Mot de l'auteur
/!\ Cette histoire est une réécriture en version boy x boy de "La quête des Livres-Monde" de Carina Rozenfeld, l'histoire et les personnages lui appartiennent ! Les livres peuvent être acheter sur amazon, fnac et en librairie ! (Environ 5 à 14 euros le livre et environ 30 euros l'intégrale) pour soutenir l'auteur et la financer dans ses projets ! /!\
PS : Les personnages autres que Nathan, Zayn, Lia et Aela ne m'appartiennent pas ! Ils sont de Carina Rozenfeld, une écrivaine très talentueuse que j'admire !
- Ce matin, je vais vous faire découvrir les tracés sur le terrain ! leur annonça Lodan, venu les rejoindre pendant le petit déjeuner. Durant la nuit, le vent a poussé pour quelques heures le brouillard, et c'est une aubaine pour nous. Par contre, il faut y aller tout de suite, les enfants. Il est encore très tôt et c'est parfait. Les avions touristiques qui survolent la zone ne sont pas encore en service. Hop ! hop ! hop ! vous avalez votre dernière bouchée et on y va !
Quelques minutes plus tard, ils étaient assis dans la jeep de Lodan.
Dans un premier temps, Nathan resta le nez collé à la vitre de la voiture, perdu dans ses pensées, indifférent au paysage. Il repensait à la nuit dernière, à Zayn, à leurs baisers. Il sourit bêtement à son reflet. Puis soudain ils tournèrent sur la route qui dessinait des lacets, à la sortie du virage, et le ciel céruléen éclata au-dessus de la cordillère.
Sur les flancs de la montagne, c'était le brun qui dominait, un brun strié de creux se perdant dans leurs propres ombres. Un peu plus bas, les pentes étaient couvertes d'une herbe qui allait du doré au vert foncé, créant une tapisserie régulière, juste creusée de petits lacs aux eaux reflétant les cieux hauts et parfaitement bleus. Les sommets les plus élevés scintillaient des rayons du soleil renvoyés par la neige d'une blancheur immaculée. De l'autre côté s'étendait la plaine côtière qui, si on la traversait, les mènerait au Pacifique. On y retrouvait toujours le même brun, mais pas de points d'eau ni de tapis herbeux. Y régnait le désert, aride, à perte de vue. Même s'il était plus simple, ce paysage était aussi étonnant que celui de la cordillère des Andes. Tout était tellement démesuré, différent de ce à quoi il était habitué, que Nathan avait déjà l'impression de visiter une autre planète. Il regrettait de ne pouvoir en découvrir plus. Visiter Lima, voir l'océan Pacifique, randonner dans la montagne, découvrir les vestiges incas au Machu Picchu... Mais ils n'étaient pas venus pour faire du tourisme. Un jour, se promit-il intérieurement, il reviendrait pour profiter des merveilles du pays. Après tout, la Terre aussi était une planète magnifique qu'il était loin de connaître.
Le détournant de ses pensées, regrets et résolutions, Lia, penché à son oreille, lui murmura :
- Ça y est ? Tu l'as fait ?
- Hein ? Quoi ? De quoi tu parles ?
- Tu as embrassé Zayn... Ne fais pas l'idiot. Il a un air sur la figure, on dirait qu'il a rencontré le père Noël. Et comme on est en août, je présume que c'est toi qu'il a rencontré cette nuit... Tu as dû le gâter, vu sa tête. Non, sans rire, je vous ai entendus rentrer cette nuit, tous les deux.
Nathan leva les yeux au ciel.
- Tu peux faire preuve d'un peu plus de classe quand tu parles de Zayn ? Oui, on est sortis ensemble cette nuit.
- Eh ben, il était temps. J'y crois pas qu'il vous ait fallu venir au Pérou pour passer aux choses sérieuses. Sans blague, je l'ai toujours dit, vous êtes un peu compliqués, vous les Chébériens...
- Tu ne dis rien à Aela, s'il te plaît, en tout cas pas tout de suite. Je ne veux pas lui faire de peine après ce qui est arrivé entre nous.
Lia haussa les épaules.
- Comme tu veux, mais à ta place je me prendrais moins la tête. Je crois qu'elle est complètement passée à autre chose. Tu ne l'as pas vu reluquer Zoar ? Tu sais, le mec hyper baraqué et bronzé, avec des dents d'acteur de ciné, qui a des ailes tellement lustrées que c'est à se demander s'il ne vide pas une bouteille de shampooing dessus à chaque fois qu'il les lave...
