17 ans plus tard
— AAAAHHHHHHH !
Le cri d'épouvante de la benjamine des Potter résonna dans toute la maison. Quelques secondes à peine avaient suffi pour que Juliet, en toute maman dragonne qui se respecte, détale dans le couloir, ses chaussettes glissant sur le parquet lustré.
— Ellie ?! Qu'est-ce qui se passe ?!
Très vite, sa fille éclata en sanglots. Le cœur au bord des lèvres, la mère se rua sur la grande armoire en bois d'où provenait le hurlement. Elle ouvrit d'un coup sec les deux portes et fondit sur la petite brune qui sanglotait, les genoux ramenés vers elle.
— Ellie, mon cœur, qu'est-ce que tu fais ici ? Pourquoi tu pleures ?
Ellie ne répondit pas, visiblement en état de choc. Juliet l'agrippa et la berça délicatement contre elle.
— Pourquoi tu t'es enfermée dans le placard, mon cœur ?
— Je… C'est. C'est la Dame Grise. Elle était là.
Juliet renforça sa prise sur la jeune enfant de onze ans avant de monter son regard noir de colère vers le couloir et hurler :
— IVY !
Un instant plus tard, une jeune adolescente de quatorze ans apparut à l'intersection du couloir. Elle mâchait nonchalamment une patacitrouille.
Elle se posa à l'encadrement du couloir puis afficha un grand sourire angélique à sa mère qui n'était pas dupe. Son visage enchanteur aux grands yeux gris parvenait à corrompre les plus faibles d'esprits, mais pas elle. Pas sa mère, dont la colère grandissait à mesure que sa cadette accentuait son air innocent.
— Oui, que se passe-t-il ? sourit la jeune fille. Oh Ellie ! Tu es làààà ! Et moi qui te cherchais partout !
— Ivy Potter ! Un mot de plus et tu passes par la fenêtre ! ragea Juliet en la pointant du doigt. Qu'est-ce que tu as encore fait à ta sœur ?!
— Encore ?! se scandalisa la brune. Mais rien ! On ne faisait que jouer à cache-cache ! Et Ellie ta cachette est terrible ! Ça fait trois heures que je te cherche, tu te rends compte ?!
— Trois heures que tu la laisses se terroriser toute seule dans un placard pour avoir la paix, oui !
— C'est bon, elle a presque onze ans, soupira la cadette en roulant des yeux. C'est plus un bébé. N'est-ce-pas Ellie, que tu n'es plus le gros bébé à sa môman ?
La benjamine, qui avait tarit ses larmes, foudroya sa sœur du regard.
— Il y avait la Dame Grise, répéta-t-elle d'un ton convaincu tout en se relevant. Tu m'avais promis que tu ne me laisserais pas seule quand elle vient !
— Oh la Dame Grise, oui je vois, assura Ivy en prenant un air faussement déploré.
Juliet tiqua d'agacement. Elle laissa échapper un long soupir avant de se relever à son tour.
— Bon je vous laisse, je dois me préparer pour ma prochaine astreinte. Et silence dans la maison. Votre père reçoit son collègue dans son bureau. Alors motus. C'est compris ?
— Bien sûr maman chérie d'amour que j'aime tant, roucoula Ivy en adressant un sourire forcé à sa mère.
Juliet, bien habituée au caractère poignant de sa cadette, roula des yeux et abandonna ses deux filles dans le couloir.
Le regard gris de Ivy redevint aussitôt froid et tranchant lorsqu'il retomba sur sa sœur. Bien que cette dernière vouait une admiration sans faille pour son aînée, elle lui adressa une moue pleine de ressentiment.
— Tu n'es qu'une sale Serpentard, critiqua Ellie.
— Je t'avais prévenue, j'ai pas le temps pour tes enfantillages !
— Mais ce sont les grandes vacances ! Pour une fois qu'on peut être ensemble !
— Ellie, désolée de te décevoir mais mes projets pour les vacances sont autres que de te chercher dans toute la maison, décréta la jeune fille en plantant sa sœur dans le couloir.
Cette dernière la suivit en se plaignant.
Lorsqu'elles rejoignirent la chambre d'Ivy qui donnait sur la rue paisible de Well Walk, à Londres, Ellie se laissa tomber sur le grand lit aux couvertures grises et vertes de sa sœur. À l'image de sa propriétaire, la chambre était grande, très désorganisée et mystérieuse.
La plus jeune des Potter avait toujours été intriguée par les différents bibelots magiques qui traînaient çà et là. Il y avait toujours une montagne de vêtements qui tapissait le sol, une gigantesque armoire qui croulait sous le poids des capes et robes de sorcières de sa sœur ainsi qu'une petite bibliothèque poussiéreuse où se mouraient des collections complètes d'encyclopédies et de grimoires qui n'avaient jamais eu la chance d'être ouverts ou même de trouver grâce aux yeux d'Ivy.
Cette dernière faisait également la collection de Vif d'Or. Depuis qu'elle avait intégré l'équipe de Quidditch dès sa deuxième année, elle n'avait perdu aucun match et elle exposait fièrement ses Vif d'Or au-dessus de son lit, sous une cloche en cristal.
Ellie tentait souvent d'entrer par effraction dans la chambre de sa sœur, rien que pour pouvoir s'asseoir sur le lit et simplement admirer les contours. Elle le faisait souvent lorsqu'Ivy était à Poudlard et qu'elle lui manquait terriblement bien que cette dernière verrouillait évidemment toutes les issues, interdisant à quiconque de se mêler à son monde. Ce n'était qu'avec ruse et persévérance qu'Ellie parvenait à forcer l'entrée.
— Mon anniversaire est dans un mois, soupira Ellie en se redressant.
— Merci de me rappeler le jour le plus horrible de ma vie, grogna au loin l'aînée en trifouillant au-dessus de son bureau.
La jeune Potter ne se formalisa pas, habituée à être repoussée de la sorte.
— Tu crois que je recevrais ma lettre… Pour, tu sais… Poudlard ? se risqua la jeune fille en baissant la tête sur ses doigts rongés.
— À ma connaissance, on accepte pas les trolls à Poudlard. Donc non.
— Ivy, soupira Ellie.
— Quoi ? répondit la brune en se retournant et feignant l'innocence. Tu t'es entraînée sur le chat, comme je te l'ai conseillé ?
— Non ! se scandalisa la jeune sœur. Je ne vais pas blesser Croquette !
— On s'en fiche, Andrew le répare en un claquement de doigt, indiqua Ivy en haussant les épaules.
— Je ne vais pas m'attaquer à un animal !
Ivy roula des yeux. Elle revint s'occuper de ses affaires mystérieuses au-dessus de son bureau tout en soupirant.
— Dans ce cas ne t'étonne pas si tu n'as toujours pas déclenché tes pouvoirs, déclara-t-elle d'un ton dramatique. Je suppose que tu resteras encore à la maison du coup. Toute l'année. Et que tu resteras le gros bébé à sa maman, à jamais.
— Tu es jalouse !
La cadette éclata de rire. Elle s'approcha de sa jeune sœur, posée sur le lit et lui tendit une fine liane de tentacula vénéneuse.
— Tiens, marmonna-t-elle. Tu mets ça à ton poignet et la Dame Grise ne viendra plus t'embêter.
Le regard noisette d'Ellie s'agrandit d'émerveillement. Évidemment, elle ignorait que sa sœur ne faisait qu'entretenir sa peur pour un spectre qui n'existait pas et que le bracelet qu'elle lui nouait autour du poignet n'était en réalité qu'un vulgaire bout de lianes qu'elle avait volé à leur grand frère, Andrew.
— Merci ! se réjouit la petite brune en coulant un regard naïf dans celui de la Serpentard.
— Oui, oui, c'est bon, soupira Ivy. Tu feras une prière ce soir en mon nom et on sera quittes.
— Très drôle, répliqua Ellie en la foudroyant du regard.
La grande brune adressa un sourire en coin charismatique dont elle seule avait le secret.
— Maintenant, tu sors.
— Mais…
— Dehors !
— T'es pas drôle.
— Au contraire, je suis hilarante. Tu viens de le dire y'a deux secondes. Maintenant dégage. Je suis occupée.
Non sans ronchonner, le chevelure châtain d'Ellie disparut de la chambre.
Dès qu'Ivy se retrouva seule, elle verrouilla derrière elle la porte avec sa baguette magique dissimulée sous son tee-shirt et s'enfonça, d'un pas décidé, dans le couloir. Elle arpenta la maison avant de se retrouver devant l'antre de son frère, un étage plus bas.
Évidemment, cet idiot ne savait pas verrouiller convenablement sa porte et avec un simple Alohomora, Ivy put forcer la serrure. Lorsqu'elle pénétra la chambre, elle tomba sans surprise sur Andrew, sa langue profondément fourrée dans la bouche d'une blonde, assise sur lui à califourchon sur son lit.
— Oh oups pardon, s'excusa la brune sans en penser un mot.
— Ivy ! Putain !
— Hey salut Barbara ! salua la jeune fille. Ah non, pardon. Ce n'est visiblement pas Barbara. Tu es… Sabrina, n'est-ce pas ? La meilleure amie de Barbara haha ! C'est bien marrant ça.
— Ivy tu dégages ! ragea Andrew en montant sur ses grands chevaux.
Le jeune homme de dix-sept ans lança à travers la pièce un coussin à sa sœur qui n'eut que besoin de faire un pas sur le côté pour esquiver l'offensive. Parfaitement consciente de déranger, Ivy accentua son grand sourire angélique et innocent.
— Mais Andrew ne me chasse pas comme ça, voyons. Tu pourrais me présenter quand même. A croire que tu n'y connais rien à la politesse ! La semaine dernière tu m'as bien présenté Thelma. Et la semaine encore d'avant c'était Felicity ! Alors pourquoi Sabrina ne pourrait-elle pas avoir le même traitement de faveur, hein ?! Compte-t-elle moins à tes yeux que toutes ces autres filles ?
Le regard bleu de la Sabrina en question se posa sur l'aîné des Potter. Ce dernier avala de travers sa salive avant que le bruit majestueux d'une puissante gifle ne retentisse dans la pièce. Ivy accentua un sourire en coin supérieur, se retenant d'éclater de rire.
La Serdaigle ne tarda pas à remballer ses affaires, tout en hurlant et insultant Andrew avant de déguerpir en transplanant telle une furie enragée.
Satisfaite de s'être débarrassée de cette intruse, Ivy referma sagement la porte de son frère derrière elle et fondit son regard innocent sur lui.
Andrew se laissa retomber sur son lit en poussant un profond soupir exaspéré. Il se passa les mains sur le visage et prit sur lui pour ne pas cogner sa sœur.
— Comment t'es rentrée ? Non tu sais quoi, je veux pas savoir, signala le jeune homme.
Torse nu et seulement vêtu de son jeans, il se redressa et traversa la pièce. Lorsqu'il passa devant sa sœur, il ne se priva pas pour lui envoyer un coup dans l'épaule.
Andrew et Ivy étaient le portrait craché de leur père. Seule la couleur de ses yeux différait avec celle de sa sœur. Ce dernier avait des cheveux châtains ébouriffés ainsi que de grands yeux bleu-vert étincelants. Niveau gabarit, il était calqué sur le même modèle qu'Adrian et arborait les abdos les plus saillants des élèves de Gryffondor. Ce qui n'était pas considéré comme une prouesse pour Ivy, loin de là.
Même la passion dévorante qu'entretenait son frère pour les plantes magiques ne parvenait à rehausser l'estime qu'elle lui portait. Si Ivy préférait de loin la pratique à la théorie et les sortilèges, Andrew lui, depuis tout petit s'était vu apparaître d'incroyables dispositions avec les végétaux. Si bien qu'aujourd'hui, sa chambre était toujours plongée dans le noir et des lumières artificielles illuminaient des terrariums où d'incroyables plantes, qu'il avait déniché lors de ses voyages en famille, grandissaient à vu d'œil et offraient de surprenantes propriétés magiques.
