Mot de l'auteur

/!\ Cette histoire est une réécriture en version boy x boy de "La quête des Livres-Monde" de Carina Rozenfeld, l'histoire et les personnages lui appartiennent ! Les livres peuvent être acheter sur amazon, fnac et en librairie ! (Environ 5 à 14 euros le livre et environ 30 euros l'intégrale) pour soutenir l'auteur et la financer dans ses projets ! /!\

PS : Les personnages autres que Nathan, Zayn, Lia et Aela ne m'appartiennent pas ! Ils sont de Carina Rozenfeld, une écrivaine très talentueuse que j'admire !


Les trois Livres-Monde, posés côte à côte sur le sol gris, émettaient à présent une lueur qui croissait et décroissait, comme s'ils étaient vivants et respiraient calmement.

C'était l'heure de les ouvrir tous les trois, quelles qu'en soient les conséquences. C'était ici et maintenant que tout allait se jouer, sans retour en arrière, sans hésitation possible.

La serrure du Livre des Lieux étant irrémédiablement endommagée depuis que Lenny l'avait ouverte au chalumeau, il leur restait deux livres à déverrouiller.

- Mais on n'a pas pris de quoi vous faire saigner, les Chébériens, pour l'histoire du machin génétique ! ragea Lia en faisant un face-palm.

Zayn leva les yeux vers le ciel sombre et froid.

- Il y a un truc qui s'appelle la salive, qui est aussi pratique, tu sais ?

- Mais pourquoi Eyver a-t-il fait saigner Nathan la première fois ?

- Parce qu'il aime la mise en scène, je crois.

Lia croisa les bras et prit un air moqueur.

- J'attends de vous regarder cracher sur les serrures. Ça va être fun. Au moins un truc rigolo dans ce coin paumé de l'univers.

Nathan, sans relever le sarcasme, mit un doigt dans sa bouche et le posa, humide, sur la serrure. Il ne se passa rien.

- Ha ! s'écria Lia.

- Damn... Je pensais que ça suffirait, marmonna Zayn. Pourtant, notre salive contient notre ADN aussi, non?

- Peut-être pas assez. Dans le sang, ça doit être plus concentré. Finalement, Eyver n'était pas si théâtral que ça.

Le visage de Nathan s'était légèrement affaissé.

- Je ne comprends pas. Lui qui pense à tout ne nous a pas fourni une épingle...

Aela, qui marchait en rond pour se réchauffer, s'arrêta net et interrompit leur analyse comparée des fluides corporels.

- Les amis, il y a quelqu'un qui vient.

- Quoi ? fit Nathan.

La jeune fille était figée devant l'ouverture du passage. Elle avait raison. Une ombre, longue, déformée par la lumière mouvante du vortex, se rapprochait.

- C'est peut-être Jérôme qui a oublié de nous dire quelque chose ? suggéra Zayn.

Nathan fronça les sourcils.

- Il est censé surveiller le panneau de contrôle pour être sûr que tout va bien. J'espère qu'il ne s'est rien passé de grave sur Terre.

- Moi, j'espère qu'il nous amène un radiateur, déclara Lia.

Attentifs, ils attendirent que la silhouette se précise au fur et à mesure de sa progression.

Zayn se rapprocha de Nathan et souffla d'une voix inquiète :

- Ce n'est pas Jérôme, il n'a pas de cheveux.

Lia plissa les yeux pour mieux voir.

- Ça ne peut pas être Eyver, ce type marche.

- Alors qui ? demanda Aela.

Nathan se tendit.

- C'est bien Eyver. Il est debout. C'est impossible. Sauf si...

- Sauf si l'Avaleur de Mondes...

Zayn fut incapable de terminer sa phrase.

- Et merde ! s'écria Lia. C'est pas du tout le bon moment là ! Comment on ferme ce machin ? Il faut lui bloquer le passage !

Elle commença à appuyer frénétiquement sur tous les détails de l'arche qui pouvaient ressembler à un bouton.

- On ne peut pas ! cria Aela d'une voix hystérique. On ne peut pas, il faut retirer la carte qui le commande du côté de la Terre.

L'homme se rapprochait, encore et encore. Les traits du Passeur, ses yeux enfoncés dans leurs orbites, ses joues creuses, leur apparaissaient avec plus de netteté à chaque pas. Cela aurait pu être merveilleux de le voir marcher, tenir sur ses jambes, sauf que c'était ce qui pouvait arriver de pire : Eyver possédé par l'Avaleur de Mondes, par l'entité même qu'il combattait depuis des années.

Nathan réfléchissait à toute allure, le sang rugissant dans ses tempes sous l'effet de la panique. Ils ne pouvaient pas lui fermer le passage et ils n'avaient nulle part où fuir, nulle part où se cacher.

- Vite, il faut ouvrir les livres ! La distorsion...

Le Chébérien n'eut pas le temps de terminer. Le monstre était déjà là. Personne ne se serait douté, en le voyant assis en permanence dans son fauteuil, qu'Eyver fût aussi grand. Sa haute taille les dominait tous. Son regard, empli d'un noir furieux, menaçant, les dévisagea silencieusement une fraction de seconde.

