Mot de l'auteur
/!\ Cette histoire est une réécriture en version boy x boy de "La quête des Livres-Monde" de Carina Rozenfeld, l'histoire et les personnages lui appartiennent ! Les livres peuvent être acheter sur amazon, fnac et en librairie ! (Environ 5 à 14 euros le livre et environ 30 euros l'intégrale) pour soutenir l'auteur et la financer dans ses projets ! /!\
PS : Les personnages autres que Nathan, Zayn, Lia et Aela ne m'appartiennent pas ! Ils sont de Carina Rozenfeld, une écrivaine très talentueuse que j'admire !
Lia ramassa le Livre des Âmes, qui était à présent couvert d'une poussière givrée. En grimaçant, elle se pencha sur Zayn. Il avait fini par perdre connaissance sous l'effet de la distorsion dont elle avait reconnu les symptômes sur son visage déformé. D'un autre côté, c'était bon signe : cela voulait dire que Nathan avait réussi à ouvrir un ou deux autres livres et que l'Avaleur de Mondes devait lui aussi se traîner par terre. Cela lui donna du courage pour la suite, car ainsi elle n'aurait pas à l'affronter. Elle avait assez à faire comme ça.
- Je reviens tout de suite, murmura-t-il à son ami inconscient. Tiens bon !
Du bout des doigts, elle lui caressa la joue en espérant qu'il sentirait ce contact et y puiserait un peu de réconfort.
Et, en courant, elle retourna sur les lieux du drame. Seule Aela était encore debout et, comme elle l'avait deviné, les corps de Nathan et d'Eyver gisaient inertes sur le sol. Elle les ignora, même si cela lui tordait l'estomac de délaisser son ami pour se consacrer à sa mission. Heureusement qu'Aela et elle étaient là, sans quoi Nathan et Zayn n'auraient jamais pu aller au bout de leur quête.
- Il faut faire vite, lui cria Aela. Je ne sais pas combien de temps ils vont tenir avec les distorsions cumulées.
- Je m'en occupe, répondit Lia.
Elle posa le Livre des Âmes par terre et en souleva la couverture. Nathan gémit près d'elle, certainement en raison de la troisième distorsion qui venait s'ajouter aux deux autres, mais Lia se força à rester concentrée sur sa tâche. Tant que tout ne serait pas terminé, elle ne pourrait rien faire pour son ami, alors autant se dépêcher.
Elle comprit vite ce qu'elle avait à faire. Les reliefs, picots et creux de chaque couverture s'imbriquaient à la perfection l'un dans l'autre. Ainsi, elle glissa le lourd métal du Livre des Lieux contre celui des Âmes. Aussitôt, comme deux aimants attirés l'un vers l'autre, ils se rapprochèrent et s'ajustèrent. Lia, par curiosité, tenta de les séparer. Impossible. Ils étaient comme soudés.
- Vite, le dernier ! demanda-t-elle à Aela.
Sans réponse de son amie, Lia redressa la tête, et elle la vit, les yeux exorbités, la main sèche et osseuse d'Eyver plaquée sur la bouche.
Le corps du Chébérien était secoué de soubresauts, du sang coulait de son nez, de ses oreilles, mais l'Avaleur de Mondes ne lâchait pas prise. Sa volonté était plus forte que tout le reste. Malgré les douleurs provoquées par l'ouverture des livres, ajoutées à celles de ce corps déjà épuisé, il irait jusqu'au bout. Lui vivant, Chébérith ne renaîtrait pas.
- Lâchez-la ! cria Lia, qui fut à nouveau prise de tremblements.
Dans le feu de l'action, elle s'était réchauffée et avait oublié les conditions climatiques de leur situation, mais là, sous le coup de la peur et de la surprise, elle se sentit à nouveau transi et grelottante.
Le rictus qui défigurait le visage d'Eyver en un masque effrayant s'accentua. Les dents étaient rouges de sang, ainsi que la langue qu'il passa sur ses lèvres, les colorant d'un carmin violent.
- Tu crois vraiment que je vais t'obéir ? Tu rêves, pauvre petite humaine ! Le corps que j'occupe est mourant, il ne lui reste que quelques minutes à vivre. Je vais donc les occuper à bon escient. D'abord, je vais lui briser la nuque, à elle, et ensuite ce sera ton tour...
