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Chapitre 50
Le silence pesait dans l'habitacle de la voiture de police, seulement brisé par le cliquetis du clignotant et le roulis du moteur. Yahiko jetait des regards fréquents à son rétroviseur, examinant la banquette arrière sans oser prendre la parole, contemplant Nagato avec anxiété.
Il s'était dévoué pour reconduire l'inspecteur à la résidence Phénix, se chargeant ensuite de rapporter la voiture volée au commissariat. Les événements qui s'étaient succédé plus tôt étaient bien assez pour la journée, le savon de leur supérieur – et le sien, bien entendu – pourrait très bien attendre quelques heures que Nagato se fût remis de la peur glacée qu'il avait eue.
Le regard tourné vers la vitre, visiblement exténué, le coude droit appuyé contre la portière et sa main gauche caressant distraitement le front d'Itachi qu'il gardait serré contre lui, Nagato semblait absent, projeté ailleurs. Peut-être dans un monde où, serré contre lui, se trouvait Obito qu'il aurait réussi à sauver.
Recouvert par la veste de l'inspecteur de la brigade financière, les yeux fixes, Itachi réagissait aux stimulus, mais il manquait de fougue.
D'après ce que Yahiko avait vu, si le prêtre avait pu tirer trois coups, il ne l'avait pas visé pour les deux premiers et le troisième l'avait très largement raté. Un hématome commençait à se former sur sa pommette, il avait les vêtements chiffonnés : sans doute s'était-il débattu, obligeant Danzô à le frapper pour pouvoir le conduire ici.
Les gribouillis bizarres tracés à la peinture sur le sol de l'église ne prenaient toujours aucun sens dans l'esprit de Yahiko. La seule chose qui était certaine était que les deux premières balles s'étaient fichées d'un côté dans une pile de DVD, de l'autre dans des revues pornographiques.
Malgré la difficulté de ce qu'il avait vécu, Itachi avait refusé avec fougue d'être mené à l'hôpital, si fort que Nagato n'avait pas tardé à céder à sa demande, priant Yahiko de simplement les ramener « à la maison ». Le lieutenant, sachant parfaitement qu'il ne pouvait pas forcer une victime à consulter un médecin, avait donc renoncé à les convaincre – au moins le temps de les reconduire chez eux.
Il s'arrêta à un feu et soupira. Ses yeux bleus revinrent sur le rétroviseur pour en observer les reflets. L'arrêt du véhicule sembla sortir Nagato de ses pensées : il s'arracha à la contemplation de ses souvenirs, cessa sa caresse pour se pencher, déposer un baiser sur le haut du crâne qui se lovait dans son cou. Il murmura quelque chose que Yahiko n'entendit pas, puis Itachi hocha la tête avec lenteur, tirant un léger sourire à Nagato.
Le lieutenant voulut prendre la parole. Il fallait que la pornstar se fît examiner par un médecin, au moins pour pouvoir déposer une plainte recevable, faire porter au récépissé l'ensemble des dommages qu'il avait subis. Vu l'allure de son bleu, il fallait sans doute qu'il cessât de travailler un moment, le temps que son visage revienne à la normale, mais il n'avait aucun symptôme de traumatisme crânien, ce qui était déjà une bonne chose.
Une plainte pour tentative d'homicide avec préméditation avait de grandes chances d'aboutir à un procès, puisqu'il avait fallu faire intervenir un groupement des forces spéciales, qu'il y avait des témoins civils tout autour de l'église et qu'il y avait une arme du crime. La police scientifique était arrivée sur les lieux rapidement après la fusillade, mettant sous scellés le revolver.
— En quinze minutes, on peut être à l'hôpital, lança-t-il en accrochant le regard de son meilleur ami qui cilla et dénia d'un mouvement du menton.
À la réplique de Yahiko, Itachi bougea d'inconfort, fronçant les sourcils.
— Je sais, dit Nagato d'une voix lasse. Mais c'est hors de question.
Le ton n'était ni agressif ni colérique. Il n'en avait pas besoin pour être sans appel. Nagato replaça sa main droite sur celles d'Itachi, les pressant légèrement pour l'assurer de son soutien.
— Loi de protection de la vie privée des personnages publics, invoqua-t-il. Je demanderai au docteur Morino de venir.
