Chapter 46 - Les visiteurs

"Notre plan Jeter le discrédit sur le département des aurors pour placer Potter à sa tête fonctionne comme sur des roulettes, triompha Drago en tapotant la Gazette du jour de l'index.

- Le nom de ton plan est particulièrement long, remarqua Hermione.

- Mais il n'en est pas moins une réussite, la contra Drago en agitant ses sourcils. Tout le monde se demande pourquoi une poignée de députés et un auror répudié étaient les seuls aptes à intervenir et à sauver le monde, alors qu'un département entier formé de gens payés par la population a mis plus de 25 minutes ne serait-ce qu'à arriver sur place. Pour ne même pas entrer. Parce qu'ils devaient respecter les procédures. Ils passent pour une bande de gratte-papiers inaptes, voilà !

- D'accord, la presse chante les louanges d'Harry et l'opinion le traite à nouveau comme un héros opprimé. Mais le ministère n'en a rien à faire, soupira-t-elle.

- Ils seront obligés d'y faire quelque chose si le peuple se soulève à leurs portes !

- Drago, je t'avais interdit de lire Marx avant de dormir."

Il lui jeta un regard impénétrable et, voyant qu'elle ne cédait pas de terrain, il finit par lui sourire de toutes ses dents.

"J'ai un excellent pressentiment. C'est certain, Potter sera à la tête de la Sécurité intérieure d'ici peu.

- Qu'est-ce que tu as encore manigancé ?"

Hermione soupira et posa sa tête sur l'épaule du blond, en continuant à touiller distraitement son café. Assis côte à côte dans la cuisine, ils étudiaient les journaux - plus précisément, Drago parcourait les Unes et Hermione analysait le lexique employé par les journalistes. Jusqu'à présent, elle avait comptabilisé cinq occurrences du mot "héros", trois "scandale" et quatre "adorable". Le dernier mot référait aussi bien à Drago qu'au chiot qu'il avait sauvé du brasier, si bien qu'elle était confuse.

"Je n'ai rien fait. Pour l'instant. Je pense que les choses vont tourner en notre faveur d'elles-même.

- Mmh, marmonna Hermione, distraite par la main du blond sur sa cuisse.

- J'ai rendez-vous avec Karacter, aujourd'hui, dit-il.

- Au sujet de la rentrée parlementaire ?

- Inutile de prendre ta voix excitée Granger, avec l'explosion du refuge il a une nouvelle excuse pour repousser les débats.

- On ne sait même pas si ça a quelque chose à voir avec ces terroristes ! Ils n'ont rien revendiqué, bougonna la jeune femme. Et puis sérieusement, pourquoi ils s'en prendraient à des animaux errants ? Même moi, je ne crois pas que ce soit eux. Karacter n'est pas stupide.

- Très juste, mais il va appliquer son foutu principe de précaution. Qu'est-ce que tu vas faire, aujourd'hui ?

- Je vais au manoir. Avec Ron, Astoria et cet architecte français dont j'ai oublié le nom. On doit faire avancer les plans définitifs pour les faire approuver par le ministère.

- Mmh."

Hermione redressa la tête et enroula ses doigts autour des siens. Il les pressa rapidement en réponse, et se pencha pour l'embrasser sur le front.

"On ne fera aucun changement sans ton approbation, souffla-t-elle.

- Tu peux. Vous pouvez. Je te fais confiance, décréta-t-il.

- Il y a sûrement des choses auxquelles tu tiens, insista-t-elle avec douceur.

- Aucune ! Rasez tout si vous voulez.

- Drago..."

Elle essaya de le retenir, en vain : il avait déjà pris la fuite et attrapé sa cape.

"Je vais être en retard, lança-t-il avant de claquer la porte derrière lui.

- Drago Malefoy aimait la bibliothèque et la salle de musique. Surtout son piano", dit doucement Dobby dans son dos.

Hermione hocha lentement la tête, ébranlée par ce qu'il venait de se passer. Elle attendait depuis des semaines que Drago passe au-dessus de son traumatisme, accepte de faire un pas de plus, mais il se désintéressait totalement du manoir, et n'avait vraiment pas l'air d'envisager d'y remettre les pieds.

Est-ce qu'il souhaitait réellement le démonter, pierre par pierre ?

Elle ne pouvait s'empêcher de penser qu'il refusait d'y penser et préférait le détruire plutôt que de faire face à ce qui s'y était passé, à ses émotions ambiguës vis-à-vis de ses souvenirs. Comme à son habitude, il était dans le déni complet, et pensait qu'il suffisait de tout oublier pour réparer. Il avait peur d'affronter ce fichu manoir. Probablement parce qu'il culpabilisait de ne pas y avoir que de mauvais souvenirs. Oui, c'était certainement ça.

