Bonjour à tous ! Comment allez-vous ?

Voici la soirée entre amis tant attendue. J'espère qu'elle vous plaira.

Je vous dis un grand merci pour tous vos jolis messages qui me font chaud au cœur.

Je vous embrasse tous, et vous dis à vendredi prochain ;)

Prenez soin de vous, tendrement.

Chapitre 57 :

Les quatre jeunes gens riaient aux éclats sur la terrasse du duplex. Ils se taquinaient, se cherchaient parce que c'était ce qu'ils faisaient toujours à chaque fois qu'ils se voyaient. La nuit était à peine tombée, mais Alice avait déjà parsemé la table de quelques bougies qui survivaient au milieu de ses différents plats. Kuzco d'ailleurs, avait droit à une tape sur les doigts à chaque fois qu'il essayait de piocher dedans.

- J'ai faim, putain ! S'exclama le colombien. Qu'est-ce qu'elle fout ?

Et il n'eut même pas le temps de finir sa phrase que la sonnerie de l'appartement résonna enfin.

- Ah bah quand même ! Râla-t-il en se levant de sa chaise sous les rires des autres.

Il se dirigea en de grandes enjambées vers l'entrée alors qu'il grognait encore. Il posa une main sur la poignée.

- Litchi, ça fait une heure que j'ai la dalle, s'exclamait-il déjà en ouvrant la porte. Alors tu as intérêt à avoir une super excu… Putain de merde… souffla-t-il en voyant une personne qui l'aurait pu reconnaitre entre mille juste à côté de son amie.

Il la dévisagea sans pouvoir faire autrement. Elle était bien là, sur son palier, il ne rêvait pas. Elle avait à peine changé et elle était là. Il avait l'impression de l'avoir rencontré dans une autre vie et pourtant elle était là. La dernière fois qu'il l'avait vu, il n'était qu'un gamin…

- Salut Kuzco, respire, ça va bien se passer, assura Mak en faisant un pas à l'intérieur de l'appartement, une main d'Elsa dans la sienne.

- Bonsoir, Madame Lange, déclara le colombien alors qu'il n'avait pas bougé d'un cil.

Son visage semblait figé, son corps entier comme un automate qui ne la lâchait pas des yeux, comme pour se convaincre encore qu'elle était en train d'entrer chez lui.

Elsa sourit en suivant docilement sa petite bleue et prit le temps de se poster face au jeune homme qui n'avait toujours pas fait un geste.

- Bonsoir Kuzco, je suis navrée de venir ici sans prévenir, expliqua calmement l'enseignante en devinant la panique intérieure du jeune homme.

Et voyant qu'il ne répondait pas et la fixait toujours, elle s'autorisa un rire léger et continua :

- Mais je suis ravie de te revoir et je crois que pour la survie de cette soirée, il serait préférable qu'on reparte sur de bonnes bases alors permets-moi de me présenter, sourit-elle en tendant une main amicale devant Kuzco. Elsa, enchantée, sourit-elle.

Le jeune homme, resta encore stupide une seconde.

- Kuzco, décroche, chuchota Mak. Là, c'est le moment où tu lui serres la main, sourit-elle, amusée par la réaction de son ami.

Kuzco sembla enfin revenir à lui, et cligna des yeux plusieurs fois avant de serrer doucement la main de l'enseignante.

- Ce n'est pas grave, pour une fois que Litchi nous ramène une fille, vous êtes la bienvenue, sourit-il enfin. Je suis content de vous revoir aussi, Madame Lange.

- Elsa, rectifia l'enseignante. Et tu peux me tutoyer.

- Deal, sourit-il en se détendant enfin.

- Tiens, j'ai apporté du vin, intervint Mak. Un truc italien, pas sûr que ça soit bon.

- Oh, merci, dit-il en saisissant la bouteille de vin, y trouvant un intérêt soudain avant de se racler la gorge. Les fleurs aussi, c'est pour moi ?

- Pour Alice, mais tu devrais les mettre dans un vase, dit Mak en lui collant le bouquet dans les mains.

- Super, hm, les autres sont sur la terrasse, expliqua-t-il.

- Ok, on en est où ? Demanda Mak, ressentant le besoin de faire un point sur la situation.

- Alice refusait de me laisser manger avant que tu n'arrives, elle s'est tuée à tout préparer. Esméralda boit comme un trou pour oublier qu'elle a un placard pour appart. Et Ralph… bah, Ralph quoi… Allez-y, je vous rejoins dans une seconde. Force et honneur, les filles, sourit-il en s'éclipsant vers la cuisine.

Mak se tourna vers Elsa une fois le jeune homme partit.

- Ça va ? Demanda-t-elle.

Elsa hocha la tête en soufflant un bon coup, consciente qu'une première étape était passée.

Mak l'imita, et la tira doucement vers la terrasse. Elle entendait ses amis rire d'ici et l'angoisse des deux jeunes femmes monta d'un cran.

- Tout ce que je dis, c'est que les Parisiens sont tous des escrocs, grognait Esmeralda. Mais au fond, je les aime bien, hein.

- Et tes parents ? Ils ne peuvent pas t'aider ? Demandait Ralph.

- Mes parents sont complètement fauchés, ils ont…

Esméralda ne termina pas sa phrase alors que son regard s'épinglait sur la baie vitrée à travers laquelle elle voyait sa petite tête bleue préférée, accompagnée d'une grande blonde qu'elle n'aurait jamais pensé revoir un jour.

Ses amis ne comprirent pas tout de suite et froncèrent les sourcils. Enfin, ils se retournèrent et la mâchoire d'Alice manqua de se décrocher alors que Ralph cachait mal un sourire en coin. Mak avait osé, comment avait-il pu en douter ?

Elsa cru n'avoir jamais été si mal à l'aise quand trois paires d'yeux bloquèrent sur elle. Elle ne bougea pas, bien capable de faire quoi que ce soit.

