Point de vue : Mia
Je n'y voyais plus rien. J'avais le visage baigné de larmes et je ne sentais plus mes jambes, ni mon corps. J'étais sous le choc de cet échange avec Harry. Je venais de le détruire, je l'avais vu dans ses yeux. Je venais de le laisser croire au pire, sans réagir car j'avais vu dans ce mensonge ignoble ma seule porte de sortie. Je n'avais eu que ça, je n'avais pas prévu de le revoir ce soir, je n'avais pas réfléchi à un discours qui tienne la route. Harry m'avait complètement prise de court et j'avais été bousculée par l'urgence. Mon seul objectif avait été de le faire quitter très vite cet appartement. Il ne devait pas rester ici puisque Adrien était quelque part en train de rôder. J'avais eu le cœur en miette de lire son cheminement de pensées, de voir ses larmes, sa déception, son dégoût et sa colère mais c'était un moindre mal. Je ne pouvais pas courir le risque qu'il finisse à St Thomas comme Charlie ou dans une tombe comme Victoria.
Alors j'essayais de me calmer, de me persuader que je venais de prendre la bonne décision. Je me répétais en boucle que ce serait bientôt terminé et que tout rentrerait dans l'ordre quand il apprendrait la vérité. Je me répétais ces paroles réconfortantes inlassablement pendant mes torrents de larmes mais je sentais une émotion nouvelle prendre le dessus ensuite. Je sentais mon corps trembler sous l'effet de la colère, j'avais des fourmillements de partout, la rage s'installait progressivement dans le moindre de mes pores. J'étais révoltée, écœurée et indignée par la situation. Je fulminais et j'enrageais au fil des minutes en pensant à Adrien et à tout ce qu'il était en train de m'infliger. Je repensais à toutes ces années de harcèlement, à cette nuit d'horreur avec lui, à la douleur qu'il venait de faire subir à Charlie et à tous les sacrifices qu'il m'obligeait à faire aujourd'hui. Renoncer au studio, sacrifier mon succès et surtout sacrifier Harry. Je tempêtais au point de pulvériser au sol mon vase. Le geste me libérait un court instant mais je continuais de faire les cents pas dans la pièce avec la même colère et la même détresse ensuite. Je continuais de m'arracher les cheveux sous le poids de ces émotions et je me mettais à retourner la situation dans tous les sens pour me sortir de cette impasse désastreuse. J'avais laissé Tom faire suivant ses plans et j'étais forcée de constater qu'il échouait lamentablement.
Et je me calmais progressivement en y réfléchissant. Je marchais plus tranquillement à travers la pièce. Je m'arrêtais sur mon téléphone dans un premier temps pour prévenir Charlie de la situation. Il ne répondait pas à cette heure de la nuit, il devait déjà être au lit avec Catherine alors je me contentais d'un message en espérant qu'il le consulte rapidement au réveil. Il fallait qu'il reste impérativement à l'abri et qu'il évite Harry pour ne pas se faire démolir ou ne pas avoir à me trahir. C'était déjà une chose de faite et il ne m'en restait une autre.
Je restais plusieurs minutes assises devant ma fenêtre à fixer ce téléphone. Je le fixais en pesant le pour et le contre longuement et je me décidais, sous le coup de la colère. Je soupirais bruyamment en entendant les premières tonalités et je fermais les yeux en entendant sa voix.
"Mia..."
"Adrien", je me figeais un instant pour contenir mon stress et mes tremblements. Le son de sa voix me perturbait plus que je ne l'avais voulu et j'essayais de reprendre le contrôle de mes émotions pour mieux affronter la suite.
"Tu es de retour à Londres ?", j'avais froid dans le dos qu'il le sache et je regardais mécaniquement autour de moi et par la fenêtre pour essayer de comprendre d'où cet homme m'épiait.
"Oui", je l'écoutais marquer un blanc de quelques secondes et il reprenait avec une voix mielleuse qui me provoquait un réflexe nauséeux.
"Pourquoi est-ce que tu es partie ?", je réfléchissais rapidement pour lui donner une réponse satisfaisante qui n'ait rien à voir avec la réalité.