"Dobby, tu veux m'accompagner au manoir Malefoy ? Tu le connais bien, on pourrait avoir besoin de ton aide.

- Dobby serait ravi de se joindre à vous."

L'elfe avait un air grave et concentré, conscient de l'ampleur de la tâche.

"On ne va pas détruire ce manoir. On va le rendre accueillant, décréta Hermione en finissant son café.

- Dobby pense que cette idée est un peu trop ambitieuse, grimaça l'elfe.

- S'il faut peindre la façade en rose bonbon pour y parvenir, c'est ce qu'on fera !" affirma Hermione.

Elle croisa le regard effaré de Dobby et ne put retenir un éclat de rire.

"Espérons qu'on n'aie pas à en arriver à de telles extrémités."

.

"C'est... sombre, nota Ron en réprimant un frisson.

- Il faudrait démonter ces gargouilles. Elles nous fixent avec leurs yeux torves... gémit Astoria.

- Dobby pense qu'elles sont ensorcelées. Impossible de les démonter, Miss Greengrass.

- Peut-être que ces douves ne sont pas nécessaires. On devrait les combler, ajouta l'architecte.

- Bonne idée, Jean-Pierre !" lança Ron.

Ils étaient arrivés depuis seulement un quart d'heure, et il avait prononcé son prénom au bas mot vingt fois. Chaque tentative de prendre un accent français était un échec de plus, mais Ron n'abdiquait pas : il continuait à tordre sa bouche dans des positions embarrassantes et à articuler comme un demeuré.

"De toute façon, en termes de sécurité, les douves sont un gros risque. Elles doivent disparaître, confirma Hermione en écrivant furieusement dans son carnet. Ça fait partie des normes du Ministère. Les plans d'eau doivent être sécurisés et situés à plus de deux kilomètres du lieu de vie des enfants.

- Une chance que tu aies appris ce parchemin de trente mètres de long par cœur, ricana Ron.

- Je pense qu'on devrait faire entrer de la lumière dans ce bâtiment, reprit Jean-Pierre en plissant les yeux. Il faudra agrandir toutes les fenêtres, et peut-être qu'on pourrait envisager de percer de nouvelles ouvertures au rez-de-chaussée. Des baies vitrées, peut-être ?

- Cette porte ne convient pas, ajouta Hermione en désignant l'ostentatoire porte d'entrée.

- Dobby pense que ça va être dur de la détruire, Miss. Elle est enchantée. Très complexe.

- On peut modifier ces enchantements... Il va le falloir, dans tous les cas, il faut qu'elle laisse passer les enfants et le personnel sans insulter les né-moldus et sans essayer de les broyer.

- Seul Drago Malefoy a le pouvoir de faire ça", chuchota Dobby.

Hermione fronça le nez. Difficile, mais pas impossible. Il allait bien devoir pointer le bout de son nez à un moment où à un autre.

"Je vous suggère les services d'un paysagiste pour le jardin, dit Jean-Pierre. Il y a du travail, et je préfère me concentrer sur le bâti. En plus, il sera à même de vous construire ces terrains de sport.

- Il y a déjà une serre ! réalisa Astoria en apercevant un bâtiment en verre au loin.

- Ne vous approchez pas !" s'écria Dobby avec un air épouvanté.

Tous se retournèrent vers lui, attendant une explication. L'enthousiasme d'Astoria n'avait pas feu long feu. Bien sûr, quelque chose d'aussi féérique qu'une serre, placée dans la demeure ancestrale des Malefoy, était forcément ternie.

"Méchantes, méchantes plantes. Venimeuses. Mortelles. Serpents, balbutia-t-il. Voldemort y faisait des expériences.

- Le ministère aura sûrement sécurisé l'endroit", tenta Hermione.

Prudemment, ils avancèrent en direction du bâtiment, qui était objectivement magnifique. Inquiétant, mais majestueux. Le toit était constitué d'un dôme de verre finement ouvragé, et toute la structure métallique était ornée d'immenses vitres qui renvoyaient la lumière du soleil.

"Sublime, souffla l'architecte.

- Bien dit, Jean-Pierre."

Ron se crachota un peu sur le menton dans un énième échec, et se racla la gorge. À peu près au même moment, un cri inhumain retentit, et une liane émergea de ladite serre pour fouetter l'air. Elle s'enroula autour d'un oiseau qui voletait par là, et lui broya les os dans une série de craquement atroces.

"Oh mon dieu ! s'exclama Hermione, une main sur le cœur.

- Peut-être que le ministère n'a pas sécurisé l'endroit, après tout, soupira Astoria en cochant sa liste. Incapables.

