Point de vue : Charlie

Ça faisait trois jours maintenant. Trois jours que Mia avait disparu, trois jours à gérer Harry mais surtout trois interminables journées à trembler pour elle. A ne rien savoir de son état, à ne pas savoir si elle était morte ou bien en train de souffrir.

Tom nous avait donné un espoir dès le premier jour en trouvant la chambre d'hôtel de Adrien mais la découverte ne nous avait pas appris grand chose à part que cet homme était fou et qu'il l'espionnait depuis beaucoup plus longtemps qu'on ne le pensait. La police n'avait trouvé aucun indice nous permettant de remonter jusqu'à lui.

La mère de Mia était en soin à l'hôpital depuis ce midi à force de chagrin, d'insomnie et de jeûne et Harry dépérissait lui aussi de jour en jour en voyant la police s'enliser et piétiner. J'étais censé rester droit pour lui mais j'étais terrassé et je me reposais de plus en plus sur Théo qui tenait le choc pour nous tous.

"A quoi est-ce que tu penses ?", j'essayais de remobiliser mes forces en voyant Catherine s'approcher de moi et m'enlacer avec douceur pendant que j'étais assis à me morfondre, sur le canapé de notre appartement après cette troisième journée au poste de police avec Harry et Théo.

"A Harry...", je mentais, sans réfléchir, pour ne pas avoir à me mettre à nu et ne pas avoir à lui faire de peine.

"Juste à Harry...?", je détournais le regard à sa question. Catherine essayait de me pousser à la confidence depuis avant hier mais je m'y refusais. Alors je me contentais aujourd'hui encore de ravaler mes larmes en attendant que ça passe.

"Charlie...Arrête de faire semblant avec moi...Tu as le droit d'avoir peur et d'avoir du chagrin pour Mia", j'essayais de toutes mes forces de lutter mais cette bénédiction de Catherine me mettait au supplice et me faisait craquer. Je m'effondrais subitement, j'ouvrais les vannes douloureusement dans ses bras, pour la première fois depuis trois jours . Et je n'arrivais pas à m'arrêter. J'étais tiraillé et torturé par ces images de Mia et tous ces souvenirs de nous.

"Si j'avais dit la vérité à Harry…", Catherine me coupait la parole pour m'empêcher d'aller sur cette voie.

"Cet homme est complètement fou et obsessionnel. Il aurait trouvé un moyen de l'approcher quoiqu'il arrive..."

"Mia a tout fait pour nous...Elle m'a aidé à traverser les pires épreuves de ma vie depuis ce naufrage et il n'y a absolument rien que je puisse faire pour elle aujourd'hui...", je recevais ses caresses et des baisers réconfortants au même moment. J'essayais de me concentrer sur la douceur de Catherine pour m'apaiser.

"Je lui ai promis sur cette île que je ne laisserai pas Harry baisser les bras...Et j'ai tenu ma promesse sur l'île et au retour de Paris...Je l'ai veillé au grain...Mais si Mia ne revient pas saine et sauve de cet enfer...Je sais que je ne pourrai rien pour Harry...Il n'acceptera jamais de la perdre, elle…", et je soupirais bruyamment en verbalisant à Catherine cet état de fait dramatique. C'était la pensée qui me prenait aux tripes et qui m'enfonçait en particulier depuis ce matin. Catherine gardait le silence religieusement pendant un moment puis se décidait à reprendre avec toujours la même douceur dans sa voix.

"Raconte-moi…"

"Quoi ?"

"Votre naufrage…", j'hochais simplement négativement de la tête pour seule réponse.

"Harry a besoin de toi et toi, tu as besoin de moi, Charlie. Je ne te suis d'aucune aide sans cette partie de l'histoire"

"Tu n'as pas envie d'entendre parler de cette époque avec Mia"

"Si. Je t'assure que je préfère savoir que d'imaginer et je serais incapable de la jalouser en ce moment...Alors s'il te plaît...Raconte-moi…", je soupirais bruyamment à cette demande qui devenait une supplication de la bouche de Catherine. Elle avait toujours respecté ma pudeur, elle n'avait jamais insisté et je sentais que je lui devais ça aujourd'hui. Je sentais aussi que c'était le moment d'en parler et de m'en libérer définitivement.

"Tu veux que je commence par quoi ?"

