Mot de l'auteur

/!\ Cette histoire est une réécriture en version boy x boy de "La quête des Livres-Monde" de Carina Rozenfeld, l'histoire et les personnages lui appartiennent ! Les livres peuvent être acheter sur amazon, fnac et en librairie ! (Environ 5 à 14 euros le livre et environ 30 euros l'intégrale) pour soutenir l'auteur et la financer dans ses projets ! /!\

PS : Les personnages autres que Nathan, Zayn, Lia et Aela ne m'appartiennent pas ! Ils sont de Carina Rozenfeld, une écrivaine très talentueuse que j'admire !


Levés très tôt en raison du décalage horaire, Lodan les avait rejoints, prêt à les accompagner pour cette première journée, alors qu'ils prenaient leur petit-déjeuner dans la cuisine. Ils avaient tous bien dormi et, malgré l'heure matinale, se sentaient en pleine forme.

- 5 h 34 du matin, c'est une heure étrange pour se lever, fit remarquer Lia en mordant avec appétit dans sa tartine.

- Tu crois que tu vas survivre ? lui demanda Nathan en lui donnant un gentil coup de coude.

Lia bâilla ostensiblement et marmonna :

- Pas sûr...

Lodan conduisait lentement à travers le bourg endormi. Ainsi, dans la pénombre de l'aube, ils le découvraient dans son ensemble, joli petit hameau de maisonnettes qui ressemblaient à celle où ils logeaient, toutes colorées de teintes différentes et gaies, toutes nichées au milieu d'un cocon de verdure. On avait l'impression de se promener dans un village de dessin animé, tellement tout était mignon, propre, bien pensé.

Il faisait froid le matin, ici. L'hiver et l'altitude se combinaient pour créer une aube légèrement givrée, aux pâles rayons brouillés par la brume qui s'infiltrait dans chaque espace, donnant aux lieux un aspect presque irréel. La montagne qui se dressait derrière eux était encore plongée dans une ombre teintée de brun où parfois flottaient des fantômes de nuages paresseux. Seuls les plus hauts sommets, couverts de neiges éternelles, brillaient des premiers rayons du soleil.

Ils dévoraient des yeux le paysage alors que Lodan, indifferent au cadre qu'il connaissait par cœur, gardait les yeux rivés sur la route et leur expliquait la situation.

- Le laboratoire est à l'écart, un peu plus bas vers la plaine, Au départ, quand nous sommes arrivés, nous étions beaucoup moins nombreux et nous dormions tous là-bas, mais, à terme, nous nous sommes vite rendus à l'évidence que nous avions besoin d'être plus proches d'un point d'eau afin de fournir tout le monde. Et puis, côté discrétion, l'emplacement du village est idéal. Nous ne montrons jamais nos ailes au labo. Il est trop près de la route et parfois nous avons des visiteurs perdus ou qui nous demandent l'hospitalité pour une pause...

La voiture cahotait dans la poussière, faisant tressauter ses occupants. Le jour pâlissait lentement, toujours brouillé par les écharpes brumeuses de la garúa. Autour d'eux, le paysage changeait à mesure qu'ils descendaient dans la plaine. Plus haut, le village, niché dans une petite vallée encaissée, s'étendait tout au long d'une rivière étroite qui descendait en cascades depuis les sommets de la cordillère. Mais plus ils descendaient sur la plaine côtière, plus l'environnement devenait désertique. Le sol était un mélange de poussière et de rochers grège, planté çà et là de buissons épars. La ligne d'horizon était par endroits interrompue de reliefs ondulant dans le lointain.

C'était là, posé au milieu de nulle part, que se trouvait le baraquement du laboratoire, un cube apparu comme par surprise dans ce paysage lunaire.

À l'intérieur, il faisait frais. Les néons blancs du plafond éclatèrent, aveuglants, quand Lodan les alluma. Le souffle de la climatisation était discret mais, comparé au silence du désert, il semblait presque choquant.

