Point de vue : Charlie

Scène de crime. Ces mots auxquels j'étais pourtant habitué résonnaient aujourd'hui avec une violence sans précédent à mon oreille. Je faisais le lien à la même vitesse que Harry et en pensant à Adrien. Je réagissais avec la même vivacité en courant à sa suite avec la main de Catherine dans la mienne. Je me figeais comme lui en arrivant au dernier étage devant la porte de Mia. Harry avançait le premier, il ouvrait mais il butait immédiatement sur Tom qui lui barrait la route.

"Qu'est-ce que vous foutez là tous les trois ?! Demi-tour !", Tom bloquait fermement l'accès et la vue avec sa carrure et son bras. Harry essayait de forcer le passage une première fois mais Tom s'interposait et il essayait une deuxième fois avec beaucoup plus d'humeur.

"DEGAGE !", et je le voyais tempêter, prendre Tom par surprise, réussir à le bousculer et à entrer dans l'appartement. Tom soupirait mais il renonçait pour ne pas faire d'esclandre. J'en profitais pour me faufiler derrière Harry et j'avais le souffle coupé en découvrant l'état de l'appartement. Je voyais le téléphone de Mia brisé à terre, je voyais tous ces éclats de verre, tout ce chaos mais surtout ces tâches de sang inquiétantes au sol. Les équipes de Tom balayaient au peigne fin l'appartement. J'étais horrifié par chaque détail et complètement immobilisé pendant que Harry, lui, s'élançait comme un chien fou en ouvrant et en referment brutalement les portes une à une. Tom le laissait faire et moi, j'avais arrêté de respirer. Mon angoisse pulvérisait tous les records, je priais tous les saints pour ne pas entendre Harry hurler d'effroi dans une de ces pièces. Je soupirais démesurément de soulagement en le voyant revenir vers nous en furie. Mia n'était pas morte. La police ne l'aurait pas encore bougé. Harry l'aurait forcément retrouvé sous un drap blanc.

"Où est Mia ?", j'étais suspendu aux lèvres de Tom à cette question de Harry. J'étais plus que prêt à décoller pour aller à son chevet mais Tom était figé en regardant Harry. Je supposais qu'il ne voulait pas être celui à devoir lui annoncer pour Adrien alors je le sortais de son dilemme et j'intervenais pour prêter mains fortes à Harry.

"Il est au courant pour Adrien. Elle est à quel hôpital, Tom ?", j'attendais mais il était toujours aussi muet et sur la réserve malgré mon intervention.

"RÉPONDS PUTAIN ! OU EST-CE QUE VOUS L'AVEZ AMENÉ ?", cette phrase sortait de ses tripes mais Tom restait imperturbable. Il se mettait à le regarder avec un air compatissant que je commençais à craindre et à ne pas apprécier.

"Qu'est-ce qu'il s'est passé…?", je posais la question à voix tellement basse en comparaison avec Harry que je m'étonnais d'avoir l'attention de Tom en retour. Il me répondait, sans un regard pour lui.

"Mia n'a pas suivi tes conseils. Elle a agi sur un coup de tête hier après le départ de Harry en donnant rendez-vous à Adrien ce matin. Je devais le coffrer au restaurant à 10h mais ils ne se sont jamais présentés…"

"Qu'est-ce qu'il lui a fait ?", c'était Harry cette fois qui intervenait très péniblement. J'étais aussi en train d'imaginer le pire en repensant à ce dernier rapport de police et à l'état dans lequel il avait mis Mia la dernière fois. J'attendais la sentence mais je voyais Tom garder le silence et me fixer intensément. J'étais certain qu'il essayait de me faire passer un message mais je ne comprenais rien. Mon manque de vivacité et de réaction était en train de le frustrer et il se décidait donc à répondre à Harry par dépit.

"Je ne sais pas…"

"Comment ça tu ne sais pas ? Renseigne toi !", Harry était exaspéré et à cran car il était dans l'incapacité totale de réfléchir en ce moment. Il voulait une réponse nette que Tom lui refusait. Tom choisissait à la place de me regarder. Il me fixait de nouveau. Je réfléchissais. Et je comprenais. J'avais envie de gémir de douleur à la fin de ma conclusion silencieuse mais je restais droit et inébranlable pour Harry qui n'avait toujours pas saisi. Je me décomposais le plus discrètement possible. Tom le remarquait et il choisissait ce moment pour se tourner vers Harry. Il prenait une profonde inspiration avant de prononcer ces mots qui allaient l'écorcher vif et lui briser le cœur en mille morceaux.