- Contacte le professeur Chourave et Neville. C'est peut-être au-delà de leurs compétences, mais si quelqu'un peut nettoyer ce bazar, ça vaut le coup d'essayer, indiqua Hermione, lasse. Qui sait, peut-être que parmi ces plantes meurtrières, il y a des trésors de botanique.

- Je n'ose pas imaginer quel genre de créatures vivent dans la volière, s'inquiéta Ron.

- Oh, ce sont des paons, répondit Dobby.

- Des paons. Quel genre de paons ? Est-ce qu'ils sont démoniaques ?

- Dobby pense que ce sont des paons tout à fait ordinaires. Un peu belliqueux, mais des paons classiques.

- Voilà une bonne nouvelle ! se félicita Hermione. On peut les garder. S'occuper d'animaux et créer du lien avec eux est très positif pour les enfants. Des études montrent que prendre soin d'un être vivant et de ses besoins responsabilise les enfants et leur redonne confiance en eux.

- On pourrait transférer les animaux du refuge ici, proposa Ron, pensif.

- Excellente idée !" fit Hermione.

Astoria lui déposa un baiser bruyant sur la joue (celle de Ron, pas d'Hermione) et nota rapidement sur son carnet.

"C'est le pavillon de chasse, là-bas ? s'excita tout à coup Jean-Pierre, les plans du manoir dépliés devant lui. Oh, je crois que c'est ça. C'est si rare pour un architecte de pouvoir travailler sur des bâtiments historiques, chargés d'histoire...

- Un pavillon de chasse. Évidemment, les Malefoy ont un pavillon de chasse, grommela Ron.

- D'une surface de 300 mètres carrés, précisa l'architecte en continuant à avancer. Ce serait idéal pour loger une partie du personnel. C'est suffisamment proche du manoir et en même temps, assez éloigné pour leur garantir un peu de calme sur leur temps libre."

Il déverrouilla la porte - ce qui lui demanda tellement de sortilèges qu'Hermione eu le temps d'écrire une page entière de notes, et ils pénétrèrent dans une sorte de vestiaire.

"Ces boiseries alourdissent la pièce, mais les retirer entièrement serait une erreur. Je suggère de les peindre dans une teinte claire et fraîche, disons en blanc, et de faire de cet endroit une sorte de pièce récréative. Un billard, peut-être ?"

Jean-Pierre avait de grandes idées. Qui, selon Hermione, surgissaient du néant, parce que tout ce qu'elle voyait lui donnait simplement envie de ressortir au plus vite de cette pièce sombre et étouffante.

"Il a été construit en 1476, d'après les plans, ce qui en fait un bâtiment historique, reprit Jean-Pierre comme si de rien n'était. Je ne pense pas qu'on devrait en modifier la structure... plutôt la moderniser. Casser quelques cloisons pour créer de grands espaces. Peut-être une mezzanine pour y intégrer les chambres. Ces plafonds... regardez-moi la hauteur sous plafond de ce bijou !"

Hermione peinait à visualiser la magnificence des lieux, dérangée par la multitude d'animaux empaillés accrochés partout.

"Seigneur, est-ce que c'est un hippogriffe ? s'étrangla Astoria en freinant des quatre fers.

- Drago Malefoy était terrifié par cet animal, raconta Dobby d'un air profondément attristé. Il en faisait des cauchemars, et maître Lucius avait décidé de l'obliger à monter sur son dos pour vaincre sa peur. Ça n'a pas vraiment fonctionné."

Ron jeta un regard horrifié à Hermione, qui déglutit bruyamment.

"Cinglé, résuma Astoria. Complètement désaxé.

- Peut-être qu'un musée d'histoire naturelle pourra nous débarrasser de ces... choses", suggéra Hermione.

Ils passèrent le reste de la journée de cette façon, écoutant les projets de Jean-Pierre, qui avait bien préparé son dossier, et notant point par point la marche à suivre. Pièce par pièce, ils validaient les plans de l'architecte en y insérant des modifications - notamment à cause du cahier des charges dicté par le ministère. Armée de son classeur rempli de règles, Astoria intervenait fréquemment pour citer un article, que de toute façon Hermione pouvait réciter de mémoire. Une grande partie de ces règles étaient absurdes, mais ils les appliquèrent à la lettre.

Le manoir se révéla être un casse-tête sans fin : chaque pièce contenait des éléments ensorcelés, impossibles à déplacer, potentiellement mortels ou tout simplement laids. Même les murs semblaient inamovibles au premier abord. Tout était hostile. C'était à se demander comment des êtres humains avaient pu vivre entre ses murs sans mourir de façon accidentelle au détour d'un couloir !

"C'est porteur !" fit Ron en cognant un mur d'un index plié.