"Besoin d'air pour digérer ma rupture avec Harry", je ne savais pas ce qu'il en pensait. Adrien restait silencieux quelques secondes après ça et il reprenait.
"...Je suis heureux d'entendre ta voix", je ne pouvais pas en dire autant, j'avais envie de l'insulter mais je me contentais d'ignorer et d'aller droit au but pour conclure rapidement cet échange.
"J'ai bien reçu ton message avec Charlie. Et je pense qu'il est temps qu'on arrête de passer par personne interposée pour se parler", mon ton était loin d'être tendre. Il était cassant et j'essayais de redescendre en pression pour ne pas le braquer.
"Je suis d'accord avec toi..."
"Rejoins-moi au Wagon bleu, demain matin à 10h", et je raccrochais purement et simplement sans autre formule de politesse. Je m'asseyais sagement sur la banquette de ma fenêtre. Je m'accordais un temps de pause très court pour me remettre de mon stress intense après cet échange avec Adrien et je passais mon dernier coup de fil de la soirée en soupirant courageusement.
Je racontais à Tom les derniers évènements et j'éloignais le combiné de mon oreille pour soulager mes tympans.
"TU AS PERDU LA TÊTE ?"
"Quoi, tu étais d'accord avec l'idée non ? Je n'en peux plus, Tom... J'en ai marre de subir les délires de cet homme et de devoir encore sacrifier mon bonheur. J'estime que j'en ai assez bavé mais j'estime surtout que Harry en a assez bavé. Donc il faut que ça s'arrête", je l'entendais fulminer et encore s'opposer.
"Peut-être Mia mais ce genre de choses se prépare. Tu te rends compte que tu me mets au pied du mur ? J'ai aussi d'autres sujets à gérer, je ne suis pas ton garde du corps attitré !", je gardais le silence malgré ses remontrances et ses dernières paroles blessantes. Je pleurais, le plus silencieusement possible, pour extérioriser ma détresse.
"Putain demain matin... Sans déconner...Je raccroche pour m'en occuper. Je ferai poser un micro sur une des tables. Prends la réservation à ton nom. Cuisine-le, j'ai besoin de plus que le simple témoignage de Charlie. Pousse-le aux aveux d'accord ? Vas-y au talent, Mia, on a pas le temps de te briefer", je n'arrivais pas à lui répondre. Les mots étaient bloqués dans ma gorge. J'étais tétanisée à la perspective de l'évènement maintenant.
"Hey ?", Tom qui avait retrouvé sa bienveillance et son calme, je l'entendais au ton de sa voix.
"Ça va aller. Tu es une guerrière et je serais juste à côté, ne t'en fais pas. L'endroit sera bondé à cette heure-ci. C'est la dernière fois que tu entendras parler de lui. Tu vas gérer", je soupirais sur ses encouragements et je m'efforçais de sécher mes larmes.
"Ok"
"A demain. Essaye de dormir un peu".
J'avais raccroché le cœur très lourd et j'étais maintenant dans une angoisse profonde et solitaire.
Je repensais à Adrien. J'essayais de me souvenir de lui, de ses traits, de sa carrure et de son apparence. J'essayais de m'y préparer dès maintenant pour que le choc soit moins violent demain. Je repensais aussi à son caractère et sa personnalité pour tenter de broder un discours et de trouver des failles à exploiter pour le pousser aux aveux mais ces réflexions ne faisaient qu'accroître mon stress. Elles me replongeaient dans les souvenirs de cette nuit terrible il y a six ans, de ce déferlement de haine et de torture, alors je changeais de fusil d'épaule et je pensais plutôt à Harry. Je repensais à son visage merveilleux, à ses bras réconfortants et à tous ces moments d'exception avec lui. J'essayais d'annuler l'image terrible de l'ultraviolence d'Adrien pour la remplacer par celle pleine de tendresse et de passion de Harry. Je me détestais de ne pas lui avoir rendu son baiser et son étreinte ce soir. J'aurai dû en profiter une dernière fois avant de le congédier. J'aurais sûrement eu plus de courage si je l'avais fait.