— Qu'est-ce que tu veux ? demanda le Gryffondor en s'affalant sur la chaise de son bureau.
Il agita sa baguette magique et aussitôt une canette de soda parvenue du réfrigérateur se matérialisa devant lui. Il la décapsula et but une grande gorgée.
— J'ai besoin d'herbes.
Andrew loupa sa gorgée et s'étouffa avec sa boisson. Il écarquilla les yeux et dévisagea sa sœur de la tête aux pieds.
— Quoi ?!
— J'ai besoin d'herbes, répéta Ivy, agacée.
— Pour toi ?
— Non idiot, pas pour moi, s'impatienta la Serpentard en roulant des yeux.
— Laisse-moi deviner, tu veux encore piéger papa ?
— Il n'y a qu'avec ça que j'arrive à obtenir ce que je veux !
— Je ne vois pas en quoi c'est si terrible, je le supporte depuis la quatrième année, ça se passe très bien en cours, indiqua le jeune homme.
— Grand bien te fasse. Mon père ne sera pas mon prof ! assura Ivy. Et de toute façon, j'ai d'autres projets.
— Bien sûr, nasilla Andrew. Ivy Potter et ses milles projets occultes et bien trop illustres pour que le commun des mortels puisse en être informé, n'est-ce pas ?
Ivy se gratta la tête avant de faire un pas en avant vers son frère. Elle planta son regard gris dans le sien et lui adressa un sourire entendu.
— Écoute… Je peux comprendre qu'un bouffon comme toi préfère l'option de facilité, susurre-t-elle. Après tout, depuis que papa est ton prof, tes notes en DCFM n'ont fait qu'exceller. Chose inhabituelle pour toi. Mais moi, ça ne se passera pas comme ça. Je ne veux pas de traitement de faveur. Et je ne veux surtout pas mélanger le travail et la famille.
— Ok, Madame la Ministre, soupira Andrew.
Il haussa les épaules avant de se relever de son siège. Ce dernier souhaitait se séparer de sa sœur au plus vite alors il entreprit d'achever sa requête. Il se planta devant un terrarium, activa ses pouvoirs et une poussière d'étoiles émergea de ses doigts. La plante de cannabis se trouvant en dessous s'engorgea et produisit de magnifiques feuilles. Andrew les cueilla et les tendit à sa sœur qui les réceptionna avec un sourire satisfait sur les lèvres.
— Contente ?
— Je jubile, merci mon chien.
Ivy fit volte face et prit aussitôt le chemin de la sortie.
— Va te faire !
— Ah au fait, revint à la charge la brunette en passant sa tête par l'encadrement de la porte. J'espère pour toi que tu n'as pas trempé ton petit biscuit, Sabrina a une mycose.
— Quoi ?! s'épouvanta le brun en dévisageant aussitôt son entrejambe. Comment tu le sais ?!
Ivy lui adressa un air innocent avant de hausser les épaules. Le regard d'Andrew se fit aussitôt plus féroce.
— Je t'ai déjà interdit de lire les pensées de mes copines ! ragea-t-il.
— Oops, j'ai dû oublier. Ciao le naze !
Sans attendre, Ivy laissa son frère à ses stupides occupations et décampa aussi vite que la lumière. Déterminée, elle regagna sa chambre, rassembla tous les ingrédients nécessaires et descendit à la cuisine où elle croisa sa mère, en train de courir dans tous les sens.
— Maman, je peux utiliser ton chaudron ?
— Hein ? Ah oui, oui. Vas-y. Tu n'as pas vu ma baguette ?
Les yeux gris de la jeune fille tombèrent sur le bout de bois magique de sa mère, posé sur le comptoir de la cuisine.
— Ici, indiqua mollement l'adolescente.
Juliet noua ses cheveux en une queue de cheval et s'en empara aussitôt. Elle passa autour de son cou son badge de Saint-Mangouste et releva les yeux vers sa fille.
— Bon j'y vais. Je vais rentrer tôt demain matin, alors s'il vous plaît, ne faites pas trop de bruit, d'accord ? supplia la mère. J'aimerais au moins dormir quelques heures, c'est possible ?
— Je ne pense pas être la plus bruyante des Potter, grommela Ivy en plaçant l'énorme chaudron de sa mère dans l'âtre de la cheminée. C'est pas moi qui fait venir des filles en douce dans ma chambre…
— Quoi ?! s'insurgea Juliet. Encore ?!
— Elle s'appelait Sabrina, cette fois-ci, cafta-t-elle.
— Ok. Je vais avoir une discussion avec ton frère à mon retour, décida Juliet. En attendant, je veux que tu t'occupes de ta sœur, d'accord ? Elle attend les vacances depuis des semaines alors inclus-la, s'il te plaît, à tes… Tu fais quoi d'ailleurs ?
— Oh rien, indiqua la brune en haussant les épaules. Juste une crème hydratante que m'a conseillé mon amie Rachel. Elle estompe les pores, c'est miraculeux !
Prête à décamper, Juliet fit volte face et plissa des yeux, non loin d'être stupide. Elle étudia sa fille avec interdiction.
— Ivy, je sais très bien que tu n'as aucune amie qui s'appelle Rachel, décréta-t-elle. Je suis même très bien placée pour savoir que tu n'as aucune amie-euh.
— Ah bon ? s'étonna la jeune Serpentard.
— Oui peu de gens trouvent grâce à tes yeux, persifla Juliet en levant un sourcil. À part ton ami Cole, bien entendu.
— C'est déjà bien assez, crois-moi, grommela la jeune fille en allumant son chaudron. Et Mulciber peut s'estimer bien chanceux qu'il fasse partie de ma caste d'élites.
Juliet pouffa de rire. Elle posa son regard clair sur sa fille et l'étudia quelques instants. Elle tenait son caractère d'Adrian, c'était indéniable.
— Ce sera tout ?
— J'imagine que je ne saurais pas ce que tu trifouilles ? supposa Juliet, lucide.
— Non Madame !
— Bien. Dans ce cas, ne fais rien de dangereux. Et ne cause pas d'ennui à ta sœur. Elle est déjà assez perturbée comme ça à cause de son anniversaire qui approche…
— Je ne vois pas pourquoi vous ne lui dites pas la vérité, indiqua Ivy en levant un sourcil. Des tas de familles sorcières ont des cracmols dans leurs rangs, ce n'est pas une honte.
— Ellie n'est pas une cracmol, contra Juliet avec certitude.
— Si tu le dis…
— Ivy. Je sais ce que j'ai vu le jour de sa naissance. Ta sœur est bien une sorcière, cloua la mère. Bon… Je te laisse, je vais être en retard. À demain ma puce !
— Je ne suis pas une puce ! Et si c'est vraiment une sorcière, tu n'as qu'à aller l'inscrire toi-même car visiblement à Poudlard, ils l'ont oubliée !
Ivy n'obtint pas de réponse car sa mère avait déjà disparu dans les couloirs de la maison. Elle l'entendit au loin déranger son époux pour le saluer puis plus rien, le calme absolu revint dans la maison des Potter.
Enfin seule, la jeune fille n'attendit pas pour se mettre à la tâche. Les yeux posés sur son chaudron, elle entreprit sa concoction sous l'œil attentif de sa petite sœur qui l'épiait depuis le coin de la pièce.
— Ellie, appelle la brunette. Je t'ai vue. Viens.
D'un pas sautillant, la petite fille s'empressa de s'exécuter. Elle afficha un grand air réjouit tout en tirant sagement un tabouret en arrière et s'installa dessus. Elle cala sa tête sur ses mains et observa sa sœur avec fascination.
— Quoi ? grogna la Serpentard.
— Je peux être ton assistante ?! s'enjoua-t-elle.
Ivy réprima un soupir avant d'accorder cette faveur à sa jeune sœur.
— Si tu veux… Prépare-moi deux pousses de menthe. Et ensuite, tu peux éplucher le gingembre.
La jeune Potter s'exécuta avec bonne humeur tandis que la grande préparatrice s'occupa elle-même des feuilles de cannabis.
Pendant près d'une demi-heure, les jeunes filles préparèrent sagement leur mixture. Ce ne fut qu'une fois que la tisane faite maison fut prête que Ivy décida de rendre visite à son père. Peu importaient les recommandations de sa mère qui avait demandé à ce qu'on le laisse tranquille avec le lieutenant McHerry, le chef des Langues-De-Plombs de rang 1 pour qui Adrian Potter continuait de travailler, en tant que consultant. Lorsqu'il n'enquêtait pas sur des affaires louches et secret défense, il se consacrait à enseigner l'art et la manière de combattre les forces du mal aux étudiants de quatrième, cinquième, sixième et septième année de Poudlard.
À la rentrée, Ivy intègrerait sa quatrième année, et il était hors de question qu'elle se coltine son père comme professeur.
Ce fut donc avec un plateau en lévitation derrière elle et deux tasses de thé bien fumantes, que la brunette fit son apparition dans le bureau de son paternel.
— Bonjour messieurs, salua Ivy en affichant son plus beau sourire. Des rafraîchissements ?
Dès qu'elle pénètra la pièce, elle repéra son père en train de rire à gorge déployée avec Killian McHerry, les fesses posées contre le rebord de son meuble et une cigarette coincée entre les lèvres.
— Chaton ! s'exclama Adrian en haussant les sourcils, surpris. Qu'est-ce que tu fais là ?
— Et bien je viens exercer mon rôle d'enfant modèle, roucoula Ivy en déposant le plateau sur le meuble. Monsieur McHerry.
— Lieutenant, corrigea-t-il.
— Oui mais vous restez un monsieur pour autant, je me trompe ? répliqua la brunette en papillonnant des cils.
— Miss Potter, s'amusa ce dernier en serrant chaleureusement la main de la jeune fille.
— Je n'ai jamais douté que tu étais une fille modèle, chaton. Mais là on est occupés et…
— Je ne serai pas longue. Je vous dépose simplement ce petit thé, concocté avec amour, mon très cher père.
— Je sais que tu veux te faire passer pour une fille bien élevée mais t'es pas obligée de me vouvoyer, tu sais, relève Adrian, amusé, en faisant voler dans les airs sa fumée de cigarette.
— Ah bon ? Je pensais pourtant que ce serait en adéquation avec votre éducation patriarcale et rétrograde, père, insuffle-t-elle en papillonnant des cils.
Adrian réprima un ricanement. Il roula des yeux avant de les poser sur son collègue.
— Excuse-la, Killian. Elle vient de découvrir un mot, elle s'en remet à peine.
— Je suis sérieuse !
— Moi aussi, très chère. Et c'est dehors que ça se passe, indiqua le paternel en pointant la porte du doigt.
Père et fille se dévisagèrent en chien de faïence, l'un testant les limites de l'autre.
Ne m'oblige pas à te mettre à la porte, tout de suite.
Tu peux toujours essayer !
— Non mais ne t'embête pas Adrian, intervint le Langue-de-Plomb en se levant de son siège. On avait fini de toute façon. Je t'envoie le nouveau dossier d'ici demain et tu me feras ton retour. Ça va comme ça ?
Les deux Potter tournèrent en même temps la tête vers Killian McHerry qui leur accorda un sourire contrit. Adrian finit par acquiescer et lui serrer la main. Ivy l'imita et quelques secondes après, l'homme disparut en transplanant.
Le regard gris et sévère du legilimens retomba alors sur sa fille qui lui tenait tête, les bras sous la poitrine. Il finit par pousser un juron et se laissa tomber sur le fauteuil de son bureau.