Jean-Pierre le regarda d'un drôle d'air, mais ne fit aucun commentaire.

Les quelques portraits qui n'étaient pas masqués les insultaient sur leur passage et un tapis tenta de s'enrouler autour d'Hermione pour l'étouffer. Dobby intervint rapidement et l'immonde tapis partit en flammes. Un meuble hideux de moins !

Ce ne fût qu'une fois arrivés à la bibliothèque qu'Hermione dû freiner les élans créatifs de Jean-Pierre, qui souhaitait y installer un toboggan et repeindre l'intégralité de la pièce - rayonnages compris - en cuisse de nymphe. Ron répéta le nom de la couleur trois fois avant de s'avouer vaincu.

"Je pense qu'on devrait vraiment préserver l'essence de cette pièce, telle qu'elle est. C'est une bibliothèque, pas une salle de jeux, coupa Hermione. Sa fonction première est de contenir des livres, et d'être chaleureuse, pour que les enfants aient envie de s'y réfugier pour lire, faire des recherches et travailler... On pourrait installer des canapés, et ajouter une cheminée ?

- Des tapis moelleux. Des tons chauds. Ocre, doré, caramel. Des lampes anciennes en laiton, rebondit immédiatement Jean-Pierre en plissant les yeux comme s'il avait une vision. On déplace les rayonnages pour laisser entrer la lumière naturelle. Ces fenêtres deviennent une baie vitrée. Oui, toute cette façade, ce mur doit tomber. Ce sera une vitre, décida-t-il en écartant lentement les bras. Miss Granger, j'aime votre inspiration.

- Il va falloir créer une grande section interdite, remarqua Ron.

- NON ! s'écria Hermione. Je veux dire... Comment ça a fonctionné pour nous ? On s'est débrouillés pour avoir accès à des livres interdits et dangereux, même à onze ans. Ils étaient juste sous notre nez, c'était une tentation permanente. Les livres dangereux seront retirés, voilà tout. Inutile d'en faire la publicité en fourrant un panneau "oulala, attention, vous n'avez pas le droit" sous le nez d'adolescents qui testent les limites de l'autorité.

- C'est... logique, reconnut Ron, perplexe.

- Pièce suivante !" chantonna Jean-Pierre, qui vivait vraisemblablement son rêve de homestaging.

.

Une aile entière du manoir, celle qui contenait les appartements de la famille, fut laissée de côté. D'une part, ils n'avaient pas le temps de s'y plonger puisque la nuit tombait, et d'autre part, ils n'en voyaient pour l'instant pas l'utilité. Les pièces resteraient telles quelles jusqu'à ce que quelqu'un leur trouve une fonction. Et, à vrai dire, aucun d'eux ne se sentait à l'aise pour pénétrer dans le sanctuaire de Drago, ou pire, tomber sur le tiroir à sous-vêtements de Lucius.

Épuisés, ils se séparèrent devant le portail - qui lui aussi allait devoir disparaître, parce qu'il était terrifiant - et Hermione et Dobby retournèrent au loft en baillant.

Elle ne savait pas à quoi s'attendre avec Drago. Est-ce qu'il allait être aussi tendu que le matin, broyer du noir en silence, ou prendre cet air triste de chiot égaré ? Est-ce qu'elle devait seulement lui raconter sa journée au manoir ?

Finalement, elle n'eut pas besoin de s'interroger plus longtemps. À peine entrée dans l'appartement, Drago lui sauta dessus pour lui retirer son manteau tout en lui embrassant la joue et en la poussant dans le salon. Tout ça, dans un seul mouvement.

"Que..." bafouilla-t-elle, déboussolée.

Dans le salon, éparpillés sur les canapés, se trouvaient Harry, Blaise, Pansy et Théo. Ils avait un air fiévreux, mi-angoissé mi-enthousiaste, comme si quelque chose d'important s'était produit.

"J'allais t'appeler, dit Drago en lui appuyant sur les épaules pour la forcer à s'asseoir. On a du nouveau. Potter ! lança-t-il.

- Ils viennent de faire une brèche dans l'enquête, annonça-t-il, excité.

- Laquelle ? Les terroristes ? sursauta Hermione en se penchant en avant.

- Non, sur l'extraterrestre de Roswell, ironisa Zabini.

- Un témoin s'est présenté spontanément au Ministère, poursuivit Harry, imperturbable.

- Il y a bien que comme ça que les aurors peuvent faire une découverte. Par chance, intervint Pansy.

- Est-ce que je peux parler ?" siffla Harry, exaspéré.

Pansy leva les yeux au ciel mais accepta de se taire.

"Hier soir, un peu avant l'explosion du refuge, quelqu'un a demandé des informations dans la rue. Cette personne a arrêté un passant pour lui demander s'il connaissait l'adresse exacte du siège des Non-alignés.

