Adrian
5 ans plus tard
Le souffle court, je trottine à un sympathique petit rythme de croisière. Il faut dire que Juliet à mes côtés n'a pas la même endurance que moi ni même d'aussi longues jambes — bien que ses jambes à elle soient terriblement sexy.
En haut des buttes de Regent's Park, nous faisons notre petit jogging matinal.
Juliet s'est donnée comme bonne résolution d'entretenir sa forme pour pouvoir s'assurer de rentrer dans sa robe alors, tout naturellement, je l'accompagne. Même si j'avoue que je ne le fais pas avec une arrière-pensée derrière la tête… En général, quand nous revenons de notre course, nous fonçons droit vers la douche et, échauffée par son activité physique et dopée d'endorphines, Juliet devient aussi déchainée et torride qu'une lionne. Ce n'est pas pour me déplaire… Loin de là.
Je jette d'ailleurs un coup d'œil en arrière alors qu'elle traîne la patte, tout essoufflée et les joues rouges.
— Bah alors Thorn ? On fait la feignasse ? demandé-je en me retournant.
Je continue de trottiner à reculons alors que la brune me foudroie du regard. Elle déteste que je l'appelle Thorn. Comme si ça lui rappelait que six ans après ma première demande, nous ne sommes toujours pas mariés.
— Je cours à mon rythme, dénigre-t-elle.
J'éclate de rire et la nargue.
— Aller bébé, tu m'as déjà mise au tapis plus d'une fois, encouragé-je. Même Gideon court plus vite que toi !
— Connard, grommelle-t-elle en expirant avec difficulté.
Elle lève haut la tête et m'ignore royalement, ce qui me fait pouffer de rire. Mon regard se perd alors sur les contours du parc et je me mets à apprécier la vue verdoyante qui donne sur Londres.
Cela fait trois ans maintenant que nous avons quitté le quartier de Langbourn et que j'ai légué ma boutique et mon appart' à mon frère, qui y habite à présent avec Haley.
Juliet et moi avons opté pour un petit duplex dans le coin de Primrose Hill. C'est plus grand et plus loin de la foule grandissante qui évolue constamment sur le Chemin de Traverse et les environs.
— Je n'aurais pas dû autant boire hier soir, grimace-t-elle.
— Tu connais mon avis sur le sujet, pouffé-je en songeant à la murge magistrale que je me suis mis hier avec Garrett et sa copine.
Garrett est… L'arrière-petit-fils de Marlène et Gaige. Nous l'avons rencontré par hasard au détour d'une soirée dans un club de Londres et nous sommes rapidement devenus amis avec lui et sa copine, Tara. Ils nous ont annoncé la veille qu'ils attendaient un heureux événement alors nous avons bu comme des trous pour fêter la nouvelle.
Lui comme elle ignorent que nous avons personnellement connu Marlène et Gaige.
Après notre arrestation par les Langues-de-Plomb, Juliet et moi avons dû prêter serment sur le fait que cette histoire ne serait jamais répétée. Elle devait rester l'un des secrets les mieux gardés du Ministère : ils ne pouvaient pas admettre qu'ils avaient laissé des individus modifier l'histoire.
Visiblement, m'avoir dans leur rang et en apprendre plus sur les pouvoirs de Juliet leur semblaient être plus important que de la renvoyer dans le passé. Et que de m'envoyer à Azkaban par la même occasion…
Alors depuis cinq ans, Juliet se rend au Ministère pour leur faire une démonstration de ses capacités. Il s'est avéré que depuis qu'elle m'a ramené à la vie, elle n'est plus capable de faire régénérer des cellules. Par contre, les faire dépérir, ça oui. Donc elle peut toujours tuer mais elle n'est plus capable de donner la vie.
La fois où ils lui ont demandé de tuer un animal d'expérimentation, elle a décidé de ne plus jamais aller les revoir. Ce que je peux comprendre.
Me concernant, je n'ai pas vraiment le choix puisque je suis moi-même devenu une Langue-de-Plomb et pas un seul jour ne passe sans que je leur fasse regretter leur décision. Bien que dans le fond, je sois leur meilleur élément.
Le lieutenant Killian et moi-même travaillons ensemble d'ailleurs. Et je dois avouer que ce fils de pute est plutôt un bon collaborateur.
— Oui, mais toi, tu es un cas particulier, grogne Juliet en s'arrêtant, une main posée sur un point de côté.