L'Avaleur de Mondes tournait le dos au vortex qui continuait à distiller sa lumière miroitante comme le reflet de l'eau d'une piscine sur ce bout de caillou perdu dans l'espace. Il ne pouvait pas voir la silhouette encore floue qui se rapprochait d'eux et que Lia venait d'apercevoir.
Gagner du temps. C'était ce qu'elle devait faire.
- J'aimerais bien voir ça... Et ensuite ? C'est quoi votre plan ?
Une toux violente, visqueuse, secoua le corps épuisé du vieux Chébérien, mais l'Avaleur de Mondes était décidé à tenir aussi longtemps qu'il le pourrait.
- Je n'aurai qu'à noyer les deux anomalies dans le vide de l'espace et à jeter les livres dans la fournaise du soleil. Ainsi, il ne restera rien de ce monde. Rien que des poussières !
- Très bien, c'est un très bon plan, railla Lia. Allez-y. Je veux voir ça...
L'entité fronça les sourcils.
- Tu te moques de moi ! Attends que je te regarde pleurer, quand tes amis seront morts.
Ce bref échange avait suffi. Jérôme finit par déboucher de l'arche. Il était mal en point lui aussi, arborant un œil poché, une arcade sourcilière fendue, une pommette noire, mais peut importait. Il était vivant, debout et résolu.
Sans hésiter, il brandit l'énorme seringue de liquide vert et, d'un geste bref et sûr, la planta dans le cou, en plein dans la carotide du corps d'Eyver.
Ce dernier eut un sursaut de surprise. Jérôme continua à presser sur le piston, le fluide pénétrait peu à peu dans le sang du Chébérien.
Un cri de douleur atroce jaillit de la bouche grande ouverte. L'Avaleur de Mondes hurlait, hurlait, puis sa prise faiblit et Aela fut enfin libérée. Tremblant comme une feuille, elle vint se réfugier près de Lia, qui la serra contre elle pour lui donner un peu de courage. L'entité tomba à genoux, les mains à la gorge, là où l'aiguille était encore fichée. Ses traits se déformèrent, ses yeux s'éclaircirent, un gargouillis affreux remplaça ses hurlements. Comme au ralenti, le monstre tomba sur le sol, tressautant sous l'effet du poison qui se répandait dans les veines de son hôte.
Jérôme se pencha vers le visage de son maître.
- Tu ne t'attendais pas à ça, hein ? Écoute-moi bien, sale bête. Tu sais ce que j'ai fait ? Je t'ai piégé. Pour toujours. Je t'ai enfermé dans le corps que tu habites et j'ai tué ce corps. Chacune de tes particules est coincée dans les cellules que tu as envahies et tu ne pourras plus en sortir. Jamais. Tu es prisonnier d'un organisme mort.
En effet, contrairement aux fois précédentes, où l'Avaleur de Mondes sortait de ses hôtes en une volute épaisse de fumée noire, là, il n'y avait rien. L'encre des yeux d'Eyver reflua, les tremblements cessèrent. Sans quitter son maître des yeux, Jérôme interpella Lia et Aela d'une voix claire qui résonna dans l'air froid.
- Les enfants, dépêchez-vous, il faut en finir. Nathan et Zayn sont toujours victimes de la distorsion.
Ces mots suffirent à faire sortir les deux adolescentes de la stupeur dans laquelle elles étaient plongées. Jérôme venait de dire qu'il avait tué Eyver ? Que l'Avaleur de Mondes était prisonnier de son corps ? Elles n'étaient pas certaines d'avoir bien compris. Lia fut la première à réagir. Elle poserait toutes les questions nécessaires plus tard.
- C'est vrai, vous avez raison !
Prestement, Aela alla chercher l'ultime livre. Celui du Temps, celui qui contenait entre ses pages métalliques le mécanisme qui devait tout déclencher.
Elle le tendit à Lia, qui l'intercala dans celui des Lieux. Les couvertures fusionnèrent en émettant un éclat violent. À présent, les trois livres n'étaient plus qu'un seul et même ouvrage. Une unité...
