Mot de l'auteur

/!\ Cette histoire est une réécriture en version boy x boy de "La quête des Livres-Monde" de Carina Rozenfeld, l'histoire et les personnages lui appartiennent ! Les livres peuvent être acheter sur amazon, fnac et en librairie ! (Environ 5 à 14 euros le livre et environ 30 euros l'intégrale) pour soutenir l'auteur et la financer dans ses projets ! /!\

PS : Les personnages autres que Nathan, Zayn, Lia et Aela ne m'appartiennent pas ! Ils sont de Carina Rozenfeld, une écrivaine très talentueuse que j'admire !


LE BLOG DU BRIC À BRAC !

» En route pour le Pérou !

Eh oui, vous avez bien lu ! On part au Pérou. Je sais, c'est dingue. Il y a quelques jours, ce n'était même pas d'actualité, on n'y pensait pas du tout, et puis d'un seul coup... une « idée », comme ça, le besoin de partir. Je ne vais pas prétendre que ça a été facile de convaincre tout le monde. Il y a eu des discussions houleuses. Mes parents, ceux de Lia et l'oncle de Zayn ont dîné tous ensemble pour en parler. Bon, finalement, ils ont accepté de nous laisser partir, parce qu'ils ont discuté avec l'adulte qui va nous recevoir là-bas, qui les a rassurés sur les conditions de notre séjour à l'autre bout du monde.

Ah là là... quand j'y pense, dans mon dernier message je vous parlais d'un grand mur incontournable... Le mur a disparu et le chemin continue... en Amérique du Sud ! Évidemment, c'est l'effervescence ici. On prépare les bagages à toute vitesse. Heureusement qu'on n'a pas besoin de visa pour aller au Pérou. Les billets sont achetés, et les heures qui nous séparaient de notre voyage ont passé très vite. L'hystérie gagne !

J'espère que tous les espoirs que nous mettons dans cette aventure seront récompensés. Je ne sais pas si je pourrai vous écrire de là-bas... Allez, zou, c'est l'heure de partir à l'aéroport.

À bientôt !


Posté par Lialab 07 :

Yeees ! Je confirme, je me casse aussi ! Adieu Paris, bonjour le Pérou. Ah, ah, je n'aurais jamais cru que j'écrirais un truc pareil un jour. Et merci aux parents de notre cher Nathan pour avoir trouvé les arguments qui ont convaincu les miens, sinon je n'aurais jamais eu la chance d'écrire « bonjour le Pérou » aujourd'hui. Et franchement ç'aurait été dommage. Allez, pour la peine, parce que c'est trop bon, je l'écris encore : « Bonjour le Pérou !» Hahaha. Bon, je vous laisse, le taxi va arriver. Adieu Paris, bonjour le Pérou (désolé, je n'ai pas pu résister). Ok, je sors...


Posté par ThéAuJambon à 10 h 13 :

Quoi ? Mais c'est quoi ce délire ? Vous partez vraiment au Pérou ? Pourquoi au Pérou, y a quoi de spécial là-bas? Vous allez voir des lamas ? Je ne comprends rien du tout à vos histoires, moi. Nathan, ne pars pas si loin, tu vas trop me manquer. Tu aurais pu demander à tes parents de convaincre les miens, quand même ! Tu ne fais aucun effort... ;-) Bon, je vais aller regarder sur Internet ce qu'il y a de bien à voir au Pérou. Amusez-vous bien !


Posté par Marielabonneféegore à 10 h 44 :

Purée, mon cousin, tu fais tout pour qu'on ne se voie pas ou je rêve ? Tu pars vraiment au Pérou ? Ce n'est pas plutôt un gros mytho que tu nous mijotes ? Tu m'inquiètes parfois, tu sais ? Bon, je vais appeler tes parents pour me renseigner.


Posté par Marielabonneféegore à 10 h 56 :

Ben non, c'est pas un mytho. Il part vraiment au Pérou. Ok... Bon, ben fais-moi signe quand tu rentres et envoie nous de belles photos…


La jeep bringuebalait sur la route défoncée qui traçait une ligne droite et sombre dans l'étendue du désert. La garúa bouchait le ciel d'une couche épaisse et grise, triste. Le voyage avait été long jusqu'à Lima, et les quatre adolescents, fatigués, restaient silencieux.