"Je ne sais pas où elle est, Harry. Mia n'était pas là à mon arrivée", je l'avais déjà compris mais la verbalisation de Tom me terrassait.

Je regardais Harry avec une impuissance totale. Il écoutait et digérait les mots de Tom avec le regard vide pendant quelques secondes puis il s'écroulait violemment et de façon épouvantable sous le choc de la révélation. J'aurai dû courir vers lui mais je choisissais de lui tourner le dos avec la plus grande lâcheté parce que je n'arrivais pas à supporter ses cris, ses larmes et tous ses autres signes d'agonie. La détresse de Harry me fendait l'âme en deux et me ramenait tout droit sur l'île. J'avais ce goût amer de déjà-vu et je voulais juste me percer les tympans et me crever les yeux pour ne plus le voir dans cet état. La disparition de Mia et l'impact de cette nouvelle sur Harry étaient en train de me mettre six pieds sous terre.

Tom avait compté sur mon soutien mais je n'étais d'aucune utilité alors il laissait son équipe s'activer autour de lui pour me suppléer : il aidait Harry à encaisser, il l'obligeait à s'asseoir sur le canapé et il maintenant une poigne ferme sur son épaule pour l'aider à reprendre pied et calmer sa crise.

Mon désarroi était total. Le moment était pire que tout et je sentais Catherine presser mon bras et prendre ma main en signe discret de soutien et de réconfort. C'était une tentative très vaine car il n'y avait rien ni personne en ce moment qui était en capacité de me soulager.

"Chef ?", je relevais la tête en même temps que Tom et je regardais l'objet entre les mains de cet agent que je devinais être un micro. Et c'était encore une terrible nouvelle. Adrien avait eu connaissance de toute la supercherie et c'est ce qui expliquait sa visite. Je regardais le chaos environnant sous un tout autre angle maintenant. J'encaissais silencieusement cette information qui échappait heureusement à l'attention de Harry.

"Tom, c'est bon, j'ai les codes de la vidéosurveillance", mon stress montait immédiatement à cette nouvelle interruption. Tom bondissait du canapé en se dirigeant vers le comptoir de la cuisine, là où était posé l'ordinateur de Mia mais je restais solidement planté au sol parce que je ne voulais pas voir ça. J'avais beaucoup trop peur de ce que ces images avaient à révéler.

"L'un de vous connait le code de Mia ?", j'hochais la tête négativement à cette question de Tom et je voyais avec stupeur Harry se relever subitement du canapé et se diriger vers lui. Je le regardais manipuler l'ordinateur avec une détermination nouvelle et redonner la main à Tom en se maintenant à ses côtés. Il attendait des réponses mais j'avais fait mon choix de côté, je refusais de voir ces images. Alors je ne bougeais pas mais je sentais Catherine me contredire et me pousser doucement vers eux. Je résistais d'abord puis je cédais sous son insistance. Je me positionnais à côté de Harry, sans aucun entrain et sans aucun espoir. J'étais intimement persuadé que cette vidéo n'allait apporter que des mauvaises nouvelles. Je savais qu'elle ne ferait que de nous accabler.

"Tu es parti à quelle heure hier soir ?", Harry était en train de reprendre pied. Ses neurones se reconnectaient, il se concentrait péniblement pour répondre rapidement à Tom.

"Après le message de Charlie", et il se tournait vers moi maintenant.

"Celui où tu lui confirmes le rendez-vous de ce midi. Tu l'as envoyé quand ?", je prenais mon téléphone en main en confirmant l'heure et je regardais Tom manipuler le logiciel et lancer la vidéo à 23h16 précise.

Les premières images de la vidéosurveillance étaient particulièrement nettes mais elles étaient muettes. Je voyais clairement sur l'écran Harry sur la chaise de cuisine et Mia à distance dans le salon. La tension entre eux était palpable et je voyais Harry entrer dans un état catastrophique après la lecture de mon message. Je le devinais en train de confronter Mia et je le voyais se lever rapidement ensuite et quitter l'appartement subitement sans un regard pour elle. Je lui jetais un premier regard en coin après ça et je le voyais serrer les dents à s'en déboîter la mâchoire. Je pouvais juste imaginer à quel point il était rongé de revoir ce dernier échange, désastreux et totalement infondé.