— C'est un psychiatre, souffla Yahiko, contrarié.
— Donc un médecin, appuya l'inspecteur. Je serai intransigeant sur l'hôpital, Yahiko. Nous n'irons pas. Tu peux te garer devant la résidence, indiqua-t-il quand ils s'en approchèrent, Asuma a veillé à ce que l'endroit soit libre.
Avec un soupir, Yahiko capitula, ralentissant à l'approche du bâtiment, grognant quand il constata qu'il lui faudrait faire un créneau.
Dès lors que le véhicule fut visible depuis l'intérieur du hall, le concierge s'était approché en toute hâte, patientant tout près le temps qu'il s'immobilise finalement et que Nagato ouvre la portière, s'extirpant de la voiture et attendant qu'Itachi en fasse de même.
Prudemment, l'acteur glissa sur la banquette, le regard vissé sur le bitume, ses mains crispées sur les pans de la veste qu'il maintenait fermée.
Yahiko coupa le contact et détacha sa ceinture, vérifiant que rien n'avait été oublié, puis il sortit à son tour pour voir Asuma escorter Itachi dans le hall de l'immeuble. Nagato toussota pour attirer son attention et le lieutenant se déplaça jusqu'à lui. Un silence pesant se créa entre eux. Un peu amer, Yahiko constata que le regard de Nagato ne le voyait pas vraiment, rivé sur son colocataire et le chuchotement faillit lui échapper.
— Merci. D'avoir été là pour moi.
— Pas de problème, sourit Yahiko. Je serai toujours là pour toi.
— Ne nous emballons pas. Pour cette fois, rectifia Nagato, tu étais là et je t'en remercie.
Un silence glissa, le temps que la correction brise le cœur de Yahiko. Il tenta d'insérer ses mains dans ses poches, cherchant de ses yeux quelque chose qui pourrait attirer son attention et masquer la douleur qu'il ressentait à constater que finalement, non, ça n'avait rien changé entre eux.
Ses yeux agrippèrent la radio, le gyrophare et revinrent se poster sur Nagato qui s'était éloigné de lui. Humectant ses lèvres, Yahiko soupira puis désigna Itachi d'un mouvement ample :
— Le refus de l'hôpital, c'est vraiment par rapport à la protection des personnages publics ?
Depuis qu'Itachi lui avait révélé son identité, Nagato n'avait jamais pris le temps de réfléchir à ce que cela signifiait. Il vivait en colocation avec l'héritier de l'industrie la plus prolifique du pays. Si Itachi en héritait, ça ferait de lui un homme parmi les plus riches et les plus puissants du monde, mais ça ne l'intéressait pas. Il ne voulait rien de plus que pouvoir lire des polars et jouer dans ses films. C'était tellement admirable.
Les yeux de Nagato glissèrent sur la silhouette d'Itachi qui s'engouffrait dans le local d'Asuma et il hocha la tête, sans expliciter davantage. Yahiko modifia ses appuis.
— Le temps où tu me disais tout me manque, regretta-il dans un soupir chagriné. Et… Travailler avec toi sur cette affaire, moi, j'ai aimé ça et… Enfin… Tu me manques.
Nagato lui retourna une œillade glaciale.
— Tu ne peux t'en prendre qu'à toi. Ne pense surtout pas que ton concours sur cette enquête t'apporte quoi que ce soit pour notre relation. Tu as simplement fait ton boulot et contribué à sauver une vie. N'attends rien de plus de ma part, parce que tu n'auras rien. Jamais.
Ça avait le mérite d'être clair.
— J'ai merdé, se lamenta Yahiko, je suis d'accord, mais dis-moi ce que je peux faire pour corriger les choses et je le ferai.
— Tu crois vraiment que c'est le moment pour parler de ça ?
Ébahi, Nagato se tourna vers lui franchement et Yahiko fronça les sourcils, déterminé. Évidemment que ce n'était pas le moment, que Nagato avait la tête ailleurs, qu'il était fatigué, que l'adrénaline redescendait, et probablement qu'il mourait d'envie de rentrer chez lui pour y enfermer son colocataire et s'assurer que tout allait bien.
Cependant, Yahiko craignait de retomber dans l'indifférence sans avoir pu dire ce qu'il avait à dire.