- Je vois qu'il y a une petite fête organisée ici..., dit-il en ricanant avec un bruit désagréable. Vous avez oublié de m'inviter, on dirait.

- Mais non, pas du tout, plus on est de fous, plus on rit, répliqua Lia. D'ailleurs, on manquait de main-d'œuvre. Vous allez pouvoir nous aider. Recréer un monde, ce n'est pas une mince affaire.

Le regard que lui jeta l'entité aurait pu la tuer sur place, mais elle ne se départit pas de son flegme.

- Regardez, on a trois beaux livres qui racontent de belles histoires. J'adore les histoires. Il était une fois...

Elle se rapprocha doucement du Livre des Âmes et le pointa du doigt.

- Il était une fois des héros. Ils sont tous là. Mais je ne connais pas leur destin. C'est triste, non ?

L'Avaleur de Mondes rugit, un bruit inhumain, puissant, sembla résonner dans l'espace noir autour d'eux. Il se jeta sur Lia pour la frapper, mais Nathan, en un bond, s'interposa, et c'est lui qui reçut le coup. Son nez craqua sous le choc et il tomba à genoux, se tenant le visage entre les mains.

- Oh ! Il est pas gentil, le méchant, se moqua Lia. Il tape ses copains de classe. Mais... un grand merci, vous nous offrez la clef !

Elle se pencha vers son ami et passa un bras autour de ses épaules.

- Tu permets ?

Nathan acquiesça en faisant une grimace et retira ses doigts de devant son nez. Un sang épais et foncé coulait à flots de ses narines.

Sous le regard ahuri de l'Avaleur de Mondes, Lia s'en barbouilla le bout de l'index, qu'elle posa sur la serrure du Livre des Âmes. Aussitôt, un claquement sec résonna dans l'air froid.

- Noooon ! hurla l'Avaleur de Mondes

Il se rua sur le livre et voulut s'en saisir, mais il le lâcha aussitôt. Sur ses mains la peau avait noirci, brûlée par le métal de la couverture.

- Trop bon ! hurla Lia. Hahaha ! Ces Chébériens sont trop forts ! Ils ont pensé à tout !

Mais l'Avaleur de Mondes aussi avait pensé à tout, mouvement grand de jambe, il décocha un coup de pied violent dans le livre, qui valdingua si loin qu'il disparut derrière l'horizon arrondi du petit bout de terre sur lequel ils se trouvaient.

Zayn se précipita à sa suite, suivie de Lia, au moment où Nathan posait sa paume couverte de sang sur le verrou du Livre du Temps, qui s'ouvrit à son tour. Mais cette fois il ne laissa pas le loisir à l'entité d'écarter l'ouvrage. À la vitesse de l'éclair, il souleva la couverture dorée. Aussitôt les symptômes de la distorsion le saisirent et il vit, du coin de l'œil, le corps d'Eyver tomber par terre comme une poupée de chiffon. L'Avaleur de Mondes poussa un râle, mais, contrairement aux fois précédentes, il ne s'échappa pas de son hôte. Au contraire. Son visage se contracta sous l'effet de la souffrance et il se mit à ramper, s'aidant de ses avant-bras, les doigts recourbés comme des serres qu'il enfonçait dans le sol gelé. Centimètre après centimètre, il se rapprochait de Nathan, paralysé par la douleur.

Tout ce qui constituait Eyver s'était dissous sous l'effet de la possession. La peau de son visage si pâle habituellement était rouge, des milliers de petits vaisseaux sanguins ayant éclaté sous sa surface. Ses yeux n'étaient plus que des gouffres de vide, d'inhumanité. Ses lèvres avaient disparu, effacées par le rictus qui découvrait ses dents de manière grotesque. Son crâne se zébrait de lignes mauves comme si les veines qui couraient dessous gonflaient démesurément. Ses membres semblaient sur le point de se disloquer, quasiment arrachés du buste par l'effort que faisait l'entité pour lutter contre les effets de la distorsion, mais également pour continuer à faire bouger ce corps malade et affaibli qui, depuis l'ouverture du livre, était de plus en plus difficile à contrôler.

Ses ongles finirent par griffer la peau de Nathan, son cou, ses joues, alors que le garçon luttait avec difficulté contre l'inconscience. À ce moment-là, Aela, qui était restée pétrifiée par la panique et le dégoût des sensations qui remontaient en elle, sensations qu'elle avait enfouies tant bien que mal depuis l'épisode de sa possession par l'Avaleur de Mondes, intervint. Avec rage, elle attrapa un bras du monstre et le tira en arrière afin d'écarter les griffes monstrueuses qui labouraient son ami.

- Ça suffit maintenant, haleta-t-elle. Tu. Nous. Laisses. Tranquilles !

Profitant de ce répit, Nathan trouva la ressource de se mettre à genoux et à quatre pattes, des points noirs dansant devant ses yeux, le souffle court, il alla soulever à son tour la couverture du Livre des Lieux. La deuxième distorsion, conjuguée à la première, le terrassa. Il retomba à plat ventre sur le sol glacial, sentant le peu d'énergie et de volonté qu'il avait en lui se figer et disparaître. Juste avant de sombrer, il vit que l'Avaleur de Mondes n'était pas en meilleure posture que lui et cela le rassura juste un peu…