- Salut, déclara Mak, alors qu'elle se tenait debout, droite, près d'Elsa, et que tous ses amis, assis devant elle, les dévisageaient.

Elle analysa rapidement leurs visages. De la surprise, rien d'autre que de la surprise, elle ne pouvait pas encore en déceler davantage.

Un silence passa sur la terrasse, un silence assourdissant, malaisant, dérangeant. Elsa cru qu'elle allait faire une crise de nerfs alors que son cœur battait à tout rompre et que sa main, sans qu'elle ne s'en rende compte, broyait celle de Mak.

Mak riva son regard sans en prendre conscience sur Alice.

S'il te plaît, dis quelque chose… pensait-elle encore et encore.

Mais la blonde restait muette, les yeux écarquillés, la bouche entrouverte. Et contre toute attente, ce fut Esméralda qui brisa ce maudit silence :

- Litchi, t'étais obligée de choisir une copine si grande ? T'as l'air encore plus ridicule que d'habitude ! Rit-elle alors qu'une certaine pression se relâchait chez tout le monde et que tous partageaient son rire.

- Putain, mais tu ne peux pas attendre que je sois assise avant d'ouvrir ta gueule, toi ? Sourit Mak en la remerciant pourtant sincèrement du regard d'avoir dit quelque chose.

- Plus tu vieillis, plus tu deviens rabat-joie, rétorqua la parisienne. Sérieusement, Elsa, comment fais-tu pour la supporter ? Demanda-t-elle et l'enseignante fut foncièrement surprise, mais ravie qu'elle s'adresse à elle avec tant de légèreté et en l'appelant par son prénom.

- Hm, c'est l'avantage des personnes de petites tailles, quand elles deviennent trop insupportables, on peut les ranger dans un placard en attendant qu'elles se calment, plaisanta Elsa, s'attirant un éclat de rire général, brisant ce qu'il restait de glace alors que Mak roulait des yeux.

- Si elles s'y mettent à deux, tu ne vas pas faire long feu, Litchi, sourit Ralph.

- Paix à ton âme, intervint Alice en se levant. Où est mon homme ?

Dans la cuisine, je pense, je t'ai apporté des fleurs, expliqua Mak.

- Merci, sourit la blonde en déposant un baiser sur sa joue. Il faudra qu'on parle, glissa-t-elle discrètement à son oreille.

- Je sais, répondit Mak tout aussi discrètement.

- Asseyez-vous, reprit Alice plus gaiement. Je vais seulement voir si Kuzco s'en sort, dit-elle avant de s'enfuir.

Les deux jeunes femmes s'assirent entre Esméralda et Ralph et parvinrent à se détendre un peu.

- Elsa, tu bois quoi ? Demanda Ralph, qui était finalement le moins surpris de tous.

Elsa ouvrit la bouche pour répondre qu'elle allait s'en tenir à quelque chose de soft puisqu'elle devrait prendre la route plus tard, ce qui ne l'arrangeait pas d'ailleurs. Elle jurait qu'un verre lui ferait un bien fou.

- Bois ce que tu veux, je conduirai au retour, intervint Mak en posant une main sur sa cuisse, mettant fin à ses interrogations.

- Sûre ?

- Oui, tu as l'air d'en avoir plus besoin que moi, sourit la jeune fille.

- Du rosé dans ce cas, merci, sourit l'enseignante en tendant son verre à Ralph.

- Ça va aller, ne t'inquiète pas, on a juste besoin d'un petit temps d'adaptation, sourit le jeune homme en lui rendant son verre plein.

- Je comprends, ce n'est pas courant de boire un verre avec un ancien professeur, assura Elsa en s'offrant déjà une belle gorgée de rosé.

- Kuzco avait raison, tu ne peux plus te passer de nous, plaisanta Esméralda.

- De moi, intervint Mak. Vous, vous faites seulement partie du lot, plaisanta-t-elle, seulement pour le bonheur d'entendre le rire d'Elsa.

- Les lyonnais, toujours aussi imbus d'eux-mêmes, soupira Esméralda.

- Oh, les hostilités commencent déjà ? Rit Kuzco en arrivant sur la terrasse, suivie de près par Alice qui semblait légèrement irritée, mais qui finit par sourire malgré tout.

Mak plissa les yeux. Elle connaissait ce sourire. Un sourire de façade. Elle soupira intérieurement. Alice était en train de faire un effort pour elle, mais la jeune fille se doutait qu'elle n'en pensait pas moins.

- Elle me cherche ! Se défendit Esméralda.

- C'est toi qui me cherches ! Renchérit Mak.

- Je ne pensais pas que ces querelles perdureraient au fil des années, sourit Elsa en se souvenant à quel point Mak et Esméralda passaient déjà leur temps à se chamailler au lycée.

- N'y fais pas attention, certains d'entre nous adorent se faire du mal, plaisanta Alice en fixant Mak.

Et la fille aux cheveux bleus comprit rapidement que cette remarque au double-sens lui était directement destinée.

Mak plissa les yeux en partageant un regard avec son amie. Bien, elle pensait que cette discussion pourrait attendre, mais il semblerait qu'Alice en ait décidé autrement.

- On se fait un blackjack ? Proposa-t-elle alors de manière légère.

- Je ne sais plus où j'ai rangé les cartes, viens avec moi, répondit Alice qui comprit immédiatement ce à quoi pensait son amie.

Mak offrit une caresse sur la cuisse d'Elsa avant de se lever et de suivre docilement la blonde jusqu'à la cuisine. Et à peine furent elles seules que Mak lança :

- Qu'est-ce que qui se passe ?

- Je ne vois pas de quoi tu parles, répondit Alice sur la défensive, en ouvrant un tiroir pour en sortir les cartes recherchées.

- Pas à moi, Alice. Et t'as trouvé tes cartes sans mon aide alors vas-y, crache ta saloperie, t'en crève d'envie.