— Écoute, je comprends ce que tu ressens.
Sans pouvoir s'en empêcher, Nagato laissa une exclamation emplie de mépris lui échapper.
— Ah vraiment ? Ton meilleur ami a couché avec la seule femme que tu as aimée ?
Une respiration plus tard, Yahiko répondit, passant une main embarrassée dans ses cheveux, le regard fuyant :
— Eh bien, à vrai dire, oui.
Nagato lui porta une œillade à mi-chemin entre l'incompréhension et l'hallucination, Yahiko baissa la tête.
— Mon meilleur ami a même fait plus que ça, souffla-t-il. Il m'a demandé d'être son témoin à son mariage avec la femme que j'aimais et d'être le parrain de leur fille.
Accusant le coup, Nagato sentit ses mâchoires se crisper, son agacement monter d'un cran.
— Donc, pour toi, on est quittes, c'est ça ?
Yahiko secoua la tête, affligé par son choix de mots. Il tenta une fois de plus d'exprimer ce qu'il avait sur le cœur, mais tout s'embrouilla et Nagato finit par tourner les talons, s'engageant dans l'allée qui conduisait jusqu'à l'immeuble. Son ancien ami le héla :
— J'ai jamais rien dit à Konan, à propos de Yamanaka et toi !
Nagato arrêta sa course, pivota sur ses talons.
— Et tu n'as pas intérêt à le faire. Dis le moindre mot sur elle à quiconque et je te jure que je ferai de ta vie un enfer.
— C'était pas une menace, bafouilla Yahiko.
Il essayait simplement de dire à son meilleur ami qu'il n'avait jamais rien dit de ses incartades à Konan, alors même que ça aurait pu mettre fin à leur union et lui laisser la chance d'être avec elle, mais qu'il avait choisi leur amitié à chaque fois.
— Moi, ça l'était, sourit Nagato et l'autre déglutit.
D'un signe de main, il prit congé, entrant finalement dans le hall de l'immeuble, mettant de côté la problématique avec Yahiko : chaque chose en son temps. Sans s'annoncer, il pénétra dans le local d'Asuma, retrouvant le gardien qui guettait, comme à son habitude, Itachi assis derrière. Souriant à son complice, il s'adressa à son colocataire :
— Tu viens ?
Itachi hocha la tête, se levant, les mains toujours serrées sur le tissu, puis ils s'avancèrent jusqu'à l'ascenseur qui les conduirait en sécurité.
Ibiki Morino se présenta à leur appartement environ trente minutes après l'appel de Nagato et il n'était pas seul. L'inspecteur de la brigade financière ne remarqua pas immédiatement son ex-femme qui se tenait derrière l'imposant psychiatre dont la haute stature bouffait tout l'espace de la porte ouverte.
Le spécialiste était un des médecins attitrés des groupes d'intervention de la police. C'était lui qui était chargé de les suivre et c'était aussi lui qui pouvait faire ou défaire une carrière pour un agent de ces unités. Et c'était également lui qui avait chaudement recommandé la mutation de Nagato, après l'avoir traité pour son syndrome post-traumatique.
Le visage aux mâchoires puissantes, le teint hâlé par de nombreuses vacances bien méritées au soleil, Ibiki Morino était si grand, si remarquable qu'il fallut bien une minute entière à Nagato pour noter que Konan était aussi entrée dans l'appartement et qu'elle passait d'un pied sur l'autre, embarrassée, serrant contre elle sa trousse de soins.
Entre les pans de son manteau, Nagato put apercevoir sa blouse de l'hôpital et, observant plus distinctement, il conclut qu'elle avait quitté son poste précipitamment. Il lui jeta une œillade interrogatrice à laquelle elle n'eut pas l'occasion de répondre, la voix cassante et tonitruante du docteur Morino résonnant dans l'ensemble de la pièce à vivre :
— Il est où, mon patient ?
Nagato désigna le couloir en haut des marches, lâchant finalement Konan des rétines pour donner son attention à Ibiki.
Quand ils étaient rentrés, Itachi avait signalé avoir besoin d'être seul un instant et il était parti dans sa chambre, de laquelle il n'était pas ressorti depuis. Si Nagato était allé gratter pour savoir comment il se portait, Itachi n'avait répondu que par un grognement diffus et peu intelligible.