- Non, j'ai pas fait gaffe... Zoar, le type qui te broie les doigts quand il te serre la main ?
- En personne.
- Aela s'intéresse à lui?
- Grave...
- J'ai entendu mon prénom, vous parlez de moi ? s'enquit l'intéressée.
- Je disais juste que c'était bête qu'« Aela et moi ne puissions pas voler au-dessus des tracés avec les autres », se rattrapa Lia en faisant un clin d'oeil à Nathan, qui étouffa un rire en prétendant tousser.
Aela haussa les épaules.
- Zoar m'a promis de me les faire découvrir un jour. Il est tellement fort qu'il peut me porter sur de grandes distances en volant. Enfin, c'est ce qu'il m'a dit.
Lia gratifia Nathan d'un grand coup de coude dans les côtes, alors que Lodan prenait la parole.
- C'est juste, Zoar est doué d'une force exceptionnelle. Il est le descendant d'un peuple de Chébériens qui vivait dans la plaine d'Albante. C'est un endroit très rude de la planète, qui connaît des amplitudes de température énormes. Ses habitants, élevés à la dure, sont gratifiés d'un physique impressionnant. Vous avez pu admirer la carrure de Zoar. Son frère est encore plus incroyable que lui.
- Oui, on a bien vu la carrure de Zoar, amadoua Lia en chatouillant la nuque d'Aela, assise près du conducteur.
Elle écarta les doigts de Lia d'un geste de la main.
- Non, mais tu es complètement débile, toi !
- Ben oui, je n'ai pas l'intelligence de Zooooaaaaarrrr, moi !
Nathan se mit à rire, Aela croisa les bras sur sa poitrine en faisant une moue boudeuse et Zayn, qui admirait le paysage, sortit de sa rêverie.
- Qu'est-ce qui se passe ?
Ils dépassèrent le laboratoire et continuèrent sur la petite route qui filait tout droit dans la plaine. Le ciel restait bleu, mais déjà un liseré brumeux se dessinait vers l'est, venant de l'océan. Il fallait se dépêcher. Lodan le remarqua lui aussi.
- La garúa devrait tout recouvrir dans une ou deux heures, on doit se dépêcher.
Il appuya sur l'accélérateur.
Ils finirent par s'arrêter au milieu de nulle part, sur le côté d'une portion de route identique en tous points aux kilomètres précédents qu'ils avaient avalés. Lodan tendit un talkie-walkie à Lia et des jumelles à Aela.
- Même si vous n'avez pas d'ailes, vous aurez votre rôle à jouer. Si vous voyez apparaître un avion de tourisme, une voiture ou quoi que ce soit susceptible de nous apercevoir dans le ciel, vous nous prévenez tout de suite. C'est clair ?
- On ne peut plus clair, acquiesca Lia.
Aela testa les jumelles rapidement et fit un petit salut militaire à Lodan pour montrer qu'elle était prête.
Sans attendre, les trois Chébériens déployèrent leurs ailes et s'élancèrent dans le ciel encore dégagé. Très vite, ils ne furent plus que des points lointains noyés dans l'horizon.
- Tu crois que Zoar pourrait me porter moi aussi ? demanda Lia à Aela en regardant ses amis s'éloigner, une pointe d'envie dans le cœur.
Aela se contenta d'un petit sourire triste. Elles se sentaient un peu abandonnées, à ce moment-là.
Lodan les menait à toute allure. Jamais Nathan et Zayn n'avaient eu à voler aussi vite sur une telle distance. Mais ils tenaient le rythme, battant des ailes avec force. Au bout d'un moment, leur guide tendit un doigt, hurlant dans le vent qui tourbillonnait autour d'eux à cette altitude :
- Voilà l'oiseau que je vous ai montré en photo hier !
En effet, la silhouette de la créature se découpait nettement, dessinée en lignes claires sur le sol grisâtre.
- Wow ! s'écria Nathan. Je n'avais pas pris conscience de l'échelle ! Il est immense !
- N'est-ce pas ? Tu comprends mieux pourquoi on ne les voit qu'en volant ! Il faut du recul pour les appréhender entièrement.
Un peu plus loin, Lodan leur désigna une araignée aux longues pattes fines tracées dans la poussière. Il y avait également un chien, un arbre et une autre espèce d'oiseau au cou immense en zigzag. On trouvait aussi des figures géométriques : une spirale enfermée dans un angle aigu. Divers animaux, plus ou moins reconnaissables, leur sautaient aux yeux de là-haut. Le plus identifiable était un singe à la queue enroulée sur elle-même.