Je luttais contre ma fatigue pendant des heures ensuite mais elle me rattrapait sous le poids des émotions. Je tombais finalement de fatigue au petit matin et j'étais tirée violemment de mon sommeil par la sonnerie de la porte d'entrée. Je me réveillais en sursaut et en vérifiant immédiatement l'heure. Je soupirais de soulagement en constatant que je n'étais pas en retard pour mon rendez-vous avec Adrien. J'avais encore une heure devant moi. J'avais ensuite de nouveau la boule au ventre en entendant une nouvelle sonnerie. Ça ne pouvait être que Harry. Je réfléchissais rapidement, il me fallait une excuse pour le congédier et ne pas le laisser me mettre en retard. Je prenais donc mon courage à deux mains, je me levais et j'allais ouvrir courageusement cette porte en reprenant mon masque des grands jours.
Et je me figeais. J'étais traversée par une adrénaline phénoménale en le revoyant après toutes ces années. Je regardais Adrien comme le revenant qu'il était en ce moment. J'étais bloquée sur lui, sur ses yeux bleus, ses cheveux roux, son visage impeccable faussement angélique. J'étais bloquée sur sa carrure toujours aussi imposante pour mon plus grand malheur, et j'étais bloquée sur ses bras, toujours aussi tatoués et révélateurs de son caractère rebelle et indiscipliné.
"Bonjour", le son de sa voix me ramenait brutalement sur terre.
"...Qu'est-ce que tu fais là ?", je n'avais pas mieux à répondre. Il n'avait aucun droit ni aucune raison d'être là, chez moi.
"Excès de galanterie ? Je suis passée te récupérer", j'étais tétanisée par sa malheureuse initiative. Il n'était pas censé venir ici, je n'étais pas censée l'affronter ici, sans témoin et en dehors de la surveillance de Tom. Sa visite impromptue mettait en péril mes plans.
"Je ne suis pas prête, je préfère qu'on se rejoigne comme prévu tout à l'heure", j'avais réagi rapidement en amorçant un premier geste rapide pour refermer la porte mais je le voyais la bloquer avec son pied avec beaucoup de vivacité. Son entrave me faisait frissonner et trembler.
"C'est ridicule maintenant que je suis là. Prépare-toi, je t'attend"
"Non, on se rejoint au restaurant", j'essayais de forcer la porte une nouvelle fois et de parler avec fermeté mais Adrien était déterminé. Il continuait de me bloquer l'air de rien pendant qu'il reprenait la parole avec une voix très intense.
"Tu es vraiment très belle", j'étais prise de malaise en suivant son regard. J'avais envie de vomir en voyant ses yeux détailler mon corps et cette nuisette. Harry était censé être derrière cette porte et pas lui. J'avais prévu la tenue la plus couvrante possible pour mon rendez-vous avec lui, pour ne pas lui donner le plaisir de me regarder et j'étais exposée malgré moi de la plus inconfortable des façons. Je ne répondais pas à son compliment dégoûtant et je soutenais son regard pour ne pas rater la première opportunité de claquer cette porte.
"Pourquoi est-ce que tu as accepté de me revoir maintenant ?"
"On parlera de ça au restaurant", j'étais très nerveuse mais j'essayais de le masquer.
"Comment va Harry ?", je me tendais à cette mention. Adrien me provoquait.
"Mal puisque tu m'as obligé à rompre. Mais il s'en remettra", je m'impatientais et je décidais de répondre de façon lapidaire à ses questions pour mieux le congédier.
"Quand est-ce que tu lui as dit ?"
"Il y a deux semaines, quand tu l'as demandé"
"Si tu as rompu avec Harry il y a deux semaines, pourquoi est-ce qu'il était là cette nuit ?", je me figeais, j'étais horrifiée qu'il soit au courant. J'arrêtais de respirer. Je faisais le lien immédiatement avec ses menaces, mes intestins étaient en train de se broyer et les larmes menaçaient de tomber à l'idée qu'il ait pu s'en prendre à Harry après son départ de chez moi. Adrien semblait suivre le fil de mes pensées.
"Ne t'inquiète pas, je l'ai laissé rentrer chez lui. Mais réponds à ma question", je prenais sa confirmation pour acquise avec un immense soulagement et j'essayais de reprendre contenance ensuite pour revenir à notre échange et tenter de sauver la mise.