Ses prunelles se déposèrent alors sur la tasse fumante de thé et le père de famille ne tarda pas à détecter une odeur bien familière. Dépité, il soupira bruyamment tout en roulant des yeux.
— Poison Ivy, dois-je fouiller dans ta sale petite tête d'emmerdeuse pour découvrir ce que tu as mis dedans ? demande-t-il en reculant sa boisson.
— Menthe et gingembre.
— Menteuse. Tu sais que j'ai horreur du mensonge.
— Bien très bien, ne bois pas dans ce cas. C'était simplement pour te mettre en condition !
Adrian éclata de rire.
— En condition ?! Chaton, si tu voulais me défoncer fallait me proposer de fumer un joint avec moi, je t'aurais appris les règles de l'art au moins. Je ne me serais pas contenté d'une vieille soupe de grand-mère !
— Ça ne m'intéresse pas, déclara la brune avec dédain.
— Soit. C'était pour quoi la mise en condition ?
— Et bien puisque tu ne me laisses pas le choix, grogna Ivy, déçue que son plan ait été aussi facilement déjoué, je vais aller droit au but.
— Je t'en prie !
— Je veux aller étudier à Durmstrang.
La jeune fille avait posé ses paumes sur le bureau et affrontait son père avec détermination. Ce dernier la regarda quelques instants, se demandant d'où elle tenait ce fichu caractère. De sa mère de toute évidence !
— Tu serais prête à aller te peler les miches dans le grand nord juste pour que je ne sois pas ton prof ? percuta le paternel en étirant un sourire goguenard.
— Pas seulement.
— Pourquoi alors ?
La brunette laissa tomber le masque. Avec son père, elle n'arrivait pas à être celle qu'elle s'efforçait d'afficher. Elle n'arrivait à lui cacher quoi que ce soit. Comme si son cœur cherchait malgré elle à s'ouvrir et à tout lui révéler. Comme si elle avait l'intime conviction qu'elle devait tout partager avec lui. Jusqu'à aujourd'hui, il avait toujours été son plus grand confident.
— Je… C'est juste que maman me raconte des histoires sur Durmstrang depuis toute petite et ça m'a toujours intriguée. Et puis, grand-mère a passé sa scolarité là-bas. Elle a adoré !
— Mais encore ?
Ivy se décomposa. Elle ne savait pas comment aborder ce sujet sans paraître pour une insupportable petite prétentieuse et pourtant… Elle devait bien se rendre à l'évidence : Poudlard n'était pas adapté pour elle.
— Papa, je… Je m'ennuie en cours, grimaça la jeune fille.
— J'ai pas l'impression que tu brilles par tes notes pour autant, fit remarquer Adrian en levant un sourcil.
— Parce que la théorie c'est pour les nuls ! s'enflamma la Serpentard. Moi je veux de l'action, du concret ! À Durmstrang, ils ont une matière dédiée à la légilimencie ! Tu imagines ?! Je peux façonner mon parcours à la carte. Ce serait le rêve !
Adrian détailla sa fille avec attention. Ses prunelles brillaient d'excitation et elle était définitivement animée d'une soif de savoir et de magie. Ivy était une passionnée. En plus d'être douée.
Ce serait effectivement l'occasion pour elle d'apprendre à connaître ses limites et surtout, changer un peu d'air ne pourrait que lui être profitable.
— S'il te plaîîît.
— Durmstrang est… particulier comme école, avança le paternel. Vraiment. Elle a mauvaise réputation, ce n'est pas pour rien. Ce n'est pas pour les faibles…
— Je ne suis pas faible !
— Non, ça c'est certain, ricana-t-il. Mais je… Pourquoi est-ce que tu voulais me droguer pour que j'accepte ? Tu pensais que j'allais refuser ? Tu pensais que je ne comprendrais pas ?
Décontenancée, Ivy fronça les sourcils.
— Euh… Oui. Tu refuses toujours tout.
— Et à juste titre, temporisa le brun. Tu voulais adopter un putain de dragon à l'âge de cinq ans ! Te servir de la baguette de ton arrière-arrière je sais pas quoi grand-mère quand tu avais onze ans ! Sans mentionner que tu fais souvent le mur pour aller voir Cole en douce et que tu l'entraine dans tes folles aventures dans la Forêt Interdite les soirs de pleine lune ! Tu aimes jouer avec le feu Ivy, c'est pas nouveau et je suis bien placé pour le savoir. Et t'envoyer à Durmstrang c'est… À la fois de la folie mais d'un autre côté, j'ai l'impression que c'est exactement ce dont tu as besoin.
Adrian venait de penser à voix haute et s'en mordit les doigts dès que sa fille écarquilla les yeux d'émerveillement.
— Vraiment ? Tu es d'accord alors ?!
— Attends, grommelle-t-il. J'ai pas dit oui !
— Tu vois que le thé n'était pas de trop ! insista la brune en repoussant la tasse vers lui. Même pas une petite gorgée ? T'es sûr de toi ?
Adrian roula des yeux tout en retenant un rire.
— Si tu n'existais pas, il faudrait t'inventer, n'est-ce pas ? marqua-t-il.
— Et encore… Pas sûre que tu réussisses à atteindre un tel niveau de perfection, soupira la brunette.
Elle s'accouda au bureau de son père et lui renvoya sa risette la plus adorable et angélique.
— J'ai bien réussi une fois déjà, réfléchit Adrian. Je me souviendrais toujours du soir de ta conception et…
— STOP ! hurla la brune en changeant d'expression.
Son père éclata de rire. Il finit par écraser sa cigarette dans son cendrier puis soupirer.
— Pour revenir à ta… demande, reprend-il. Tu m'apportes des arguments sensés. Et puis après tout, c'est ton avenir. C'est à toi de savoir qui tu veux devenir et ce que tu veux faire de tes pouvoirs, tempère-t-il. Alors oui, je suis d'accord.
Les iris d'Ivy se mirent à briller d'émerveillement. Elle exaltait. Tout ceci était trop beau pour être vrai. Elle avait envie de se dresser sur ses pieds et de se jeter dans les bras de son père.
— Ah d'ailleurs, en parlant de la baguette de grand-mère Olivia, avoua la brunette en se mordillant la lèvre d'embarras.
— Oui ?
— Et bien… Il est possible que je l'utilise quand même, avoua-t-elle en sortant sa baguette de sous son tee-shirt.
Le regard gris d'Adrian se posa sur le morceau de bois noir que sa fille plaça sur le bureau. C'était celle que Juliet avait récupérée le jour où Regulus et Olivia avaient été tués suite à la bataille qui avait pulvérisé sa propre baguette. Depuis, sa femme l'avait toujours gardée en souvenir et la baguette était sagement rangée dans un écrin en velour dans le tiroir fermé à double tour de son bureau. Alors comment… ?
— J'ai fait un sortilège de transfert, expliqua Ivy en lisant les interrogations de son père.
— Quoi ?! Mais cette baguette n'est pas du tout adaptée pour une sorcière de premier cycle !
— Elle m'a choisie !
— Ivy rend cette baguette ! ordonna Adrian en se levant d'un bond, furieux.
Ivy réagit au quart de tour; elle reprit son bout de bois fétiche et décampa plus vite que la lumière de la pièce. Adrian pesta contre lui-même et poursuivit sa fille dans les couloirs.
— IVY ! hurla-t-il.
Il n'entendit que l'éclat de rire de la brunette qui s'éloignait. Adrian se lança alors à sa suite à travers toute la maison.
Il jura dès qu'elle lui fit faux bond et qu'elle partit se cacher discrètement dans de sombres recoins. Même avec l'aide de ses pouvoirs il ne parvenait pas à la repérer tant elle maîtrisait si bien l'occlumencie.
— Bordel ! enragea-t-il en glissant sur le parquet lustré du couloir.
Ivy, à l'autre bout, dévia sur la droite et tomba sur sa jeune sœur, Ellie. La Serpentard saisit l'occasion sans réfléchir plus longtemps.
— Tiens ! Prends-ça et tire-toi ! ordonna-t-elle en confiant sa baguette magique à la petite brune.
Galvanisée par sa nouvelle mission, la petite Potter s'en empara et disparut aussi discrètement qu'une elfe de maison dans les étages de la demeure.
Ivy prit la direction opposée et descendit les escaliers quatre à quatre vers le salon. Elle sursauta lorsqu'elle s'aperçut que son père l'attendait déjà d'un pied ferme, prostré à l'encadrement de la cheminée.
— Rends-moi cette baguette Ivy !
— Trop tard ! C'est la mienne maintenant ! le nargua-t-elle.
La brune pivota à gauche, Adrian à droite. Ils se jaugèrent comme deux lions prêts à se sauter dessus. Seul le fauteuil du salon les séparait.
— Me fais pas revenir sur ma décision !
— Alors tu me fais du chantage maintenant, scanda l'adolescente. C'est tout ce que tu as trouvé pour imposer ton autorité ?
— Ivy !
La brune décampa à toute allure. Adrian rugit de fureur et lui courut après.
BAM !
Une détonation s'éleva dans toute la maison et les murs se mirent à trembler. Adrian se vautra sur sa fille, qui, déstabilisée, tomba à terre.
— Qu'est-ce que tu as fait ?! hurla-t-elle.
Ivy se débattit contre son père qui tentait de la calmer.
— Rien ! Ce n'est pas moi ! Rends-moi ta baguette !
— Je ne l'ai pas…
— Qu'est-ce qui se passe ici ?! intervint Andrew en sortant de sa chambre, hagard.
Il surprit son père et sa sœur en pleine lutte. Ils s'immobilisèrent aussitôt et Adrian se releva en dépoussiérant ses genoux. Il renvoya un regard lourd de reproches à sa fille qui n'en menait pas large.
— Vous êtes complètement cinglés ! commenta Andrew.
— AAAAAAHHHHHHHHH !
Tous sursautèrent.
Le cœur d'Adrian loupa un battement. Il relâcha le col de sa cadette qui se décomposa sur place. Ce cri…
Ellie.
— Putain, réagirent Adrian et Andrew en même temps.
Les deux hommes eurent le même réflexe, ils dégainèrent leur baguette magique. Le jeune Potter prit les devants et monta les escaliers en courant.
— ELLIE !
Ivy, elle, déglutit de travers. Elle suivit son père et son frère qui montaient à toutes jambes vers les cris apeurés de sa petite sœur. Qu'avait-elle fait ?!
Le souffle court, ils arrivèrent dans la chambre de cette dernière.
Ce qu'ils virent leur glacèrent le sang.
Ellie était recroquevillée sur elle-même, en pleurs, les mains devant les yeux. Elle criait à n'en plus avoir de poumon avec pour secret espoir de chasser ce spectre gris qui flottait au-dessus d'elle. Il semblait se repaître de son énergie et seuls les infrasons de ses cris semblaient le tenir à distance.
Il avait l'allure d'une femme couverte d'un drap gris, dont les yeux étaient entièrement noirs. Tous, eurent une vision de dégoût en voyant les asticots qui sortaient de sa bouche.
Un esprit frappeur.
Dès que le fantôme menaçant s'aperçut qu'il n'était plus seul avec sa proie favorite, il croisa le regard des trois Potter. À présent gorgé de l'énergie de la jeune sorcière qu'il terrorisait depuis des mois, il se sentait suffisamment fort pour les affronter.
À cette rencontre, il ouvrit la bouche et un cri strident s'éleva dans les airs. Une rafale de vent brisa une à une toutes les fenêtres de la maison. L'onde choc déferla et Ivy eut la sensation que le sol se dérobait sous ses pieds. Ses yeux se gorgèrent de larmes à la vue de sa sœur seule et démunie.
— Ellie !
Adrian avait attaqué le spectre sans hésitation mais son maléfice fut sans effet. Dès qu'il le percuta, il s'envola en fumée.
