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Réponse à Madie : Merci beaucoup pour ta review, ton enthousiasme pour cette histoire me touche beaucoup ! Le deuxième tome est disponible sur wattpad (même pseudo qu'ici) et sur skyrock ( fichp-lifealwaysrestarts . skyrock . com) (sans les espaces). Je vais essayer de le poster en entier ici, mais ma régularité va sans doute laisser à désirer...

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TOME 2 : LE DÉBUT DE LA DÉCHÉANCE

Partie 1 : Ce qu'on a déjà perdu

Chapitre 2 : Le Tournoi des Quatre Nations

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Août 1976

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Il m'est bien évidemment impossible d'évoquer mes souvenirs de cet été-là sans parler de la finale du Tournoi des Quatre Nations, un tournoi de Quidditch annuel qui n'existe plus aujourd'hui mais qui, à l'époque encore, captivait les foules au cours de six matchs opposant Écossais, Gallois, Anglais et Irlandais. Grâce aux désistements tardifs de quelques spectateurs, mon père avait effectivement réussi à nous procurer des places pour la finale qui opposait l'équipe galloise à l'équipe anglaise. Nous étions atrocement mal placés, relégués si bas dans les tribunes que nous devions nous tordre le cou pour suivre le déplacement des joueurs, mais l'effervescence était telle que même Marly et ma mère, qui n'avaient jamais vraiment aimé le Quidditch, ne pouvaient s'empêcher de sourire d'excitation et d'agiter les petits drapeaux à l'effigie de la croix de Saint Georges qu'on nous avait remis à notre arrivée dans les gradins réservés aux supporters anglais. Quant à mon père, pire qu'un enfant, il ne cessait de s'écrier qu'il avait hâte que ça commence, le tout sous le regard attendri de ma mère.

— Ça me rappelle la Coupe du Monde en France en 1958 ! Tu te souviens, Alwena ? lui demanda-t-il peu avant l'entrée des équipes sur le terrain.

— Bien sûr que je m'en souviens, mon chéri. Ce n'est pas comme si tu me le rappelais à chaque fois qu'on assiste à un match de Quidditch.

Les occasions auxquelles ma mère riait de mon père étant assez rares, nous éclatâmes tous de rire. Jake demanda :

— Je croyais que le Quidditch n'était pas un sport populaire en France ?

— C'est vrai, lui répondit ma mère. Il n'y a qu'une poignée de clubs et les rencontres sont très peu suivies.

— Alors pourquoi est-ce qu'ils ont organisé la Coupe du Monde ?

— Pour le pognon, bien sûr, soupira Marly d'un ton blasé. Tu as vu le nombre de spectateurs que le Tournoi des Quatre Nations attire à chaque fois ? Il y en a mille fois plus pour la Coupe du Monde alors, forcément, ça fait du bien au budget du Ministère.

Jake n'eut pas le temps de répondre : le silence s'était fait sur le stade et le commentateur s'était levé.

— Mesdames et messieurs, bienvenue à la finale de cette 357ème édition du Tournoi des Quatre Nations ! En cette année 1976, nous avons l'occasion de voir s'affronter l'équipe du Pays de Galles et celle d'Angleterre !

Tous les spectateurs se mirent alors à applaudir tandis que les équipes et leurs mascottes faisaient leur apparition sur le terrain en formation de vol. Les yeux collés aux vieilles multiplettes héritées de la fameuse coupe du monde de 1958, Jake suivit le tour d'honneur de nos sept joueurs.

— Regardez ! nous intima-t-il inutilement alors qu'ils passaient au-dessus de nous. Il y a Ludo Verpey des Frelons de Wimbourne ! Qu'est-ce qu'il vole bien...

— Moins bien que Glynnis Griffiths, protestai-je en pointant du doigt la joueuse des Harpies de Hollyhead.

— Oh, c'est vieux tout ça ! Ta Glynnis va bientôt devoir prendre sa retraite et laisser place à la jeunesse ! La preuve, tu as vu sa position de vol ? Elle est carrément rouillée !

— Et ton Ludo Verpey a fichu sa batte dans le nez du batteur français lors de la dernière Coupe du Monde ! Faut vraiment pas être doué pour faire un truc pareil !