"Pour me récupérer mais Harry a compris et c'est définitivement terminé", je retenais un cri d'horreur ensuite en le voyant forcer l'ouverture sans préavis après ma réponse. Il entrait avec une facilité déconcertante et je reculais de plusieurs pas. Adrien venait de remporter le premier duel. Il se tenait droit et fier dans mon appartement maintenant, planté entre cette porte et moi et je lisais beaucoup de contrariété sur son visage désormais.
"Tu mens toujours comme une arracheuse de dents", je croisais les bras par instinct pour couvrir mon décolleté et me protéger dans un geste vain. Je le faisais aussi pour bloquer mes mains et éviter de lui montrer que je tremblais férocement en ce moment à ce premier changement d'humeur de sa part.
"Je te fais peur ?", ses yeux se posaient sur mes bras. Il avait parfaitement noté mon état.
"Non, je me méfie de toi, c'est différent. Et c'est normal après la dernière fois", et je ne le lâchais pas des yeux. Je me méfiais de lui en effet comme de la peste malgré son ton calme. Je le regardais maintenant soupirer d'exaspération et planter ses yeux dans les miens.
"Il faut que tu arrêtes de tout renvoyer à ça. C'était une erreur. Tu m'as assez puni Mia et Harry et Charlie aussi. Je te promets que ça ne se reproduira plus. J'aimerai qu'on tourne la page"
"Et moi...j'aimerai qu'on sorte d'ici...et qu'on aille au restaurant comme prévu", j'avais parlé très lentement. Je savais que ma voix était suppliante et je le regardais se retourner vers la porte. J'avais donc un espoir, je retenais mon soupir de soulagement pour ne pas crier victoire trop vite et je me mordais les lèvres à sang en le voyant enclencher le verrou et s'adosser contre cette porte. Il venait de la condamner. Il venait de me condamner.
"Et moi je préfère qu'on discute en privé", j'étais incontestablement dans un sacré pétrin et mon instinct prenait le relais. Mes yeux balayaient la zone autour de moi, je cherchais un moyen de me dépêtrer et je voyais mon téléphone sur la table. Je détournais mon regard rapidement pour ne pas qu'il le remarque mais je voyais Adrien le fixer aussi. Il l'avait repéré et il avait suivi le fil de mes pensées. J'hésitais une fraction de seconde mais je bondissais en urgence dans une tentative désespérée de m'en saisir. J'avais toujours été plus vive que lui mais il me surpassait cette fois. Il attrapait mon téléphone le premier et le pulvérisait au sol avec brutalité. Son geste me faisait tétaniser et sursauter. Je tremblais comme une feuille après ce premier accès de colère et je l'écoutais reprendre avec ce même ton calme ensuite.
"Tu pensais appeler qui ? Harry ou ce flic qui nous attend au restaurant ?", et j'inspirais profondément. Je fermais les yeux en réalisant que j'étais démasquée. Adrien avait mis mon appartement sur écoute, c'était la seule explication pour qu'il soit au courant de ça et de mon mensonge à propos de Harry. Cela expliquait aussi beaucoup d'autres choses. C'était donc un code rouge maintenant. Je ne croyais plus une seule seconde à son baratin et ses airs pacifistes du moment. Ce n'était pas possible qu'il soit ici en paix après le guet-apens que je venais d'essayer de lui tendre. Alors je réfléchissais et je notais son nouvel emplacement. Il était dans la cuisine, la voie vers la porte était libre et je réagissais à la vitesse éclair. Je tentais ma chance en courant vers elle, malgré mes jambes flageolantes, mais je hurlais de désespoir et d'impuissance en sentant ses bras me ceinturer brutalement. J'étais saisie d'horreur en regardant cette porte qui n'était plus qu'à quelques centimètres et j'étais prise de dégoût en le sentant me coller contre lui et en entendant sa voix à mon oreille.