- C'est probablement indiqué dans l'annuaire, remarqua Hermione.

- C'est exactement ce que j'ai dit, triompha Nott.

- Quoi qu'il en soit, le passant s'est planté. Il a donné le nom de la bonne rue, mais au lieu de d'indiquer le numéro 87, il a dit 78. Le 78, Hermione !

- L'adresse du refuge", souffla la Gryffondor.

Deux ou trois secondes s'écoulèrent, et elle sentait le poids de tous les regards sur elle. Puis elle bondit sur ses pieds, renversant une lampe sur son passage.

"QUOI ! Attends, ça veut dire qu'on était visés ? Pas le refuge ? Ils se sont trompé d'adresse ?"

Harry approuva d'un hochement de tête. De nouveau, quelques secondes de silence passèrent, et elle lâcha un petit rire incrédule.

"Non, c'est grotesque."

Elle secoua furieusement la tête, et se planta face à Drago, poings sur les hanches, pour juger de sa position sur le sujet. Il était assis jambes écartées, coudes appuyés dessus, et la regardait avec un petit sourire en coin.

Bien, ils étaient sur la même longueur d'ondes.

Elle pivota vers Harry, et commença à le mitrailler avec sa grande rationalité.

"Qu'est-ce que te dit que cette personne qui nous cherchait est la même que celle qui a fait sauter le refuge ? C'est probablement une coïncidence. Je veux bien croire que les terroristes sont des imbéciles, mais tout de même, bâcler la préparation de leur attentat au point de faire exploser un immeuble au hasard, en espérant que ce soit le nôtre ? Il n'a pas vu l'enseigne "refuge" en gros ? Il n'a pas cherché à vérifier qu'il était au bon endroit ? Ça lui aurait pris quoi, trente secondes. Donc, d'après les aurors, qui entre parenthèses choisissent de croire un témoin providentiel qui tombe du ciel, ce type s'est pointé dans le quartier avec une bombe, a demandé à un passant au hasard où se trouvaient nos bureaux. Pas de chance, il tombe sur quelqu'un qui ne maîtrise pas les nombres, et se retrouve devant le mauvais immeuble. Qu'à cela ne tienne, il est pressé, ou gonflé par sa mission de terroriste, disons qu'il traverse une crise intellectuelle, et donc... il balance une bombe et un Feudeymon par dessus son épaule, sans regarder, puis rentre chez lui. Harry, ça n'a absolument aucun sens."

Nott et Zabini éclatèrent d'un rire tonitruant et Pansy se mordit la lèvre.

"Malefoy et toi, vous êtes... Deux jumeaux maléfiques, gronda Harry.

- Eh, laisse-moi en dehors de ça ! protesta le blond.

- Lui aussi, il a pris ses grands airs pour démontrer l'absurdité de cette hypothèse. Je dois dire, Hermione, que tu as réussi à me parler d'une façon presque aussi hautaine que lui ! Je ne te félicite pas ! reprit Harry.

- Je suis désolée, mais ça ne tient pas debout, insista la jeune femme.

- Aussi fou que ça puisse paraître, il semblerait pourtant que ce soit précisément ce qu'il s'est passé, cingla Harry.

- Explique-nous, Potter, parce que là..." réclama Drago.

Harry se retroussa les manches, et se lança dans ce qui s'annonçait être une très longue démonstration étayée.

"Moi non plus j'y croyais pas, mais ce témoin... Ils ont vérifié son profil. Il vit dans le quartier depuis quelques semaines seulement, ce qui peut expliquer qu'il se soit trompé. Il est comptable dans une chaîne de restauration. Marié, deux enfants scolarisés à Poudlard, aucune condamnation préalable, vie de famille rangée, aucune fréquentation douteuse. Et mieux : il a accepté de confier ses souvenirs au département. Ils l'ont étudié - je sais Hermione, les souvenirs peuvent être altérés, ce n'est pas une preuve -, MAIS, ils en ont tiré un portrait robot. Harmon, en réalité. En le passant dans la base de donnée - pas la nôtre, elle n'est pas à jour, celle des États-Unis -, il a trouvé une correspondance. Vous allez pas croire qui en est ressorti.

- Assez de suspens, Potter ! pépia Nott.

- Irina Dolohov ! annonça Harry, savourant son effet.

- C'est qui ? Dolohov avait de la famille encore en vie ? grimaça Hermione.

- Je ne sais pas si on peut parler d'Irina comme d'un être vivant, grinça Drago. Psychotique !

- Tu savais qu'elle existait ? Tu la connais ?!" s'étonna Harry.

Drago haussa les épaules, et regarda au plafond dans un effort de mémoire évident.