La seconde d'après, la silhouette réapparut derrière Adrian qui sursauta en poussant un cri de surprise.
— Putain !
— Papa ! hurlèrent Andrew et Ivy en même temps.
Le fantôme projeta le paternel jusqu'à l'autre bout de la pièce. Il atterrit brutalement contre l'armoire dans un bruit sourd avant de s'écrouler sur le sol, le souffle coupé.
— Papa ! s'horrifia Ivy.
Andrew s'était précipité vers lui mais le spectre qui semblait gagner en vitalité d'instant en instant, se retourna vers lui.
— Confringo ! se risqua l'aîné mais c'était sans effet.
Andrew tenta d'autres sortilèges mais tous étaient inefficaces. A reculons, il avait gagné la hauteur de son père qui se relevait avec difficulté des débris de l'armoire.
— Andrew ! Attention ! hurla Ivy en voyant le fantôme foncer droit vers lui.
Il flottait au-dessus du sol, le bras tendu vers le jeune homme. Puis, sans qu'il ne le comprenne, sa trachée se compressa et il lui devint impossible de respirer.
Révulsée qu'on s'en prenne à sa famille, le sang d'Ivy ne fit qu'un tour. Elle se décolla de l'encadrement de la porte, où elle était cachée et brandit les mains vers l'esprit frappeur.
— Argh ! Crève sale merde ! hurla-t-elle en forçant sa psychée.
— IVY ! Non ! beugla son père en écarquillant les yeux d'horreur.
Trop tard. Ivy avait déjà percé sa barrière mentale et elle se retrouva submergée par une fumée grise épaisse et sans fin. Il n'y avait rien. Son esprit était vide et était seulement rempli de ténèbres.
À l'intérieur, tout était vide. Sans sortie. Sans issue. Un néant infini.
Très vite, la Serpentard comprit qu'elle était prisonnière. Son cœur se mit à pulser et elle perdit le contrôle sur son environnement et son propre corps. Elle s'entendît s'écrouler sur le sol, incapable de maintenir la connexion entre ses jambes et sa tête.
Elle fut sur le point d'abandonner lorsqu'elle sentit soudainement une prise ferme et puissante l'agripper par derrière. Comme si elle venait d'être ramenée violemment vers la surface, elle sortit de la tête du spectre et reprit ses esprits, le souffle court.
Au-dessus d'elle, deux yeux gris remplis d'inquiétude la dévisageaient. Elle battit des cils quelques instants avant de reconnaître son père.
— Leçon numéro une : ne jamais pénétrer l'esprit d'un fantôme ! somma Adrian, alarmé.
Ivy se releva sur ses coudes, le regard encore perdu dans le vague.
— Le feu, souffla-t-elle. Ce spectre a horreur du feu.
— Comment tu le sais ?! hallucina son frère.
— J'en sais rien ! Une intuition c'est tout ! Faites cramer cette pétasse c'est tout ce que je dis !
Adrian ne se le fit pas répéter. Il se plaça devant ses deux aînés et brandit sa baguette vers le spectre qui était retourné terroriser Ellie.
Dès qu'il comprit ses intentions, il ouvrit une nouvelle fois la bouche et un son aigu beugla dans toute la maison. Tous se bouchèrent les oreilles en hurlant de douleur.
Alors que l'infrason lui bousillait le tympan et que Ivy perdait patience, elle vit sa baguette magique coincée entre les doigts de sa sœur.
Ellie ! Utilise ma baguette !
La brunette releva ses yeux terrorisés vers sa famille. Elle prit conscience qu'elle n'était plus seule dans la pièce et qu'à présent, tous pouvaient voir le fantôme qui la hantait depuis des mois.
— Je sais pas faire de magie ! cria-t-elle.
Adrian, qui protégeait ses aînés mais était maîtrisé à cause de l'attaque sonore, comprit les intentions du spectre et tout fit sens.
— Si Ellie ! Tu le peux ! l'encouragea-t-il. C'est l'esprit frappeur qui se nourrit de tes pouvoirs mais tu peux le vaincre ! Tu es une sorcière !
— Vas-y Ellie !
— Tu peux le faire ma puce !
Les yeux noisettes de la jeune fille étaient ruisselants de larmes. Elle renifla sa peine comme si cela allait lui donner du courage et renforça sa prise sur la baguette d'Olivia.
— Je sais même pas quoi faire, gémit-elle.
Incendio ! lui souffla Ivy. Laisse la magie t'envahir et brandit ta baguette ! Tu peux le faire Ellie !
— Vas-y chaton ! encouragea Adrian, les oreilles ruisselantes de sang, à présent.
La petite fille hocha la tête, ferma les yeux et inspira calmement avant de brandir son arme.
— INCENDIO !
Rien ne se produisit.
Du moins pas tout de suite. Car cinq secondes après, le sol se mit à trembler et un énorme jet de flammes tout droit venu des enfers sortit de la baguette que tenait Ellie.
Le feu galopa jusqu'à l'esprit frappeur qui se retrouva carbonisé en quelques instants. Il s'embrasa en poussant un cri d'agonie à glacer le sang.
L'instant d'après, il avait disparu en un tas de cendres. Puis le calme revint.
Haletant et le souffle court, la famille Potter se remettait de ses émotions.
Ils s'observaient encore avec des yeux ahuris, comme s'ils parvenaient difficilement à réaliser les évènements des derniers instants.
Venaient-ils vraiment de combattre un poltergeist ?
Ellie se réfugia dans les bras de son père en pleurant. Il la berça doucement contre lui en déposant des baisers sur sa tempe.
Andrew et Ivy eux, soufflèrent de soulagement.
— Bon et bien…, intervint le Gryffondor. La bonne nouvelle à tout cela, c'est qu'Ellie a fait ses preuves : elle est plus que jamais une sorcière.
À cette pensée, Ivy hallucina lorsqu'un grand hibou gris passa par la fenêtre pulvérisée pour venir se poser sur le sol, juste devant la jeune fille de onze ans, avec une enveloppe blanche et carrée attachée à sa patte.
Ivy reconnut le cachet de cire. Il ne faisait aucun doute : c'était une lettre de Poudlard.
Après l'incident
La famille Potter était rassemblée dans une chambre de l'hôpital Sainte Mangouste. Tous encadraient le lit dans lequel la petite Ellie semblait reprendre des forces. Elle sirotait joyeusement une brique de jus de citrouille pendant que sa mère était assise à ses côtés et lui caressait le crâne, ne manquant pas d'y déposer de tendres baisers.
Son père et son frère, eux, étaient plantés devant le lit, un certain soulagement lisible sur leurs visages si semblables. Les deux hommes croisaient les bras sur la poitrine et Ivy, affalée sur le seul siège de la chambre, constata combien ils se ressemblaient. Surtout depuis cet été, depuis que Andrew avait gagné dix centimètres en taille. À présent, il mangeait sur la tête de son paternel. Seule la teinte bleutée de ses iris différait.
Ivy était la seule de la fratrie à avoir hérité du regard d'acier de son paternel. Cette dernière, bien que secouée par les événements, ne montrait rien. Au contraire, plus elle sortait de sa zone de confort, plus elle se montrait insensible et nonchalante.
Bien qu'à l'intérieur, elle bouillonnait de rage et d'inquiétude. Comment sa sœur avait-elle fait pour subir les attaques mentales d'un esprit frappeur pendant tout ce temps ? Et pourquoi ne l'avait-elle pas crue lorsqu'elle lui avait parlé de la Dame Grise ? Pourquoi n'avait-elle pas décelé la présence du poltergeist plus tôt ? Elle aurait dû se méfier. Elle aurait dû protéger Ellie.
Alors que la jeune protégée se remettait de ses émotions, une explosion de voix et de cris surgit depuis la chambre voisine. La famille Potter sursauta et Ivy ricana.
— Y'en a qui ont besoin de laver leur linge sale en public visiblement…, commenta-t-elle en nettoyant ses ongles.
— C'est la famille Rowle, lui apprit sa mère. Ils ont été admis il y a une heure. Une meute de loups-garous a attaqué leur manoir cette nuit. La mère est morte il y a peu de ses blessures et... Je suppose que c'est leur fils qui crie, à côté.
— Pourquoi ça ?! s'horrifia Ellie.
— Parce qu'il a mal, répondit Adrian.
Ivy cilla.
Le teint de son père était blafard. Au ton des supplications, elle devinait que le fils des Rowle devait être jeune. Certainement l'âge d'Ellie, tout au plus. Ses cris de douleur emplissaient sa chambre et se répercutaient sur les murs de l'hôpital. La peine, la souffrance et la rage étaient les trois émotions qui se démarquaient le plus et qui l'assaillaient aussi violemment qu'une gifle. Une gifle qui ne s'arrêtait jamais.
Comme une éponge, les legilimens ressentaient tout. Comme si c'était eux qui souffraient. Si Adrian avait appris à embrasser son don, sa fille en était encore loin. Mal à l'aise, elle se releva de son fauteuil. Des frissons se répandaient sur tout son corps. Elle avait chaud et froid en même temps. Livide, elle s'éclipsa de la chambre sans un mot.
— Qu'est-ce qui lui prend ? s'étonna Andrew.
— Laisse, retint Adrian en posant une main sur le bras de son fils. Elle a besoin d'être au calme.
Ivy pressa le pas dans le couloir, une nausée lui remontant l'œsophage. Elle voulait sortir d'ici. Le plus vite possible. Elle n'en pouvait plus, elle suffoquait. Elle avait toujours eu en horreur les hôpitaux…
Le jeune garçon avait la peau écorchée à vif, son hémorragie ne cessait pas et la perte subite de sa mère renforçait son traumatisme. La jeune fille tourna à toute gauche et s'engagea dans une nouvelle aile du bâtiment, aussi rapide que si la Mort était à ses trousses.
Mais elle entendait toujours les cris du garçon. Comme si ce n'était pas suffisant, bientôt tous les maux des patients l'assaillirent.
Vite, protège-toi. Protège-toi. Remets ta cape !
Sans détour, Ivy s'engouffra dans les toilettes publics, poussa violement du coude une jeune femme qui attendait son tour et lui passa devant, sans état d'âme. Elle claqua la porte du cabinet avec violence, se retourna et dégobilla aussitôt dans les toilettes.
Fiévreuse et pantelante, la jeune fille inspira profondément, érigeant mentalement une barrière invisible entre son esprit et les souffrances environnantes. Une longue goutte de sueur perla le long de son échine et mouilla son tee-shirt, imbibé de transpiration.
Garde bien ta cape. Inspire. Expire.
C'était la voix de son père qui résonnait dans son crâne. Sa cape. Cette image mentale qui l'aidait à se protéger dès qu'elle se sentait perdre le contrôle. Dès que ses émotions prenaient le dessus, elle revêtait sa cape d'invisibilité et se fondait dans la masse. Tout ne redevenait plus que calme et... Et néant.
Soit elle ressentait tout, soit rien. Il n'y avait pas de juste milieu. C'était ce que son père lui avait expliqué. C'était là toute la vérité de leurs pouvoirs.
Ivy préférait de loin le néant.
La jeune fille passa le revers de sa main sur sa bouche et chassa toute trace de sa potentielle faiblesse. Reprenant le contrôle, sa cape mentale l'enveloppa et chassa au loin toutes les plaintes et les gémissements environnants.
Quelle idée de travailler dans un hôpital ! pensa-t-elle en tirant la chasse d'eau.
En ressortant, la femme a qui elle avait volé sa place ne tarda pas à exprimer son mécontentement. Ivy lui répondit d'un geste obscène, de mauvaise humeur.
Lorsqu'elle regagna les longs murs blancs de l'hôpital, elle expira de soulagement. Elle n'entendait plus rien.
— Ivy !