— Au fond à droite. Allez-y doucement, doc, c'est un civil. Oh, interpela-t-il alors que le médecin s'avançait, montant les escaliers avec nonchalance, il y aura une plainte pour tentative d'intimidation, coups et blessures, et tentative d'homicide avec préméditation. Est-ce que vous pouvez faire les certificats qui vont bien, si vous trouvez quelque chose ?
Ibiki hocha la tête et pendant qu'il tapait à la porte d'Itachi, l'inspecteur de la brigade financière s'orienta de nouveau vers Konan.
— Il y a un problème avec Mikan ? s'inquiéta-t-il.
Elle secoua la tête, ses yeux effleurant avec attention chaque centimètre carré du corps de son ex-mari, s'arrêtant sur la manche de chemise imbibée de sang. Tendant la main, elle brisa une partie de la distance, pour écarter les pans du tissu déchiré et examiner la plaie.
— Les RH m'ont appelée. Je suis toujours ton contact à prévenir en cas d'urgence. Ils m'ont dit que tu as été impliqué dans une fusillade ? Que s'est-il passé ?
Nagato haussa les épaules, portant à son tour ses yeux sur la blessure. Une vague familière de réconfort et de bien-être l'envahit alors que l'air entre leurs corps se réchauffait, puis il secoua la tête.
— J'ai été impliqué dans une fusillade, répondit-il. Tu sais bien que je ne communique pas sur mes affaires.
Il y avait trop de douceur dans sa voix et Konan tiqua, ses prunelles effleurant son ex-mari. Elle désigna le canapé, l'invitant à s'y asseoir, puis elle posa sa trousse de soins sur la table basse avant de s'installer à côté de lui, suffisamment de biais pour pouvoir observer la coupure avec attention.
— T'aurais dû aller à l'hôpital, marmonna-t-elle, t'as besoin d'une suture. Enlève ta chemise.
L'ordre claqua dans le silence et Nagato ne pensa même pas à le rejeter. Il porta les doigts à ses boutons, les défaisant un à un alors qu'elle se penchait vers la table pour récupérer son nécessaire de suture.
Elle avait tellement l'habitude de le recoudre qu'elle le fit d'instinct, sans y penser, de la même façon qu'en recevant l'appel du commissariat, elle s'était dépêchée d'empaqueter sa trousse de soins pour sortir, malgré le regard dépité que lui jetait sa meilleure amie en la voyant si empressée.
Elle souffla par le nez en revenant sur la plaie, lui tendant son traditionnel air tout aussi désabusé qu'amusé par la situation. Elle appliqua l'anesthésiant local avant de désinfecter la coupure et il se contorsionna un peu sous le froid du produit couplé à celui de l'appartement qui mordait la peau de son torse nu. En bougeant, le haut de sa cuisse vint caresser le genou de Konan, leurs yeux s'accrochèrent.
— Tu te fais des coupures comme ça sans sourciller, mais un peu de froid et tu te tortilles ? s'amusa-t-elle. Tu peux être une telle chochotte, parfois.
Elle ne lui laissa pas le temps de répondre, commençant à piquer et il grimaça en sentant l'aiguille s'enfoncer dans la chair – l'absence de douleur n'était pas l'absence de sensation. La suture se fit dans le silence. Elle termina finalement, puis banda la plaie, avant de lui tapoter l'épaule.
— Et voilà, se réjouit-elle, t'es comme neuf. Change le pansement régulièrement, si tu vois le moindre truc bizarre, tu vas chez ton médecin. Pense aussi à faire retirer les points.
Hochant la tête, Nagato lui offrit ce sourire qui, autrefois, l'avait fait chavirer. Celui qu'elle lui rendit était un peu embarrassé. Ils s'observèrent un moment si long que Nagato aurait été incapable de le mesurer et il la trouva si jolie qu'il eut envie de l'embrasser.
Il fit un micromouvement vers elle, puis se rétracta, saisissant sa chemise pour se donner une contenance. C'était ridicule d'agir ainsi. Même si toute la journée avait été empreinte d'une nostalgie doucereuse, ce n'était pas une raison pour faire n'importe quoi.
