.

TOME 2 : LE DÉBUT DE LA DÉCHÉANCE

Partie 1 : Ce qu'on a déjà perdu

Chapitre 1 : Pétunia Evans

.


.

Juillet 1976

.

À l'exception de quelques événements dont voici le premier, je ne garde que très peu de souvenirs de l'été 1976. Chose étrange lorsqu'on sait que les premiers jours de juillet ont marqué un tournant décisif dans le monde des sorciers. Mais ce serait mentir que de prétendre que je n'ai pas eu besoin de me lever pour attraper de vieux numéros de la Gazette du Sorcier afin de vous en faire aujourd'hui le récit.

Comme l'explique si bien le quotidien posé sur mes genoux, le 4 juillet 1976, au cours d'une attaque à l'encontre de nés-moldus perpétrée à la Résidence pour Sorciers Âgés de St Oswald, le nom tristement célèbre de Lord Voldemort fut prononcé pour la première fois. Vous le savez sûrement déjà, mais l'unique né-moldu qui survécut à l'attaque – pour venir mourir plus dignement dans un lit de Ste Mangouste – fut chargé par ceux que la Gazette s'était mise à surnommer les Mangeurs de Mort de transmettre un sinistre message. Celui de la purification que le mage noir voulait apporter au monde afin de pouvoir y régner en une totale suprématie.

Pour être honnête, je ne me souviens pas de l'effet que me fit la nouvelle. Elle me choqua certainement. Mais à quel point ? Je ne saurais le dire. Tout ce que je sais avec certitude, c'est qu'après ça, mon père ne rentra plus à la maison avant les premières heures du matin et que ma mère fut engagée à plein temps à l'hôpital pour s'occuper des nombreux blessés de l'attaque. Quant à Jake, Marly, Arthur et moi, nous ne nous parlions presque plus. C'est donc avec joie que j'acceptai l'invitation de Lily à passer quelque jours chez elle que je reçus un matin de juillet. Puisqu'elle refusait catégoriquement d'adresser la parole à Rogue et que les parents d'Alice refusaient de l'envoyer dans une famille de nés-moldus de peur qu'il lui arrive quelque chose, elle avait désespérément besoin de quelqu'un pour l'aider à braver la présence de sa sœur et c'est sur moi que se rabattit son choix.

Trop contente de pouvoir m'échapper de chez moi le temps d'une semaine, je me gardai bien de me vexer de n'être qu'une solution de rechange et, un matin, ma mère me déposa dans une rue reculée de Cokeworth, un village situé du cœur des Midlands où les Evans avaient élu domicile. Si je suis incapable de me rappeler de ma réaction après l'attaque de St Oswald, je me souviens en revanche parfaitement de la mine inquiète qui crispait les traits de ma mère alors qu'elle remettait mes vêtements en place et déposait un long baiser sur mon front.

Pour relativiser, je me moquai gentiment d'elle :

— Je serai de retour dans une semaine, tu sais...

— Je sais. Mais il s'est passé tant de choses ces dernières semaines... !

Elle s'interrompit, souffla un bon coup, puis reprit :

— Peu importe. Amuse-toi bien chez Lily, tu l'as mérité.

Ses yeux brillaient de larmes lorsqu'elle me serra contre elle à m'en étouffer. Luttant pour mettre un frein à ses émotions, elle s'assura ensuite que je pourrais sans difficultés porter ma valise jusque chez les Evans et me souhaita de bonnes vacances.

— Je t'aime, mon bébé, sourit-elle avant de transplaner.

— Je t'aime aussi, Maman, murmurai-je en réponse bien qu'elle ait déjà disparu.

Secouant la tête pour empêcher mes sentiments de prendre le dessus, j'empoignai ma malle et quittai le recoin sombre dans lequel elle avait jugé préférable d'atterrir. J'entrepris de traverser le village, me perdant entre les maisons aux façades noircies par l'activité charbonnière de la région. À mesure que je me rapprochai du quartier dans lequel vivait Lily, les rues se firent plus larges et plus lumineuses tandis que les habitations, elles, revêtaient d'une douceur qui n'existait pas là où ma mère m'avait déposée. Après un bon quart d'heure de marche, je finis par déboucher dans une petite impasse dissimulée par une rangée de peupliers au fond de laquelle se cachait la maison de mon amie.

Arrivée au niveau du portail défraîchi, je cherchai en vain une sonnette, mais la porte en était dépourvue. J'aperçus alors une jeune femme blonde à la peau si pâle qu'elle en était presque translucide qui se prélassait dans le jardin. N'osant entrer sans qu'elle ne m'y ait autorisé, je la hélai mais n'obtint comme réponse de sa part qu'un regard mauvais dénué de toute chaleur. Mal à l'aise, je demandai d'une voix hésitante :

— Euh... Je suis bien chez les Evans ?

— Non, répliqua-t-elle. Tu as dû te tromper de rue, désolée.