La brune sursauta. Elle fit volte face et observa son meilleur ami, présent, devant elle.
— Cole ? hallucina-t-elle. Qu'est-ce que tu fous ici ?!
Cole avait toujours été grand et bien portant pour son âge. À quatorze ans, il dépassait de deux têtes la Serpentard qui l'observait avec surprise.
— Ma mère m'a prévenu, pour l'hospitalisation d'Ellie. Elle va bien ?
La mère de Cole était infirmière au service des Urgences de Sainte Mangouste. Elle avait donc dû le prévenir dès que le nom "Potter" était apparu sur le registre des admissions.
— Ouais ça va, grommela la brune en roulant des yeux. T'as des clopes ?
Cole acquiesça et tapota la poche avant de son jeans. Satisfaite, Ivy décampa et prit le chemin de la sortie, supposant qu'il la suivrait. Et c'est ce qu'il fit. D'une loyauté sans faille, le grand brun escorta son amie jusqu'au fumoir.
— Qu'est-ce qui s'est passé ? osa demander le Serdaigle lorsqu'ils rejoignirent l'espace pour fumeurs.
— Rien, grogna la brune en se servant dans le paquet que son ami lui tendait.
— Ivy, souffla Cole en roulant des yeux.
Son regard gris se posa sur Cole Mulciber, son seul ami depuis toujours.
Être legilimens et hypersensible au monde qui l'entourait l'empêchait de nouer de véritables relations d'amitié avec autrui.
Mais avec Cole, c'était différent. Ils s'étaient toujours cotoyés. Depuis la naissance. Les deux étant nés un 6 novembre, tard dans la nuit.
— Qu'est-ce qui t'arrive Mulcibouboule ? taquina la brunette en remontant ses yeux sur le jeune homme.
Elle savait ce qu'il lui arrivait. Il voulait qu'elle lui explique. Qu'elle se confie. Mais il ne répondit pas. Il se contenta de lui adresser un regard noir qui lui glaça le sang.
Cole était aussi doué qu'elle pour frigorifier son audience sur place. Avec ses prunelles d'un bleu profond, presque noires, il donnait l'impression d'être aussi terrorisant qu'un Détraqueur. Du haut de son mètre quatre-vingt pour seulement quatorze ans, personne n'osait s'approcher du Serdaigle si calme et si mystérieux. En réalité, Cole était une eau trouble simplement endormie. Ivy le savait et bien qu'elle s'amusait toujours à le pousser à bout, ce n'était jamais sans une certaine peur.
— Ne m'appelle pas comme ça, somma-t-il froidement.
Le sourire carnassier d'Ivy s'accentua. Elle avait enfin retrouvé sa cible favorite sur qui passer ses nerfs.
— Pourquoi, ça te dérange, Mulcibouboule ?
Ivy vient tâter la poignée d'amour de son meilleur ami mais étrangement, cette fois-ci, elle ne rencontra pas le bourrelet habituel qu'elle adorait chahuter. À la place, sous son gros sweat épais, c'était de véritables obliques galbés que la jeune fille palpa. Cole recula de plusieurs pas et la foudroya sur place.
— Hey bah alors ! s'extasia la brunette en reluquant le garçon de la tête aux pieds. Tes entraînements de Quidditch finissent par payer, on dirait !
Cole détestait le Quidditch mais tous les étés, il partait aider son oncle français dans sa boutique de potions. Il l'aidait à charger et décharger le gros matériel pour l'année à venir et force était de constater que le jeune homme avait perdu ses rondeurs enfantines.
À vrai dire, à ce moment même, Ivy remarqua un net changement chez son ami. Sa voix ne partait plus dans des aigus. Elle était ronde, chaude et grave. Sa mâchoire était plus carrée, son arcade sourcilière plus prononcée, renforçant cette sensation d'être lue comme un livre ouvert dès qu'il posait les yeux sur elle et ses épaules s'étaient élargies. Cole n'avait plus rien d'un gamin.
— Va te faire foutre, répondit le Serdaigle. Je déteste toujours le Quidditch, rien n'a changé en un été.
— Oh si, moi j'en vois du changement, ricana la brune en lui adressant un sourire entendu.
Cole roula des yeux. Il perdait patience et Ivy le savait. Mais elle avait trop besoin de se défouler.
— Je sais même pas pourquoi je suis venu, rembarra le jeune homme.
— Pour me dire au revoir ? supposa la brune, souhaitant volontairement changer de sujet.
— Te dire au revoir ?
— Oui ! Ça y est ! Mes parents ont dit oui pour Durmstrang ! jubila la jeune fille.
— Tu leur en as enfin parlé ? s'étonna Cole.
— Ma mère connaît mon projet depuis des mois donc ce n'était pas elle que je devais convaincre. Tout à l'heure, juste avant qu'Ellie se fasse attaquer par un poltergeist qui hantait la maison depuis onze ans, mon père a enfin dit oui.
Une lumière passa dans le regard de Cole. Il comprit enfin ce que la famille Potter faisait ici mais il n'insista pas plus, sachant que ce n'était pas en posant des questions qu'il aurait ses réponses.
— Donc ça y est, tu pars ?
— Oui, il semblerait bien. Je vais faire mon dossier et tu ne me reverras plus jamais.
— Tant mieux, grommela Cole.
Ivy s'esclaffa et les deux amis échangèrent un regard complice.
— Tu ne me manqueras pas, insista-t-il.
— Toi non plus, minauda Ivy en envoyant sa fumée de cigarette au visage du grand brun.
Cole se laissa enfumer mais son regard noir dissuada Ivy de recommencer ne serait-ce qu'une nouvelle fois. Elle s'humecta les lèvres, cherchant ses mots mais dès qu'elle sentit le regard du garçon se poser sur elle, elle se ravisa.
— T'étais pas obligé de venir, je vais bien.
— C'est pas pour toi que je suis là, contredit Cole en lui envoyant à son tour une fumée de cigarette au visage.
Les deux amis se défièrent du regard, un sourire narquois figé sur leurs lèvres. Le jeune homme écrasa sa cigarette sous sa chaussure puis remonta lentement le visage vers son amie. Il sonda Ivy du regard, comme si c'était lui le legilimens. Comme s'il la connaissait mieux qu'elle ne se connaissait elle-même.
Ses lèvres ne formaient plus qu'une ligne mince et Ivy se maudit qu'elle ne put lire ses pensées. Elle ignorait pourquoi, mais elle avait toujours été incapable de lire en lui. C'était le seul à lui résister.
— Qu'est-ce-qu'il y a ?
— Rien, élucida-t-il en relevant les yeux vers l'horizon.
Irritée, la jeune fille fit claquer sa langue d'agacement. Elle écrasa son mégot contre le mur et coinça ses bras sous la poitrine. Cole lui, réprima un ricanement.
Donnant-donnant.
Cole l'avait forcée à l'échange de bons procédés depuis des années. Si elle ne disait rien, alors il ne lui dirait rien non plus. Parfois les deux amis étaient capables de rester ainsi des jours sans s'adresser la parole.
— Tu es trop envahissant, souffla Ivy, en fronçant les sourcils.
Un éclat de fureur contenue reluit dans les iris sombres du jeune homme. Il déglutit avec difficulté, comme s'il se retenait de clouer la brunette au mur. Puis brutalement, il s'empara de son menton et plongea son regard gorgé de ressentiments dans le sien.
— Toi tu es insupportable.
La jeune fille se dégagea de sa prise, non sans le lâcher des yeux. Ils se considérèrent quelques instants silencieusement, sachant pertinemment que leur amitié fonçait droit dans un mur depuis maintenant quelque temps.
Depuis qu'elle était devenue Legilimens, elle s'était encore plus refermée sur elle.
Ivy était un mur de glace qui ne se laissait pas approcher. Cole le savait et la comprenait mais il était las d'espérer qu'elle s'ouvre. Aussi, il n'était pas stupide. Il savait pertinemment qu'une fois partie à Durmstrang, Ivy ne donnerait plus jamais de ses nouvelles.
— Pourquoi se donner du mal pour quelqu'un d'aussi frigide que toi ? lança-t-il soudainement.
Sa réplique fusa comme du venin et percuta Ivy de plein fouet. Elle cilla et un poids de plomb se logea dans sa poitrine. Pourtant, elle se reprit aussitôt et renvoya un air empli de dédain au grand brun qui la surplombait de vingt centimètres.
— Je crois qu'on s'est tout dit, termina-t-elle.
— Je crois aussi.
Furax, la brunette se décolla du mur et bouscula le Serdaigle d'un coup d'épaule. Et lorsque la porte du fumoir claqua derrière elle, Cole su alors que c'était la dernière fois qu'il voyait son amie.
— Ellie je vais boucler ton dossier, rhabille-toi ma puce, tu peux t'en aller, signala Juliet à sa fille.
— Tu te sens comment ? demanda une dernière fois Adrian à sa benjamine.
— Ça va, formula la concernée, encore assise sur son lit d'hôpital. Je peux vraiment m'en aller ?
Les parents de la jeune fille lui accordèrent un sourire rassurant. Pourtant, elle n'arrivait pas totalement à les croire. Une partie d'elle craignait de devoir rentrer à la maison et de recroiser encore ce regard noir et terrifiant.
La brunette prit sur elle et cacha ses craintes. Elle déglutit puis sourit.
— Je vais chercher un snack, prévint Andrew. Tu veux quelque chose Ellie ?
— Peut-être qu'on pourrait tous aller manger un bout quelque part ? suggéra Juliet. Je me suis arrangée avec un collègue pour la garde de cette nuit. Avec ce qui s'est passé, je n'ai pas envie de laisser Ellie toute seule.
Elle s'adressa à son époux qui acquiesça.
— Bonne idée. On te laisse Ellie, on t'attend à l'accueil.
La jeune fille approuva silencieusement. Son père lui baisa la tempe avant de passer son bras derrière la nuque de sa mère. Eux et Andrew la laissèrent au calme dans sa chambre.
Dès qu'elle se retrouva à nouveau seule, ses pulsations cardiaques se remirent à pulser. Ellie se sentait à l'étroit, là dans cette pièce isolée, fade et sans couleur. Pourtant elle devait se faire à cette idée : La Dame Grise avait disparu. Elle l'avait tuée.
Elle. Ellie Potter.
Elle qui pensait être une cracmol avait finalement fait une démonstration de magie de haut niveau.
Encore sceptique, la brunette se leva de son lit. Elle retira sa blouse blanche d'hôpital et s'empressa de renfiler son jeans et son tee-shirt. Lorsqu'elle regagna ses baskets, un bruit mat et sourd résonna contre sa fenêtre.
Ellie sursauta, manquant de pousser un cri avant de se rendre compte que ce n'était qu'un hibou posté devant les vitraux de l'hôpital.
Respire Ellie. Tout va bien, se persuada-t-elle.
Elle contourna son lit et vint ouvrir à l'animal qui lui tendit sa patte. L'enveloppe était blanche et carrée, comme celle qu'elle avait reçue il n'y avait même pas deux heures de cela. Lorsqu'elle reconnut le cachet de cire de Poudlard, le doute d'avoir été acceptée puis refusée fusa dans son esprit.
NON ! Ils ne peuvent pas lui refuser Poudlard. Pas maintenant ! Elle était une sorcière ! Elle l'avait pourtant bien prouvé !
La brune s'empressa de retourner l'enveloppe et elle fut aussitôt soulagée.
Monsieur Alexander Rowle,
Chambre 403, Hôpital Sainte Mangouste,
Londres, Angleterre.
Cette lettre n'était pas pour elle. L'oiseau s'était trompé de chambre.
Ellie expira longuement en reprenant ses esprits. Tout va bien. Tu es une sorcière.