- Bienvenue dans mon repaire ! annonça Lodan en faisant un large geste qui engloba tout l'espace.

La pièce était coupée en son milieu par une paillasse recouverte d'instruments d'analyse et de recherche, de liasses de papiers, d'échantillons de roche posés dans des bacs transparents étiquetés avec soin. De part et d'autre, plusieurs portes étaient fermées sur d'autres salles. Tout au bout, une grande baie vitrée donnait sur le désert sans fin couvert d'un ciel laiteux.

- C'est dans cette direction que se trouvent les fameux tracés de Nazca. Nous irons les voir plus tard, ou demain... Pour aujourd'hui, je vais vous présenter les travaux que nous menons ici.

Il les conduisit jusqu'à un bureau situé sur le côté droit et leur demanda de s'asseoir comme ils le pouvaient, sur les chaises et la table. Ils prirent place, échangeant des regards curieux, excités et complices.

Lodan saisit une règle en plastique transparent parmi ses affaires et, de son extrémité, leur indiqua une série de photos accrochées aux murs sur lesquels étaient étalés également des cartes, des schémas et des tableaux. Les adolescents restèrent silencieux, les yeux fixés sur l'image que Lodan pointait, attendant les réponses aux questions qui tournaient dans leurs têtes.

- Voici un exemple des traces de Nazca que l'on trouve ici, au Pérou.

La photo montrait un dessin magnifique représentant une sorte d'oiseau aux ailes déployées, aux grandes pattes à quatre doigts et à la longue queue tendue à l'opposé de son grand bec droit. Sans être symétrique, il présentait quand même une grande régularité dans son tracé et les proportions étaient respectées, dans son genre étrange.

- Ils ont été découverts sur la Terre en 1926 seulement. Pourtant, ils ont été dessinés il y a des siècles de cela, entre 300 et 800 avant J.-C. D'après ce qu'on a découvert, ils ont été réalisés par une culture pré-inca. Les artistes ont juste enlevé des pierres, découvrant un sol clair, alors que tout le reste de la surface du désert est couvert de roches grisées par l'oxyde de fer. C'est ainsi que sont apparus ces motifs.

- Pourquoi est-ce qu'on les a découverts si tard ? demanda Lia. La région est habitée depuis plus longtemps, non ?

- En effet, mais la raison est simple : ils ne sont visibles que depuis les airs. Si vous êtes au niveau du sol, vous ne remarquerez rien, juste de la poussière et des cailloux. Il a fallu attendre le survol de la région par un avion pour qu'ils soient découverts.

- Wow..., murmura Lia.

- Oui, c'est ça, ajouta Aela vivement. Ma mère m'a expliqué que c'est pour cette raison qu'ils ont toujours représenté un mystère : comment des civilisations aussi anciennes ont pu réaliser de tels tableaux, en respectant les proportions, si on ne peut les voir que du ciel ?

Lodan approuva d'un signe de tête.

- Absolument, et c'est la question à laquelle les humains cherchent une réponse depuis près d'un siècle.

- Par contre, la réponse est évidente si on a des ailes.

- Oui, Nathan. C'est ce qui a attiré notre attention quand nous sommes arrivés sur Terre... D'autant plus que...

Le Chébérien fit le tour de son bureau et pointa de sa règle un autre dessin accroché sur le mur opposé à celui de l'oiseau qu'il venait de leur montrer.

- Celui-ci a été réalisé sur Chébérith. C'est moi-même qui ai pris la photo, à l'époque où je faisais des recherches sur ces tracés du désert d'Etlal.

- J'hallucine..., murmura Lia.

- Unbelievable, ajouta Zayn sur le même ton.

- C'est le même ! s'exclama Nathan en se levant sous le coup de la surprise.

- Presque, en effet. Vous voyez, là et là ? On peut discerner quelques différences, mais bon, je chipote. À part ces menues nuances, ce sont quasiment les mêmes motifs. Aussi bien au niveau de l'apparence que de la dimension.