"Vos vacances à Hawaï ?", je la regardais prendre place confortablement dans le canapé et attendre patiemment que je commence. Je fermais les yeux pour me détendre et essayer de me remémorer tous les détails de l'histoire, les meilleurs comme les pires.

**Début du flashback*

J'avais longtemps hésité avant d'accepter l'invitation de Harry. Il réclamait notre présence à tous, après plusieurs mois de tour du monde avec Victoria. J'avais été plus que tenté mais l'idée de mélanger Catherine et Mia pendant trois semaines sur cette île de rêve m'avait moyennement conquis. J'avais fini par céder sur l'insistance de Théo et après que Catherine m'ait confirmé un empêchement professionnel qui tombait à pic.

Je me retrouvais donc aujourd'hui, à la sortie de cet aéroport, avec un sourire d'imbécile heureux sur le visage, à humer les premières senteurs exotiques et à sentir la chaleur torride dans le moindre de mes pores. Mes yeux se posaient inévitablement et malgré moi sur Mia qui ne trouvait rien de mieux à faire que d'enlever une de ses surcouches et de dévoiler un peu plus de son corps fabuleux. Je grinçais des dents en m'infligeant cette gifle mentale devenue très familière depuis notre rencontre il y a un an.

J'en étais là, à baver encore, quand je voyais ce sourire immense envahir son visage. Je suivais son regard et je voyais Harry au bout de la rue, en train de sortir de sa voiture. Je la regardais se précipiter dans ses bras pendant qu'il la faisait tournoyer dans les airs. Leur joie était communicative et partagée. J'approchais discrètement, avec Théo, en restant en retrait pour les laisser savourer ces retrouvailles tant attendues.

"Tu m'as tellement manqué !", je voyais Harry soupirer de bien-être en la serrant dans ses bras.

"Toi aussi...Quel bronzage ! J'ai du retard à rattraper ! Vic n'est pas là ?", Harry la reposait au sol mais sans la lâcher.

"Non, je l'ai laissé à l'hôtel pour t'inonder de baisers à volonté", et je le voyais l'embrasser frénétiquement et très puérilement pour appuyer ses propos.

J'avais droit ensuite avec Théo à mon accolade chaleureuse avant de prendre place sur le siège arrière de la décapotable avec lui pendant que Mia s'installait à l'avant.

"Vous allez adorer cette île"

"Je l'aime déjàaaaaaa !", je riais face à l'humeur très extravagante de Mia qui prenait le soleil, les bras ouverts et cheveux au vent. Elle était survoltée à l'idée de ces vacances et elle était métamorphosée depuis son arrivée à Hawaï.

Harry nous avait ensuite installé dans deux luxueux bungalow puis embarqué aussitôt à bord de son bateau pour une première balade paradisiaque qui donnait le ton des vacances.

J'avais pris place sur le filet du catamaran avec Théo et je regardais Mia plus loin en train de rire et de se déhancher sur le pont avec Victoria. J'étais incapable de retenir mon filet de bave parce que c'était la première fois que je la voyais aussi peu vêtue. Elle me faisait déjà tourner la tête à Paris dans ses habits de ville ou ses robes de soirées infernales alors je frôlais définitivement l'arrêt cardiaque face à son corps à moitié nu dans ce bikini. Elle était parfaite, diaboliquement attirante et bien plus encore que dans mes fantasmes.

"Sérieusement, poto ?", je riais très nerveusement à ce rappel à l'ordre de Théo qui venait de me prendre en flagrant délit de reluquage. Je répondais avec légèreté parce que cette attirance n'avait plus rien de secret. Théo était le petit ange sur mon épaule droite qui me ramenait systématiquement à la raison depuis plusieurs mois.

"Cette femme...me brûle les yeux...putain", j'entendais Théo rire à gorge déployée après ce juron et cette honnêteté inhabituels. J'avais en effet plutôt tendance à faire profil bas par respect pour Catherine mais les premiers verres de tequila et l'euphorie des vacances me montaient à la tête.

"Charlie...Pense à Catherine...Je ne donne pas cher de ton couple si tu continues comme ça... Mia va t'en faire voir de toutes les couleurs. Ce ne sont pas mes premières vacances au soleil avec elle et je te le dis mec, ce bikini est un des plus sages de sa garde robe...", je gémissais de souffrance en l'entendant me le confirmer. Théo riait encore ouvertement mais il reprenait.

