« Lilith,

Ou peut-être devrais-je commencer à te nommer pour ce que tu es, un boursouflet, parce que ta réponse était absolument adorable.

Pour répondre à ta question, nous n'avons pas votre millénaire de patrimoine, mais nous avons évidemment des traditions pour les fêtes de Noël. Nous nous retrouvons généralement chez la génération la plus âgée deux jours avant Noël (donc chez mes grands-parents, mais ce sont les plus « jeunes » qui s'occupent du repas et de tout préparer) ; et le lendemain, certains repartent dans les belles-familles. La veille de Noël, nous passons la journée à cuisiner tous ensemble pendant que mes grands-parents nous regardent avec leurs tisanes inquisitrices (dans lesquelles je suis persuadée qu'il n'y a très certainement aucune tisane), et nous jouons à des jeux de sociétés le soir (mes grands-parents sont persuadés de me laisser gagner une partie sur deux, mais je les bats à la loyale). Nous passons généralement le jour de Noël à table, depuis le levé jusqu'au coucher.

Cette année, nous allons chez mes grands-parents du côté de ma mère (dans la banlieue de Birmingham). Mes grands-parents paternels (qui habitent toujours à Uppsala) viennent aussi, parce qu'ils sont vieux et veulent profiter de « toutes les occasions ». Nous prendrons le réseau nord-européen de cheminées. C'est toujours très long et agaçant. Nous sommes obligés de passer par le nord de la France car la distance entre la Norvège et le Royaume-Uni n'a pas encore permis d'établir une ligne directe de cheminées de ce côté de la mer.

Du côté de ma mère, j'ai une tante et un oncle, ainsi que deux cousins. Je suis un peu plus jeune qu'eux et ils sont moldus. La plupart du temps, j'essaye de faire semblant de comprendre ce dont ils me parlent. Plus les années passent, plus ça devient compliqué. Avant, je pouvais m'en sortir en connaissant les noms de quelques programmes télés ou groupes de musique. Mais de nos jours leurs modes changent trop souvent - même leur langage change année après année, ce qui fait que je suis globalement toujours perdue. Ce que j'ai appris les années précédentes ne sert plus à rien les années suivantes. Au moins, ils savent que mon « collège » n'autorise aucun accès aux médias (ce qu'ils trouvent toujours « ouf »). Cela me donne une excuse toute faite. Lorsque quelques mots sorciers m'échappent ou que j'ai l'air particulièrement perdue, ils ont tendance à mettre ça sur le dos de la différence culturelle (je ne prends jamais la peine de leur rappeler que mon « collège » est en Écosse, que ma langue maternelle est l'anglais et que je suis anglaise). Je suis un peu la cousine bizarre, j'imagine.

À vrai dire, je suis un peu stressée à l'idée de passer les fêtes avec eux. Nous ne l'avions pas fait l'année dernière au vu des circonstances et cela me fait un peu bizarre de les revoir comme si de rien était. Tellement de choses se sont passées, il y a eu une Guerre avec tellement de morts...et, pour eux, notre absence n'était due qu'à des « indisponibilités ». C'est assez étrange et inconfortable en même temps.

Je dois avouer être quelque peu anxieuse à l'idée de découvrir d'autres « traditions » des Parker, mais j'ai très envie de savoir comment tu vas passer les fêtes.

Comment va ton frère ? Et Mr. Kristof ? J'espère tout de même qu'il ne fait pas tout votre repas de Noël. Quelques enchantements sur une dinde, ce n'est franchement pas la fin du monde, Lilith.

Je pense à toi,

Eyrin. »