Les épaules d'Alice s'affaissèrent alors qu'elle soupirait bruyamment et que Mak attendait, les bras croisés.

- Tu m'en veux de ne pas t'avoir prévenue ? Demanda finalement la jeune fille face à un silence insupportable.

- Non, seulement je ne croyais pas que quand je te demandais de laisser couler, je t'incitais en fait à retrouver Elsa Lange ! Explosa la blonde en parvenant mal à chuchoter.

- Bon, voilà, c'est dit. Et après quoi ? Quel est le problème ?

- Le problème ? S'énerva déjà Alice. Le problème, c'est qu'elle ne t'a donné aucune nouvelle pendant cinq ans !

- Et alors ? Rétorqua Mak en haussant les épaules. C'est moi que ça regarde.

- Ah, ça y est ? Tu lui pardonnes, comme ça ? Comme si de rien n'était ?

- Et pourquoi pas ?

Alice serra les poings face à l'attitude détachée de son amie, elle rougit de colère et prit une grande inspiration.

Elsa soupira en fermant les yeux quand la voix d'Alice traversa les murs pourtant bien isolés.

- Oh bah je ne sais pas, peut-être parce que je t'ai vu t'autodétruire pendant ces cinq ans ! Peut-être parce que j'ai bien cru que tu allais crever après son départ ! Criait la blonde, ayant abandonné bien vite l'idée de chuchoter. Franchement, Mak, j'ai du mal à comprendre, j'te jure.

Et Mak répondait, non moins virulente :

- Je ne te demande pas de comprendre, je…

- Tu l'aimes ! Je sais ! Je ne vois aucune autre raison d'agir de manière aussi stupide ! Et si elle repart, qu'est-ce que tu feras, hein ? Tu te foutras en l'air pour de bon cette fois ?

Elsa grimaça à ces mots en se pinçant l'arête du nez. Il lui était encore si douloureux de revenir sur l'état de Mak pendant ses années d'absence.

- Je devrais peut-être y aller, déclara-t-elle en entamant un geste pour se lever.

- Non reste ! Intervint Kuzco, se surprenant à poser une main sur la sienne. Elles ont seulement besoin de mettre quelques petites choses au clair.

- Elles s'engueulent à cause de moi, je ne veux pas être un frein entre elles, renchérit l'enseignante.

- Elles n'en sont pas à leur première prise de tête, répliqua Esméralda.

- Elsa, on est vraiment content que tu sois là, ajouta Ralph. Reste, Mak va gérer ne t'inquiète pas.

- Ralph à raison, c'est cool que tu sois venue, et Mak n'aimerait pas que tu partes sans elle, appuya Kuzco. Assieds-toi, prends un verre. J'ai de la tequila, tu en veux ?

- Oui, je veux bien, accepta l'enseignante en s'enfonçant dans le dossier de sa chaise, ingérant rapidement le shot que Kuzco lui avait servi.

- Elle m'a juré qu'elle resterait, argumenta Mak en essayant de baisser d'un ton.

- Et tu la crois ?

- Oui, Alice, j'ai envie de la croire, soupira-t-elle, épuisée de devoir se battre contre son ami.

- Connerie ! Rétorqua la blonde, faisant sursauter sans le savoir ceux qui restaient silencieux sur la terrasse. Tu es déjà allée droit dans le mur avec elle une fois, je n'arrive pas à croire que tu recommences ! Comme tu le dis si bien, tu avais plus de sept milliards d'options, mais non ! Il a fallu que tu la choisisses, elle !

- Exactement comme tu as choisi Kuzco ! Hurla Mak, se disant qu'Alice n'était définitivement pas décidée à abandonner si facilement.

Kuzco sourit à l'entente de son prénom et rit :

- Ce n'était qu'une question de temps avant que ça ne parle de moi.

- Je suis désolée… soupira Elsa, définitivement mal à l'aise.

- Arrête de t'excuser, dans cinq minutes, ça sera réglé, assura Esmeralda en regardant sa montre.

Pourtant, bien loin de se calmer, Alice renchérit :

- Ce n'est pas comparable, Kuzco ne m'a jamais abandonné !

- Outch ! Grimaça Ralph.

- T'inquiète, Litchi ne va pas se laisser faire, assura Kuzco.

Et comme pour lui donner raison, ils entendirent bientôt les hurlements de Mak :

- Tu as raison, ce n'est pas comparable ! Tu me juges, mais tu n'imagines pas à quel point c'était difficile pour moi à l'époque. Et pire encore, tellement difficile pour elle ! Elle a tout risqué pour moi ! Et elle est revenue en étant pleinement consciente qu'encore aujourd'hui, si je le voulais, je pourrais l'envoyer en taule ! Merde ! Tu t'en rends compte de ça ? Toi, tu n'avais comme problème que ta petite amourette entre adolescents alors, excuse-moi, mais nos priorités étaient légèrement différentes !

- Et voilà, un point pour Mak, rit Kuzco.

- Alice ne pourra jamais gagner contre elle, assura Esméralda.

- Elle est forte, rappela Ralph.

- Elle l'a toujours été, murmura Elsa, davantage pour elle-même, se souvenant de toutes les fois où Mak ne l'avait jamais laissé tomber.

Et dire que sa petite bleue s'était jurée de garder son calme…

Sans leur laisser plus de temps, la conversation, l'engueulade, reprit :

- Ça aurait été moins lourd si tu t'étais décidée à nous en parler plus tôt… soupira Alice en commençant à perdre pied.

- Mais tu crois quoi, Alice ? Tu penses que j'étais sereine quand je vous mentais ? Tu penses que je n'aurais pas voulu partager ça avec vous à la seconde où j'ai compris que j'étais raide dingue d'elle ? Je ne pouvais pas vous le dire !

Esméralda roula des yeux en voyant que cette dispute traînait en longueur.