"Donc baisse les yeux. Ou apprends à minima à être plus discret si tu ne veux pas que Harry t'arrache les yeux...", je soupirais, j'entendais ses conseils mais je ne pouvais pas m'empêcher de continuer à la regarder.

"Je sais...Cette femme est le fruit défendu et l'épreuve de ma vie…Seigneur", je gémissais encore de souffrance et Théo en profitait aussi pour la regarder en se léchant les babines.

"Oui. Mia est...très...ah...belle ?", je riais en comprenant du ton de Théo qu'il faisait un effort de correction pour ne pas trop en dire sur sa grande amie.

"Victoria est très belle...Mia...est un avion de chasse...Cette femme...est...une frappe atomique...", j'en étais là à rire aux éclats avec Théo quand je voyais Mia s'approcher de nous. Je mimais faussement la peur et je marmonnais dans ma bouche discrètement à l'attention de Théo.

"Oh non ne t'approches pas, fille de Satan. Reste loin de moi…", et je me mordais les joues pour ne pas repartir dans le même fou rire que Théo en voyant Mia arriver à notre hauteur et s'installer à ma droite.

"On a l'air de bien s'amuser ici", j'essayais de fixer le ciel plutôt que son décolleté et je gardais le silence avec Théo du mieux que je le pouvais.

"Ta peau d'albâtre a vraiment besoin d'écran total, Charlie", j'avais mordu mes lèvres pour ne pas saisir sa perche mais les mots sortaient sans que je puisse résister.

"Merci de t'en préoccuper. Tu m'aides à l'étaler ?", j'ignorais le raclement de gorge sévère de Théo, je me contentais de fixer Mia avec un sourire charmeur et sa réponse me torturait encore plus.

"Oh j'adorerai...mais Catherine beaucoup moins...", je riais par réflexe mais je riais très jaune. Mon cœur ratait un battement à son aveu et je serrais très fort ma mâchoire pour feindre l'amusement alors que ma seule envie aurait été de la plaquer contre ce filet et de m'occuper d'elle très sérieusement.

Je la voyais ensuite prendre sa protection solaire et j'appliquais les directives de Théo cette fois. Je levais les yeux au ciel parce que je savais que je n'étais pas assez fort pour la regarder s'étaler cette huile sur le corps. Je la voyais ensuite se retourner du coin de l'œil et tendre le tube à Théo.

"Thé' ? Tu m'aides ? Et sagement s'il te plaît si tu ne veux pas que je te coupes les mains", et je lançais mon regard le plus indigné à Théo qui se pinçait les lèvres d'amusement en me regardant et en frottant la crème solaire avant de poser ses mains sur Mia. Il me narguait, définitivement et je retenais péniblement mon nouveau rire.

"MIA ?", je relevais la tête en même temps qu'elle ensuite. Harry l'interpellait en souriant pendant qu'elle bronzait sereinement.

"QUOI ?", mais Harry ne répondait pas. Il lui faisait simplement signe de l'index pour qu'elle le rejoigne, en souriant malicieusement.

"NON", je riais de voir la réaction indignée de Harry face à ce refus taquin de Mia. Elle l'ignorait royalement et reposait sa tête sur le filet pour continuer de profiter du soleil.

"OBÉIS", Mia se pincait les lèvres d'amusement à la réaction agacée de Harry.

"LA PAIX TYRAN ! JE BRONZE !", elle s'en amusait, elle fermait les yeux pour le contrarier un peu plus et je voyais pendant ce temps là Harry approcher silencieusement en nous faisant signe de ne pas trahir sa présence auprès de Mia. Puis il l'attrappait, sans préavis, il la prenait dans ses bras et se jetait à l'eau joyeusement avec elle en ignorant totalement ses insultes. Je riais le premier comme Théo mais j'étais envieux encore une une parce qu'il avait le droit, lui, de la toucher, de la prendre dans ses bras et de se coller à elle. Mes yeux se posaient immédiatement vers Victoria mais à ma plus grande surprise, elle se contentait de rire depuis le bateau et de siroter son verre en les laissant vaquer à leurs jeux d'enfant, à l'eau.