C'est pour ça que vous pensez que ce sont des Chébériens qui seraient venus sur Terre il y a plusieurs siècles et qui auraient dessiné les traces de Nazca.

Léa semblait sûre d'elle. Elle devait déjà avoir eu accès à toutes ces informations à travers les recherches de son père relayées par sa mère. D'ailleurs, plus que son assurance, ce qui la distinguait de ses amis, c'est qu'elle était la moins surprise de tous. C'était comme si elle ne faisait que réviser ce que les autres découvraient.

- Si on imagine que ce sont des Chébériens qui en sont les auteurs, ça explique tout, avança Nathan, toujours sous le choc de la découverte.

Lodan acquiesça et continua :

- D'autant plus que cette sorte d'oiseau, que l'on ne trouve pas sur Terre, est une espèce commune sur Chébérith. Vous voyez son bec ? Il est particulièrement long... On pourrait croire à une grue, ici, mais ce n'en est pas une. Et les pattes, que l'on pourrait croire dessinées grossièrement, sont en réalité parfaitement représentées. Il s'agit du Pdicouta. Sa particularité ? Il tresse son nid avec ses doigts, qui sont très agiles, à partir de fibres d'une sorte de coton qui pousse sur un arbre de la forêt de Bulgane. Son bec très long est comme une flûte : percé de trous. Les Pdicoutas se perchent sur une patte et à l'aide de l'autre ils jouent des mélodies complexes qui leur servent de mode de communication. Leurs chants sont de véritables chefs-d'œuvre. J'espère que vous aurez l'occasion de les écouter un jour.

- Pour résumer, il y a des dessins géants probablement réalisés par des Chébériens dans un désert du Pérou. Et l'un d'entre eux représente une espèce qui n'est même pas terrienne.

- Parfaitement bien résumé, Lia. Je dirais même que plusieurs d'entre eux représentent des espèces chébériennes.

La jeune fille siffla entre ses dents.

- Dément...

- N'est-ce pas ? Il y a également des motifs géométriques.

- Et vous savez ce qu'ils signifient ? demanda Zayn.

- Non, toujours pas. Les chercheurs sur Terre pensent à un calendrier astronomique, ou alors ce seraient des sites où se déroulaient des rituels religieux, mais ce ne sont que des théories. De notre côté, sur Chébérith, nous pensions que ces figures étaient des messages destinées aux lunes Chanar et Luet. Il faut savoir que les peuples antiques d'Etlal avaient une religion extrêmement complexe liée aux cycles des deux astres. Pour eux, nous descendons de là, et il reste de nos semblables là-haut. Mais quand nous sommes arrivés sur Terre, et que nous sommes venus ici, il est évident que nous avons dû revoir notre théorie. Maintenant, nous pensons qu'elles indiqueraient le moyen que ces civilisations antiques ont utilisé pour voyager entre les deux mondes.

Lodan leur fit faire le tour des autres installations. Il leur montra les échantillons de roches qu'ils analysaient dans l'espoir de trouver une trace d'un élément résiduel venant de Chébérith. Il y avait également des feuilles de papier immenses sur lesquelles les dessins des tracés du Pérou avaient été recopiés avec soin, superposés à leurs doubles chébériens. Plusieurs présentaient des ressemblances troublantes qui ne pouvaient pas être dues au hasard.

Les quatre adolescents ne trouvaient plus de mots pour exprimer leur ahurissement. Depuis le début de la journée, ils avaient déjà utilisé tout le vocabulaire à leur disposition. Maintenant, ils regardaient, écoutaient, silencieusement, absorbant la masse d'informations, tentant de relier, d'une manière ou d'une autre, ce qu'ils apprenaient à leur propre recherche du Livre du Temps.