- C'est bizarre, elles ne se sont pas encore insultées, chantonna-t-elle.

- Va te faire foutre ! Entendit-elle de la part d'Alice. Bien sûr que tu pouvais !

- Ah, je n'ai rien dit, se reprit la parisienne.

- On avance, soupira Ralph.

- Toi, va te faire foutre ! Hurla Mak, leur coupant la parole sans le savoir. Rappelle-toi à quel point tu flippais de nous dire que tu craquais sur Kuzco et maintenant, mets-toi à ma place ! Je te le demande, Alice : qu'aurais-tu fait à ma place ?!

Alice soupira. Mak avait raison, elle en était consciente et sa mauvaise foi se diluait doucement face à l'inquiétude de voir son amie souffrir encore une fois.

- Tu sais que j'ai raison, ma belle... soupira Mak en la suppliant des yeux, se calmant doucement. Nous le savons toutes les deux.

Alice passa une main sur son visage en s'appuyant contre l'îlot central de la cuisine.

- Je veux que tu sois heureuse, Mak. C'est tout ce que je demande... expliqua-t-elle alors que des larmes lui montaient aux yeux.

- Écoute... soupira Mak en s'approchant d'elle pour prendre ses mains dans les siennes. Je sais que c'est dingue, mais mon bonheur, même après toutes ses années, c'est avec elle que je le vois.

- Tu n'as pas peur ?

- Bien sûr que si, je crève de trouille mais… Mak soupira. Je l'ai dans la peau et je ne te remercierai jamais assez de ce que tu as fait pour elle, pour nous il y a cinq ans, rappela-t-elle en lui souriant tendrement.

- Je m'inquiète… Tu en as tellement bavé, soupira la blonde en passant une main tremblante sur son visage.

- C'est pour ça que maintenant, je ne veux que d'une vie normale avec elle. Tu veux bien faire un effort pour moi ? S'il te plaît ? Demanda-t-elle en lui offrant un regard qui, elle le savait, marchait à tous les coups.

Alice prit le temps d'observer son visage une seconde, d'hésiter aussi. Ce que Mak lui demandait était énorme, démesuré, complètement dingue. Plus jeune, elle s'était jurée que la personne qui briserait le cœur de Mak aurait des comptes à lui rendre, et voilà que c'était Mak qui lui demandait de laisser couler. Quelle ironie…

- Je vais faire un effort ce soir, assura-t-elle et Mak la crut parce qu'elle ne lui avait jamais fait de promesse en l'air.

- Merci… souffla la jeune fille.

- Pour la suite, je vais avoir besoin de temps.

- Je comprends.

- Mais s'il te plaît, rends-moi un service.

- Ce que tu voudras.

- Arrête de tout nous cacher, supplia la blonde alors que les larmes montaient vraiment cette fois. Nous sommes tes amis, putain… et, on ne sait rien de toi. Je veux connaître ta vie. Je veux savoir quand tu es heureuse, ou même quand ça ne va pas, je veux savoir quand tu as passé une journée de merde au taff, c'est ce que font les amis.

- Je suis désolée de ne pas vous avoir dit qu'elle était revenue plus tôt. Je ne savais pas comment vous le dire, et je ne savais même pas quoi en penser… s'excusa Mak en comprenant que, sur ce coup-là elle avait merdé.

- Je comprends, mais fais en sorte que ça n'arrive plus, tu peux faire ça pour moi ? Supplia Alice en essuyant ses larmes.

- Je peux faire ça, sourit Mak en attirant la blonde dans ses bras.

- Ok, toi, tu t'ouvres un peu plus à nous et moi, je te promets de ne pas étrangler ta nana, même si je reste convaincue qu'elle le mérite, plaisanta Alice en resserrant sa prise sur le corps de Mak.

La jeune fille rit, heureuse que cette tempête soit passée même si elle l'avait deviné nécessaire.

- Deal, approuva-t-elle.

- Bah, elles se sont entre-tuées ? Demanda Kuzco en remarquant que plus aucun bruit ne provenait de la cuisine.

- S'il faut faire disparaître un corps, vous m'oubliez, intervint Ralph. Marre de rattraper vos conneries.

- Non, elles ne devraient plus tarder, assura Esméralda.

Et comme pour lui donner raison, on entendit des pas se rapprocher de la terrasse.

- Je vous l'avais dit, cinq minutes, sourit la parisienne, victorieuse.

Un peu trop vite pour Elsa, Alice revint s'asseoir autour de la table. L'enseignante remarqua ses yeux rougis et sa peine évidente. Mak semblait plus calme cependant, bien moins abîmée par cette dispute. Et c'est avec bonheur et soulagement qu'elle sentit de nouveau la main de la jeune fille sur sa cuisse. Main qu'elle vint saisir, la remerciant silencieusement d'avoir pris ainsi sa défense.

- Tu peux me servir un shot, s'il te plait ? Demanda Alice à Kuzco.

Le silence résista le temps qu'il la serve. Et le temps qu'elle boive le shot d'une traite également. Elle grimaça puis posa délicatement le petit verre devant elle. Puis calmement, presque timidement, elle demanda :

- J'imagine que vous avez tout entendu ?

Tous hochèrent la tête, conscients que c'était inutile de mentir. Alice prit quelques secondes pour réfléchir, puis releva des yeux épuisés sur une Elsa qui se tenait juste en face d'elle, mesurant encore si elle devait partir ou rester.

- Je suis désolée, Elsa, commença sérieusement Alice, étonnant tout le monde autour de la table, l'enseignante la première. Je ne vais pas te mentir, tout ce que j'ai dit, je le pensais. Je suis seulement navrée de ne pas avoir trouvé de mots plus justes pour m'exprimer.

Un autre silence suivit cette déclaration. Jusqu'à ce qu'Elsa se redresse du dossier de sa chaise.