J'avais une peine immense pour Harry à ce stade mais j'en avais une plus grande en voyant Mia sur cette vidéo ensuite. Elle se retrouvait seule dans son appartement et pour la première fois de ma vie, je la voyais craquer et s'effondrer. Je la regardais passer par toutes les émotions, je voyais ses larmes, sa rage et son profond désarroi. Je la voyais pulvériser son vase au sol avec colère et sans aucun sang froid. Je découvrais une facette d'elle qui m'était totalement inconnue. Je connaissais la Mia solide, courageuse et sensible mais absolument pas cette Mia brisée, désespérée et révoltée. C'était parfaitement inédit, perturbant et déchirant.

Je la voyais ensuite prendre son téléphone et tenter un appel puis pianoter un message. Je reprenais le mien pour croiser l'heure et le moment coïncidait. C'est à ce moment-là qu'elle m'avait prévenu de sa dispute avec Harry. Tom me le faisait confirmer et il reprenait la lecture. Mia fixait maintenant son téléphone avec insistance et je la voyais prendre un appel plutôt bref avec cet air fier que je connaissais.

"Adrien ?", je m'adressais à Tom qui reprenait le téléphone de Mia et me le confirmait. Je la regardais ensuite raccrocher et s'effondrer de nouveau en larmes puis se reprendre en main avant de passer un autre coup de fil.

"Encore lui ?", c'était Harry, qui continuait de fixer Mia à l'écran tout en interrogeant Tom.

"Non. Moi".

Je continuais de regarder la scène silencieusement et je voyais Mia raccrocher. Je la regardais encore se remettre à pleurer. Je constatais à quel point sa dernière nuit avait été plus mouvementée que n'importe quelles montagnes russes. Son humeur était en dents de scie. Les larmes de détresse coulaient maintenant abondamment sur son visage. Elle était plongée dans une détresse profonde et elle n'arrivait pas à sortir la tête de l'eau cette fois. J'entendais Harry soupirer bruyamment à ce moment précis. Je lui jetais un regard en coin et je voyais l'orage passer dans ses yeux en entendant fuser sa réplique impitoyable et sans aucun état d'âme.

"J'aurai été avec elle cette nuit et ce matin si tu m'avais dit la vérité", je recevais cet uppercut verbal avec une violence inouïe. J'encaissais docilement en évitant son regard honteusement. Les regrets et la culpabilité étaient déjà en train de me ronger et de me tuer. Je me contentais de souffrir en silence et d'espérer que ce cauchemar prenne fin rapidement. Je sentais toute la tension de Harry mais il se contentait de cette phrase cinglante. Il s'arrêtait là, non pas parce qu'il avait pitié de moi, mais parce que j'étais le cadet de ses soucis.

Il ne se passait rien de plus sur cette vidéo pendant des heures ensuite. Mia avait eu une grosse insomnie puis elle avait fini par s'assoupir sur cette banquette. Tom faisait plusieurs bonds dans le temps à des horaires successifs jusqu'à tomber sur cette image saisissante de Mia et Adrien, face à face dans le séjour. Je voyais Harry se crisper violemment à cette vision. Tom marquait un arrêt sur image et il repartait quelques minutes plus tôt, au réveil de Mia et au moment où elle se levait pour aller ouvrir la porte avec insouciance. J'avais les yeux rivés sur la porte mais les caméras ne montraient rien. Adrien était caché et Mia était de dos. J'attendais d'avoir un nouvel angle et je sursautais en le voyant s'inviter brutalement dans l'appartement. Je me liquéfiais en le voyant ensuite fermer la porte à clé derrière lui et en voyant peu de temps après les regards de Mia et Adrien converger vers son téléphone. Je pouvais prédire la suite à en juger par le verre brisé de son écran et je la voyais effectivement perdre son duel sans surprise. Je plissais les yeux en revanche d'étonnement en la voyant courir sans préavis en direction de la porte. Je la regardais faire en retenant ma respiration, avec une lueur d'espoir ridicule et infondée. Je connaissais l'issue puisqu'elle n'était pas là avec nous. Je savais que Adrien allait s'interposer mais j'étais malgré tout horrifié de le voir faire. De le voir l'attraper et l'immobiliser dans ses bras avec autant de brutalité.