"Regarde comme elle s'éclate de les voir s'amuser à moitié à poil. Et tu l'as vu danser tout à l'heure avec Mia ? C'est inédit...", je riais de nouveau en discutant avec Théo.

"Oui. Cinq ans et une bague au doigt plus tard. Il était temps", et je souriais sans rebondir puisque c'était un sujet qui avait déjà été longuement traité avec Théo. Victoria et Mia étaient copines mais nous n'avions jamais cru à la sincérité de Victoria qui s'était trahie à plusieurs reprises avec ses regards ou certains sous-entendus. Mais elle semblait complètement sincère avec Mia aujourd'hui et effectivement ce changement de comportement était concomitant au début des préparatifs du mariage. Harry avait définitivement calmé ses angoisses en l'épousant.

La journée avait continué dans une ambiance parfaite ensuite et Harry avait réservé une table au restaurant pour finir ce premier jour en beauté. Nous étions désormais tous dans le jardin à attendre Mia qui sortait de son bungalow et se dirigeait vers nous dans cette robe d'été sublime, avec ses talons vertigineux, son visage parfaitement maquillé et sa démarche étourdissante.

"J'ai dis quoi, Charlie ? Fermes la bouche, putain…", Théo m'assénait un coup de coude discret dans les côtes pendant sa directive et je me retenais difficilement de rire mais je suivais son conseil : je mordais ma langue pour m'interdire de la complimenter à voix haute. Il était m garde fou, je l'écoutais sur le coup mais j'avais finit par désobéir pendant le repas.

L'humeur de Mia avait été délicieuse et les échanges de regards charmeurs et de répliques aguicheuses avaient fusé toute la soirée de façon incontrôlable, malgré les regards réprobateurs et insistants de Théo. J'étais partie en totale roue libre et j'avais pris un plaisir fou à jouer à ce jeu avec elle, comme à chaque soirée. Mais je comprenais les réactions beaucoup plus vives de Théo ce soir parce que ce n'était pas une soirée à la volée. J'allais passer les trois prochaines semaines en sa compagnie, quasiment H24, et Théo était la voix de la raison. Je n'aurai jamais dû ouvrir le bal de cette façon mais j'étais incapable de résister à son charme et incapable de me discipliner.

Théo n'arrivait donc à rien face à mon entêtement mais il avait reçu une aide complètement inattendue au retour du restaurant. Celle de Harry, qui m'avait mis un stop phénoménal en me voyant me mordre les lèvres de plaisir en regardant Mia aller à l'eau avec Théo pour un bain de minuit sur notre plage privée. Il n'en avait pas manqué une miette et la réplique avait fusé.

"Tu arrêtes ça, Charlie", j'avais bloqué en entendant son ton claquant et ferme.

"De quoi tu parles ?", j'avais arrêté immédiatement de regarder Mia en plissant les yeux innocemment et précautionneusement.

"Mater Mia de cette façon…"

"Okay…", je souriais nerveusement en abdiquant très innocemment pour essayer de détendre l'atmosphère.

"Et tu vas surtout arrêter de la draguer"

"Je ne drague pas Mia", mais je niais en bloc cette accusation ci en repensant à tous les conseils de Théo qui avait été très clair sur le fait que je ne devais pas me faire prendre par Harry.

"...Ne me prends pas pour un con", l'attitude de Harry était complètement ambivalente en ce moment : il câlinait tendrement Victoria dans ses bras pendant qu'il me fusillait du regard.

"Charlie ne fait que de regarder ! Arrête de le martyriser", j'essayais de rester neutre, de ne pas sourire et je laissais volontiers Victoria prendre ma défense. Elle le faisait en riant et en taquinant Harry pour le détendre mais il me fixait plus durement encore. Et sa prochaine réplique me faisait avaler ma salive de travers.

"Tant pis pour toi si tu as décidé d'être ce genre de connard mais n'y pense même pas avec Mia. Je t'interdis de traîner ma meilleure amie dans une liaison sordide. Essaye juste un peu, Charlie, et tu devras dire adieu à toutes tes dents", la réplique de Harry m'avait plongé dans un profond malaise. Je ne prenais pas la menace au sérieux mais sa phrase venait de me remettre brutalement les idées en place. Il venait de recontextualiser de façon très concise et impitoyable les tenants et aboutissants de ce jeu dangereux avec elle. J'étais plus que mal à l'aise et Harry lui se contentait de déposer un baiser sur la tempe de Victoria en reprenant l'air de rien, sans attendre de réponse de ma part.