Et elle se détourna, se réinstallant plus confortablement dans son transat avant d'avaler une gorgée de la citronnade posée sur la table à côté d'elle. Je serais certainement restée figée à la contempler si Lily n'avait pas choisi ce moment pour sortir de la maison, un sourire avenant aux lèvres.

— Alicia ! s'exclama-t-elle en m'étreignant. Comment ça va ? Tu as fait bon voyage ?

Ma gêne disparut alors pour faire place à la joie de la revoir, et je me laissai entraîner dans la petite allée qui menait à la porte d'entrée avec plaisir.

— Au fait, ajouta Lily alors qu'on allait franchir pas de la maison, je te présente Pétunia. Ma sœur. Pétunia, voici Alicia.

.


.

En dépit de l'aversion évidente que Pétunia me portait, le quotidien chez les Evans se révéla très agréable. Les parents de Lily étaient accueillants et faisaient tout pour rendre mon séjour le plus plaisant possible. Ils se montraient également très curieux quant aux métiers qu'exerçaient mes parents et à tout ce qui touchait à la magie. Quant à Lily, elle me faisait découvrir sa ville et ses activités moldues avec un enthousiasme toujours plus grand. En effet, durant l'été, Mr et Mrs Evans insistaient pour qu'elle coupe toute connexion avec le monde magique, à l'exception des lettres échangées avec ses amis. Cela nous mena d'ailleurs à plusieurs conversations apeurées sur la montée en puissance de Voldemort que Lily tenait à garder secrète de ses parents, de peur qu'ils l'empêchent de retourner à Poudlard s'ils apprenaient qu'une guerre était en cours chez les sorciers.

La seule qui ne manifestait aucune joie à ma présence chez elle était bien évidemment Pétunia. Je n'étais pas sans ignorer sa relation compliquée avec sa sœur depuis que cette dernière était entrée à Poudlard, mais je ne parvenais pas à comprendre la cause de sa méchanceté envers tout ce qui se rapportait à la fameuse école – Lily et moi y compris. Au début, j'avais pensé que la magie la dégoûtait, mais en l'observant mieux et en m'attardant sur les photos exposées dans le living-room qui montraient deux petites filles souriantes et complices, j'avais commencé à me poser des questions et à émettre des hypothèses sur son comportement.

C'est dans la nuit de mon avant-dernier jour chez les Evans que tout se joua. La gorge brûlée par la soif, je quittai la chambre de Lily dans laquelle un lit de camp avait été installé pour moi et me rendis au rez-de-chausée pour me servir un verre d'eau dans la cuisine. Je passais devant la porte d'entrée pour regagner les escaliers lorsque celle-ci s'ouvrit pour laisser entrer une fine silhouette. Effrayée tout d'abord, mon rythme cardiaque se calma lorsque je reconnus Pétunia à la lueur des lampadaires de la rue. Son maquillage et ses vêtements ne laissaient aucun doute possible : elle revenait de soirée.

Sa veste en cuir serrée contre elle, elle se figea en m'apercevant et on se fixa pendant de longues secondes sans esquisser un mouvement, comme deux animaux pris dans leur chasse ; elle parce qu'elle savait bien que je pouvais tout répéter de son escapade nocturne à ses parents et moi parce que la scène ne me rappelait que trop une autre, datant de l'été précédent.

— Je ne dirai rien, t'inquiète pas, finis-je par la rassurer d'un ton bas.

Sortant de sa léthargie, elle m'adressa un regard plein de dédain avant de passer à côté de moi en me bousculant de l'épaule.

— Parce que tu crois vraiment qu'on t'aurait cru ? rétorqua-t-elle avec mépris. Tu n'es même pas chez toi ici.

Elle commençait à grimper l'escalier lorsque je la retins :

— Ma sœur aussi sort la nuit.

Pétunia s'immobilisa puis se retourna vers moi avec un sourire hautain. Je ne savais même pas pourquoi j'avais ressenti le besoin soudain de parler de Marly. Ce n'était pas comme si la jeune moldue en avait quelque chose à foutre de ma sœur jumelle. Ce qu'elle ne se gêna pas pour me rappeler :

— Et alors ? J'en ai rien à faire de ta vie, Alexia.

Écorcher mon prénom était son moyen favori de me rappeler à quel point j'étais insignifiante pour elle. Mais c'était également le meilleur moyen de me donner envie de chercher la petite bête...

— Elle aussi elle est jalouse de moi, déclarai-je ; parce que, aussi sûre que je m'appelle Alicia, je sentais qu'elle jalousait Lily plus qu'elle ne l'a détestait.

Pétunia, qui s'était détournée entre temps, me fit aussitôt face et me foudroya du regard.

— Tu ne me connais pas, Alicia ! s'enflamma-t-elle – mais toujours à mi-voix pour ne pas réveiller ses parents. Alors tais-toi, tu ne sais même pas de quoi tu parles !