Quand ils rentrèrent au village, affamés et épuisés sous les effets conjugués du décalage horaire et de l'intensité de la journée, Lodan les emmena déjeuner chez sa fille aînée, Razma, âgée d'une trentaine d'années. Elle avait eu des jumeaux âgés aujourd'hui de sept ans, qui s'amusaient avec leurs copains sur la place du village. Comme la plupart des habitants, ses ailes étaient visibles, sa légère robe fleurie laissant apparaître ses épaules. Même Nathan et Zayn étaient comme hypnotisés par les deux cascades blanches qui jaillissaient avec tant de liberté dans son dos. Ils n'arrivaient pas encore à se faire à l'idée qu'ici ils pouvaient faire de même, et il leur faudrait encore du temps pour être capables d'affirmer qui ils étaient sans trouver ça étrange, sans ressentir une légère angoisse à l'idée qu'on les interpelle et qu'on leur demande d'expliquer leur différence.

Razma ressemblait beaucoup à son père, mais elle était aussi blonde qu'Aela. Elle les accueillit comme des rois, leur servant un composé de spécialités régionales. Du tamal (du maïs écrasé mélangé à du piment et des olives, servi dans une feuille de bananier) en entrée, du carapulcra (viande accompagnée de pommes de terre et de cacahuètes) en plat principal et de l'alfajor (confiture de lait prise en sandwich entre deux biscuits, le tout saupoudré de sucre glace) en dessert. Tout était à la fois délicieux et étrangement exotique.

Pendant qu'ils savouraient leur déjeuner, la jeune femme leur parla avec animation dans un français correct, même si elle le maîtrisait moins bien que son père.

- Quand papa nous a annoncé votre existence et celle des Livres-Monde, ça a été la fête ici. On a allumé des feux sur un plateau un peu plus bas pour faire des grillades et danser au son des guitares.

- Ça devait être sympa, j'aurais aimé voir ça, dit Nathan en se resservant de la viande parfumée et délicieuse.

- On va en refaire une autre, ne vous inquiétez pas. Si papa ne nous en avait pas empêchés, on l'aurait fait hier, mais il tenait à ce que vous vous reposiez un peu pour en profiter.

- Ah ! génial ! J'adore les fêtes ! s'écria Lia, la bouche pleine. Et il y aura tout le village ? Je veux dire...

- On a compris ce que tu voulais dire, l'interrompit Zayn en levant une main. C'est bon, pas la peine d'étaler ton niveau de débauche à table.

- Niveau de débauche, n'importe quoi, marmonna la jeune femme en haussant les épaules. Je veux juste sympathiser. Œuvrer pour le rapprochement des peuples et des cultures.

- Mais oui, c'est ça...

- Rapprochement des langues, tu veux dire, renchérit Nathan, ce qui déclencha un éclat de rire général.

Razma reprit la parole et leur expliqua en détail les recherches que les habitants du village avaient effectuées sous la houlette de Lodan, qui avait fouillé dans sa mémoire, en quête de chaque souvenir lui rappelant ce que Larchael avait pu faire, tous les lieux où il s'était rendu durant son séjour ici, dix-huit ans auparavant. Lodan avait établi une cartographie assez précise avant de quadriller tout le territoire en question et d'attribuer une parcelle de terre à fouiller à chaque équipe. Comme il le leur avait dit par Messenger, les fouilles avaient été très minutieuses, ils ne voulaient rien abandonner au hasard. Pas question de laisser passer quoi que ce soit qui ressemble à un livre doré, ou une caisse en bois qui puisse le contenir, ou même un tissu susceptible de l'envelopper. Pour l'instant, cela n'avait rien donné. Mais le terrain à explorer était vaste, les possibilités infinies, et personne ne perdait espoir. Il s'agissait de sauver leur monde, leur planète, et pour ceux qui ne l'avaient jamais vue, jamais connue, la motivation était encore plus forte : ils voulaient avoir la chance de découvrir la terre de leurs origines, voir de leurs yeux ces paysages et ces lieux dont on leur parlait tellement depuis leur naissance.

Après ce succulent repas, décidés à se reposer un peu et à faire le point sur ce qu'ils avaient appris au laboratoire, ils rentrèrent dans la jolie petite maison qui leur avait été attribuée. Mais quelqu'un les y attendait déjà…