Je ralentis aussitôt la cadence. À bout de souffle, elle s'appuie contre un arbre et masse son ventre avec une grimace sur le visage.
— Ça va pas ? m'enquis-je.
— Je sais pas…
Je viens réduire la distance entre elle et moi et passe mes mains derrière sa nuque brûlante et transpirante. Je lui relève la tête et lis de l'amusement dans ses prunelles bleu-vert.
— Quoi ?
— J'aime bien quand tu t'inquiètes pour moi, susurre-t-elle d'une voix rauque.
Elle me provoque de son air ingénu et je roule des yeux, amusé et… tenté. Je m'humecte les lèvres et dévisage sa bouche presque parfaite. Elle le deviendra lorsqu'elle aura englobé ma bite jusqu'au fond de sa gorge, pas avant.
— On rentre ? proposé-je aussitôt.
— Et nous rapprocher du moment fatidique où tu devras faire ta valise et partir pour la semaine ? Certainement pas, non. Je préfère encore courir ! lance-t-elle en reprenant sa course.
Je pouffe de rire et la poursuis.
— C'est une semaine Ju', c'est pas la mort… Je me suis déjà absenté plus longtemps.
— Oui, mais c'est juste avant notre mariage, rechigne-t-elle en fuyant mon regard.
— Et bah comme ça la lune de miel ne sera que plus torride et mémorable, ricané-je.
Juliet me renvoie un air menaçant, me donne un coup dans le ventre puis accélère la cadence et me double. Mes yeux se posent aussitôt sur son beau petit cul mis en valeur dans son legging bleu turquoise.
— Tu me laisses en plein préparatifs ! accuse-t-elle. Lexie me saoule depuis trois mois avec la couleur des fleurs, des nappes, de la tonnelle et de plein de détails rocambolesques. Tu me laisses gérer tout ça toute seule, c'est déloyal.
— Déloyal ?! m'esclaffé-je de rire.
— Je t'avais dit de poser congés, cloue-t-elle. Moi c'est ce que j'ai fait !
— Mais c'était prévu ! me justifié-je. Mais j'y peux rien si on suspecte le Ministère de vouloir recruter des jeunes tombés du berceau pour former une caste élitiste !
Aussitôt un poids de plomb se fait sentir dans ma bouche et il m'est littéralement impossible d'en dire plus sur le contenu de ma mission. Bordel ! Fais chier…
Dès cette après-midi, je dois partir pour une semaine d'analyse dans un endroit qui n'est nul autre que… Poudlard !
Depuis plusieurs mois déjà, le Département des Mystères, soit le département qui tient véritablement toutes les ficelles sur notre société sorcière, a suspecté des activités politiques extrémistes assez inquiétantes. D'une source sûre, nous savons que ce groupe de sorciers cherche à recruter de jeunes et influençables élèves. Je vais donc devoir (une nouvelle fois) me mettre dans la peau du prof et veiller sur des rejetons en pleine crise d'ado. Génial !
Dire que je n'aime pas mon job serait un énorme mensonge. Ça bouge, c'est intéressant, c'est challengeant, je sollicite mes pouvoirs tous les jours, mes collègues sont des putains de psychopathes avec qui je me fends la gueule, mais jamais… Je dis bien JAMAIS, je n'oserais leur dire que j'aime le tournant qu'a pris ma vie.
Ces connards m'ont clairement fait du chantage donc je ne vais pas m'abaisser à reconnaître que j'aime ma vie.
Je me raccroche à la vision enchanteresse que m'offre le cul de Juliet et la rattrape en lui mettant une fessée. Un sourire aguicheur apparaît sur ses lèvres bien qu'elle continue à me foudroyer des yeux.
— Désolé chaton, c'est pas négociable.
— Je sais, souffle-t-elle. J'espère qu'ils savent que pour les deux semaines à venir, Adrian Potter est absent en tout cas !
— J'en ai fait un point d'honneur, confirmé-je en lui adressant un clin d'œil.
Satisfaite, elle me sourit.
— On fait la course ? propose-t-elle de sa mine joueuse.
— Oh que oui, jubilé-je.
— Le dernier arrivé devra se soumettre aux exigences de l'autre ! clame-t-elle avant de foncer aussi vite qu'un Éclair de feu.
J'éclate de rire et la poursuis, en courant à toutes jambes. Nous enjambons les barrières, sautons au-dessus des flaques d'eau, nous nous faufilons entre les passants en riant et en nous tirant dessus pour nous ralentir.
En sueur et exaltés, nous arrivons au bas de notre immeuble en même temps.