Je perdais tout mon courage à ce moment-là et je détournais les yeux. Tom avait noté notre émotion très vive et il interrompait sans délai la vidéo. Ce premier contact était forcément le début de la fin, j'en étais sûr et Tom aussi à en juger par l'ordre clair qu'il donnait à deux de ses hommes après ça.

"Faites-les sortir", je les voyais s'approcher de nous aussitôt. J'étais docile car je n'avais pas envie de voir la suite mais Harry n'était pas du même avis que moi. Je le voyais réagir comme un chien fou à leur première tentative d'approche. Il repoussait les policiers avec une énergie et une violence très dissuasive et il donnait sa directive à Tom avec un ton qui n'appelait aucune discussion.

"Rappuie sur ce bouton", je fixais Tom qui réfléchissait et débattait avec lui-même. Il hésitait entre son envie d'éviter un scandale et celle de ménager nos émotions et je le regardais trancher. Il appuyait sur la touche de lecture et je fermais les yeux de désolation et de peur à sa décision. Je n'avais plus d'autre choix que de regarder comme eux et j'étais sous très haute tension en découvrant la suite des évènements.

Je voyais Mia débattre et distribuer les coups très courageusement après ces gestes d'entrave d'Adrien. J'étais soulagé de constater que tout ce sang était celui des éclats de verre de la veille mais je continuais de me ronger les sangs, comme Harry. Je le voyais taper du pied et se mordre les lèvres très nerveusement. Comme moi, il regardait Mia résister seule face à ce colosse et lancer tous les assauts. Comme moi, il mourrait de peur et d'appréhension en redoutant chacune des réactions d'Adrien. Mais il ne frappait pas, il était plutôt calme, il se contentait de l'immobiliser et je voyais Mia profiter de son pacifisme pour se dégager avec férocité et se réfugier rapidement dans la salle de bain.

Je soupirais lourdement en la voyant claquer la porte car nous avions enfin du répit. Mia avait du répit. J'avais du répit et Harry en profitait aussi pour détendre ses muscles et changer de position. Il avait maintenant les mains posées sur le comptoir mais je le voyais tourner sa tête lentement vers la salle de bain. Je voyais aussi cette porte pulvérisée et cette pièce empourprée de sang et je reprenais mon visionnage avec la peur au ventre.

Je voyais Adrien tambouriner puis faire les cent pas. Je profitais ensuite d'une nouvelle accalmie jusqu'à ce que je le vois reprendre les hostilités et déchaîner peu à peu les enfers sur cette porte. Il le faisait au point de la défoncer sauvagement et il entrait dans la pièce comme un forcené. Mon corps tout entier se crispait douloureusement sur ces images mais il se crispait encore plus en entendant les nouveaux bruits d'agonie de Harry qui comprenait comme moi que Adrien était maintenant en furie. Ce constat était terrible, j'étais plus inquiet que jamais pour Mia mais il n'y avait aucune caméra dans la pièce pour nous permettre de voir comment elle s'en sortait. Nous étions complètement à l'aveugle et Tom laissait la bande défiler à vitesse réelle.

J'étais tendu à l'extrême et je respirais difficilement. J'attendais désespérément, depuis cinq longues minutes. Je priais pour voir Mia ressortir de cette pièce saine et sauve mais Adrien ressortait seul et regagnait le salon en pleurant, en s'arrachant les cheveux et en tournant comme un lion en cage. Son comportement insensé et excessif était en train de m'amener aux pires conclusions. Et mes craintes se confirmaient un peu plus à son prochain pas. J'étais pris de tremblements démentiels en regardant Adrien se diriger vers la grande malle en bois du salon et la vider de son contenu. Je tournais la tête au même moment avec une lenteur et une appréhension démesurées et je notais avec effroi que cette malle n'était plus là.

Je ne respirais plus et je n'osais plus aucun regard à Harry après ça. J'étais terrorisé et le reste de la vidéo devenait particulièrement insoutenable à compter de cet instant.

Je voyais Adrien retourner dans la pièce et je le voyais ressortir la seconde d'après avec Mia dans ses bras. Son visage si parfait en temps normal était maculé de sang. Elle avait les yeux clos et les bras ballants. Elle reposait, morte ou inconsciente, dans les bras d'Adrien qui l'installait dans cette malle comme une poupée de chiffon et qui la refermait sur elle avec une inhumanité sans nom.