Puis nous dûmes nous taire parce que le match commençait. Je ne m'en rappelle plus très bien, mais je me souviens avoir eu l'impression que, pour la première fois depuis le début de l'été, la seule chose qui comptait vraiment était l'issue du match. Et, croyez-moi, c'était une merveilleuse sensation.

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L'agitation qui souleva chacun des spectateurs du match ne fut cependant pas éternelle. Après le coup de sifflet annonçant la fin de la rencontre et sacrant le Pays de Galles vainqueur de la 357ème édition du Tournoi des Quatre Nations, l'excitation qui s'était emparée du stade l'espace de quelques heures retomba doucement malgré les cris de joie des gallois et les applaudissements de ceux qui saluaient la performance des joueurs. C'était comme si chacun forçait ses réactions de peur de briser une joie qui était déjà un souvenir.

Le lendemain matin, j'ouvris les yeux bien avant Arthur, Jake et Marly qui, yeux fermés, paraissaient bien moins gênés que moi par le manque de confort des lits superposés de la tente miteuse que mon père avait déniché dans une brocante. Installée dans la couchette du haut, le seul avantage était bien le fait que je pouvais distinguer mes parents dans le rai de lumière poussiéreux qui inondait la tente sans qu'eux ne me voient. Assis sur une chaise de jardin, mon père feuilletait l'édition quotidienne de la Gazette du Sorcier tandis que ma mère leur préparait deux tasses de café.

— Ben... soupira-t-elle en posant le breuvage fumant devant mon père qui, plongé dans la lecture des informations, arborait une mine sombre. Tu m'avais promis de laisser de côté tout ce qui se passe en ce moment. Ces trois jours loin de Tinworth et du boulot sont les seules vacances qu'on aura de tout l'été. Tu ne veux pas en profiter un peu ?

Mon père souffla longuement et replia le journal à contrecœur.

— Je n'arrive pas à profiter quand je sais qu'un fou furieux fait tout son possible pour déstabiliser le pays et que tout le monde tombe dans le panneau.

— Qu'est-ce que tu veux dire ? demanda ma mère, inquiète, en s'asseyant sur ses genoux faute de disposer d'autres sièges dans notre médiocre tente.

— Je... Alastor pense que ce Voldemort fait tout pour attirer l'attention, lui expliqua mon père en l'installant plus confortablement sur ses genoux. Il a créé une marque, montre qu'il a des sbires un peu partout, même au Département des Mystères, il dévoile un objectif malsain et morbide... Comme s'il souhaitait à tout prix rendre tous ses crimes publics. Et la Gazette se fait un plaisir de reléguer tout ce qu'il se passe, ce qui fait que, sans le vouloir, elle participe à ses plans pour terroriser la population.

— Mais l'an dernier tu disais que le fait qu'ils évitent ostensiblement de parler de tout ça te révoltait !

Depuis mon poste d'observation, je vis mon père fermer les yeux de longues secondes avant de répondre :

— Au lieu de dramatiser chaque nouvelle attaque et de mettre le pays en panique à chaque nouveau drame, la Gazette ferait mieux de montrer que le Ministère a la situation en main !

— Mais c'est faux ! s'insurgea ma mère en se relevant, ahurie que mon père puisse dire des choses pareilles. Je croyais que l'hypocrisie du Ministère t'indignait ! Que tu ne supportais pas sa manie de faire comme si tout allait bien alors qu'au contraire tout est en train de s'effondrer !

— Moins fort Alwena ! la pria-t-il de peur qu'un de nous quatre puisse l'entendre. Je sais bien que mentir à la population n'est pas bien, mais ce n'est pas en servant les intérêts de ce Lord Voldemort que les choses vont aller mieux !

— Et ce n'est pas non plus en mentant à tout le pays !

Il y eut un moment de silence avant que mon père ne se lève à son tour et n'attrape les mains de ma mère pour la forcer à le regarder.

— Je sais bien ce que tu penses, mais... Les choses vont s'arranger, je te le promets. On va s'en sortir...