Serré entre Zayn et Lia, Nathan pensait à ses parents. Finalement, l'Avaleur de Mondes lui avait rendu service en les mettant face à la réalité, car il n'avait pas eu à inventer une histoire farfelue pour leur expliquer son intention de partir. Bien sûr, il avait dû présenter des garanties absolues : ils avaient discuté longuement avec Lodan. Ils lui avaient posé également de nombreuses questions sur le monde d'origine de Nathan. Leur fils leur avait bien raconté ce qu'il pouvait sur cette planète, leur répétant les descriptions laissées par Mélior dans son carnet et les quelques souvenirs collectés auprès d'Eyver. Mais il n'en savait pas plus. Cette fois, ils avaient l'occasion d'entendre un être qui avait vécu de nombreuses années là-bas, qui était capable de leur expliquer de vive voix ce qu'était Chébérith.

Encore une fois, cette conversation avait été extrêmement bénéfique. Depuis la journée fatidique où la mère de Nathan avait été visitée par l'Avaleur de Mondes, ils se sentaient comme étrangers à leur fils. Leur amour pour lui n'avait pas changé, mais c'était plutôt de la... stupeur face à la révélation, et aussi l'impression de ne pas pouvoir l'aider. Ils savaient qu'il était en danger, que l'entité voulait lui soutirer une information capitale et le menaçait. Ils comprenaient également le poids de la responsabilité que représentait le retour à la vie d'un monde entier, un peuple, une civilisation, une histoire, des êtres vivants...

Le père de Nathan avait donné une claque sur la cuisse de son fils en s'exclamant :

- Je suis fier de toi, tu sais. Dans notre famille, jamais un homme n'a reculé devant ses responsabilités, aussi lourdes soient-elles, c'est dans nos gènes.

Puis il s'était interrompu, réalisant la portée de ses propres paroles. Pour le détendre, Nathan avait serré sa main dans la sienne :

- Je sais, papa, c'est bien pour ça que je suis décidé à aller au bout de cette mission malgré les risques...

Son père lui avait rendu un sourire radieux et ému.

Après cette longue conversation avec Lodan, c'est eux mêmes qui s'étaient employés à convaincre les parents de Lia. Sans leur révéler l'existence de Chébérith ni des ailes de Nathan et Zayn (Lia ne se sentait pas prêt à partager ce secret avec eux et, surtout, il avait peur d'obtenir l'effet contraire : que, sous le coup de la surprise et de l'angoisse liée à cette situation pour le moins inhabituelle, ils lui interdisent de partir et, également, de revoir Nathan !), ils leur avaient donné toutes les garanties pour ce voyage, d'autant plus qu'ils avaient prévu de partir tous ensemble en vacances et que Lia manquerait ce séjour familial. L'argument ultime était qu'ils n'auraient pas à débourser un euro pour le billet d'avion. En effet ils étaient tous invités. La réalité était bien différente : Jérôme leur avait réservé et payé les billets sur les fonds d'Eyver.

- C'est ce que monsieur Eyver aurait voulu. D'après vous, pourquoi a-t-il accumulé une telle richesse ? C'était pour être prêt à toutes les dépenses nécessaires pour retrouver les LivresMonde.

Comme prévu, Zayn et Aela n'avaient eu aucun mal à convaincre leurs familles respectives.

Pour briser le silence, Lodan annonça d'une voix joyeuse :

- Tout le monde vous attend avec impatience, au village.

- Super, avec nos têtes en biais à cause du décalage horaire, ils vont avoir peur, plaisanta Lia.

Lodan sourit.

- Ne vous en faites pas, ils ne sont pas du genre à vous sauter dessus dès votre arrivée. Mais je crois qu'ils voudront tous vous rencontrer à un moment ou un autre. Nous avons eu cette grande réunion.