Je le regardais quitter l'appartement à 9h22 avec Mia dans cette boîte et sur son diable de déménagement. Tom laissait la vidéo courir ensuite mais c'était terminé. J'avais le visage bloqué sur cet écran et je sentais mes larmes couler abondamment. J'avais le cœur pris dans un étau resserré à l'extrême et je le sentais se resserrer encore plus aux nouveaux cris d'agonie de Harry. Je l'entendais s'enliser dans une crise encore pire que la précédente et j'étais encore plus incapable de l'aider en ce moment. Je n'y arrivais pas car j'étais en train de faire un effort titanesque pour ne pas m'écrouler comme lui.

Point de vue : Catherine

J'avais le corps tremblant après cette vidéo. Je pleurais silencieusement face à l'horreur de la situation. Mia venait d'être enlevée par ce monstre et personne ne savait si elle était morte ou vivante. Cet homme était fou, je réalisais encore plus la chance qu'avait Charlie d'être encore en vie mais j'étais surtout accaparée en ce moment par la détresse de Harry. Sa peine me tordait les intestins et je voyais Tom l'empoigner de nouveau fermement et l'obliger à retourner sur le canapé.

C'est à ce moment-là que je décidais de me recentrer sur Charlie. Je me focalisais sur lui et ses réactions me laissaient perplexe. Il était dans un état second que je ne connaissais pas. Je n'avais jamais eu à vivre des épreuves difficiles avec lui. Je ne savais pas comment il se comportait dans ce genre de moment mais Charlie était en principe un homme d'action. C'était ce qui faisait de lui un si bon avocat mais il était tout l'inverse en ce moment.

"Chéri ?", il était incontestablement en état de choc. Il n'arrivait pas à intégrer ce qui était en train d'arriver. Je comprenais aujourd'hui à quel point ses confessions sur Mia étaient un tissu d'euphémismes. Il avait minimisé son attachement pour me ménager mais je mesurais toute l'étendue de leur lien aujourd'hui. Il essayait pourtant encore de le cacher. Il tournait la tête avec obstination et il gardait le silence pour ne pas trahir son état mais c'était trop tard. J'avais vu ses torrents de larmes et son regard empli de détresse. Et je n'étais pas capable de ressentir de la jalousie en ce moment, je voulais juste l'apaiser mais je ne savais pas comment le réconforter. Je continuais avec prudence. J'essayais quelques gestes de tendresse mais son corps était irrémédiablement tendu. J'essayais encore en passant mes bras autour de son cou et en tentant cette fois de faire appel à sa raison. Parce que c'est ce qu'était normalement Charlie : un homme de raison. C'était la chose que j'admirais et que j'aimais le plus chez lui donc il ne pouvait pas rester bloqué dans cet état et traverser cette épreuve de cette façon. Je réfléchissais avec beaucoup de soin aux mots capables de le réveiller.

"Je sais que ça a tout l'air d'un cauchemar mais c'est en train d'arriver, Charlie. La situation a l'air désespérée mais Mia a toutes les chances d'être en vie. Il faut que tu te reprennes pour aider à la retrouver. Sans oublier le fait que Mia te le fera payer à son retour si tu manques à ton devoir auprès de Harry", je continuais de caresser son cou, en collant mon visage contre le sien. J'essayais de lui insuffler un vent d'espoir et je le sentais enfin réagir. Je le sentais se cramponner à ma taille et je le voyais abandonner sa tête silencieusement au creux de mon épaule.

"Souffle un bon coup et reprends-toi...", et je l'entendais souffler péniblement mais profondément conformément à ma directive. Il était en train d'essayer de se remobiliser sur mes paroles et je continuais de l'enlacer un moment jusqu'à ce qu'il y arrive. Charlie se décrispait légèrement au bout de plusieurs minutes. Il déposait un baiser tendre sur mon front et il repartait avec un nouveau courage en direction du salon.

"Et maintenant, Tom ?", Harry était toujours aussi abattu mais il relevait la tête à cette question de Charlie pour écouter avec attention la réponse de Tom.