Victoria s'était plainte ensuite de la chute de température et Harry nous avait quittés quelques minutes pour aller lui prendre un gilet dans leur bungalow. Je me retrouvais donc seul avec elle et je comprenais à ses premières paroles qu'elle venait d'éloigner Harry sciemment pour me parler en tête à tête.

"Harry était très sérieux avec cette menace", j'avais ri nerveusement à cette réplique sortie de nulle part de Victoria.

"Je suis un de ses meilleurs potes. C'était une façon de parler, ne t'inquiète pas", je souriais toujours mais Victoria avait le visage et le ton sérieux.

"Non. Il me jetterai sûrement sous un bus pour Mia donc je t'assure qu'il serait sans pitié avec toi...", j'étais bouche bée et je répondais avec beaucoup de maladresse et de gêne.

"Tu es sa femme. C'est ridicule"

"Oui mais il m'a déjà prouvé à plusieurs reprises que je passais après elle. La bague ne change rien. C'est très bizarre, je te l'accorde, mais c'est comme ça. Mais ce n'est pas le sujet…", elle m'avait fait cet aveu avec un sourire bienveillant et un ton très serein mais je ne savais pas si c'était une façade qui dissimulait de la rancœur ou de la jalousie. J'avais simplement gardé le silence de gêne en l'écoutant poursuivre.

"Tu joues à un jeu très dangereux avec Mia. Elle n'est pas du tout indifférente à ton charme et elle est célibataire. Tu devrais arrêter de la provoquer avant que la situation ne se retourne contre toi. Je sais qu'elle est la tentation incarnée mais résiste. Vous avez une très belle amitié tous les trois, Harry, Théo et toi. Ne gâche pas ça pour un plan cul", j'avais tiqué à cette confirmation de Victoria sur le fait que je plaisais à Mia mais je m'appliquais à garder un ton neutre en reprenant sur le fond de la conversation.

"Je ne vois pas ce que ça a à voir avec mon amitié avec Harry et Théo. Il devrait s'occuper de ses affaires"

"Oui et ce sont ses affaires, que ça te plaise ou non, Harry est plus que concerné par elle. Si tu veux tenter quelque chose, tu dois le faire proprement et être sérieux. Parce que je t'assure qu'il te démolirait et te black listerait à la première larme de chagrin de Mia", son dernier avertissement m'avait laissé un goût amer en bouche. Je prenais toutefois pour argent comptant ce qu'elle me disait. Son alerte, très sérieuse, se croisait avec la précédente de Théo. Je n'avais rien à ajouter et Victoria s'empressait de changer de sujet en voyant Harry revenir. J'avais classé le sujet très vite aussi en prenant tous les soins pour regarder mes pieds à la sortie de l'eau de Mia. La tentation avait pourtant été très forte avec cette robe mouillée qui épousait parfaitement ses courbes mais mon instinct de survie avait pris le relais après ce double préavis. Harry avait réussi à calmer mes ardeurs, pour ce soir.

Victoria était tombée de fatigue la première ensuite après nos heures de bavardage. Elle nous avait laissé poursuivre à quatre. Théo avait suivi une heure plus tard et j'avais eu en tête d'en faire de même. Mia avait amorcé un geste après mon départ également mais j'avais aperçu en coin de l'œil l'initiative inattendue de Harry.

"Oh non, toi tu restes ici avec moi", il s'était saisi à la hâte de la main de Mia pour la stopper mais il l'avait surtout ramenée de force sur ce transat en la prenant autoritairement par la taille et en la collant contre lui. Cette nouvelle proximité très perturbante m'avait poussé à rester derrière un palmier pour les épier.

"Tu veux ma mort ou quoi ? Arrête !", Mia souriait de son initiative. Elle se débattait mais Harry inversait sa position sur le transat. Il était au-dessus d'elle et il la bloquait avec son poids de corps en ignorant sa directive. Cette position était plus qu'originale entre meilleurs amis et je devenais très suspicieux en constatant les regards inquiets de Mia vers le bungalow de Victoria. Elle se comportait comme une personne en faute. J'étais plus attentif que jamais à partir de ce moment-là et la suite des événements m'avait laissé bouche bée. La nouvelle voix très charmeuse de Harry m'avait agressé l'oreille mais j'avais été surtout profondément choqué de le voir se mordre les lèvres et caresser très sensuellement la cuisse dénudée de Mia.