— Arrête de faire des promesses que tu ne pourras pas tenir ! Tu dis toi-même que tu es prêt à risquer ta vie pour mettre fin à cette guerre ! répliqua sèchement ma mère.

— Écoute, Alwena, on en a déjà parlé des millions de fois...

— Oui, et l'issue de la conversation ne m'a jamais convenue ! Je sais que t'engager dans cette guerre est important pour toi et que cet Ordre te permet de le faire, mais...

Elle s'interrompit un moment, les yeux embués de larmes.

— Tu sais, hier il y avait tellement de jeunes insouciants dans les gradins... Ils riaient, ils criaient, ils profitaient de leur jeunesse et... et j'ai pensé que c'était tellement inhumain qu'on la leur vole ! Personne n'a le droit de leur enlever ça et c'est quand même ce qui se passe...

— Alwena...

— Je n'ai pas envie de les laisser faire, reprit ma mère d'un ton déterminé. Je ne peux pas les laisser faire. Pas alors qu'ils vont pourrir la jeunesse de mes enfants. Pas alors qu'ils pourrissent déjà leur adolescence. Dis, tu... Tu crois que je pourrais être utile dans... dans ton Ordre ?

Je n'eus pas besoin de les voir pour savoir que les yeux de mon père brillaient de fierté.

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Le soir-même, c'est avec la force d'une tornade à son paroxysme que je fus projetée sur la pelouse de mon jardin, le souffle coupé par la force de l'impact.

— Bordel... gémit Jake dont l'atterrissage rivalisait de nullité avec le mien et qui se relevait comme il pouvait à mes côtés. Je déteste les voyages en Portoloin...

— Jake, ton langage, le rappela à l'ordre ma mère.

Le Serpentard leva les yeux au ciel et essuya ses vêtements crottés.

— En tout cas, c'est pas avec tes performances en matière d'atterrissage en Portoloin que tu vas réussir à séduire Elladora... glissai-je sournoisement

Jake vira instantanément au rouge tomate tandis que j'éclatais de rire avec mon père et que ma mère demandait qui était cette Elladora, intéressée. Alors que Jake se démenait comme il pouvait pour éviter ses questions, je remarquai que je me trouvais toujours au sol et me relevai, frottant avec énergie mon short qui s'était troué lors de ma chute.

— Je me disais bien que j'avais entendu ma crêpe préférée s'étaler dans son jardin ! s'amusa alors une voix moqueuse depuis le portail.

Sans surprise, je me retournai pour faire face à James qui me toisait avec un demi-sourire depuis l'entrée du jardin. Nous ne nous étions que peu vus depuis le début de l'été, mais c'était en réalité pour le mieux. Depuis cette fameuse altercation avec Lily et Rogue au bord du lac, j'avais du mal à voir en lui autre chose qu'un imbécile pourri-gâté et, même si je savais qu'il avait un million de qualités, les méchancetés qu'il avait lancées à Rogue venaient s'immiscer entre nous. Mais de l'eau coulerait sous les ponts, je le savais. Je ne pouvais pas lui en vouloir éternellement. Pas avec cette guerre en cours.

— Moi aussi je suis contente de te voir, James. C'était bien, chez Peter ?

— Comme d'habitude, répondit le Maraudeur en haussant les épaules. Et toi, chez Evans ? questionna-t-il en faisant le désintéressé.

— C'était bien. Enfin, on a fait aller. C'est pas la joie pour elle si tu veux tout savoir... ajoutai-je, faisant référence à ce qu'il s'était passé avant les vacances.

James eut une petite moue, mais changea rapidement de sujet.

— Qui a gagné le Tournoi ? La Gazette n'a pas publié les résultats, avec tout ce qu'il se passe en ce moment... On a gagné ?

— Non, c'est le Pays de Galles qui a gagné avec trente points d'avance sur nous...

— Dommage...

Il ne me fallut pas plus longtemps pour comprendre que James n'était pas dans son état normal. Le Quidditch était si important pour lui que la nouvelle de la défaite de l'Angleterre aurait dû lui faire bien plus d'effet.

— James, tu es sûr que ça va ? m'inquiétai-je.

— Oui, oui, s'empressa-t-il de me rassurer. Dis, tu aurais le temps de passer cinq minutes chez moi ? Il y a quelque chose que je dois te montrer...