"Arrête. J'essaye de rester calme. Tu es en train de gâcher nos retrouvailles, Mia", je pleurais maintenant silencieusement, je restais parfaitement immobile dans ses bras en jaugeant encore la situation. Je pouvais le faire, je n'avais que quelques centimètres à franchir, je pouvais le surprendre. Alors j'essayais, je tentais encore ma chance avec une technique de défense apprise par Tom et j'y arrivais. J'atteignais le verrou, je parvenais à le défaire et je me dépêchais d'enclencher la poignée. J'agissais avec une vitesse folle et un instinct de survie primaire mais à mon plus grand désarroi, je sentais la main d'Adrien m'intercepter. Il la dégageait fermement de la poignée. Je me débattais comme une lionne pour me défaire de sa prise, finir mon geste et fuir mais je le sentais me soulever de terre et m'éloigner considérablement de mon unique échappatoire.
Je pensais au pire après ça. J'attendais les coups mais ils ne venait pas. Adrien se contentait de me bloquer en silence et j'entrais dans une hystérie incontrôlable et imprévisible à cause de cette entrave. Je distribuais les coups de rage, je me débattais violemment et j'arrivais à fuir ses bras. Je courais à travers le salon en piétinant les débris de verre de la veille. Adrien me pourchassait mais j'arrivais malgré tout à lui échapper et à me réfugier dans ma salle de bain.
J'avais un sursis. J'inspectais la pièce mais je ne trouvais absolument rien de satisfaisant pour me défendre. Il n'y avait aucune autre issue possible que cette porte et j'entendais déjà Adrien tambouriner dessus. Je tombais au sol subitement après ça en sentant une douleur lancinante sous mes pieds et je découvrais avec désolation tous les débris de verre qui y étaient plantés. Le sang coulait à profusion. J'essayais de m'en occuper rapidement avec ce que j'avais sous la main, je le faisais en tremblant, en paniquant et en l'entendant tempêter derrière cette porte.
J'entrais ensuite dans un état catatonique indescriptible en entendant une accalmie. Je fixais cette porte solennellement et cette pièce et j'avais un goût amer de déjà vu. J'entendais Adrien s'éloigner de cette porte mais je savais que j'étais fichue. Je tenais mon visage entre mes mains en prenant la pleine mesure de la mouise monstrueuse dans laquelle j'étais. Je n'avais ni Tom, ni Harry, ni mon téléphone. Je n'avais plus de pieds sur lesquels me reposer et c'était parfaitement inutile de crier puisque j'avais pris tous les soins pour insonoriser cet appartement et pouvoir répéter mes chorégraphies en toute tranquillité. J'étais complètement seule, encore, face à mon pire cauchemar.
Adrien allait me faire très mal cette fois puisque j'avais dépassé les bornes avec cette trahison. Il allait me tuer, j'en étais persuadée. J'arrivais au bout de ma vie après tous ces efforts pour lui survivre et pour revenir vivante de l'Île. J'étais sur le point de m'en apaiser, j'étais à la limite de l'accepter quand l'image de Harry s'insinuait dans mon esprit. L'idée de l'abandonner et de lui infliger un nouveau deuil me déchirait. Cette pensée était la pire de toute et elle me révoltait. J'en étais là dans mes dernières réflexions, quand Adrien se décidait à briser ce moment de calme inespéré avec ses paroles très froides et autoritaires.
"Ouvre cette porte, Mia. Tu sais que je peux la défoncer. Ne me laisse pas monter en pression. Je n'ai pas envie que ça dérape encore. Fais ce que je te dis", je frissonnais à l'ordre, je me glaçais à la menace mais je restais silencieuse et immobile. Je ressentais une lassitude et un désespoir sans limite à cet instant précis puis je sursautais violemment en l'entendant donner des coups sur cette porte. Et ses coups étaient de plus en plus forts. Sa violence et sa colère étaient en train de monter crescendo. Mes larmes coulaient maintenant abondamment. Je l'entendais marteler comme un forcené, je voyais le bois trembler et les gonds faiblir et je le voyais avec sidération défoncer la porte et réussir à la faire tomber au sol devant moi.
J'étais pétrifiée mais je trouvais le courage de me relever pour lui faire face. Je n'avais aucune intention de partir en victime, aucune intention de courber l'échine et de le laisser faire sans essayer au moins de lui faire mordre la poussière cette fois. Je tentais d'ignorer la douleur sous mes pieds, je réussissais à lui rendre plusieurs coups qui le faisaient saigner mais je me voyais partir instantanément dans les limbes en sentant ma tête cogner brutalement contre le rebord de la baignoire.