— Ah, bah tu vois ! Quand tu veux, tu sais le dire, mon prénom.

Les joues de la blonde se tintèrent de pourpre. J'étais parfaitement consciente d'aller trop loin et de me mêler de ce qui ne me regardait pas – ne détestais-je pas moi-même qu'on se mêle de mes histoires avec Jake, Arthur et Marly ? – mais, une fois lancée, je fus incapable de m'arrêter.

— Tu es jalouse de Lily parce que tu aurais aimé être une sorcière. C'est pour ça que tu agis comme tu le fais. Et comme tu es incapable de l'admettre, tu préfères l'esquiver et la traiter de monstre parce que c'est plus facile. Tellement plus facile... Moi aussi je l'évite, ma sœur. Parce que c'est franchement plus simple. Alors, tu vois, tu as beau essayer de te convaincre que ma présence ici t'indiffère, on est pareilles, toi et moi.

Ma tirade était osée, et c'est pourquoi je n'attendis de réponse et contournai Pétunia pour rejoindre rapidement la chambre de Lily, me demandant quelle mouche venait de me piquer.

.

Le lendemain, Lily et moi nous prélassions dans l'herbe du square municipal de son quartier lorsqu'un grondement sourd se fit entendre dans le ciel assombri de gros nuages. Hilares, nous nous relevâmes alors que la pluie commençait à tomber à grosses gouttes et courûmes jusqu'au toboggan du parc en-dessous duquel nous nous abritâmes en attendant que ça passe.

Le sombre virement de la météo l'y aidant sûrement, la bonne humeur de Lily glissa et, d'une voix plaintive, elle lâcha :

— J'ai peur.

Bien que j'avais d'emblée compris de quoi elle parlait, je tentai de faire de l'humour pour éviter d'avoir une nouvelle fois cette discussion avec elle.

— De quoi, des orages ? me moquai-je.

— Non. De la guerre.

Me résignant, j'avouai :

— Moi aussi.

Un long silence suivit ma confidence alors que la pluie se faisait plus drue et venait cogner contre le métal du toboggan. Éclairs et coups de tonnerre se donnèrent la réplique pendant quelques secondes avant que Lily ne reprenne la parole, l'obscurité qui régnait soudain donnant à ses paroles une gravité supplémentaire.

— Tu crois qu'on va mourir ?

— Oui, répondis-je automatiquement. Tout le monde meurt, Lily.

— Alicia, je suis sérieuse ! protesta-t-elle en pensant que je faisais de l'humour.

— Mais moi aussi ! Qu'est-ce que ça change, au fond, qu'on meure aujourd'hui, demain ou dans cinquante ans ? On sera mortes et point barre.

— Comment est-ce que tu peux être aussi pessimiste ?!

— Je ne suis pas pessimiste. Juste réaliste. Et puis je m'en fiche de mourir maintenant ou à quatre-vingt ans. Je ne serais pas là pour me désoler sur ma propre disparition dans tous les cas, affirmai-je, pensant que Lily comprendrait l'aveu caché derrière mon pessimisme.

— Tu ne t'es jamais dit qu'il y avait des choses qui valaient le coup d'être vécues ? se méprit-elle. Avoir ton diplôme, trouver un travail, te marier, fonder une famille, avoir des enfants, les voir grandir, réaliser tous ces rêves qui vivent en toi... ?

Son énumération me fit grimacer. Bien sûr que je souhaitais vivre toutes ces choses. J'étais loin d'avoir des désirs si différents des siens.

— Je ne sais pas s'il y a des choses qui valent le coup d'être vécues, finis-je par répondre à mi-voix. Mais je sais qu'il y a des choses qui ne valent pas le coup de l'être.

— Qu'est-ce que tu veux dire ?

— Cette guerre... lâchai-je enfin. Ce n'est pas pour moi qu'elle me fait peur. C'est pour les autres... Ceux qu'on va perdre. Et pour ceux qu'on a déjà perdus.

.


.

Est-ce que je viens de publier le chapitre 1 du tome 2 comme une fleur alors que je n'ai pas updaté depuis 10 mois et 25 jours ? En effet. Est-ce que j'ai une bonne excuse ? Pas vraiment. Juste la flemme, mon désamour de cette plateforme et le fait que, bon, y a pas foule par ici heeeein.

Pas mal de choses se sont passées depuis (non, sans blague) mais, surtout, quelque chose de plus important que le reste à savoir que... j'ai fini Life Always Restarts ! Sur les autres plateformes où je poste, cette histoire qui me suit depuis près de 8 ans maintenant est achevée. Je ne comptais pas spécialement poster le tome 2 ici étant donné le peu de personnes qui suivent l'histoire, mais vu qu'une lectrice en a émis le souhait, voilà le chapitre 1, en espérant que je ne me dégonflerai pas au fil des semaines.

À bientôt (peut-être) pour le chapitre 2 !