— J'ai gagné ! clame Juliet.
— Certainement pas ! C'est moi qui ai les clés donc…
Je ne finis pas ma phrase que je rentre à la hâte dans le hall d'entrée et monte quatre à quatre les escaliers jusqu'à notre palier. Juliet rage derrière moi et se lance à ma poursuite.
Seulement… Quatre étages, ça crève ! J'arrive devant notre porte bien avant elle.
Je rentre dans notre appart et lui ferme la porte au nez. J'entends Juliet pousser un cri de rage ce qui me fait ricaner.
— Ahhhh…, poussé-je en m'étirant.
Je lève les bras en l'air et tire sur mes muscles du dos. Mon regard se pose sur le salon moderne aux grandes baies vitrées.
— Adrian ! s'énerve Juliet en déverrouillant la porte avec sa baguette magique. Tu n'es qu'un sale rat !
Je pouffe de rire et me laisse tomber sur un des fauteuils en cuir. J'adresse mon sourire le plus angélique à ma brunette qui me foudroie du regard.
— Tu m'aimes trop pour vraiment le penser, assuré-je.
Juliet, de mauvaise humeur — ou du moins elle fait semblant de l'être — claque la porte derrière elle. Elle part vers la cuisine ouverte et ouvre le frigo d'un geste brusque. Elle s'empare d'une bouteille d'eau fraîche et boit directement au goulot. Son teint est rouge et sa poitrine luisante de sueur se lève au rythme de sa respiration rapide et saccadée.
Lorsque ses prunelles dérivent vers moi, elles s'attardent sur mon sourire taquin puis elle soupire en roulant des yeux. Je la provoque en restant silencieux. Elle s'approche calmement de moi, moulée dans son petit legging bleu turquoise.
— Tu veux boire ? demande-t-elle avant de reprendre une gorgée.
— Pourquoi pas.
Évidemment, elle me recrache tout dessus.
Son jet d'eau atterrit sur mon visage puis vient goutter sur mes habits. Je ne bouge pas d'un cil et me retiens d'exploser de rire. Cette fille est beaucoup trop prévisible.
— Tiens, j'espère qu'elle est assez fraîche pour toi, commente la brune en me renvoyant un sourire fier.
— Elle est excellente, merci, commenté-je en suçant mon doigt.
Juliet et moi nous défions du regard. Bordel… Elle m'excite.
— Du coup… Tu dois te plier à mes exigences ? susurré-je.
Elle me foudroie sur place. Pour autant, elle s'accroupit avec délicatesse devant moi, si bien que ses genoux rencontrent doucement le sol. Elle vient se placer entre mes cuisses et passe ses mains sur mes jambes en une tendre caresse.
— Hum… Pas mal, avoué-je, tenté par une petite pipe post-sportive.
— Tentant hein ? provoque Juliet en jouant de ses sourcils d'aguicheuse.
— Oh que oui, soufflé-je en descendant mes mains vers le bas de mon survêtement.
Je m'apprête à le retirer et le faire glisser le long de mes jambes lorsque l'expression de Juliet change du tout au tout. De rouge et essoufflée, elle est devenue aussi pâle qu'un linge. Elle a perdu son expression taquine et son regard est perdu dans le vide.
— Bébé ? m'enquis-je en me figeant.
Juliet est prise d'un relent. Elle passe sa main devant sa bouche avant de se lever d'un bond et de courir droit vers la salle de bain. En quelques secondes elle a disparu et je l'entends vider tripes et boyaux.
Euh… Okayyyyy.
Bon bah la pipe attendra. Je me lève et me poste à l'encadrement de la porte. Juliet est agenouillée devant les chiottes, ses yeux sont clos et elle reprend son souffle comme elle peut.
— Ça va ? lancé-je dans le vide.
Évidemment que ça ne va pas. Elle ne serait pas dans cette position en train de gerber la mort sinon. Elle se passe d'ailleurs de réponse.
Je rentre dans la salle de bain et m'agenouille près d'elle. Je passe une main sur son dos alors qu'elle s'essuie la bouche.
— Juliet ?
Elle ne répond pas et reste toujours aussi immobile. Je place alors mon index sous son menton et l'oblige à relever la tête vers moi. Mon cœur loupe un battement lorsque je vois que ses yeux sont embués de larmes.
Woaaa… J'ai loupé un truc ?!
— Mais qu'est-ce qui…
— Je suis désolée, coupe-t-elle en s'effondrant dans mes bras.