Après un long tour, ils survolèrent aussi une sorte de baleine.
- C'est une orque ? demanda Nathan, toujours en hurlant.
- Non, c'est une agrale ! Vous voyez l'espèce de sac dessiné sous son ventre ? C'est typique des agrales de l'océan Majilpuûr, qui portent leur petit dans une poche extérieure tout le temps de la gestation.
- Dément..., murmura Nathan pour lui-même.
Il croisa le regard de Zayn, qui était aussi émerveillé et étonné que lui. Les voir en photo, c'était une chose, les admirer de ses propres yeux, découvrir leur étrangeté, leurs dimensions surprenantes, c'en était une autre. Si l'on se plaçait d'un point de vue strictement humain, on pouvait effectivement se demander comment des civilisations aussi anciennes avaient pu réaliser un tel exploit sans posséder de machine volante. Sinon, comment prendre le recul nécessaire pour admirer son œuvre? Pour en vérifier les proportions ? C'était incroyable. D'un point de vue chébérien, c'était beaucoup plus évident, moins mystérieux, mais cela n'enlevait aucunement le caractère extraordinaire de ces motifs énigmatiques et empreints d'une beauté exotique.
- Comment ont-ils pu se conserver de la sorte pendant tous ces siècles ? demanda Zayn.
- Il n'y a quasiment aucune érosion dans la région, expliqua Lodan en volant tout près d'eux pour qu'ils puissent l'entendre. Il y a trois phénomènes qui se combinent : le premier, c'est la quasi-absence de précipitations. Le deuxième est un peu plus compliqué : le désert relâche de la chaleur, qui crée une sorte de petit coussin d'air chaud protégeant les sols du vent. Enfin, la légère rosée du matin colle le sable et le fige dans cet état.
- Quelle chance ! Sinon nous n'aurions pas pu en profiter !
Lodan hocha la tête à la réflexion de Nathan.
- Est-ce vraiment de la chance ou était-ce calculé pour ? Voilà une autre question à laquelle nous aurons à répondre...
Finalement, ils furent rattrapés par la brume blanche épaisse qui recouvrit le paysage et estompa les contours des dessins merveilleux qu'il leur avait été donné de découvrir ce jour-là.
Lodan leur fit faire demi-tour, et, un peu plus tard, ils se posèrent près de la jeep dans laquelle les attendaient Aela et Lia.
- Alors ? Alors ? demanda Lia, tout heureuse de retrouver ses amis. C'était comment ?
- Incroyable. Vraiment. Je regrette que tu n'aies pas pu voir ça...
- Moi aussi, mon pote, moi aussi...
- On pourra toujours vous payer un tour en avion quand la garúa se retirera un peu, le consola Lodan en démarrant sa voiture.
- Ouais, parce qu'on n'a pas vu beaucoup d'avions aujourd'hui.
- Normal, ils savaient que le brouillard allait revenir rapidement. Ce n'est même pas la peine de décoller dans ces moments-là. Le temps d'arriver et il n'y a plus rien à voir...
- C'était magnifique, certes, mais cela ne nous dit pas où est caché le Livre du Temps, fit remarquer Zayn.
- En effet, mais j'espère que tout ce que vous avez vu va vous mettre sur une piste.
- Il faudrait se plonger dans les notes de Larchael et vérifier s'il parle d'un élément en particulier, dit Nathan.
Lodan acquiesça et demanda :
- Et vous les avez avec vous ?
- J'ai scanné son journal de bord et tout est dans l'ordinateur de Zayn, indiqua Aela.
- Vous êtes très organisés ! admira Lodan en sifflant entre ses dents.
- Il le faut, quand on tout un monde à sauver, dit Nathan.
Lodan lui jeta un regard entendu dans le rétroviseur.
- Tu as raison. Ce n'est pas un travail d'amateur.
- Non. On peut dire qu'on a appris à devenir un peu plus professionnels ces dernières semaines. Je propose qu'on ouvre une agence spécialisée en sauvetage de planètes, après cette aventure, proposa Lia. On se trouverait un super logo, et j'ai déjà notre accroche : « Tout ce que l'Avaleur de Mondes a englouti, nous le régurgitons pour vous. » On se ferait un max de blé.
- C'est dégoûtant.