"Vic dort à poing fermés, laisse-toi faire, on ne fera pas de bruits…", j'avais les yeux exorbités après ça. Cette réplique, ces positions et ce geste aguicheur étaient accablants. La conclusion était catastrophique. J'étais sidéré, embarrassé mais aussi révolté du niveau d'hypocrisie de Harry. Mon cerveau fusait dans tous les sens. Cette liaison était évidente et limpide en emboîtant toutes les pièces du puzzle mais j'étais interrompu soudainement dans mes réflexions par leur fou rire mutuel et inopiné. Je les regardais de nouveau pour comprendre et je les voyais cesser immédiatement. Harry retirait sa main de sa cuisse, il se réinstallait sur le dos contre ce transat en obligeant Mia à se blottir dans ses bras. Je les voyais fixer le ciel tous les deux, silencieusement et très chastement en reprenant leurs bavardages innocents. Je soupirais de soulagement en comprenant que j'avais fait fausse route. Je trouvais l'humour douteux, mais je me félicitais de ne plus avoir une bombe de cet ordre entre les mains. De façon tout à fait inavouable aussi, j'étais satisfait de savoir que j'avais toujours la voie libre avec Mia, si je le voulais.

"Alors ce voyage ?"

"Génial ? Mais je commençais à m'ennuyer de vous et surtout à m'ennuyer de toi...Tu m'as vraiment manqué, Princesse…", j'avais plissé des yeux en l'entendant prononcer ce surnom pour la première fois et avec autant de tendresse.

"J'espère bien ! Et j'ai ramené dans ma valise mon plus beau nez rouge pour te divertir", Mia lui répondait sur un ton taquin qui faisait sourire Harry et le faisait rebondir de façon très surprenante.

"J'aurai préféré tes portes-jarretelles mais je m'en contenterai pour cette fois", il récidivait avec cet humour douteux qui faisait pourtant très rire Mia. Ce n'était définitivement pas le genre d'échange auquel ils se livraient devant nous mais le sujet avait l'air tout à fait naturel et normal entre eux.

"Je vous ai prévu un programme démentiel pour ces trois semaines"

"Fais-moi rêver ?!"

"Surf, plongée et croisière en plein pacifique..."

"Ça m'a l'air absolument parfait...", j'avais fini par abandonner mon spot d'espionnage discrètement ensuite à force d'ennui. J'avais eu des difficultés à dormir d'une seule traite à cause du décalage horaire et je les avais aperçu à travers la baie vitrée à chacun de mes réveils. Ils avaient passé la nuit, blottis dans les bras l'un de l'autre, sur ce transat, à discuter, à rire et à savourer leurs retrouvailles en toute discrétion. J'avais quitté le bungalow à l'aube ensuite en renonçant à tout espoir de dormir correctement et j'avais croisé Mia sur la plage de façon très inattendue.

"Ah enfin un qui est réveillé ! Je dois passer en ville ! Tu m'accompagnes ?", j'avais particulièrement hésité en pensant aux menaces de Harry mais j'avais fini par accepter sa proposition parce que j'avais envie de me balader et aucune intention de me laisser victimiser non plus par Harry. Je savais parfaitement ce que j'avais à faire et surtout ce que je ne devais pas faire et j'étais capable de me retrouver seul quelques heures avec elle sans lui sauter dessus comme un animal en rut.

"VIIIIIIIIICC ?", j'attendais sagement devant le bungalow de Harry et Victoria pendant que Mia s'acharnait à la porte pour les réveiller et je m'amusais de voir Harry ouvrir avec humeur.

"Tu peux la mettre en sourdine ou prendre le premier vol retour pour Paris ?"

"Quoi ? Tu n'as pas assez dormi peut-être ?"

"Très drôle. Tes réveils en fanfare ne m'avaient absolument pas manqué. Eux", je souriais discrètement parce que j'avais parfaitement suivi les nombreux sous-entendus pour les avoir espionné la veille. Je savais aussi qu'ils avaient dû dormir tout au plus deux heures mais Mia était d'excellente humeur malgré tout. Son manque de sommeil ne se voyait pas, elle entrait sans permission et en sautillant presque dans ce bungalow. Elle le faisait après une bise bruyante sur la joue de Harry et elle fonçait dans leur chambre en chuchotant cette fois calmement pour Victoria qui était encore au lit.