Il tourna le volant et fit faire un écart impressionnant à la voiture pour éviter un nid-de-poule particulièrement profond. Tout le monde tangua à bord.

- Je leur ai raconté votre histoire et votre quête. Et tous les Chébériens, ailés ou non, ont commencé à chercher le Livre du Temps : dans les caves et greniers des maisons qui existaient déjà à l'époque où Larchael est venu. Sur les bords de la rivière, dans les hauteurs de la montagne qui abrite notre village. Chaque grotte, chaque anfractuosité est visitée par les plus jeunes si nécessaire. Chaque pierre est retournée. Bref, c'est l'effervescence. Les plus âgés tentent de se souvenir de Larchael et de ce qu'il a fait quand il est venu. Vous avez donné un espoir nouveau et un objectif passionnant à tout le monde.

- Ah oui quand même, murmura Nathan, je suis impressionné. Jusqu'ici, c'était juste nous... On n'a pas l'habitude d'avoir une centaine de personnes pour nous aider.

- C'est génial, ajouta Zayn, les yeux brillants. Si je n'en avais pas déjà, je dirais que ça me donne des ailes pour la suite de notre mission.

Lodan éclata de rire et fit un autre écart. Ils avaient l'impression qu'il faisait danser la voiture, en accord avec son humeur heureuse...


Il avait pris son temps pour se reposer, encore. Il avait de la peine à réaliser ce qu'il vivait. Depuis qu'on l'avait réveillé, il avait eu mal si souvent... Depuis l'éternité de millénaires qu'il avait traversée, cela n'était jamais arrivé. Jamais il n'avait ressenti la douleur, la peur... Sa vie, depuis la création de l'univers, n'avait été que bien-être, douceur, succession de voyages à travers des immensités inimaginables, destructions de mondes plus ou moins aisées. Des explosions d'étoiles dans des couleurs magnifiques, des ouvertures de trous noirs qui avalaient des poussières, des planètes, des cailloux, la lumière même. La chimie subtile de l'existence respirait en lui. Et voilà qu'il apprenait à connaître la souffrance, la colère, l'impatience. Comment de si petits êtres aussi fragiles, dont les souffles ne représentaient même pas une fraction de palpitation de l'univers... comment pouvaient-ils arriver à lui faire si mal ? En plus de panser ses blessures, il avait tenté de réfléchir à cette question. Et il n'avait pas la moindre réponse. Leur pugnacité, leur courage suicidaire, leur inconscience restaient un mystère absolu pour lui. Ils étaient trop différents pour se comprendre.

Il devait trouver une autre stratégie. Un autre moyen de les atteindre, de les briser, de trouver l'origine de la douleur. Les livres, comme ils les appelaient. Mais voilà qu'il ne les sentait plus. La chambre de l'anomalie était vide. Il ne s'était absenté qu'un instant dans l'infinité de son existence, et ils avaient disparu. Où ? Où étaient-ils partis ? Ils étaient forcément à la surface de la planète. Ils n'avaient pas les moyens d'échapper à son attraction.

Oh ! il finirait par les sentir à nouveau, où qu'ils se cachent. Ce n'était qu'une question de patience. Dans le grouillement de vie de ce monde, il finirait par les repérer. Il avait tout son temps, contrairement à eux, si éphémères, qui ne représentaient rien. Il écarta ses naseaux de néant et se remit à renifler…


Lodan avait menti. Ou alors il n'était pas au courant, mais peu importait. Le résultat était le même. Tout le village les attendait. Plus d'une centaine de personnes rassemblées sur la place principale de ce hameau niché sur un plateau verdoyant, dans les premiers contreforts de la cordillère des Andes. Grands, petits, jeunes, vieux, garçons, filles, hommes, femmes, ils attendaient. Certains adolescents étaient torse nu, et leurs grandes ailes blanches s'étalaient librement de part et d'autre de leurs épaules bronzées. Nathan ressentit une étrange émotion à leur vue. Ainsi, ils n'étaient réellement pas seuls, Zayn et lui. Les Chébériens existaient, Chébérith avait existé... Il avait beau le savoir, en avoir une preuve vivante représentait bien plus que des mots rédigés dans un vieux cahier. Grimpa en lui, également, l'envie urgente de se débarrasser du tissu qui masquait sa véritable nature, le besoin de clamer haut et fort, aux yeux de tous, qui il était vraiment. Affirmer son identité. Alors que jusqu'ici, malgré l'étrange apparition dans son dos, il s'était toujours senti terrien, humain, la vision de tant de personnes comme lui le ramenait à ses racines profondes, et il se rendit compte, à cet instant précis, à quel point il était chébérien, bien plus qu'il ne voulait l'admettre ou le reconnaître.

