hautaine. Même si je viens d'une famille fortunée, jamais je n'oserais me croire supérieure à mes camarades de classe qui vivent plus modestement, car pour moi tout le monde est égal sur le plan humain, et ni l'argent, ni le talent, ni la célébrité ne changeront quoi que ce soit à ça.

Cette tirade laisse Nuparu sans voix. Découvrir l'opulence dans laquelle elle vit n'a aucunement fait naître en lui des préjugés à son égard, seulement de la stupéfaction. Mais le fait qu'elle se sente obligée de se justifier lui fait prendre conscience de l'immense bonté qui se dégage d'elle comme une aura de grande pureté. Pour notre héros, il est désormais clair que Laura est définitivement la fille parfaite.

- Ah, désolée, j'ai un peu cassé l'ambiance... dit-elle en esquissant un sourire gêné. Allez, viens ! Je vais te faire visiter !

Ainsi, elle fait faire le tour du propriétaire à Nuparu en terminant par la chambre. En voyant ce lit, bien trop grand pour une seule personne, des pensées utopiques traversent l'esprit du jeune homme.

- Viens voir, l'interpelle Laura, j'aimerais te montrer quelque-chose.

Elle le ramène dans le salon, devant un chevalet dressé près de la baie vitrée et recouvert d'un drap blanc qu'elle retire d'un geste vif et précis.

- Tadam ~

Le drap blanc cachait un tableau représentant deux personnages en train de s'embrasser. On distingue derrière eux ce qui semble être une rambarde, ainsi qu'un paysage urbain et un ciel bleu vif en arrière-plan.

- Waoh, très beau tableau, complimente-t-il notre héros, impressionné.

Laura lui adresse alors un grand sourire. Mais en observant plus attentivement le tableau, quelque-chose intrigue Nuparu.

- (Une petite minute... Ces personnages me disent quelque-chose... cogite-t-il.)

Et c'est alors que l'évidence lui saute aux yeux. Pris de stupeur, ses yeux s'écarquillent et son cœur accélère brutalement. Il tourne son regard effaré vers Laura, attendant d'elle des explications.

- Hi hi, tu as enfin remarqué ? C'est bien nous que j'ai représentés sur cette peinture, confirme-t-elle en jubilant. C'est parce que je suis amoureuse de toi, Nuparu.

Face à cette révélation aussi miraculeuse qu'inattendue, la mâchoire du garçon, complètement pris au dépourvu, se décroche.

- Je n'avais pas envie de faire ma déclaration de manière conventionnelle, avoue la fille, alors j'ai opté pour une approche originale et subtile. Je voulais t'en mettre plein les mirettes et on dirait que ça a marché, hi hi.

Effectivement, Nuparu a tellement été soufflé par cette déclaration atypique à laquelle il ne s'attendait pas qu'aucun mot n'arrive à s'échapper de sa bouche. Devant cette scène, Laura ne peut pas s'empêcher de rire.

- Tu es vraiment trop craquant quand tu fais ton timide, affirme-t-elle avec bienveillance.

Elle lui prend les mains et le regarde d'un air attendri.

- Ce moment... se décide-t-il enfin à parler. Il est tellement inespéré... Combien de fois ai-je rêvé que les sentiments que j'ai pour toi soient réciproques ?... Et là, aujourd'hui, c'est toi qui me déclare ta flamme... Je ne pouvais pas espérer mieux, mais c'est en même temps si soudain... Tout se bouscule dans ma tête, j'ai l'impression que mon cœur va lâcher d'une seconde à l'autre... Est-ce que tout ça est un rêve ?... Je... Je...

Laura l'interrompt en posant son index sur sa bouche.

- Ce n'est pas un rêve, Nuparu, lui dit-elle avec douceur en lui caressant délicatement la joue. Les sentiments que tu as pour moi sont bel et bien réciproques. Alors, est-ce que tu acceptes de sortir avec moi ?

La crispation de Nuparu cède sa place à un sentiment de profond apaisement.

- Si je répondais non, je mériterais la prison à perpétuité, affirme-t-il par un trait d'humour. Alors oui, j'accepte que nous sortions ensemble, c'est le moment que j'attendais le plus depuis que je t'ai rencontrée.

Laura lui sourit à nouveau, puis avance son visage vers le sien. Ils ferment les yeux à mesure que leurs lèvres se rapprochent, puis ils s'embrassent enfin. Un grand frisson parcourt alors le corps de Nuparu. Ce n'est ni un frisson de froid, ni un frisson de peur, mais un frisson de plaisir. Une sensation extraordinairement agréable qu'il ressent pour la première fois et qui est encore plus jouissive que son premier rapport sexuel survenu le jour précédent. Les deux amoureux s'enlacent et se serrent tendrement l'un contre l'autre. Ils prolongent leur baiser pendant près de 2 minutes, puis à la fin se sourient.