La jeune fille rassembla ses affaires et quitta sa chambre, fin prête. Elle donna un coup d'œil alternatif dans le couloir pour s'apercevoir que sa famille n'était plus là. Ils devaient certainement tous l'attendre à l'accueil.
Elle en profita alors pour s'intéresser à la porte à côté de la sienne. Sur un panneau affichait bien le nom d'Alexander Rowle. Le garçon qui avait hurlé la mort il y a pas moins d'une heure.
À présent, c'était le calme qui régnait.
Ellie se risqua à frapper à la porte mais elle ne reçut aucune réponse. Elle s'engagea alors dans la pièce, plongée dans le silence et la pénombre. Au fond de la chambre, couchée sur le côté, elle distingua une masse enfouie sous des draps blancs.
Elle ne bougeait pas. Elle ne parvenait même pas à entendre sa respiration.
D'un pas hésitant, Ellie s'avança dans la chambre, la lettre à la main. À mesure qu'elle s'avançait pour déposer l'invitation de Poudlard sur la table de nuit, son palpitant s'accéléra et sa gorge se serra.
Elle n'avait jamais vu pareille horreur.
Un brun, qui semblait endormi, lui tournait le dos. Elle avait les yeux posés sur ses écorchures qui lui balayaient toute la colonne vertébrale. Certaines griffures, plus superficielles, étaient embaumées dans des pansements au dictame mais la plus grosse, elle, était béante et semblait réluctante à se refermer.
Sans doute ne guérira-t-il jamais. La gorge serrée, la jeune fille n'osait imaginer combien tout ceci devait être douloureux.
Aussi discrètement que possible, elle posa délicatement la lettre sur le chevet.
— Qui est là ?
Ellie sursauta.
— Euh… Je…. Un hibou a déposé une lettre pour toi. Il s'est trompé de chambre et je…
Le garçon tendit la main, elle aussi blessée car embaumée dans des bandages qui sentaient fort l'armoise. Il ne pouvait pas se retourner car sa blessure au dos, encore trop fraîche, l'empêchait de faire le moindre mouvement.
Ellie se décida alors à contourner le lit.
Elle remarqua d'ailleurs que les volets à la fenêtre étaient refermés, ce qui expliquait pourquoi le hibou avait dû aller frapper à la sienne.
Elle se planta devant ledit Alexander qui l'observait en silence, les paupières mi-closes tant il était éprouvé par les récents événements.
— Je… Je crois que c'est Poudlard, tenta d'encourager la brunette en lui donnant la missive.
Sans prononcer la moindre parole, le garçon récupéra l'enveloppe blanche et la garda auprès de lui sur le lit, sans l'ouvrir. Il ferma les yeux et ignora Ellie.
— Euh… Tu, tu as besoin d'aide ? se risqua-t-elle.
— Pour ? grogna-t-il en rouvrant les paupières.
Cette fois-ci, elle se confronta à un regard vert émeraude et menaçant.
— Pour ta lettre, formula-t-elle, mal à l'aise.
— Je sais encore décacheter une lettre, merci. De toute façon, je sais ce qu'elle contient.
— Oh… Tu as de la chance… Moi j'ignorais que j'étais une sorcière jusqu'à encore ce matin, tenta de blaguer Ellie en souriant.
— Ouais c'est clair, j'ai vraiment beaucoup de chance, grommela Alexander en roulant des yeux.
Sa réaction lui provoqua une douleur dans le dos et il grimaça aussitôt. Le sourire d'Ellie s'effaça. Merde…
Tu es stupide Ellie ! Ce garçon vient de perdre sa mère et est certainement voué à vivre dans d'atroces souffrances jusqu'à la fin de sa vie !
— Désolée, s'excusa-t-elle. Mais tu sais, il existe de très bonnes potions maintenant.
Alexander ne répondit pas. Il se contenta de fixer la jeune Potter avec indifférence, attendant certainement qu'elle parte et le laisse enfin tranquille.
— Tu es une Potter, pas vrai ? devina-t-il.
— Euh… Oui. Comment tu sais ?
— Votre tendance à toujours penser que les autres ont besoin de vous.
La réplique d'Alexander fut aussi puissante qu'une gifle. Ellie papillonna des cils et s'humecta les lèvres, embêtée.
— C'est vrai qu'on a pas très bonne réputation, nous les Potter, accorda-t-elle. Mais nous au moins, on sait être reconnaissants.
La jeune sorcière s'apprêtait à partir et à planter le malade sur place lorsqu'elle surpris un sourire amusé apparaître sur ses lèvres.
Alexander roula des yeux puis la défia du regard.
— Votre égo est encore plus gros qu'on ne le dit, susurra-t-il.
Ellie se durcit aussitôt. Son sang ne fit qu'un tour dans ses veines. Elle s'approcha débordante de colère du jeune homme et se posta au niveau de son oreille.
— Insulte encore une fois ma famille, Rowle et je viendrai abréger tes souffrances, chuchota-t-elle.
— Tu ne m'aimes pas assez pour me rendre ce service, répondit le brun.
Ellie recula de deux pas, heurtée par ses propos. Comment pouvait-il sortir de telles choses ? Avait-il mal à ce point ?
Elle fronça les sourcils tandis qu'Alexander semblait se repaître de sa réaction.
— On se reverra à l'école, Potter, termina-t-il avec un sourire insolent.
— Complètement taré, souffla la brune, scandalisée.
Elle secoua la tête de droite à gauche avant de déguerpir de la chambre d'hôpital. Alexander Rowle était un grand malade !
Encore déstabilisée par son entrevue, Ellie finit par rejoindre sa famille. Dès que ses parents l'aperçurent, un sourire radieux se dessina sur leurs visages.
— Fin prête ? demanda Adrian.
— Oui !
— Quelqu'un a vu Ivy ? s'enquit Andrew.
— Pas depuis qu'elle nous a quitté, indiqua Juliet.
— Elle doit être dehors, rassura le paternel. Elle prend l'air.
Juliet ne remit pas en question l'intervention de son époux, elle savait que lui et sa cadette partageaient beaucoup en commun et parfois, si beaucoup de choses lui échappaient, elles n'échappaient pas à Adrian. Adrian comprenait Ivy.
— Je vote pour un Burger Witch ! s'exclama Andrew.
— Je vote pour ! jubila Ellie en écarquillant les yeux.
Juliet éclata de rire et entraîna ses enfants vers la sortie.
— Va pour un Burger Witch alors !
De retour à la maison des Potter
— Ivy ?
Plongée dans la pénombre et sous les draps frais, Ivy ne répondit pas tout de suite à l'appel de sa petite sœur. Elle ferma les paupières et tenta de se concentrer sur son sommeil qui ne venait pas. Bien que ce fut l'été et que toutes les fenêtres de la maison avaient été réparées, elle entendait le vent siffler contre.
Exaspérée, elle se retourna dans son lit et coinça sa couverture entre ses jambes pour tenter de trouver une position adéquate.
Ce fut pourtant lorsqu'elle entendit toquer une dernière fois qu'elle fut finalement prise d'un pincement au cœur.
À travers la porte en bois, elle sentait la peur.
Ellie avait peur. Ses émotions se dégageaient comme une fumée épaisse qu'Ivy était obligée d'inspirer. Alors, aussi furtivement qu'un animal sauvage pris en chasse, elle se camoufla. Elle revêtit sa cape mentale pour s'obliger à ne plus rien ressentir.
Pour autant, elle agrippa la baguette d'Oliva, que ses parents lui avaient finalement accordé de garder, l'agita et sa porte s'ouvrit. En chemise de nuit et dans la pénombre, elle distingua la frêle silhouette de sa sœur qui frissonnait de peur à vue d'œil.
— Viens, grogna Ivy en se décalant dans son lit.
Ellie ne se fit pas prier. Elle pénétra la chambre de sa sœur et referma soigneusement la porte derrière elle. Puis, sans attendre, elle vint se glisser sous les draps.
Lui tournant le dos, elle faisait seulement face à un tee-shirt de Quidditch que sa sœur portait pour dormir. Elle sentait son poids sur le matelas et sa chaleur, mais pour rien au monde, Ellie n'aurait pris le risque de se serrer contre elle. Elle n'était pas suicidaire.
— Merci, souffla doucement Ellie, encore hésitante.
— Mhum, grogna la concernée.
Ellie expira de soulagement. Elle était cachée ici. Elle était dans l'antre secrète de sa sœur. Ici, on ne pouvait pas l'attaquer. Ivy prendrait forcément sa défense, elle en était persuadée.
— Ivy ?
Pas de réponse.
— Ivy ?
— Est-ce que je dois t'égorger moi-même pour avoir la paix ?! lança l'aînée en se tournant brusquement sur le dos pour faire face à sa sœur.
Ellie distingua ses deux billes grises et froides, aussi tranchantes que des lames de rasoirs. Elle déglutit avec difficulté puis rassembla son courage pour l'affronter.
— Je… Tu crois que tu pourrais m'accompagner demain ? formula-t-elle doucement.
— Pour ?
— Chez Ollivander's, avoua Ellie, la gorge serrée.
Les traits d'Ivy se détendirent aussitôt. Elle expira bruyamment avant de hausser les épaules.
— Ouais. Si tu veux.
— Tu crois qu'ils auront une baguette pour moi ?
— Certainement.
— Mais toi, tu préfères celle de grand-mère Olivia, fit remarquer Ellie.
— Elle est plus puissante. J'aime ce qui est puissant, avoua Ivy. Mais l'autre me convenait bien aussi. T'en fais pas, tu en trouveras une qui te correspond.
— D'accord.
Le silence revint. Ivy ferma les yeux mais elle savait que sa petite sœur ne dormait pas pour autant. Après ce qu'elle avait vécu, c'était normal. Qui pourrait s'endormir tranquillement comme si de rien n'était après avoir été terrorisé pendant des mois par un esprit frappeur ?
— Je peux te l'enlever de tes souvenirs, si tu veux, proposa finalement l'aînée. La Dame Grise.
Ellie ne répondit pas tout de suite.
— Non. Je veux m'en souvenir. Si jamais elle…
— Elle ne reviendra pas, Ellie. Tu l'as tuée. Ses cendres ont été enterrées, elle n'a plus de raison de revenir.
— Je sais mais…, hésita la jeune Potter. Elle voulait mes pouvoirs. Elle était là pour ça.
— Jusqu'à aujourd'hui, tu ignorais que tu en avais. Alors comment veux-tu...
— Parce que maintenant c'est clair. Tout s'assemble, expliqua la jeune fille. C'est un peu comme un puzzle tu vois ? Jusque-là certaines pièces étaient floues et maintenant… Tout est clair.
Ivy ne répondit pas. Pour autant, elle garda en mémoire la phrase de sa sœur.
— Et tu sais ce qu'ils sont, tes pouvoirs ? tenta-t-elle.
— Non, avoua Ellie. Mais quand j'ai envoyé le sortilège de feu pour la première fois, j'ai senti que… que ce n'était qu'une toute petite partie de mes réserves. Comme si je savais que je pouvais faire mieux. En cent fois plus fort. Peut-être même plus.
— Tu t'es sentie puissante, comprit Ivy en cachant un sourire.
— Oui.
— Et tu as aimé ? Cette sensation.
Elle tourna la tête vers sa jeune sœur. Ces dernières s'observèrent dans la nuit avant qu'Ellie n'esquisse un sourire.
— Oui, j'ai aimé.
— Mhum… Tu finiras peut-être chez Serpentard après tout !
— Non ! Hors de question, nia en bloc la brunette. Moi je veux être une Poufsouffle.
Ivy éclata d'un rire moqueur. Elle se tortilla dans son lit alors qu'Ellie s'impatientait.
— Je suis sérieuse !
— Oh moi aussi je suis sérieuse, pouffa Ivy, hilare. Chez les blaireaux ? Vraiment Ellie ?! Noooon. T'es pas comme ça.