"L'informatique va passer la vidéo en lecture labiale pour essayer d'avoir plus d'information. L'enquête de voisinage se poursuit. On est aussi en train de remonter une à une les caméras des rues pour savoir par où il est arrivé et reparti. L'avis de recherche circule depuis deux heures. Tous les commissariats de la ville sont mobilisés et la police aux frontières est aussi informée", Tom s'interrompait ensuite plusieurs minutes pour répondre à des messages.

"Et je viens de valider le communiqué de presse. Je suis désolé, vos téléphones vont commencer à s'agiter mais j'ai besoin que l'information circule. Les signalements seront d'une aide précieuse et la médiatisation a des chances de pousser Adrien à l'erreur...C'est une course contre la montre maintenant, pour éviter que le périmètre de recherche ne s'élargisse", Charlie reprenait du poil de la bête. Son esprit fusait à vive allure et je l'entendais réagir avec beaucoup de pertinence.

"La presse est informée alors que ses proches ne sont même pas au courant ?"

"Judith est en train de prévenir ses parents…Pour les autres, je vous laisse gérer. Je n'ai pas le temps de m'occuper de ça", et je voyais Harry souffler douloureusement à la mention des parents de Mia. Mais cette fois, Charlie se dirigeait vers lui, il prenait place à côté de lui, en passant son bras valide autour de ses épaules et j'étais soulagée de voir Harry le laisser faire, malgré sa dernière réplique cinglante et lourde d'accusation.

"Je vais rester avec vous jusqu'à leur arrivée. Ce serait mieux par contre de les accueillir ailleurs qu'ici. Ils n'ont pas besoin de voir ça. Je peux leur donner quelle adresse ?", et j'écoutais Charlie lui confirmer la sienne.

Le temps défilait ensuite de façon très pesante. L'ambiance était très silencieuse quand j'entendais une toute nouvelle agitation dans la rue. Je me relevais, je rejoignais Tom et je regardais avec effarement tous ces journalistes arriver par dizaine. C'était impressionnant et effrayant. Mon œil se posait sur Harry avec beaucoup de pitié car je comprenais que la célébrité de Mia allait rendre la situation plus pénible et douloureuse qu'elle ne l'était déjà. Je me disais aussi que c'était peut-être sa chance et qu'elle serait sûrement retrouvée plus rapidement grâce à ça.

"OK. Partons maintenant avant que ça empire. Vous êtes venus comment ?"

"En voiture"

"Passez-moi les clés, je vais la chercher", et je réagissais en allant à mon sac à main et en lui donnant les clés de la voiture.

Je l'avais regardé partir, j'avais descendu les escaliers avec les garçons et le trajet du hall vers la voiture s'était avéré d'une violence inouïe. J'avais été sidérée par l'inhumanité de ces journalistes et j'étais rassurée et soulagée de voir Tom faire des détours pas possible pour les semer et nous déposer chez Charlie en totale discrétion.

Nous étions maintenant dans son salon, loin du chaos de l'appartement de Mia et loin de la curiosité malsaine des journalistes et paparazzis. Charlie avait pris place sur le canapé à côté de Harry. Tous nos téléphones étaient en vibreur sur la table basse et je les voyais s'agiter dans tous les sens depuis notre arrivée. Les garçons ne prenaient plus aucun appel et de mon côté, j'ignorais aussi tous les messages de curieux qui savaient que Mia était l'ex de Charlie. Je tenais avec conviction ma ligne de conduite jusqu'à ce que je vois le nom de Théo s'afficher sur mon écran. Je me figeais et je m'emparais du téléphone cette fois mais je bloquais car je n'avais vraiment pas envie de gérer ça. Mais c'était Théo, c'était leur Théo alors je devais répondre. J'hésitais et je ressentais un soulagement infini en voyant Charlie me prendre le téléphone des mains sans préavis et en le regardant s'isoler dans sa chambre.

"Théo arrive par le premier vol. Julia est en Turquie, elle fait au plus vite...", Charlie était revenu avec beaucoup de sang froid de la chambre après des dizaines de minutes de conservation.

L'ambiance était devenue étrangement calme ensuite. J'avais mis tous les téléphones en sourdine. Les minutes et les heures défilaient et Tom délivrait des comptes-rendus périodiques non concluants et désespérants. L'ambiance était morbide et glaciale au possible quand j'entendais la porte sonner. Je me levais pour ouvrir et je poussais un soupir de délivrance en voyant les renforts sur le pas de porte. Théo était enfin arrivé.