"Bichette, je peux t'emprunter de la crème ? J'ai oublié la mienne à Paris"

"Mmh...Vas-y...", Victoria était encore moins réveillée que Harry.

"Merci ! Continuez de dormir ou de consommer votre mariage peu importe. Je vais aller acheter ce qu'il me manque en ville avec Charlie"

"Et Théo ?"

"Il dort encore à poings fermés", et je n'avais pas pu retenir mon sourire sadique vers Harry à cette réponse de Mia. J'avais réussi avec beaucoup d'insolence à soutenir son regard désapprobateur et menaçant. J'avais nargué Harry pour le plaisir et par fierté mais j'étais resté sage ce matin-là et aussi les jours suivants.

Tout était plutôt sous contrôle la première semaine mais j'avais commencé à vriller à force de partager son quotidien. J'avais commencé à dépasser les limites du jeu dès la deuxième semaine. Mes regards et mes répliques avaient dépassé le stade de l'innocence et j'avais pris une initiative très incorrecte pendant la session de surf de cet après-midi en joignant les gestes à la parole. J'avais osé la toucher et j'avais senti Mia se tendre très nettement au contact de ma main sur ses hanches. Elle s'était dépêchée de fuir ma main et j'avais eu droit à son indifférence et ses regards fuyants toute l'après-midi. Elle avait compris sans dessin et je n'avais pas pensé que l'idée la rendrait aussi hostile. MIa m'avait donné l'impression d'être réceptive et intéressée mais elle refusait catégoriquement de donner suite à mes avances. Et elle m'en avait donné confirmation de façon très intense au bar, le soir même.

Je l'avais vu faire de l'œil à cet homme séduisant de l'autre côté de la salle et je l'avais vu quitter la table après un échange complice avec Harry. Mia avait arrangé ses cheveux de façon très sensuelle, elle avait remis son décolleté en valeur de façon presque outrageuse mais surtout elle était partie après un regard très hostile à mon attention. J'avais compris rapidement qu'elle était en train de m'envoyer me faire foutre.

Et elle l'avait fait royalement, en s'installant au bar, en repoussant très aimablement tous les hommes un à un et en attendant sagement que la proie de son choix ne se décide. Et elle avait très bien choisi. Ce brun avait tout pour lui et il avait fini par courir jusqu'à elle et lui manger dans la main.

"Cette femme est redoutable", j'avais ri nerveusement à cette réplique de Victoria. Ils étaient tous les trois captivés par le jeu de séduction qu'ils avaient sous les yeux et qui m'horripilait. J'essayais de cacher ma contrariété mais Harry m'interpellait sans finesse.

"Tu es tout pâle, Charlie, ça va ?", j'avais soupiré d'agacement en le toisant avec humeur et Harry s'était contenté de rire, d'enchaîner les répliques insupportables et de me torturer. Je l'avais soupçonné rapidement d'être de mèche avec Mia. Il se régalait de la voir me donner cette bonne leçon, si ce n'était pas lui qui lui avait soufflé l'idée à l'oreille.

J'avais donc subi en silence mais surtout en faisant le dos rond. Je le faisais en apparence puisque c'était ce qu'était censé faire un petit ami respectable. Je leur laissais croire volontiers que ce rappel à l'ordre était efficace et en train de me remettre sur les rails alors que c'était tout le contraire.

Cette initiative mesquine de Mia ne m'avait pas échaudé. Elle m'avait retourné. J'avais détesté voir cet homme poser sa main sur ses hanches, à l'endroit où j'avais osé le faire cet après-midi. Et j'avais brûlé de jalousie de la voir répondre positivement cette fois et de la voir quitter cet établissement au bras de cet homme. J'avais tourné comme un lion en cage dans mon bungalow toute la nuit en l'imaginant avec lui. Elle m'avait obsédé et j'avais fantasmé sur elle à l'extrême jusqu'au petit matin, jusqu'à cet appel matinal de Catherine qui m'avait fait l'effet d'une très grande douche froide.