Ils étaient enfin réunis.
Pendant ce temps, Jérôme était resté penché sur le corps d'Eyver et avait pris sa main gelée inerte.
- Monsieur, je suis désolé, murmurait-il d'une voix inaudible. Je suis désolé, j'ai fait ce que vous m'aviez demandé. Je l'ai arrêté, mais à quel prix ?
Les paupières du vieil homme se soulevèrent légèrement, puisant dans ses ultimes ressources de vie.
- Jérôme...
Son filet de voix était plus rauque que jamais. Le majordome se rapprocha de la bouche ensanglantée.
- Je suis là.
- Ça a marché ?
- Comme vous l'aviez prévu, monsieur. Il est prisonnier maintenant, il ne pourra plus faire de mal.
- Et les enfants ?
- Ils ont réussi. Les trois Livres-Monde sont réunis, monsieur.
- Merci, Jérôme. Merci pour tout. Dites-leur que je les aime comme mes propres enfants et que j'espère me souvenir d'eux, même un peu, quand je reviendrai. Je m'en vais, maintenant. Je suis fatigué, mon corps ne m'appartient plus : il s'est transformé en tombe et j'emporte le mal avec moi. C'est parfait ainsi. Ne pleurez pas, mon cher, ne pleurez pas pour moi. Je vais revenir. Très vite. Nous nous reverrons.
- Je l'espère, monsieur...
Jérôme baissa la tête, une larme roula depuis sa joue et vint s'écraser sur celle du vieil homme que la vie quittait.
Eyver poussa un dernier souffle, apaisé. Sa tête s'inclina sur le côté, sa main glissa des doigts de son ami. Ses yeux se figèrent sur le vide de l'espace.
Doucement, Jérôme ferma ses paupières pour toujours et resta prostré près du cadavre de l'homme qui l'avait sauvé autrefois, qui lui avait offert une nouvelle chance, une nouvelle vie.
Au moment même où la flamme de l'âme d'Eyver s'éteignait, un énorme grondement résonna au loin, semblant par venir des tréfonds de l'univers lui-même, et l'éclat qui avait jailli à la réunion des trois livres s'intensifia jusqu'à devenir aveuglant, forçant Lia et Aela à se protéger les yeux de leurs bras repliés.
Nathan, de son côté, reprenait connaissance lentement. La douleur s'était arrêtée au moment où les trois ouvrages s'étaient agglomérés. Il avait senti sa conscience le réinvestir lentement, les bruits autour de lui redevenir audibles : le souffle du vortex, des chuchotements trop bas pour être compréhensibles, le froid aussi, qui glaçait sa peau.
D'un coup, un roulement colossal, comme le tonnerre mais tellement plus grave, plus profond, plus puissant, le tira complètement de son état.
La tête pulsant de douleur, il se redressa. Une lumière éblouissante l'empêcha de distinguer ce qui se passait autour de lui, jusqu'à ce que Lia et Aela se rapprochent.
- Nath, ça va ? demanda son amie.
- Un peu secoué, mais ça va. Que s'est-il passé ? L'Avaleur de Mondes?
- C'est terminé, Nath, il ne nous embêtera plus. Je t'expliquerai...
- Où est Zayn ?
- Zayn ! Il était inconscient à cause de la distorsion !
Cela suffit à redonner à Nathan force et courage. Faisant abstraction de ses douleurs, il se leva maladroitement et, levant une main pour se protéger du flamboiement de lumière, il se précipita...
Mais le sol commença alors à trembler. Les cailloux parsemant sa surface tressautèrent, des fissures zébrèrent la surface de la parcelle de terre accrochée à l'arche, qui se mit à clignoter. Un vent violent se leva simultanément, arrachant la poussière de la surface, la soulevant en écharpes grises et piquantes pour la peau. Le souffle s'amplifia, prit des proportions énormes. On n'entendait à présent que ses rafales, couplées aux coups de semonce de l'univers qui se déchirait.
- ZAYN ! hurlait Nathan aussi fort que possible.
Il avançait, ankylosé, plié en deux, la bouche aussitôt pleine de sable dès qu'il criait.