Je ne comprends plus rien ! Je la réceptionne contre moi alors qu'elle se met à pleurer à chaudes larmes contre moi.
— Quoi ? Mais de quoi tu es désolée ? répété-je, complètement perdu.
Juliet sanglote et s'accroche à mon cou comme si sa vie en dépendait. Elle est en pleine crise de panique ou j'en sais rien, mais elle perd complètement pied. Bordel… C'est elle la médicomage ! Pas moi ! Je ne sais pas gérer les trucs comme ça moi !
— Bébé… Je comprends pas. Qu'est-ce qui…
— Ça fait plus d'un mois que je n'ai pas eu mes règles, révèle-t-elle en relevant ses beaux yeux clairs imbibés de larmes vers les miens. Je… Je pensais que c'était juste un retard, mais…
Mais sa phrase est aspirée par un deuxième relent et Juliet se détache de moi pour finir la tête au fond des w.c.
Merde.
Je ferme les yeux et prends sur moi.
Je passe ma main sur son dos et tire ses cheveux en arrière tandis que mon regard est vide. Je suis… perdu.
Sonné aussi.
Juliet tire la chasse et s'essuie à nouveau la bouche. Elle revient avec ses yeux larmoyants vers moi.
— Tu dis rien, dit-elle en pleurant de plus belle.
Putain non, je ne dis rien. Mais qu'est-ce que je peux dire ?! Elle connaît mon avis sur le sujet ! Je préfère ne pas prendre le risque de la perdre à cause d'une putain de malédiction de merde !
— Je, commencé-je, la voix rouillée.
— Je sais que tu es contre, mais…
Elle passe ses bras autour de mon cou et s'y accroche en pleurant encore plus violemment. Moi, en état de choc, tout ce que je peux faire c'est la serrer de toutes mes forces contre moi. Je l'embrasse, la caresse et la rassure sans savoir moi-même comment réagir et affronter ça.
Tout ça. Cette situation.
Elle est enceinte.
De moi. De nous.
Un bébé va grandir en elle. Notre bébé.
Je déglutis avec difficulté alors que les battements de mon cœur s'accélèrent. Bordel de couilles, ça me fait chier ! Non pas que je suis contre l'idée d'avoir un enfant, loin de là. Je ne veux juste pas prendre de risque.
Ok Juliet a perdu partiellement ses pouvoirs, mais qu'est-ce qu'on en sait sur le restant de ses héritages qui coulent encore dans ses veines ?! Rien. On n'en sait strictement rien. Donc je préfère et de loin, vivre à deux avec elle que seul avec notre enfant et être veuf. Hors de question.
Donc voilà, mon choix est fait. Je ne veux pas d'enfants.
Sauf que mon choix n'est pas celui de Juliet. En l'occurrence, je connais depuis quelques années son opinion sur la question. Je sais que tôt ou tard… son envie se fera plus grande que ma peur.
Et ce jour est arrivé.
— On va trouver une solution, affirmé-je.
— Une solution ? Mais quoi comme solution ?! s'affole-t-elle.
— Je sais pas… Il faut qu'on soit sûrs que tu ne cours aucun risque.
— Jai déjà passé une flopée de tests chez les Langues-de-Plomb, soupire-t-elle. Eux-mêmes ne savent pas si j'ai encore cette malédiction en moi. Lorsque Voldemort m'a retiré mes pouvoirs il est possible que cette malédiction se soit effacée mais ils n'ont pas réussi à l'assurer à cent pour cent.
— Je sais… Mais du coup je suppose que… Il faut se pencher vers un autre moyen.
— Comme ?
Je réfléchis quelques instants avant d'être soudainement happé par une idée de génie.
— Et si on allait dans le futur ?
Juliet cligne des yeux et m'observe avec sidération.
— Quoi ? répète-t-elle.
— On va dans le futur, on va s'assurer qu'il ne t'arrive rien. Que cette grossesse ne sera pas un risque pour toi. Si elle ne l'est pas, alors on revient dans notre présent, sereins, et on vie notre meilleure vie.
— Et si ça ne l'est pas ? Si je meurs ? hésite-t-elle.
— Je sais pas si…
— J'avorterai.
Le visage de Juliet se ferme. Ses traits se durcissent, mais elle sait aussi bien que moi que c'est la seule option si cet enfant représente un danger pour elle.
Silencieusement, j'approuve son choix.
— Très bien, concède-t-elle en soupirant. On part quand ?
Fin