— Fais la maligne, en attendant aujourd'hui tu avais plus des qualités de Poufsouffle que de Serpentard, répliqua la petite Ellie avec un sourire fier sur les lèvres.
— Je te demande pardon ?! hallucina Ivy en se relevant sur ses coudes.
Choquée par les propos de sa sœur, elle l'observa avec deux grands yeux écarquillés, ce qui fit rire la plus jeune.
— Tu as été loyale aujourd'hui, élucida la brunette.
— Et toi tu es toujours aussi casse-couilles, marmonna Ivy en se laissant retomber sur le matelas.
Elle tourna volontairement le dos à sa sœur, vexée qu'on l'ait comparée à une Poufsouffle. Ivy n'était PAS une Poufsouffle. Jamais !
Ellie, elle, souriait et observait le plafond décoré des constellations du ciel. Elle les remarqua seulement à cet instant, n'ayant jamais eu l'occasion de les admirer avant pour la simple et bonne raison qu'Ivy lui refusait habituellement l'entrée la nuit.
— Ivy ? demanda une nouvelle fois la jeune Potter.
— Quoi encore ? grogna-t-elle.
— Est-ce que… Est-ce que tu as déjà été amoureuse ?
La question d'Ellie tomba aussi soudainement que violemment. Ivy cilla. Un poids de plomb s'était logé dans sa gorge et elle fut incapable de respirer.
— C'est quoi tes questions encore ?! se braqua-t-elle.
— Je sais pas, je demande… Je me pose des questions, c'est tout, élucida Ellie en haussant les épaules.
— T'es tombée amoureuse de la Dame Grise, c'est ça que tu es en train de me dire ? se moqua l'aînée en la chahutant d'un coup de coude.
Ellie pouffa de rire.
— Non mais… Comment sais-tu que tu es amoureuse ?
Bon sang, elle est vraiment sérieuse ! pesta Ivy en marmonnant dans sa barbe.
— J'en sais rien. Je ne l'ai jamais été.
— Ah. Même pas un tout petit peu ?
— Non.
La réponse froide et détachée d'Ivy dissuada Ellie de continuer. Elle soupira lourdement et tâcha de trouver le sommeil, résignée.
— Pourquoi ? demanda finalement sa grande sœur.
Ellie haussa les épaules. Heureusement, dans la nuit, Ivy ne pouvait pas voir que ses joues avaient pris une couleur cramoisie.
— Je… Je sais pas. Des fois je lis les romans de maman et…
— Mais ! Tu es beaucoup trop jeune pour lire ces trucs-là ! s'horrifia Ivy.
— On s'en fiche, je l'ai quand même fait ! C'est trop tard, grogna Ellie. Et donc, je disais, que parfois ça parle de…
— De cul ? se moqua Ivy.
— De quoi ? grimaça Ellie.
— Laisse tomber.
— Non, ça parle de… De coup de foudre.
Le cœur d'Ellie battait à tout rompre. Sa gorge était sèche et elle ignorait quelle folie l'avait poussée à parler d'un tel sujet avec sa grande sœur. Ivy allait sans aucun doute se moquer d'elle.
— Tu… Oh ! comprit la Serpentard. Tu as eu un coup de foudre ?! Mais avec qui ?!
— Je n'en suis pas certaine, justement, marmonna la jeune fille. C'est pour ça que je voulais t'en parler. Mais visiblement tu as un cœur de pierre.
— Je n'ai pas un cœur de pierre ! C'est juste que je ne vois pas ce que l'amour pourrait m'apporter.
— Tu vois ! Tu vois ça comme une source de profit ! s'écria Ellie en hallucinant.
— Tu devrais demander à Andrew pour ces trucs-là, rectifia Ivy en roulant des yeux. Il a un coup de foudre toutes les semaines.
— Ahah très drôle… Je sais que c'est faux.
— Possiblement. Andrew est juste le plus gros flemmard et le plus gros chanceux de tous les temps, grogna Ivy. Je te jure, il est archi nul au Quidditch et pourtant, lors des matchs il arrive à mettre des points décisifs au dernier moment ! Il ne bosse jamais ses cours, et il arrive toujours à garder la tête en dehors de l'eau. Il n'a jamais dragué une seule fois de sa vie, et pourtant les filles se battent pour sortir avec lui. Ce mec ne fait jamais rien ! Ça me rend dingue ! Tout lui est servi sur un plateau.
— Maman dit qu'il a une bonne étoile, rit Ellie.
— Ouais, certainement, souffla Ivy en roulant des yeux. Bref… Et du coup, c'est qui ton coup de foudre ?
— Je te l'ai dit, je n'en suis pas sûre.
Ellie croisa les bras sous la poitrine et réfléchit. Elle repensait encore à son regard et à son sourire moqueur. Lorsqu'elle s'était approchée de lui, elle avait senti comme un électrochoc la parcourir. Et pourtant… Il était détestable.
— Allez, crache le morceau Ellie. C'est qui ?
— Personne.
— Elliiiiiie ! Diiiiiis-le !
Les mains d'Ivy fondirent sur les côtes de sa sœur pour la chatouiller. La brunette réagit au quart de tour et se cabra dans tous les sens en éclatant de rire et se débattant.
— Ivyyyy ! Persoooooonne ! Arrête !
La Serpentard s'arrêta et se calma. Elle reprit convenablement sa place dans le lit, un sourire moqueur aux lèvres.
— Alexander Rowle alors ?
— IVY !
— Quoiiii ? Tu voulais rien dire !
— Tu m'as promis que tu ne lirais plus mes pensées ! s'enragea la jeune fille.
— Ça ne se contrôle pas ces choses-là, j'ai encore du mal tu sais, mentit la brune. Bon alors… Dis-moi tout !
— Parce que ça t'intéresse vraiment ? douta la petite Ellie, pas stupide pour un sous.
— Ouais, faut bien que je vive par procuration, se moqua Ivy. Ce n'est pas demain la veille que je vais être amoureuse.
— Même pas avec Cole ?
Silence.
Ivy perdit son sourire et se renfrogna sur elle-même.
— C'est différent avec lui. Je ne pourrai pas être amoureuse de lui, on se connait depuis trop longtemps. Il est comme mon frère.
— Pourtant l'autre jour je vous ai vu…
— Tu as mal interprété, coupa froidement Ivy. Cole et moi ne sommes… Rien. On est plus rien.
— Même plus amis ? s'étonna Ellie. Mais comment vas-tu faire sans lui ? Vous avez toujours été…
— Justement. Ce n'est plus possible maintenant. Et c'est mieux comme ça, se consola Ivy d'un ton décidé. Je vais partir à Durmstrang, vaut mieux que je ne garde aucune attache.
— Mais avec moi, Andrew et papa et maman tu vas garder une attache, pas vrai ?
— Évidemment.
— Alors pourquoi pas Cole ? S'il est comme ton frère. Ça te coûte quoi de…
— Ellie, tu peux pas comprendre. C'est compliqué. Donc le meilleur moyen de simplifier la chose, c'est juste de… couper les ponts. Sinon sans ça, je ne pourrai pas partir.
— Oh.
— Et je dois partir, tu comprends ça, Ellie ? insista la Serpentard en se tournant sur le côté pour lui faire face. Je dois aller à Durmstrang. Je sais que je dois aller là-bas. C'est… ma destinée, si on peut dire ça comme ça.
— Maman ne croit pas au destin, grommela Ellie.
— Tu devrais commencer à penser de toi-même et arrêter de répéter ce que ta moman dit, conseilla Ivy en roulant des yeux.
— Justement, je trouve qu'elle a raison. Elle dit qu'elle et papa étaient voués à être ensemble mais pas à se rencontrer. C'est quand même incroyable, non ?
— Ouais, génial.
— Le monde repose sur pleins de petits hasards ! s'enflamma Ellie. Et je trouve ça génial. Sinon ça voudrait dire qu'on est pas libre de faire ce qu'on veut de notre vie.
— Oui mais c'est sécurisant aussi, de savoir que de grandes choses t'appellent, contra l'aînée en réfléchissant. Bon alors… Monsieur Rowle ? Ou plutôt… Alex ? C'est quoi son petit surnom ?
Ellie éclata de rire.
— Le destin ne m'a rien dit à son sujet, contra la brunette.
— Ah merde. Je crois que le destin se moque de toi sœurette… À un si jeune âge, déjà flancher pour un bad boy…
— Qu'est-ce qui te fait croire que c'est un bad boy ?!
— Euh… Déjà si tu fais correctement les calculs, ma poule, tu comprendras très vite que ce type est dangereux. C'est un loup-garou maintenant Ellie !
— Justement, sourit la petite brune. Je trouve ça… intéressant. C'est peu commun.
Ivy marqua un moment de pause et observa sa sœur avec un sourire moqueur.
— Okay wahou… Toi ma fille, tu vas galérer. Le destin a clairement prévu de te faire galérer !
— Non de toute façon on s'est détesté dès qu'on s'est parlé, rechigna Ellie.
— Encore mieux ! jubila Ivy. "Enemies to lovers", un classique Ellie ça. D'abord vous vous détestez puis la tension sexuelle devient si intense que…
— J'ai onze ans ! hurla de dégoût Ellie.
— Oui mais je te parle dans quelques années, calme-toi. Non, là, pour l'instant, tu vas simplement le retrouver à Poudlard, le détester et lui hurler dessus dès que tu le croiseras dans un couloir puis… Je sais pas, un jour vous allez vous retrouvez en heure de retenue ensemble et puis… Il se passera ce qu'il se passera, dans cette pièce isolée de tous…
— Tu es tarée, rougit Ellie.
— Peut-être… Mais après tout, c'est toi la maîtresse de ton destin alors… Peut-être que je me trompe, ricana Ivy.
— Ok très bien… Dans ce cas, tu sais ce que le destin a prévu pour toi, Ivy Potter ? se moqua la jeune sœur en la pointant du doigt.
Le sourire carnassier d'Ivy s'accentua. Elle était toute ouïe et prête à écouter les divagations de la jeune sorcière.
— Fais-moi rêver !
— Toi, un beau jour, tu reviendras de Durmstrang. Et ce jour-là, quand tu reverras Cole, plus rien ne sera comme avant. Tu auras changé, ça c'est sûr. Mais lui aussi. Et vous allez lutter pour ne pas vous jeter dessus !
Ivy éclata d'un rire diabolique. Ellie roula des yeux, comprenant que sa sœur ne la prenait pas du tout au sérieux. Mais c'était vrai… Après tout, l'autre fois, elle les avait bien surpris très proches dans la cuisine. Ellie était peut-être jeune mais elle était certaine que si elle ne s'était pas manifestée, leurs deux bouches auraient fini par se rencontrer.
Bizarrement après ça, Cole était parti un mois en France dans sa famille et on ne l'avait plus revu.
— Ce sera tout Madame Irma ?!
— C'est toi qui a commencé !
TOC-TOC.
Les deux brunes sursautèrent dans le lit.
— Ivy ? chuchota une voix.
La Serpentard reconnut la voix de son frère. Elle se détendit aussitôt et lui ouvrit la porte avec sa baguette.
— Qu'est-ce que tu veux, Andrew ? grogna-t-elle.
Le jeune homme entra dans la chambre de sa sœur, un énorme grimoire coincé sous le bras. Lorsqu'il vit la petite tête d'Ellie émerger de sous la couette, il réprima un rire amusé.
— Qu'est-ce que tu fais là, toi ?
Ellie haussa les épaules, ne souhaitant pas avouer qu'elle avait peur de dormir toute seule.
— On parlait, défendit Ivy. Et toi alors ? Tu dors pas ?
— Non… Je te rappelle que ma chambre est à côté de celle de papa et maman et…
— STOP ! Je veux rien savoir ! beugla Ivy.