- Aela, tu es trop chochotte. Quand il s'agit de ressusciter des univers entiers, il faut avoir l'estomac bien accroché. D'ailleurs, j'ai faim, là…
Le noir était toujours aussi dense au fond du gouffre, et il n'avait plus rien vu ni entendu qui pouvait lui donner l'espoir que quelque chose se trouvait au-delà des ténèbres. D'ailleurs, la lumière, les sons existaient-ils vraiment? Il n'en était même plus certain. Peut-être que toutes ces idées auxquelles il se raccrochait n'étaient que des inventions de son esprit. Il ne savait plus très bien. Tout se diluait, lui en premier. Il perdait de sa consistance, de son essence même. Son nom ? son passé ? ses passions ? tout avait un goût de faux, d'artificiel. Peut-être qu'il n'avait même jamais existé... Pouvait-on avoir une conscience sans vivre vraiment ?
Le moment était venu d'abandonner, de lâcher prise une bonne fois pour toutes. C'était épuisant de se battre contre le vide, contre l'oubli, contre tout. Il luttait depuis si longtemps. L'épuisement l'écrasait comme un insecte au plus profond des abysses. Oui, laisser filer... Une fois cette décision prise, le soulagement l'enveloppa comme une couverture moelleuse et chaude, lui qui avait eu si froid tout ce temps. Mais, au moment où le dernier fil qui le rattachait à ce qui restait de lui s'apprêtait à se rompre, il y eut un mouvement qui le ramena malgré lui dans l'abîme immonde qu'il cherchait à fuir. Non ! Qu'est-ce que ça pouvait bien être ? Pourquoi ?
Une voix. Alors elles existaient bien, les voix. Il ne l'avait pas inventé. Si les voix étaient réelles, la lumière peut-être aussi.
- Je suis déjà venu ici, disait quelqu'un. Il y a longtemps. Je suis venu. C'est moi qui ai creusé ce trou. Je le sais, je le sens.
- Qui est là ?
- Ton maître, celui qui a décidé de ta mort il y a des années. Mais tu n'es pas mort, tu es toujours là. Comme c'est étrange...
- Mon maître ? Je ne me souviens plus...
- C'est normal, j'ai insufflé l'oubli dans ton esprit. Mais tu vivais sur un autre monde, en ce temps.
- Un autre monde... Chébérith. Oui, ce nom, je ne l'ai pas inventé.
- Non, tu ne l'as pas inventé. Tu es une anomalie, toi aussi ! Une autre ! Mais tu étais trop faible pour que je te sente jusqu'ici ! La vibration provoquée par les deux autres était si forte qu'elle te masquait à mes sens. Comme c'est intéressant... Tu les connais, n'est-ce pas ?
- Qui ? Je ne connais personne. Je suis seul dans le noir. Seul depuis si longtemps.
- Tu n'es plus seul maintenant, je suis avec toi. Et je sens que tu possèdes toutes les informations que je cherche. Oui, tu sais tout. Attends, laisse-moi faire le tour de ce qu'il te reste de mémoire...
- Il ne me reste rien, j'ai tout oublié jusqu'à mon nom.
- Bien sûr que non. C'est là, quelque part. Eyver. Tu t'appelles Eyver. Et tu détiens les Livres-Monde. Et... Ohhhh, je comprends mieux maintenant ! Je sais tout ! Je sais où ils sont, je sais qu'il en reste un dernier à trouver. Je sais comment vous comptez recréer ce monde que j'ai détruit. Ooooh !
Tout, il appréhendait tout à présent ! Comme c'était simple et limpide quand on avait les réponses à ses questions ! S'il avait eu la place, dans la tête du vieil homme, il aurait fait un petit bond de joie, mais il y était à l'étroit. Toutefois, il décida que c'était le lieu idéal pour parvenir à ses fins. De là, il pourrait observer, entendre, savoir. Et s'il attendait le bon moment, il réglerait tous les problèmes d'un coup. Tous. Il éradiquerait les anomalies, leurs livres qui faisaient mal et toute possibilité de recréer la planète qu'il avait effacée ...
S'il avait eu des babines, il les aurait pourléchées. Mais il n'avait pas de babines, alors il se contenta de ricaner dans la tête d'Eyver.
De son côté, le vieil homme collectait les quelques souvenirs qui lui revenaient. Quand l'entité avait prononcé son nom, c'était comme si elle lui avait ouvert la porte de son identité. Il se souvenait qui il était, que le monde existait, que les voix et la lumière étaient réelles. Pour les atteindre, pour sortir du gouffre, il devait... il devait juste... ouvrir les yeux.
Et c'est ce qu'il fit.