Enfin il le vit. Il progressait vers lui en boitant, luttant lui aussi contre les éléments déchaînés. Quand ils se rejoignirent, Nathan le serra fort contre lui, et, sans échanger un mot car ils ne pouvaient plus parler dans la tempête, ils repartirent vers l'arche, courbés, les bras devant le visage pour se protéger un tant soit peu.
Enfin, après un temps qui leur parut très long, alors que la distance était en réalité courte, ils atteignirent leur but. Lia leur faisait de grands signes depuis le seuil du vortex, dont la lumière était toujours irrégulière, en compagnie de Jérôme et d'Aela.
Avec soulagement, ils les rejoignirent. Dès qu'ils eurent fait un pas dans le tunnel, le fracas et les bourrasques s'estompèrent.
- Vous allez bien ? demanda Jérôme en les étudiant de près.
- Ça va, ça va, un peu ébouriffés, le rassura Nathan.
Le garçon se retourna pour observer le chaos qui s'installait. C'était un spectacle de fin du monde. Ou alors le début du monde ressemblait à la fin...
- Pourquoi est-ce qu'on ne sent presque plus rien, ici ? demanda-t-il d'une voix rendue râpeuse par les distorsions et le sable qu'il avait avalé.
- Parce que nous sommes dans une autre partie de l'univers, qui n'est pas tout à fait ce coin de l'espace ni la Terre.
Zayn aperçut alors le corps d'Eyver encore allongé à quelques mètres d'eux.
- On ne peut pas le laisser là ! Il faut faire quelque chose !
Il allait s'élancer, mais Aela le retint par le poignet en lui faisant un signe négatif de la tête, l'air accablée. Zayn tenta de lui faire lâcher prise, mais il était encore trop épuisé par la douleur qui l'avait terrassée, et Aela avait une poigne solide.
- On ne peut rien faire, mademoiselle, c'est terminé pour lui. Ce serait trop dangereux d'aller le chercher...
- Qu'est-ce que tu veux dire... Que c'est terminé...?
Ses yeux s'élargirent quand il comprit le sens de la phrase du majordome, puis ils s'emplirent de larmes. Aela la lâcha sans se départir de son air sombre.
- Non ! Il ne peut pas, pas maintenant, pas si près du but !
Zayn enfouit son visage maculé de poussière contre la poitrine de Nathan pour cacher son chagrin. Lui-même inspira profondément pour éviter de se laisser submerger par la tristesse. Lia posa une main réconfortante sur son épaule.
- Il savait que ça se terminerait comme ça, Nathan. Il n'aurait pas pu survivre à ce que lui a fait subir l'Avaleur de Mondes.
Le jeune Chébérien hocha la tête, incapable de prononcer le moindre mot, mais tout aussi incapable d'accepter la réalité de la mort d'Eyver.
C'est à ce moment que la boule de lumière générée par livres trois réunis éclata comme une fusée de feu d'artifice, montant dans le ciel noir et vide à toute allure. Là, elle explosa et s'épanouit dans une gerbe de feu monumentale.
Ils avaient tous le regard levé vers ce spectacle incroyable, une main en visière pour se protéger de l'éclat puissant qui éclairait tout autour d'eux. Mais Aela les ramena à la triste réalité.
- Regardez Eyver ! Il... disparaît !
En effet, le corps du vieil homme perdait de sa consistance, devenait transparent comme du verre, puis, en quelques instants, il disparut comme s'il n'avait jamais existé.
- Qu'est-ce qu'il se passe encore ? demanda Nathan, des sanglots dans la voix.
Jérôme les surprit tous au sourire, tellement rare chez lui, qui éclairait son visage.
- Il s'est effacé, les enfants, il s'est effacé. Après toute cette lutte...
- Au moins, il est allé au bout, murmura Lia. C'est un héros.
- Oui, et il a emporté le monstre avec lui. L'Avaleur de Mondes a succombé à sa propre calamité, il s'est effacé avec monsieur Eyver, prisonnier de son corps.
La voix de Jérôme se brisa à ce moment-là, lourde du trop plein d'émotions et de tristesse accumulées.
À ce moment-là, le début du monde commença vraiment.