Elle avait perçu le geste avorté et mordant sa lèvre inférieure avec gêne, elle finit par se redresser, rangeant ses instruments dans sa trousse qu'elle referma précipitamment.
— Je vais faire le changement de personne à prévenir en cas d'urgence, signala-t-il sans la regarder, renfilant son vêtement déchiré et taché de sang.
Il ferma douloureusement les yeux et grimaça en se souvenant de la tonne de coups de fil qu'il avait à passer avant le lendemain.
Quand Konan atteignit la porte d'entrée, le psychiatre sortit de la chambre d'Itachi, seul. Elle prit congé des deux avec une formule de politesse prononcée à la va-vite, promettant à Nagato d'embrasser Mikan pour lui et le battant claqua.
— Je suis un parfait crétin, confessa Nagato au médecin qui leva les yeux de son bloc d'ordonnance en le considérant avec étonnement.
— D'habitude, les patients attendent quelques séances avant de se risquer à l'autodiagnostic.
L'inspecteur laissa un sourire monter à ses lèvres alors que le médecin s'approchait à son tour de la porte d'entrée.
— Il va relativement bien, compte tenu de ce qu'il vient de traverser, c'est un jeune homme solide.
Il tendit un paquet de papiers, et hochant la tête dans leur direction, il énonça :
— Arrêt de travail, je lui ai mis dix jours. Repos absolu. Pas de tournage. De toute façon, il va virer au violet. Là, c'est le compte rendu d'examen physique, là, c'est le psy, à remettre avec la plainte. Pour finir, une ordonnance. Antidouleurs, principalement, des somnifères, au cas où il ne parvienne pas à dormir. Et faites-le manger de la soupe, ce soir.
— Il ne peut pas manger solide ?
Le docteur Morino baissa les yeux vers lui, tâtonnant sur la porte pour trouver la poignée.
— Ah si, mais la soupe, ça reste un des meilleurs réconforts que je connaisse.
Au milieu de la nuit, un bruit suspect et inhabituel réveilla Nagato qui se redressa dans son lit immédiatement, rejetant les couvertures pour sortir de sa chambre et aller faire le tour de l'appartement avec prudence.
Il se détendit considérablement quand il retrouva Itachi assis sur le canapé, enveloppé dans un pyjama un peu usé et trop grand. Il était en train de regarder, sans le son – et vraisemblablement sans le voir – un documentaire animalier, les genoux regroupés contre son torse, les bras tout autour et les cheveux vaguement retenus par un élastique.
— Je ne parviens pas à trouver le sommeil, expliqua-t-il quand il s'aperçut que son colocataire avait approché sans un bruit.
Nagato s'installa sur l'accoudoir du canapé et le considéra avec inquiétude.
— Tu as mal quelque part ?
— Non, je crois que… Je crois que j'ai peur ? proposa Itachi avec hésitation. Je… Ce n'est rien, je vais finir par me calmer et me dire qu'il n'y a aucune raison de paniquer parce que la résidence est sécurisée. La porte en bas est infranchissable, celle de notre appartement de même.
— Exactement, affirma Nagato d'une voix ferme et assurée. En plus, je suis là. Je ne laisserai personne t'approcher.
— Oui, répondit Itachi d'une voix évasive, merci pour ça. Mais… Y a une petite voix en moi qui me dit que, qui me dit que tu pourrais… et que ça… Et ça m'empêche de m'endormir.
— Tu veux dormir avec moi ?
La proposition fit se tasser Itachi qui secoua la tête.
— Oh je, n-non, je ne… Ce n'est pas… Je peux gérer ça tout seul.
— Je n'en doute pas, mais tu n'es pas obligé de gérer seul. Viens dormir dans mon lit. Je serai à côté. Ça te rassurerait ? Personne ne pourra te toucher sans me réveiller.
Mollement, Itachi finit par acquiescer, refusant pourtant de croiser le regard de son colocataire. Il éteignit la télé et Nagato attrapa son poignet avec douceur, entremêlant leurs doigts.
— Viens te coucher, murmura Nagato. Nous devons nous lever tôt, demain, Jiraiya et Sakura arriveront vers neuf heures avec Deidara.
C'était, en tout cas, ce qui avait été prévu grâce à des échanges de SMS fébriles qui avaient eu lieu jusqu'à bien après le coucher d'Itachi.