Le sens de la responsabilité qu'il ressentait pour Chébérith et ses habitants se transformait, en découvrant ses semblables, en un amour limpide et profond pour ce monde qu'il ne connaissait pas encore. D'un coup, tout fut clair : il savait pourquoi il menait cette quête, au-delà du devoir pur et simple. Cette sensation nouvelle, bouleversante, le rendit très heureux. Plus heureux qu'il s'était jamais senti du jour où Eyver lui avait révélé la vérité sur ses origines, ce jour depuis lequel, malgré tout, il en avait toujours un peu voulu aux Chébériens de lui avoir joué ce mauvais tour, de lui avoir volé une partie de son adolescence, de l'avoir mis devant un fait accompli qu'il avait eu du mal à accepter, d'avoir mis sa vie et celle de ses proches en danger.

Là, face à ces dizaines d'êtres qui l'attendaient, les yeux brillants, leurs magnifiques ailes mousseuses cascadant de part et d'autre de leurs silhouettes élancées, il avait l'impression de revenir dans une famille perdue depuis longtemps, et qui lui avait manqué sans qu'il s'en rende vraiment compte. Il se tourna vers Zayn, qui cherchait ses yeux exactement au même moment, et il rencontra un regard brillant de larmes contenues où il lisait les mêmes émotions que celles qui le traversaient. Discrètement, il glissa sa main dans la sienne et il serra ses doigts, très fort, pour lui faire passer un message secret que lui seul pouvait comprendre.

Logan arrêta sa voiture sur la place, face à la foule, et leur fit signe de descendre. De toute façon, il ne pouvait pas aller plus loin : l'attroupement obstruait la route.

Lentement, ils s'extirpèrent du véhicule, intimidés par ces paires d'yeux qui suivaient leurs moindres gestes. Une fois dehors, une chaleur humide les enveloppa, mais ils la remarquèrent à peine. Malgré la présence d'une centaine de personnes, dont de très jeunes enfants, il n'y avait pas un bruit. Même pas une brise soufflant entre les branches des arbres, même pas le trille d'un oiseau, le râle d'un bébé. Rien. Ils étaient tous debout, attentifs, silencieux.

Lodan se tourna vers la foule muette et déclara d'une voix chargée d'émotion :

- Mes amis, mes enfants, les voilà !

Alors une clameur de joie éclata enfin. Des applaudissements, des cris de bienvenue... Les enfants se mirent à sauter et à courir partout sous l'effet de l'excitation. Les derniers Chébériens firent quelques pas pour s'approcher de leurs semblables.

Des adolescents du même âge que Nathan et Zayn, des plus jeunes, sans ailes encore, des plus âgés, tous venaient vers eux. Certains parlaient français, mais d'autres leur souhaitaient la bienvenue en anglais ou en espagnol.

Sans hésiter plus longtemps, Nathan ôta son tee-shirt pour dégager ses ailes. Pour une fois, il pouvait le faire en public, sans crainte, et cette sensation de liberté fut presque aussi grisante que quand il s'était envolé cette toute première nuit dans le parc. Dès qu'elles s'épanouirent dans son dos, les jeunes de son âge poussèrent des cris de joie encore plus intenses.

- Bienvenue ! On est contents de vous voir !

Zayn ne tarda pas à faire de même, et cette fois ce furent des exclamations émerveillées qui résonnèrent.

- La poudre du continent de Goth !

Et tous voulurent effleurer les ailes dorées du jeune Chébérien, qui rosit de timidité.