- Écoute, commença-t-elle en soutenant le regard de la plus jeune. Tout ce que tu as dit était vrai et mérité. Ce que j'ai fait est impardonnable, déclara-t-elle alors que sa voix se serrait.

- Eh, tu n'es pas ici pour te justifier, intervint doucement Mak en pressant sa cuisse, ne supportant plus de la voir se flageller sans cesse.

- Ça va, ne t'inquiète pas, lui sourit tendrement Elsa en lui offrant un regard doux.

Un regard qui ne passa pas inaperçu aux yeux d'Alice, un regard qu'elle posait elle-même souvent sur Kuzco.

- Ce qu'il faut que vous sachiez tous, reprit l'enseignante, c'est que je suis tout à fait consciente que vous avez toutes les raisons de m'en vouloir. Aussi, je sais ce que vous avez tous fait pour m'innocenter alors que, disons-le clairement, j'étais une criminelle en cavale. Je vous remercie pour ça, sourit-elle en offrant un regard à chacun d'entre eux.

- Oh tu sais, nous si on avait pu, on aurait cassé la gueule de ce connard de Weselton, alors pas besoin de nous remercier, rit Kuzco et il parvint à détendre l'atmosphère.

Même Alice parvint à rire avant qu'Elsa ne reprenne :

- Aujourd'hui, je sais qu'il est difficile de me croire, mais je tenais à vous dire que si je suis revenue, ce n'est pas pour rien. Il ne faut pas que tu doutes de ça, assura-t-elle en s'adressant directement à Alice.

La blonde resta statique une seconde puis finit par hocher la tête.

Mak resta stupide, incapable d'oser intervenir pour une fois. Elsa venait de la surprendre, encore. Jamais elle n'aurait pensé que son ancien professeur reviendrait sur cette période de sa vie avec ses amis. Son cœur se gonfla d'elle ne savait quoi. Elle avait toujours su qu'Elsa trouvait souvent les mots qu'il fallait, au moment qu'il fallait mais elle devait avouer qu'aujourd'hui sa belle blonde avait fait fort. Et il lui suffisait de voir les yeux d'Alice pour savoir qu'Elsa avait fini de la convaincre. Bien heureusement pourtant, ce fut Kuzco qui se manifesta :

- Ne t'inquiète pas, on sait que tu es dingue de la Stroumphette même si on ne comprend toujours pas pourquoi ! Rit Kuzco, et Elsa se dit qu'elle comprenait pourquoi Mak l'aimait tant.

- Bon, on se le fait ce blackjack ? Demanda Mak alors qu'elle se sentait rougir.

- Histoire que tu nous plumes tous ? Sourit Alice en posant les cartes au centre de la table.

- Exactement, sourit Mak en lui offrant un clin d'œil.

Et ainsi, toute querelle enterrée, Esméralda se transforma encore en croupier. Elsa choisit de ne pas jouer la première partie et observa seulement leurs interactions en sirotant tranquillement son verre de rosé. Comme par déformation professionnelle, elle analysa le comportement de chacun, quel rôle ils tenaient dans leur groupe. Kuzco avait toujours un mot pour rire, c'était son grand talent. Alice semblait être faite pour rire aux pitreries du jeune colombien et portait un regard bienveillant sur tous ceux qui l'entouraient. Esméralda n'en finissait pas d'exaspérer Mak et Elsa comprit rapidement que c'était ainsi que les deux jeunes femmes fonctionnaient. Ralph, lui, restait discret et s'assurait que tout le monde ne manquait de rien. Il haussait un peu la voix par moment quand les chamailleries devenaient trop virulentes, jouant parfois les arbitres. Il était un mélange de Philippe et Kristoff, ça l'amusait.

L'enseignante souriait en voyant sa petite bleue évoluer parmi ses amis. Il était étrange et en même temps tout à fait grisant de la voir dans l'un de ses quotidiens les plus intimes. Elsa ne se lassait pas de l'observer interagir avec eux. Il était si agréable pour elle de la voir complice avec Kuzco, douce avec Alice, tendre avec Ralph, et tellement insupportable avec Esméralda qui semblait aimer ça.

Mak gardait perpétuellement une main sur sa cuisse. Par moment, elle lui jetait quelques regards, lui demandant silencieusement si tout allait bien. Et Elsa hochait simplement de la tête, en lui assurant que près d'elle, elle se sentait bien. Plus le temps passait, plus l'enseignante se détendait, sans doute bien aidée par l'alcool. Elle osa même laisser un bras reposer sur le dossier de la chaise de la jeune fille.

La nuit était tombée, seule la douce lumière des bougies éclairait la terrasse et Elsa n'aurait pu rêver mieux. Mak élimina ses amis les uns après les autres et Elsa se rendit compte à quel point Kuzco était mauvais perdant et surtout à quel point Mak était mauvaise gagnante.

- Ne cherche pas, tu ne gagneras jamais contre moi, taquina la jeune fille après l'avoir déjà battu trois fois.

Elsa ne lui avait jamais connu une certaine vantardise, ni même un quelconque esprit de compétition. Mais cette règle ne semblait pas s'appliquer au blackjack.

- Relève tes putains de manches ! Grogna Kuzco, ne supportant plus de perdre contre Mak, Elsa le devina, depuis des années déjà.

- Je n'ai rien dans les manches ! Tu me traites de tricheuse ? Sourit Mak en relevant les manches de sa veste pour montrer ses avant-bras à son ami.

- Tu triches forcément !

- Tu dis ça seulement parce que ça t'emmerde que personne ne puisse me battre, rit la jeune fille.

- Moi, je peux, intervint calmement Elsa.

Surprise autant que le reste de ses amis, Mak haussa un sourcil et tourna la tête vers la blonde.

- Ah oui, tu crois ça ? Demanda-t-elle, provocante sans même s'en rendre compte.