"Dolohov avait des maîtresses. Parfois, il les emmenait avec lui au manoir. Il avait des enfants avec elles. Pas mal d'enfants, je crois. Et Irina devait avoir... deux ou trois ans de plus que nous. Enfin, il doit rester un troupeau de petits Dolohov en Russie au moment où on se parle. Je pense qu'il les a envoyés à l'abri là-bas... Sûrement au moment de sa deuxième condamnation. Je pense que je ne l'ai pas vue depuis genre, mes douze ou treize ans.

- Oh c'était pour tes douze ans, précisément, je m'en souviens trèèèès bien, ricana Nott d'un air sinistre.

- Je flaire une histoire, fit Pansy.

- Ça n'a pas vraiment de rapport avec notre affaire, coupa Drago. Donc, Potter, Irina... Elle aurait posé la bombe au refuge ?

- Ah non mon petit chat, tu n'y couperas pas, roucoula Zabini. Figurez-vous que pour les douze ans de Drago, Irina lui a offert un cadeau très spécial, qu'elle avait concocté tout spécialement pour lui.

- Zabini ! protesta Drago, en vain.

- C'était une première pour notre Drago, qui garde un souvenir... vivace de ce présent.

- Maintenant, je dois reconnaître que je suis intrigué, annonça Potter.

- Oh ça va, elle m'a... commença Drago, avant de se stopper net comme si les mots étaient coincés dans sa gorge.

- ... sucé la bite, tu peux le dire", compléta Nott.

Une hoquet collectif résonna et, mortifié, Drago se laissa tomber en arrière sur le canapé, son avant-bras devant les yeux. Hermione regardait fixement devant elle sans cligner des yeux, mais ne réussit pas à se contenir bien longtemps.

"QUOI ! À DOUZE ANS ! s'étrangla-t-elle.

- Elle en avait quinze, précisa Zabini. Et beaucoup de pratique.

- Un véritable aspirateur, ajouta Nott.

- Elle a aspiré la vie hors de mon corps ! J'ai senti mon âme s'en aller ! C'était atroce ! Maintenant, est-ce qu'on peut arrêter d'en parler ? rugit Drago, toujours prostré.

- Mais qu'est-ce que c'est toutes ces femmes qui sont suspendues à ton pénis ? s'emporta Hermione en lui assénant un coup de coussin. D'abord Pods, maintenant cette Irina...

- Oh mon dieu ! Une espionne, maintenant une terroriste... Drago, c'est toi le dénominateur commun ! Ton pénis transforme les femmes en criminelles !" hurla Nott d'une voix de crécelle.

L'intéressé bascula latéralement et tenta de disparaître entre les coussins du canapé ou, en cas d'échec, à mourir étouffé.

"Granger, tu as déjà un terrain favorable au crime de masse, mais je t'en supplie, il n'est pas trop tard pour t'éloigner de ce pénis", la supplia Blaise en tombant à genoux devant elle, les mains jointes.

Hermione rugit et fracassa son coussin sur la tête de Blaise, puis jeta un regard éperdu à Drago, qui n'avait toujours pas émergé d'entre les coussins. Puisqu'elle se retrouvait seule contre tous, elle s'empara d'un second coussin et alterna ses frappes entre Nott et Zabini, qui riaient comme des baleines.

Jusqu'à ce que Pansy rejoigne la bataille et les frappe à son tour en vociférant.

"J'assure tes arrières, Grangy ! Seuls deux imbéciles peuvent penser qu'un pénis magique transformerait les femmes en machines de guerre ! On est nées machines de guerre. Le pénis de Drago n'y est pour rien !

- Arrêtez de parler de mon pénis, gémit Drago depuis les profondeurs du canapé.

- Cette conversation a pris une tournure inattendue", dit Harry.

.

Le calme mit très longtemps à revenir, mais finalement, Drago finit par ressurgir et à mettre fin aux combats en entraînant une Hermione écarlate dans la cuisine. Là, il ferma la porte, et l'embrassa comme si c'était la dernière fois, en y mettant toutes ses frustrations, sa colère et sa passion. Elle y répondit avec fougue et il s'en fallut de peu pour qu'il ne lui arrache sa culotte et roule avec elle sous la table.

Ils retournèrent s'assoir sur les canapés, complètement calmes, et le Serpentard planta son regard le plus glaçant dans celui de ses deux comparses un peu penauds.

"Merci de ne plus exposer mon couple à ce genre de révélations qui n'ont aucun lien avec la conversation. Vous m'avez embarrassé, vous avez embarrassé Hermione, et vous avez embarrassé Potter."

Les coupables se tassèrent et baissèrent les yeux. Harry regarda au plafond, se demandant ce qu'il faisait là.