Aela et Lia n'étaient pas en reste. Elles aussi étaient accueillis avec des signes d'amitié évidents. Aela était comme certains demi-Chébériens du village, sans ailes, à cheval entre ses deux origines. Comme elle l'avait confié à Lia quelques jours plus tôt, elle avait besoin de nouer la trame de sa vie avec sa partie chébérienne, celle qu'elle connaissait le moins bien, et, ici, elle sentait qu'elle pourrait entamer ce cheminement. Quant à Lia, elle était une héroïne : une Terrienne qui avait risqué sa vie, et qui continuait à le faire, pour sauver un monde qui n'était pas le sien...

Lodan, tout aussi surpris et heureux que ses invités, interrompit les effusions en déclarant que leurs hôtes étaient fatigués et guida ces derniers à travers la foule pour les mener jusqu'à une petite maison aux murs pourpres, aux fenêtres carrées dont les vitres étaient croisées de bois peint en jaune, entourée d'une végétation luxuriante. Elle était pimpante et joyeuse, prête à accueillir le petit groupe le temps qu'il faudrait pour retrouver le dernier Livre-Monde.

- Bienvenue chez vous, les enfants, annonça Lodan en ouvrant la porte de bois. C'est l'ancienne maison de Riguel, mon frère. Il a déménagé pour s'installer avec moi après le départ de mes enfants, qui vivent un peu plus loin dans le village. Tenez, justement, le voici.

En effet, un homme au visage identique en tous points à celui de Lodan se présenta sur le seuil de la maison. Les seules différences qui le démarquaient de son frère étaient la longueur de ses cheveux, qui lui tombaient aux épaules, et un air résolument taciturne. On avait l'impression qu'il se forçait à sourire.

Après une brève poignée de main, il leur souhaita la bienvenue et aida Lodan à leur faire faire le tour de la maison, expliquant où se trouvait chaque pièce, chaque élément qui pourrait leur être utile.

- Nous vivons dans la maison que vous voyez par cette fenêtre, expliqua-t-il en conclusion.

Il pointa du doigt une habitation qui ressemblait fortement à celle où ils se trouvaient, mais qui était peinte en bleu avec des cadres de fenêtre et une porte verte.

- Si vous avez besoin de quoi que ce soit, à n'importe quelle heure, n'hésitez pas. Nous nous débrouillerons pour répartir nos heures au labo de manière à ce que l'un d'entre nous soit à votre disposition en permanence.

- Le labo ? demanda Zayn, qui en avait entendu parler plusieurs fois sans oser se renseigner.

- Oui, notre laboratoire de recherches. C'est là que nous étudions les échantillons de terre et de roches que nous ramassons sur le site des tracés et dans les environs. C'est là également que toutes nos connaissances au sujet de ces dessins immenses, aussi bien terriennes que chébériennes, sont entreposées. Nous vous le ferons visiter dès que vous aurez pris un peu de repos, expliqua Lodan. Vous devez être fatigués après ce long voyage.

- Oui, à cause du décalage horaire aussi, souffla Lia en se laissant tomber sur un canapé.

- On vous laisse, reposez-vous, faites comme chez vous. Je vous apporte vos valises tout de suite.

Quelques minutes plus tard, ils se retrouvèrent tous les quatre seuls dans le salon, petit et cosy. Le mobilier était simple mais agréable. Sur les murs, des tableaux représentant vraisemblablement des paysages de Chébérith, si on les comparait aux descriptions de Mélior, alternaient avec des photos de Riguel entouré de sa famille. Il y avait deux chambres, une cuisine équipée et un réfrigérateur déjà rempli en vue de leur séjour, ainsi qu'une salle de bains.

- On est au Pérou.

La voix de Lia contenait autant de fatigue que d'émerveillement.

- Ouais, répondit Nathan sur le même ton. C'est assez dingue. Je crois que ce sont les grandes vacances les plus hallucinantes de ma vie...

- Sans blague ? se moqua Zayn. Tu n'as pas encore vu les prochaines : on les passera à visiter Chébérith.