- Elsa, venge-moi ! S'exclama Kuzco en se levant de la chaise qu'il occupait en face de Mak pour que l'enseignante puisse s'y installer.

- Oh, mais c'est que ça devient intéressant, chantonna Esméralda en voyant la blonde prendre place face à la fille aux cheveux bleus.

- Toi, on te demande de donner les cartes, on ne t'a pas engagé comme commentatrice, grogna Mak.

- Sois douce, mon cœur, ta future défaite ne te dispense pas d'être agréable, sourit Elsa en lui offrant un clin d'œil alors qu'elle appuyait gracieusement ses coudes sur la table.

Alice cru s'étouffer avec son vin tant elle ne s'attendait pas à ce que son petit Litchi de tout temps si insolent soit remis à sa place.

- Bouuuuuuh ! Cria Kuzco en levant son verre.

- Enfin quelqu'un qui prend ma défense ! S'exclama Esméralda.

- Respire, Litchi, tu vas nous faire un AVC, rit Ralph en voyant Mak rougir, restée muette en bouffant des yeux une femme qui venait pourtant de la contredire comme jamais personne ne l'avait fait lors de leurs soirées.

- Ok, envoie, réclama Mak en se ressaisissant rapidement après avoir allumé deux cigarettes dont une qu'elle tendit à Elsa.

Et ainsi, la partie commença alors que tous les observaient silencieusement. Mak affichait un air sévère et concentré, sa cigarette coincée entre ses doigts, le regard fixé sur le jeu, se mordant la lèvre inférieure. Elsa, quant à elle, se présentait bien plus détendue et ne lâchait pas la jeune fille des yeux, souriant quand son air sérieux et son petit tic de concentration lui rappelait un peu trop le visage qu'elle adoptait quand elle bûchait sur une dissertation. Ainsi, elle la trouvait véritablement craquante et elle se dit qu'elle aurait pu jouer encore et encore seulement pour le plaisir de la voir ainsi.

- Blackjack 21, murmura Elsa après quelques minutes en regardant amoureusement son adversaire, penchant légèrement la tête sur le côté comme pour accompagner sa victoire d'un joli coup de charme.

Mak se figea en écarquillant les yeux alors que la mâchoire de ses amis tombait. Elle fronça les sourcils en fixant les cartes, rejouant la partie dans sa tête, et même si elle peinait à l'admettre, c'était un fait, Elsa venait de gagner.

- Putain, Litchi, t'as perdu… souffla Kuzco en se penchant au-dessus de la table pour observer le jeu avec plus d'attention.

- Wow, ça, c'est une première, s'exclama Ralph.

- Ça va, mignon petit Litchi, tu vas t'en remettre ? Rit gentiment Esméralda.

Enfin, Mak leva les yeux sur Elsa, la vit si belle qu'elle en sourit finalement. Elle prit le temps d'écraser sa cigarette, en alluma une seconde, et demanda :

- Une autre ?

- Si tu veux, sourit Elsa en haussant les épaules.

Et une deuxième partie commença. Partie que Mak perdit aussi vite que la première sous le regard médusé de ses amis. Mak plissa les yeux quand elle comprit qu'elle était de nouveau perdante et Elsa sourit encore. Parce que l'enseignante savait pertinemment qu'à ce moment précis, le cerveau de son ancien élève tournait à plein régime puisque quelque chose lui échappait et que son esprit de surdoué voulait comprendre.

- Blackjack 21, chuchota-t-elle encore d'une voix si envoûtante que Mak hésitait entre l'étrangler parce qu'elle l'avait battu ou l'embrasser à plein bouche.

Autour d'elle, la jeune fille sentait le regard de ses amis. Ses amis qui, tout comme elle, n'en revenaient pas.

- Une autre, réclama-t-elle en rendant rapidement les cartes à Esméralda qui riait, amusée par cette situation.

- Je vais commencer à croire que tu aimes souffrir, se moqua gentiment Elsa.

- Oh, ce n'est que maintenant que tu t'en rends compte ? Charma Mak en faisant littéralement référence à leur dernière nuit passée ensemble.

Référence qu'Elsa comprit puisque Mak la vit rougir.

- Envoie, sourit Mak sans lâcher son ancien professeur des yeux, heureuse de l'avoir quelque peu déstabilisé.

Et voilà que trois parties s'enchaînèrent. Trois défaites écrasantes de Mak.

- Blackjack 21, sourit Elsa pour la cinquième fois de la soirée.

- Putain ! S'exclama Mak en écrasant rageusement une énième cigarette.

- T'en as eu assez, Litchi ? Demanda Alice en plissant les yeux.

- Elle n'en a jamais assez, chuchota Elsa, plus canaille que jamais alors que ses anciens élèves se disaient qu'ils n'auraient jamais cru avant aujourd'hui que leur ancien professeur puisse être aussi fun en dehors du lycée.

Peu à peu, ils comprenaient tout ce que Mak avait vu de beau en elle et quelque part, c'était comme s'ils l'avaient toujours connu.

- Ok, relève tes manches, réclama la jeune fille.

- Mais quelle mauvaise foi ! S'exclama Kuzco, heureux d'avoir été vengé.

Elsa, en bonne gagnante, releva les manches de son blazer.

- Comment tu fais ? Demanda la jeune fille, ne supportant plus de ne pas comprendre.

- Quoi ? C'est donc si incroyable que je sois parvenue à te battre ? Sourit la blonde.

- Ça fait plus de huit ans que je joue et je finis toujours par gagner, alors explique-moi comment tu fais.

- Tu joues bien, c'est vrai, admit calmement l'enseignante alors que Mak était pendue à ses lèvres. Mais contrer ta stratégie est facile puisque tu comptes les cartes, sourit-elle en plissant les yeux alors que ceux de la jeune fille s'écarquillaient.

- Merci Elsa ! S'exclama soudainement Alice alors que Mak cachait son visage dans ses mains. Je n'en pouvais plus de garder ce secret !