— De quoi vous parlez ?! interrogea Ellie, en fronçant les sourcils.
— Rien, répondirent les deux aînés en même temps.
Andrew, encore habillé de son jeans et de son tee-shirt, vint s'asseoir sur le bord du lit. Il alluma la lampe de chevet avant d'ouvrir en grand son grimoire.
— Tu es venue me demander le déchiffrage de l'alphabet ? demanda Ivy.
— Ahah très drôle Potter, lança froidement le Gryffondor en roulant des yeux. Je sais lire figure-toi !
— Nooooon, c'est vrai ?! Mais comment c'est possible ! hallucina la brune.
Ellie éclata de rire. Heureusement, Andrew était loin d'être susceptible. Il était d'un calme à toute épreuve. Il se contenta de sortir un joint roulé de sa poche et le coinça entre ses lèvres.
— Tu as besoin de te détendre Ivy ? proposa-t-il.
— Je t'interdit de fumer ce truc dans ma chambre !
— Moi je veux bien ! lança Ellie, toute joyeuse.
— NON ! rugirent en même temps les deux aînés.
— Mais pourquoi vous me traitez toujours comme un bébé ? rechigna la brunette.
— Parce que tu es un bébé.
— Tu as onze ans, calma Andrew. Tu as le temps. Profite encore de tes privilèges d'enfants !
— Oui mais Ivy, tu l'as jamais traitée comme un bébé, releva Ellie. Et pourtant c'est aussi ta petite sœur.
— Parce que Ivy n'a pas besoin d'être protégée, lança Andrew en roulant des yeux. C'est plutôt nous qui devons nous protéger d'elle !
La concernée roula des yeux. Elle aimait que son frère la considère d'office comme une menace bien qu'une partie d'elle était encore loin d'être redoutable. Une zone d'ombre mêlée de doutes demeurait en Ivy. Elle était loin d'être cette figure impassible, arrogante et débordante de confiance en elle qu'elle laissait paraître.
Ivy aurait aimé dire qu'elle apprécierait qu'on se soucie d'elle. Qu'elle aimerait qu'on veuille la protéger, elle aussi. Mais très vite, elle se rappelait qu'elle était indépendante et qu'elle n'avait besoin de personne.
— Bon abrège mes souffrances Potter, coupa-t-elle. Et dis-moi l'objet de ta venue.
— C'est très simple : tu vas aller à Durmstrang et moi je ne serai pas toujours là pour veiller sur Ellie donc ceci…
Il tourna une page de son manuel et désigna une liste de sorts.
— Ceci est le must have des enchantements qu'on va lui apprendre à maîtriser pour qu'elle sache se débrouiller toute seule, annonça-t-il.
Les yeux d'Ellie s'écarquillèrent d'émerveillement. Elle se pencha au-dessus du grimoire où les mouvements de baguettes étaient dessinés en fonction des sortilèges à lancer.
— Ce qu'il s'est passé avec le poltergeist ne doit plus se reproduire, reprit le garçon, très sérieux. D'autant plus que Poudlard n'est pas forcément l'endroit le plus sécurisant au monde.
— AH BON ?! s'enflamma Ellie.
— Oui, il y a tout un tas de créatures magiques et dangereuses qui rodent dans la Forêt Interdite mais aussi dans le lac, expliqua Ivy. Sans mentionner le château en lui-même qui regorge de cachettes et d'endroits secrets. Les cours pratiques, eux aussi, peuvent être parfois dangereux. Et puis… Le Quidditch. C'est pas un sport de douceur extrême. S'il y a une infirmerie qui est pleine à craquer à longueur d'année, ce n'est pas pour rien !
La petite Ellie pâlit sur place avant qu'elle ne se ressaisisse et prenne d'elle-même le grimoire des mains de son frère.
— Ok, mais ça veut dire que je vais devoir faire usage de la magie alors que je n'y suis pas autorisée, comprit-elle.
— Entre moi, papa et maman, le Ministère sera incapable de détecter qui a fait de la magie dans la maison, expliqua Andrew.
Ellie hocha la tête, compréhensive.
— Et puis de toute façon, tu es une Potter, non ? commenta Ivy.
— "Les règles sont faites pour être contournées", c'est bien ça ? s'enquit la brunette. Du coup… On commence quand ?!
Ivy et Andrew se renvoyèrent un sourire entendu. Pas de doute : Ellie était de la même trempe qu'eux.
Pendant ce temps, sortie de la douche, Juliet passait une serviette dans ses cheveux mouillés. Après les avoir démêlés, elle jeta un enchantement qui les sécha instantanément avec un effet lissant.
Elle se posta à l'encadrement de la chambre, qui donnait accès à la salle de bain et vit son époux, allongé sur le lit, plongé entre deux gros manuels posés à droite et à gauche de lui. Il portait ses lunettes sur le nez et elle ne put s'empêcher de repenser à leurs premiers moments, à cette époque où il était encore son professeur, elle une élève et qu'ils vivaient une centaine d'années en arrière.
— Tu ne sais plus lequel choisir ? se moqua-t-elle.
Adrian soupira avant de relever les yeux vers sa femme. Il lui accorda un sourire, attarda son regard sur sa silhouette habillée d'un peignoir avant d'hausser les épaules.
— Je ne sais pas quel problème affronter en priorité, élucida-t-il. Durmstrang ou les esprits frappeurs ?
Il souleva le premier livre qui portait sur l'histoire de l'école des sorciers du grand nord tandis que le deuxième portait sur les poltergeists.
Juliet pouffa de rire et s'approcha de lui. Elle grimpa sur le matelas et ferma un à un les deux manuels.
— Ça ne t'aidera pas, indiqua-t-elle avec douceur. Ivy a fait son choix. Depuis des mois. C'est une dure à cuire.
— Je sais mais…
— Tu voulais l'avoir dans ta classe, je sais.
— C'est la dernière année que j'enquête sur Poudlard. Je voulais… Je sais pas, me rendre utile. Lui apprendre quelque chose de vraiment concret.
— Tu le fais tous les jours depuis sa naissance, plus encore depuis qu'elle est devenue legilimens, signifia Juliet en caressant doucement le genoux du brun. Crois-moi, tu es bien plus que présent. Faut que tu la laisses voler de ses propres ailes à présent.
Adrian resta silencieux un instant avant de se laisser tomber en arrière contre les oreillers. Juliet l'imita et se coucha à ses côtés. Yeux dans les yeux, ils s'observaient avec tendresse.
— Tu le savais qu'elle utilisait la baguette d'Olivia ?
— Non. Pas avant cet après-midi en tout cas.
— Putain, souffla le brun en soupirant. Et cette histoire avec Ellie… Heureusement que Andrew est calme lui au moins.
— Euh… je ne dirai pas ça, contra Juliet en grimaçant. Tu oublies qu'il fait toujours pousser de la marijuana dans sa chambre et qu'il fait venir des filles en douce à la maison.
— Je vois pas où est le problème, blagua le paternel. Aïe !
Juliet renvoya un regard noir à son époux, ce qui le fit rire.
— C'est boooon, je blague. Mais n'empêche..., dit-il en se penchant du côté de sa table de nuit pour en récupérer son contenu. On ne peut pas vraiment s'en plaindre. C'est plutôt utile !
Pour illustrer ses propos, Adrian désigna un joint roulé entre ses doigts. Juliet écarquilla les yeux en constatant que son mari s'était fait quelques réserves.
— Non mais t'es pas sérieux ?! hallucina-t-elle.
— Faut bien se détendre après le taff bébé, ricanna-t-il. T'en veux ?
Il alluma son bédo depuis sa baguette magique puis tira longuement sur la drogue douce avant de le tendre à sa femme. Cette dernière leva un sourcil amusé avant de capituler. Elle réceptionna à son tour le joint et inspira dessus.
— Donc si on récapitule, lança le brun en se détendant sur le lit. Andrew est un dealer et tombeur de filles en herbe grâce à tes pouvoirs, dont il a hérités.
— Alors que ce n'était censé qu'être héréditaire de mère en fille, corrigea Juliet.
— Exact ! Ensuite on a Ivy qui est légilimens et plus têtue que toutes les mules réunies sur Terre.
— C'est à peu près ça, confirma son épouse avec un sourire.
Elle tira une nouvelle fois sur le joint avant de le tendre à Adrian qui le réceptionna entre ses lèvres.
— Et enfin, on a Ellie qui nous a fait croire qu'elle était une cracmol pendant onze ans pour finalement réussir à pulvériser un esprit frappeur dès la première tentative, conclut-il.
— Je te l'avais dit, qu'elle n'en était pas une, avoua fièrement Juliet.
— Désolée bébé mais l'intuition, c'est pas fiable pour moi. Il me fallait des preuves…
— Je faisais sans arrêt des rêves de Morgane quand j'étais enceinte ! Ellie est spéciale, j'en suis persuadée, contra la brune, persuadée. Tu en as eu la preuve cette après-midi.
— Moi ce qui me rend fou c'est qu'on n'ait jamais remarqué quoi que ce soit, soupira Adrian. Je veux dire… Un putain d'esprit frappeur ! On l'aurait vu, non ? Même Ivy et Andrew en auraient parlé lorsqu'ils étaient petits. On habite cette baraque depuis quinze ans maintenant et on s'en rend compte que maintenant ?! On est si mauvais que ça ?
— On n'est pas mauvais ! contredit Juliet en faisant les gros yeux. Les esprits frappeurs peuvent mettre du temps à se réveiller. Et s'ils ne trouvent pas une proie facilement, ils peuvent ne jamais se manifester.
— Mais en quoi Ellie était une proie ? C'est ça que je pige pas, s'enrage Adrian en tirant plus fort sur son joint.
— Parce qu'elle est spéciale, justement, affirma Juliet. Et si on a rien vu c'est parce que ses pouvoirs sont tellement puissants et sans limites qu'elle parvenait à rester inébranlable.
— Sauf que le spectre se nourrissait de ses pouvoirs et c'est pour ça qu'elle était incapable de faire preuve d'acte de magie, résuma Adrian.
— Je pense oui. Mais maintenant tout est fini Adrian, rassura son épouse. Vraiment. Cette chose n'est plus qu'un ancien souvenir. Ta fille s'en est débarrassée. Toute seule.
— Il nous a quand même mit à l'amande, tous les trois, grogna le brun. Andrew, Ivy et moi.
Juliet passa ses bras autour du torse de son époux et lui tourna la tête vers elle. Elle le força à planter ses beaux yeux gris dans les siens. Elle fit revenir son revers du pouce le long de sa mâchoire en une douce caresse tout en lui accordant un tendre sourire.
— C'est fini. Répète après-moi. C'est fi-ni !
Elle lui attrapa la bouche et le força à articuler. Adrian se débattit en éclatant de rire.— Arrêteuuuuh ! C'est bon ! J'ai compris. C'est fini.
— Ah bah voilà ! Tu vois quand tu veux, approuva Juliet, satisfaite.
Adrian écrasa le restant de son joint dans un cendrier qu'il fit apparaître en un tour de baguette puis se tourna sur le côté, face à sa femme. Il l'observa quelques instants, passant sa main le long de son beau visage. Ils s'observèrent longuement sans parler, sans oser briser l'instant.
— Je t'aime, souffla-t-il finalement.
Juliet esquissa un sourire. Elle mêla ses jambes aux siennes et se cala contre son torse. Il vint l'entourer de ses bras et la berça contre lui, en aplatissant un baiser sur le sommet de son crâne.
— Je t'aime aussi.
Ils se calinèrent tendrement, l'un contre l'autre, jusqu'à paisiblement s'endormir.
Au final, rien n'était parfait. Mais "all was well".
THIS IS VRAIMENT THE END !