"Maintenant, Potter, explique-nous calmement pourquoi Irina Dolohov est une hypothèse crédible.

- Bien. Bien", démarra Harry avec difficulté.

Comment revenir sur une conversation sérieuse au sujet d'un crime après un tel foutoir ? Si ça ne posait aucun problème aux Serpentards, ce n'était pas son cas.

"Bien, répéta-t-il.

- Harry, l'attentat...? suggéra Hermione doucement.

- L'attentat. Oui, alors... Donc, le nom d'Irina Dolohov est ressorti de la base de donnée d'Harmon. Donc, il a creusé un peu, et il n'a pas trouvé grand chose sur elle puisque... Eh bien, le ministère n'avait aucune idée de son existence, son nom n'est apparu dans aucune enquête, ni même aux procès de Dolohov. C'est comme si elle n'existait pas. Mais il a contacté les Russes, et ils ont confirmé son existence. Apparemment, elle aurait des liens avec un genre de groupuscule louche classé comme terroriste seulement aux États-Unis. En réalité, ils luttent contre l'installation de puits de forage, du pétrole quelque part en Sibérie, je ne sais pas trop.

- Que font les sorciers avec du pétrole ? tiqua Hermione.

- Des potions, répliqua Théo. Que font les moldus avec du pétrole ?

- Du carburant, Nott. C'est la base de leur survie, répondit-elle comme si elle s'adressait à un demeuré.

- Bien sûr. Je savais ça.

- Bref. Ils sont en train d'essayer de la localiser, mais on peut affirmer qu'elle est ici, à Londres.

- À cause des souvenirs du passant ? Que les aurors ont regardé dans la pensine ? vérifia Hermione.

- Pas seulement. Si je suis au courant de tout ça malgré ma suspension, c'est parce que notre spécialiste en technologies moldues m'a prévenu. Ils lui ont demandé d'accéder aux images de vidéosurveillance moldues. Et elle est... partout."

Hermione frissonna sans trop savoir pourquoi, envahie par un terrible pressentiment.

"Soit elle ne sait pas que les caméras existent, soit elle s'en fout complètement, mais on a des heures d'images d'elle en train de déambuler dans les rues.

- Déambuler ? grinça Parkinson. Qu'est-ce qu'elle fait, exactement ?

- Elle se déplace d'un point à l'autre, à pieds, répondit Harry avec un air perplexe.

- Elle ne sait pas transplaner ? demanda Zabini d'un ton dédaigneux.

- Elle ne sait ni lire les panneaux devant les immeubles, ni transplanner, donc, résuma Hermione, qui ne quittait plus de son air condescendant. Un esprit brillant. Est-ce que ce génie criminel est vraiment capable de commettre un attentat ?

- Aucune idée. Quoi qu'il en soit, elle n'a pas l'air d'entrer en contact avec qui que ce soit sur nos images. On la voit seulement quelques heures par jour, donc ça ne veut rien dire, mais elle s'est rendue à des endroits suspects. Le parvis du ministère, le Parlement, tous les sièges politiques, et plusieurs domiciles pour lesquels les aurors n'ont pas encore d'informations.

- Elle fait des repérages, comprit Drago d'une voix blanche.

- Possible. En tout cas, elle était bien dans votre rue hier soir. C'est confirmé.

- Harry... l'interrompit Hermione, les yeux dans le vague. Pourquoi votre agent en technologies moldues t'a contacté pour te parler de ça ? Il n'est pas... censé t'informer de quoi que ce soit au sujet de l'enquête, pas vrai ? Alors pourquoi il t'a informé qu'ils avaient une suspecte ?"

L'intéressé se tortilla un peu sur le canapé, étudia ses chaussures, et finit par hausser les épaules.

"Elle est venue dans ma rue, avoua-t-il d'un air dégagé.

- QUOI ? rugirent en chœur les Serpentards, alors qu'Hermione fermait les yeux.

- Elle est juste passée ! Elle ne s'est pas arrêtée, temporisa-t-il.

- Potter ! s'étrangla Drago. Tu ne peux pas rester là-bas avec Daphné et Dahlia !

- Je sais, soupira-t-il. Elles sont chez Ron et Astoria, je les ai accompagnées avant de venir ici. Deux aurors surveillent la maison en permanence.

- Quel bordel ! rugit Nott. Où est-ce qu'elle est allée d'autre ? Pourquoi ils ne l'arrêtent pas ?

- C'est le plan. Seulement pour ça, il faut la trouver, et depuis hier soir, elle a disparu des radars. Je ne sais pas où elle est allée exactement à part ce que je viens de vous répéter. En plus, on a pas de preuve directe pour l'attentat, ils peuvent seulement la placer sur le lieux du crime.