- Attends, stop, réclama Kuzco. Ça veut dire que ça fait des années que tu gagnes parce que tu triches, et Alice le savait ? Je me sens trahi ! S'exclama-t-il.

- Un jour, je t'expliquerai comment je l'ai su, chéri, sourit Alice en posant sa main sur celle de Kuzco.

- Comment tu as compris ? Demanda la jeune fille alors que l'enseignante reprenait sa place à côté d'elle.

- Tu te mords la lèvre quand tu réfléchis, tu le faisais déjà en cours, expliqua Elsa. Et comme le blackjack est un jeu de hasard, ce n'était pas très compliqué à comprendre, sourit-elle.

- Bah dis donc, t'es une profiler en puissance maintenant ? Je vais demander à Emma de t'engager, grogna gentiment la jeune fille, n'en revenant pas qu'elle ait réussi à garder son secret si longtemps et qu'il avait suffi d'une soirée avec Elsa pour qu'il soit révélé.

- Seulement en ce qui te concerne, sourit l'enseignante face à sa mauvaise humeur amusante, glissant au passage une main dans la sienne.

- D'ailleurs, puisque maintenant tout est plus ou moins clean, on peut en parler, intervint Esméralda. Ça a commencé quand, vous deux ?

- T'es vraiment une fouine, toi, grogna Mak en prenant pourtant place tout contre l'enseignante.

Elle profitait seulement de pouvoir faire ça. De partager une soirée normale avec sa copine comme toutes personnes normales auraient pu le faire.

- Tu pensais vraiment qu'on s'en sortirait sans aucune question ? sourit Elsa en passant distraitement une main dans ses cheveux.

- Ça a commencé un peu avant Noël, consentit à expliquer Mak.

- Il va vraiment falloir qu'on vous tire les vers du nez ? Demanda Kuzco. Racontez-nous ! On a envie de savoir maintenant !

- Eh, laisse-les un peu tranquille, elles n'ont peut-être pas envie d'en parler ! Arrêta Alice en trouvant son homme indiscret.

- Non, non, ça va, sourit Elsa. Disons que tout a commencé parce que j'ai failli t'écraser, rit-elle.

- Ah oui, j'avais oublié ce détail ! Rit Kuzco. Et Litchi t'a traité de connard !

- Attends, quoi ? S'exclama Esméralda. Pourquoi je ne suis pas au courant de ça ?

- Parce que tu n'étais pas encore arrivée, c'était au premier cours de l'année, expliqua Kuzco.

- Pour ma défense, je ne l'ai pas vraiment traité de connard. J'ai juste dit qu'un connard avait failli me renverser pour excuser mon retard. Mais il s'est avéré que le connard, c'était elle, que veux-tu que je te dise… se justifia Mak.

- Elle était déjà si douce à l'époque… se moqua gentiment Elsa, faisant rire tout le monde.

Et ainsi la conversation dévia sur leur passé. Elles racontèrent presque avec nostalgie tout ce que les amis de Mak ne savaient pas. Les soirées cinéma avec l'appartement d'Elsa pour seule planque. Le week-end magique à Annecy. La rencontre avec les amis d'Elsa, avec la tante d'Elsa. Et tous eurent finalement la même conclusion : durant presque un an, ils n'y avaient vu que du feu.

La soirée avança au même titre que les sujets de conversation. La parole leur était facile et légère. Ils se rendaient compte qu'Elsa n'était finalement pas si éloignée d'eux malgré leur différence d'âge. L'enseignante, au fil des heures, se détendait un peu plus, heureuse d'être venue.

Elle aimait la simplicité de cette soirée, l'insouciance de ces jeunes. Elle aimait surtout pouvoir s'asseoir près de Mak et boire un verre en respirant son parfum. Elle aimait sentir son corps vibrer quand elle riait, lui percevoir un frisson quand un coup de vent se faisait plus frais, frictionner son épaule pour la réchauffer. Des choses insignifiantes mais auxquelles elles n'avaient pas eu droit jusqu'à présent. Et elle remerciait sa petite bleue de leur offrir ça ce soir.

Plus tard dans la soirée, Elsa se leva pour aller checker son téléphone qu'elle avait dans le salon près de son sac. Kuzco, lui, avait fait un détour pour aller chercher une veste.

- Tout va bien ? Lui demanda-t-il en la croisant sans s'y attendre.

- Oui, c'est une belle soirée, merci, sourit la blonde en rangeant rapidement son sac. Ton appart est vraiment magnifique, se sentit-elle obligée de lui dire puisque c'est ce qu'elle avait pensé au moment même où elle était entrée ici.

- L'avantage d'avoir un boulot qui paye bien, soupira-t-il.

- Ah oui, Mak m'a dit que tu suivais les traces de ton père, se souvint-elle.

- Oui, il faut bien assurer la réussite de l'entreprise de ce cher papa… rit-il amèrement.

- Ça ne te plait pas ? Demanda Elsa alors qu'elle entendait les autres à l'extérieur rire, se disant que Mak pourrait se passer d'elle une seconde.

- Pas vraiment, avoua-t-il. Enfin, tu me connais un peu, tu m'imagines en costard cravate ?

- Difficilement, grimaça-t-elle en devinant le mal-être du jeune homme en se souvenant d'un adolescent camé aux t-shirts larges haut en couleur avec des lamas imprimés dessus.

- Mais bon, c'est le prix à payer pour avoir tout ça que veux-tu... soupira-t-il en scannant l'appartement flambant neuf du regard.

Elsa l'observa une seconde et remarqua avec peine que même s'il avait gardé sa joie de vivre qui le caractérisait si bien, il lui manquait l'étincelle malicieuse qu'elle avait toujours vu dans le fond de ses yeux. Alors elle se racla la gorge et déclara :

- Quand j'ai laissé Mak, ne te méprends pas je n'en suis pas fière et c'est un choix que je regretterai toute ma vie mais...Elle chercha ses mots une seconde. Mais je l'ai fait parce que j'ai senti que c'était nécessaire à ce moment-là.