Ce dernier se laissa guider jusqu'au lit, dans lequel il s'allongea tout au bord, les yeux grand ouverts.
Nagato fit le tour pour s'installer de l'autre côté, sur le dos. Au bout de quelques minutes, se rendant compte que le lit vibrait des tremblements d'Itachi, il se tourna et tendit le bras, prévenant avant de l'effleurer :
— Je vais te prendre dans mes bras. Ne t'inquiète pas, c'est moi. D'accord ?
Un reniflement lui répondit, il hésita et, finalement, il enlaça fermement Itachi, le rapprochant tant qu'il le pouvait de son corps, resserrant les couvertures, pour lui créer un cocon de réconfort.
Il le laissa pleurer un moment, se contentant de garder cette prise ferme, ne prononçant pas un mot. Quand, enfin, Itachi cessa de trembler, il tendit l'oreille pour s'assurer qu'il respirait toujours.
— Merci, murmura Itachi. Pour tout, merci. Sans toi, sans toi…
Il frissonna de plus belle et Nagato soupira.
— N'y pense plus, essaie de dormir. Tu as besoin de repos.
Itachi s'agita, Nagato souleva son bras pour qu'il puisse se replacer sans gêne. Il revint s'installer quand son colocataire fut totalement enseveli sous la couette, leurs pieds se touchant.
— Tu veux que je te raconte une histoire ? murmura le père de famille quelques minutes plus tard alors qu'Itachi remuait toujours.
— Tu me prends vraiment pour un enfant, grommela Itachi.
— Non, s'étonna Nagato, pas du tout. C'est que… Je sais que tu aimes les histoires et… Je me disais que ça pouvait te changer les idées… Je… Pardonne-moi…
— Je n'ai pas vraiment envie d'entendre parler de meurtre, ou d'assassinats.
La voix d'Itachi n'était qu'un mince filet où filtrait toute la peur qu'il avait eue.
— Je pensais plutôt à te raconter des bêtises de Mikan. Je n'ai pas le droit de parler de mes affaires des forces spéciales et celles que je résous en ce moment sont… ennuyeuses… Y a bien cette petite mamie qui était venue nous voir parce qu'elle pensait que l'internet avait volé ses numéros de comptes, mais… C'est une histoire triste. C'était en fait son petit-fils qui profitait de son Alzheimer pour lui détourner de l'argent.
— J'avais entendu parler de cette histoire. Elle avait fait la Une, il y a deux ou trois ans… Tu étais chargé de cette enquête ?
Enfouissant son nez dans les cheveux de son colocataire, Nagato confirma.
— Pas mal d'affaires insolites ont transité entre mes mains, depuis que je suis à la financière. Celle-ci est vraiment une de celles qui m'ont le plus attristé. Le petit-fils n'a montré aucun remords.
Il respira profondément le parfum du shampoing hors de prix d'Itachi, les paupières closes.
— En ce moment je travaille sur une escroquerie de moyenne envergure, qualifia-t-il à retardement. C'est un truand d'internet qui a découvert les arnaques à la carte bancaire sur le darkweb et le deepweb. On va le choper à la fin de la semaine, il masque pas ses traces…
Itachi bougea, se retourna dans l'étreinte. Son nez effleura la pomme d'Adam de son colocataire qui déglutit. Un frisson fit vibrer le lit.
— Il fait froid dans ta chambre, chuchota Itachi avec étonnement.
— Un peu, confirma Nagato en remettant les couvertures tout contre Itachi et en le rapprochant encore plus. Là, c'est mieux ?
Lové dans une position confortable, la chaleur commençant à se répandre tout autour de lui, Itachi sourit contre la peau, se déplaça un peu.
— Oui, merci. Qu'est-ce que vous allez faire, alors, pour l'arrêter ? Le responsable des arnaques à la carte bancaire…
Nagato, pas vraiment bien installé, ne bougea pourtant pas et entreprit de répondre à la question dans le détail, guettant le moment où Itachi s'endormirait enfin, ses muscles se relâchant, sa respiration se faisant plus régulière contre son cou.
Lui-même finit par s'endormir alors que le jour commençait à se lever, filtrant à travers les interstices de ses volets mal fermés.
À bientôt !
