2 septembre 1507 : le soir, un nouveau courrier arrive par hibou-portoloin. Le pauvre volatile, peinant à transporter une large masse de lettres, bat frénétiquement des ailes, avant de s'affaler à mes pieds, manquant au passage de se brûler les plumes avec le feu de camp. Alors que je le libère de sa charge, il me toise d'un œil rancunier, et je dois éviter un coup de bec pour récupérer mes lettres. Sale bête ! Enfin, c'est vrai qu'il faudrait des créatures plus grandes que les hiboux pour transporter des colis comme celui-là. Par exemple des hippogriffes ? C'est à creuser. Enfin bref, le courrier est arrivé.
Je souris en voyant le nom « Horace Malefoy » inscrit sur le parchemin. Sur cette île, à qui d'autre pourrait-il être adressé ? Les lettres viennent d'Elga. Suite à nos « vacances » sur l'île, elle s'est lancée dans une série de recherches juridiques, pour savoir quelles lois exactement régissent Hispaniola.
Mon sourire s'efface au fur et à mesure de ma lecture. Tout d'abord, Hispaniola est territoire espagnol, le Ministère de la magie espagnol y a donc autorité. Jusque-là, je m'en doutais. C'est la suite qui est plus inquiétante. Car Ovando est bel et bien un sorcier, un sorcier riche et influent. Et d'autre part il est légalement le gouverneur de l'île, en charge d'y appliquer la loi moldue.
Il n'a de comptes à rendre que devant la reine, ce qui veut dire que toute action non magique d'Ovando est légale du point de vue Moldu. L'empêcher d'exploiter ses mines d'or serait ainsi illégal. Ce qui ne me concerne pas directement, en tant que sorcier, puisque les lois auxquelles je dois me conformer sont celles du Ministère de la Magie. Mais justement, très influent auprès du Ministère espagnol, le gouverneur s'est fait nommé comme son représentant local.
En clair, il dirige l'île et représente la « loi ». Et en cas de conflit, s'il m'accuse d'une quelconque infraction, sa parole aura plus de valeur que la mienne… Elga conclut en remarquant qu'il doit être possible d'améliorer la loi, de faire pression sur le Ministère espagnol pour qu'ils envoient d'autres représentants… Mais tout cela va prendre des mois, dans le meilleur des cas. Personne en Europe ne s'intéresse vraiment à ce qui se passe ici.
Je pose les lettres, puis m'assieds lourdement sur un rocher, le regard perdu dans le vague. Que faire ? Est-ce que je dois tout laisser tomber et rentrer, dès maintenant ? J'envisage un moment cette idée, avant de la rejeter. Après tout, le gouverneur n'a aucun moyen de me localiser, et rien ne presse. De plus, je n'ai pas encore percé tous les mystères de l'île, sans parler des quantités d'or que je gagne ici chaque semaine.
Tant que je ne m'approche pas des colonies, il n'y a rien à craindre. Aussi je me relève et me prépare à rejoindre Kalinago, qui m'a donné rendez-vous dans une clairière proche, pour me montrer de nouvelles plantes médicinales. Quelques secondes plus tard, j'arrive à l'endroit prévu en transplanant.
Le chaman est déjà présent, et chose curieuse, il n'est pas seul. A ses côtés, un peu intimidée, se tient une petite fille que je reconnais immédiatement : c'est celle qui épiait mon campement quelques mois plus tôt. Celle-là même qui m'avait fait supposer l'existence de sorciers indigènes, en s'approchant malgré les sortilèges de repousse-Moldus.
« Je crois, me dit Kalinago, que tu ne connais pas encore ma fille, Aichi. Elle va rester avec nous aujourd'hui, il est temps qu'elle commence son apprentissage. »