- Elsa, je n'ai jamais été très vif d'esprit, tu devrais le savoir, rit Kuzco.

- Ce que je veux dire c'est qu'il est parfois essentiel de prendre du recul pour avancer, expliqua-t-elle en souriant.

- Ah, c'est le moment où vous êtes conseillère d'orientation à vos heures perdues, Madame Lange ? Taquina le jeune homme.

Elsa prit le temps de rire puis reprit :

- C'est le moment où je te donne un conseil pour que tu puisses en faire ce que tu veux.

Kuzco sourit, sincèrement touchée qu'elle s'inquiète encore pour son avenir.

- Je vois, merci, accepta-t-il, voyant encore en elle, ce professeur qui avait toujours cru en lui.

Tranquillement, ils se dirigèrent donc de nouveau vers la terrasse alors que des éclats de voix leur parvinrent.

- Non mais elles n'arrêtent jamais de s'engueuler ces deux-là ? Soupira Kuzco, bien plus amusée qu'autre chose en reconnaissant les voix de Mak et d'Esmeralda.

Et effectivement, quand Elsa arriva sur la terrasse, elle vit que Mak s'était redressée sur sa chaise et faisait face à la parisienne qui semblait excédée.

- Non, tu ne peux pas dire ça, je ne suis pas d'accord avec toi, râlait la fille aux cheveux bleus.

Elsa s'assit en fronçant les sourcils sans comprendre ce qui se passait. Alice se pencha à son oreille et murmura :

- Elles débattent depuis que vous êtes partis.

La petite blonde montra discrètement Esméralda du doigt et chuchota :

- Dynamite.

Puis son doigt glissa sur Mak :

- Allumette.

- Hm, je vois, sourit l'enseignante.

Esméralda roula des yeux, s'accorda un shot de tequila, grimaça et reprit :

- Mais bien sûr que si ! À moins d'avoir une sexualité en vrac.

- De quoi on parle ? Intervint Elsa en posant une main douce dans le bas du dos de Mak.

- Esméralda me soutient qu'on ne peut pas être féministe et aimer le BDSM, résuma la jeune fille en allumant une cigarette.

- Ah… sourit Elsa, n'ayant jamais pensé parler de ça avec ses anciens élèves un jour.

- Ah bah tiens, on n'avait pas parlé de sexe encore, c'était bizarre, rit Kuzco en décapsulant une bière.

- Ça va Elsa ? Rit Ralph. Tu le vis comment de parler de ça avec des gamins que t'as connus au lycée ?

- On s'adapte, rit l'enseignante en se disant qu'elle n'était plus à ça près.

- Tout ce que je dis, c'est que c'est encore un moyen qu'ont trouvé les hommes pour nous asservir un peu plus, renchérit Esméralda.

- Sauf s'il y a un consentement mutuel, contra Mak.

- Mais pourquoi tu me parles de consentement ! Dans ce genre de truc, le but est qu'il n'y en ait pas justement !

- Non mais t'as rien compris à la base de ce concept, toi, hein ? Renseigne-toi un peu ! On parle juste d'un jeu entre deux adultes consentants.

- Oui, un jeu dans lequel l'homme se plait à exercer un pouvoir de domination sur la femme. Tu ne crois pas qu'on est assez dominé comme ça dans notre quotidien de femme ?

- Ok, on parle de domination, mais pas comme tu l'entends, et je te rappelle que les hétéros n'ont pas le monopole du BDSM. Certaines femmes se plaisent dans un rôle de dominante, que leur partenaire soit un homme ou non.

- Ah oui ? Alors, il faudrait que tu m'en présentes une, soupira Esmeralda.

Elsa sourit malicieusement, puis leva la main et chantonna :

- Elsa Lange, enchantée.

Tous eurent un temps d'arrêt puis éclatèrent finalement de rire à cette révélation alors qu'Esméralda rougissait en cachant son visage dans ses mains.

- Ok, excuse-moi, je m'étais trompé d'allumette, rit Alice à l'attention de l'enseignante.

Mak peinait à reprendre son souffle tant elle riait en bouffant Elsa des yeux, heureuse de la voir si à l'aise avec ses amis. À vrai dire, cette soirée était véritablement tout ce dont elle avait toujours rêvé. La jeune fille parvint à se calmer après quelques secondes et essuya une larme de rire au coin de son œil avant qu'Alice ne relance le sujet.

- En attendant je suis quand même curieuse, raconte-nous !

- Ne te méprends pas, je ne parle pas de mes expériences avec Mak. J'ai déjà eu des aventures avant elle qui m'ont conduit dans ce genre de domaine. Et il y a toujours eu du consentement et du respect quoi qu'il arrive. Puis être dominante, c'est fun comme vous dites, sourit-elle finalement.

Elsa échangea un regard avec sa partenaire, espérant ne pas l'avoir gêné en parlant de son passé. Mak sourit, comprenant son regard en ayant pour envie que de l'embrasser et résuma la situation :

- Bref, tout ça pour dire que tu as tort et que j'ai raison comme toujours.

- Toujours plus… soupira Esméralda en se remettant de ses émotions.

- Tu devrais te prendre une fessée de temps en temps, ça ne te ferait pas de mal et tu changerais d'avis, rit Mak, incapable de s'arrêter de l'embêter.

- Et quelque chose me dit que c'est un conseil d'une connaisseuse ! S'exclama Alice, bien plus détendue qu'en début de soirée.

- Une experte, murmura Elsa assez fort pour que tout le monde entende, repensant encore une fois à leurs derniers ébats.

Et c'est un nouveau fou rire qui traversa la terrasse alors que Mak rougissait un peu. Mais quelque part, elle devait l'avouer, elle aimait ça.