Mon père, en train de replier la tente qui nous avait hébergés les deux dernières nuits, m'indiqua que je pouvais y aller si je faisais vite et je traversai donc la rue en direction du manoir Potter. Il s'avéra que le « quelque chose » de James en fait était quelqu'un. Assis dans le canapé du salon des Potter, la dernière personne que j'aurais pensé voir à Tinworth était en train de lire un magasine de Quidditch.

— Sirius ?! m'exclamai-je en le voyant. Mais qu'est-ce que tu fais là ?

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— Je n'arrive toujours pas à y croire... murmurai-je à Joyce quelques jours plus tard alors qu'on était allongées sur la plage à profiter du soleil estival.

— À quoi ? Au fait que Black ait finalement craqué et soit venu se réfugier chez James ? devina mon amie en se retournant sur le dos.

Tout en fixant James et Sirius qui, au loin, faisaient une bataille d'eau qui semblait particulièrement ennuyer les nageurs, j'hochai la tête. Jamais je n'avais pensé que Sirius finirait par en avoir marre et par fuguer de chez lui. Je n'étais pas idiote, je savais que la situation catastrophique avec sa famille le bouffait de l'intérieur, mais de là à le voir fuir ? Non. À peine quinze jours plus tôt, cela me paraissait encore inconcevable.

— Le plus drôle c'est que James n'était pas encore rentré quand il a débarqué. Je sortais la poubelle quand je l'ai trouvé assis sur le trottoir.

— Tu veux dire que Sirius est venu chez toi d'abord ?

— Eh oui, ma vieille. Les Potter étaient en mission avec le bureau des Aurors alors il n'avait pas trop d'endroit où aller.

— Mais je croyais que tu ne l'aimais pas ?

Joyce joua un instant avec le sable avant de me répondre.

— C'est le cas. Enfin, c'est pas que je ne l'aime pas, c'est juste qu'on voit les choses trop différemment pour bien s'entendre. Mais il y a des situations où il faut savoir se serrer les coudes, non ? Et puis il avait l'air tellement paumé... J'étais pareille quand j'ai débarqué chez Edwin et Haley il y a deux ans. Au début, ça a l'air génial, tu penses que tu as fais le meilleur choix et puis après... Après l'excitation retombe et tu te sens seul au monde.

Elle parlait en fixant l'horizon, donnant l'impression qu'elle n'était même pas consciente de ce qu'elle disait. Je n'avais jamais songé à ce que Joyce ou Sirius avaient pu ressentir en fuyant de leurs prisons respectives. L'idée même de fuir ma famille – aussi chaotiques que soient nos relations – ne m'avait jamais effleurée, alors me mettre à leur place était bien trop dur pour que je n'y arrive.

— Haley attend un garçon.

Surprise qu'elle me parle de la grossesse de sa tante à ce moment précis, je la dévisageai.

— Euh... C'est cool pour vous, mais...

— Je crois qu'Edwin aurait préféré une fille.

— Pourquoi ?

— Pour mettre un terme à la lignée des Martins, répondit-elle, comme si c'était évident.

— Mais pourquoi tu me parles de ça maintenant ?

Joyce poussa un petit soupir et se tritura les mains.

— Joyce ?

— Si Haley attend bien un garçon, ça veut dire qu'il va devenir l'héritier des Martins. Vu qu'en théorie seuls les garçons peuvent hériter et que, jusqu'à présent, il n'y avait pas d'héritier mâle.

— Où tu veux en venir ?

— Le manoir Martins ne peut s'ouvrir que grâce à la présence de l'héritier légitime. Ce qui veut dire que, dans quelques mois, je ne pourrais plus y entrer...

— Mais pourquoi tu voudrais y retourner ?

— Je ne sais pas. Je... Je crois que ça pourrait m'aider d'y aller. Mais je ne veux pas y aller toute seule.

— Tu veux que je t'accompagne, c'est ça ? devinai-je.

Joyce hocha la tête, gênée. Avec un soupir, j'acceptai avant de me rallonger dans le sable, sans me douter de tout ce qu'allait impliquer cette visite au manoir Martins.