- Impossible qu'elle soit seule dans cette histoire, trancha Drago. Elle a forcément des complices.

- Qu'est-ce qui te fait dire ça ? l'interrogea Harry.

- Elle est stupide, pour commencer. Pathologiquement. Elle a vraiment une case en moins, et je dis ça en toute objectivité, expliqua Drago en secouant la tête.

- Il a raison... Quelque chose ne tournait pas rond chez elle, confirma Zabini. Les consanguins intellectuellement limités dont tu parlais dans ton discours ? C'est elle. Et elle est enragée.

- Un été, elle a noyé son propre hibou, et a fait accuser un des elfes de maison des Malefoy, se souvint Théo. Lucius l'a tué entre le fromage et le dessert.

- Peut-être qu'elle ne sait vraiment pas transplanner, souffla Parkinson, ébahie.

- Ça rendrait cette erreur d'adresse crédible, songea Hermione. Ou le fait qu'elle ne fasse pas attention aux caméras avant de commettre un crime.

- Et du coup, Malefoy a raison, elle a nécessairement des complices. Les autres attentats étaient mieux préparés. Les lettres anonymes ciblées, rédigées en latin... Toutes ces adresses personnelles classées secrètes, à commencer par ton appartement, Hermione... Si elle est si idiote que vous le dites, elle n'a pas pu faire ça seule.

- Harry, tu ne comptes pas rentrer chez toi cette nuit, n'est-ce pas ?" le coupa Hermione d'une voix haut-perchée.

Ils échangèrent un regard appuyé, et la jeune femme se leva brusquement.

"Je viens avec toi.

- Quoi ? Granger ! protesta Drago, pris de cours.

- Je ne laisse pas Harry tout seul dans cette maison avec cette russe cinglée qui rôde, aurors ou non ! s'exclama-t-elle.

- Je sais ! répliqua Drago sur le même ton. Je n'étais pas en train d'essayer de t'en empêcher, juste... Je viens aussi.

- T'es obligé de jouer les héros une fois par jour, maintenant ? bougonna Zabini. Les gens changent en vieillissant, c'est donc vrai. Très bien, je viens aussi.

- Arrêtez !" s'écria Harry en se levant à ton tour.

Ils stoppèrent tous leurs gesticulations et duels de regard, et Harry se pinça l'arête du nez.

"Écoutez... Si on veut l'attraper, et c'est un grand "si" parce que rien ne dit qu'elle choisisse d'attaquer ma maison, et encore moins dans l'immédiat... il faut qu'elle pense que je suis sans défense et isolé. Si on est tous dedans...

- ... elle pourra faire d'une pierre deux coups ! trancha Hermione. Elle essaye de nous tuer depuis des mois, sans succès. Notre présence l'inciterait plus qu'autre chose à faire sauter ta maison !"

Harry lui jeta un regard quelque peu outré.

"Tu te proposes de faciliter l'explosion de ma maison ?

- C'est pas le moment de faire de l'humour ! s'offusqua Hermione. Tu vas partir devant avec Sergueï, et ouvrir ta cheminée. On arrivera incognito par l'intérieur, et ensuite, on fera un plan. Oui, il nous faut un plan."

Elle approuva elle-même ses propres paroles en secouant la tête, et releva le menton pour voir si quelqu'un allait oser la contredire.

"Dobby a préparé une valise avec les affaires de Drago Malefoy et d'Hermione Granger.

- Merci, Dobby. Allez, en route, on a du travail !"

Elle avait déjà enfilé son manteau et ses chaussures, alors qu'aucun des autres ne semblait enclin à bouger. Elle tapa des mains telle une maîtresse d'école zélée, puis attrapa son sac à main et y enfourna des piles de dossiers qu'elle faisait léviter depuis la chambre.

"Qu'est-ce que vous attendez ? hurla-t-elle comme un général houspillant ses troupes dispersées.

- Faisons comme elle dit, marmonna Drago en enfilant sa cape.

- C'est la règle numéro un du Granger Club, maugréa Harry.

- J'entends rien ! Qu'est-ce que vous dites ? les fit sursauter Hermione, qui se tenait tout à coup vraiment près.

- Elle me fait peur, gémit Théo.

- Oh, ressaisis-toi, Nott ! gronda Pansy. Allons-y ! On n'a pas toute la journée !"


Grosse avancée dans l'enquête ! Alors, est-ce que la mystérieuse Irina va faire exploser la maison d'Harry Potter ?

Ce chapitre était un peu plus court que les autres, mais j'étais obligée de le couper à cet endroit sans quoi vous auriez probablement perdu la moitié de votre journée à lire un énorme volume.

J'espère que ce petit passage au manoir Malefoy avec la Team décorateurs vous a plu !