J'avais mis un terme brutalement à mon petit manège nauséabond avec Mia après cet appel. Je m'étais empressé de rétropédaler. J'avais arrêté tous mes gestes et tentatives de séduction dès le lendemain et Mia avait fini par se détendre en notant mon nouvel état d'esprit. J'avais démarré une nouvelle relation avec elle après ça en prenant la voie plus sage de l'amitié et en me contentant de profiter des vacances sans arrière pensée.

J'avais eu les meilleures intentions pendant cette deuxième semaine mais l'attirance était revenue en boomerang quelques jours plus tard. Elle avait resurgi avec une force perturbante après cette nuit blanche sur la plage à rire et discuter avec elle. La nuit avait été pourtant très sage mais j'étais incapable depuis d'empêcher mon cœur de s'emballer à chaque fois que je la regardais ou que je la frôlais.

La situation était en train de prendre un tournant catastrophique et j'étais justement en train de le penser en la regardant s'affairer sur le bateau. J'étais devant l'échelle et sur le point d'embarquer pour cette croisière de neufs jours à huis clos avec elle et j'avais ressenti le besoin de partager mon angoisse avec Théo.

"Je ne devrais pas monter dans ce bateau..."

"On t'a dit de baisser les yeux et ça ira !", Théo suivait rapidement le fil de mes pensées en me voyant fixer Mia. Il était rieur et moqueur mais je le regardais maintenant très gravement.

"Tu ne comprends pas...Je suis vraiment en train de craquer pour elle...", et je voyais Théo encaisser puis s'affliger de la nouvelle. Il soupirait de contrariété et j'étais suspendu à ses lèvres et à ses conseils.

"Tu es au bout du monde, dans un cadre paradisiaque, avec cette sirène à moitié nue tous les jours sous tes yeux. Et malheureusement pour toi, Mia n'est pas qu'un physique, c'est une femme géniale. C'est normal qu'elle te fasse tourner la tête. Tout rentrera dans l'ordre à Paris, quand tu retrouveras Catherine. Tu n'as plus que 9 jours à tirer", je soufflais bruyamment à ce discours de Théo qui me redonnait du courage. Il avait définitivement raison, il fallait que j'arrête de me monter la tête et que je garde la tête froide.

"Ne me laisse pas craquer...", et Théo riait de nouveau et m'assénait une dernière réplique qui détendait l'atmosphère.

"T'inquiète. Et tu peux compter sur la vigilance du capitaine de croisière. Il n'y a aucune chance pour que Harry te laisse la toucher sur son navire !", et je riais à gorge déployée cette fois. Je soupirais une dernière fois et j'embarquais pour cette croisière de rêve, avec comme seul problème en tête mon début d'amourette avec Mia. J'avais été très loin de me douter à ce moment-là que cette escapade allait virer au drame et changer notre vie à tout jamais.

**Fin du Flashback**

Catherine connaissait maintenant à peu de choses près les moments qui avaient précédé le naufrage. J'appréhendais ses réactions à propos de mon comportement avec Mia mais c'est sur un tout autre sujet qu'elle rebondissait.

"Cette conversation que tu as eu Victoria au début du séjour me glace le sang...Tu crois qu'elle a vu Harry plonger vers Mia ce jour-là ? "

"Je me suis posé la même question quand il nous a fait cette confession...Je ne sais pas et je n'espère vraiment pas pour elle...", et je voyais Catherine souffler bruyamment. Cette partie de l'histoire la chamboulait mais elle n'en oubliait pas pour autant de me lancer un pic sur le sujet qui l'intéressait au premier plan.

"Mia était célibataire, tu lui plaisais mais elle a résisté à tes avances en te rembarrant comme tu le méritais. Elle a fait preuve d'une solidarité féminine exemplaire... Elle remonte encore dans mon estime après ça", j'étais scié de la voir sourire malicieusement à cette réplique et je me retrouvais très étrangement en train de sourire malgré moi. Je souriais timidement et honteusement mais je souriais quand même et c'était assez incroyable dans ce contexte particulièrement grave. Catherine arrivait à me changer les idées et à m'apaiser et elle continuait dans son élan de bonté, en caressant très affectueusement mon bras et en reprenant avec la même douceur.

"Raconte-moi le naufrage maintenant", et je soupirais profondément et longuement avant de m'attaquer à cette partie beaucoup plus pénible de l'histoire.