- Ah yes ! Trop bien ! s'échauffa Lia. En plus, je ne sais pas si vous avez remarqué, mais toutes les Chébériennes sont super mignonnes ! C'est incroyable, vous cultivez les bombes, dans votre monde ! J'imagine une planète entière pleine à craquer de petites Chébériennes canon, toutes à mes pieds, car je serai la Terrienne exotique et une héroïne que tout le monde adulera...

Lia se laissa tomber en arrière contre le dossier, les mains croisées derrière la nuque, le regard fixant le plafond. Elle devait déjà être en train d'imaginer ses prochaines vacances d'été...

- Et Mélanie ? demanda Aela. Il me semblait que tu avais du mal à décoller ta bouche de la sienne, la dernière fois que je vous ai vus toutes les deux.

- Ah ! Dans un an, il se sera passé bien des choses, répondit Lia d'un ton absent.

Zayn leva les yeux au ciel et sauta sur ses pieds.

- Ah ! Celle-là... Il se passera des choses en un an, mais je ne pense pas qu'elle aura mûri d'ici là. Allez, vous faites ce que vous voulez, mais moi je suis mort. J'ai mal à la tête. L'avion, ça me colle toujours la migraine, alors je tire ma révérence.

- Pareil, renchérit Nathan en se levant également.

Un peu étourdis par le voyage, l'accueil, la révélation qui s'était imposée à eux en arrivant parmi les leurs, ils se rendirent dans leurs chambres. Quelques minutes plus tard, on n'entendait plus un bruit...

- Ils ont l'air très gentils, mais je persiste à dire que c'était une grosse erreur de les faire venir. On n'a pas besoin d'eux. On peut très bien se débrouiller.

Lodan secoua la tête. Cela faisait plusieurs jours que ce sujet les divisait. Ce n'était pas la première fois que Riguel et lui n'étaient pas d'accord, mais là, ça lui faisait peut-être plus de mal que d'habitude. Lui était heureux de la situation. Tous les Chébériens encore en vie étaient réunis. Tous ceux qui restaient encore à travers l'univers se trouvaient ici, dans son village. Il se sentait comme un patriarche à la tête de sa famille rassemblée, ou un berger menant son troupeau au complet. Bien sûr, il manquait Eyver, mais peut-être ne se réveillerait-il jamais. Et, dans le cas contraire, il pourrait toujours les rejoindre ici ou participer à la vie de leur communauté via Internet si son état de santé ne permettait pas qu'il voyage. Bref, dans la tête de Lodan, aujourd'hui, tout était possible. Il se sentait léger, légèrement euphorique. Et voilà que son propre frère lui gâchait tout son plaisir par des paroles négatives.

- Peut-être, mais pour le moment nos recherches n'ont rien donné, donc on ne se débrouille pas si bien que ça.

- Ce n'est pas la question.

- C'est ce que tu viens de dire... Riguel soupira et fit une petite grimace.

- Tu sais très bien de quoi je veux parler.

Lodan, pour éviter d'affronter le regard de son frère, se rendit à grands pas dans la cuisine pour y chercher une cannette de soda.

Mais Riguel continua, élevant la voix pour être certain que son jumeau l'entendrait :

- C'était inconsidéré de ta part d'avoir pris tout seul la décision de les faire venir. Tu aurais dû réunir le conseil et parler des dangers qu'ils ont apportés avec eux dans leurs bagages.

Exaspéré, Lodan se mit presque à crier.

- Ce ne sont que des enfants, Riguel, enfin ! Tu vas arrêter ce discours paranoïaque ?

- Non. Je ne l'arrêterai pas. Et j'espère très sincèrement avoir tort. Sinon, tout ceci sera de ta faute, Lodan. Si j'ai raison, ce sera toi qui auras mené le peuple de Chébérith à sa fin définitive.

Lodan haussa les épaules, reposa la cannette encore fermée sur le plan de travail et, sans un mot, sans un regard en arrière, il sortit en claquant la porte derrière lui.

Riguel se leva, attrapa le soda, l'ouvrit et en avala une grande gorgée. Puis il soupira et retourna s'asseoir, le front plissé par l'inquiétude.