Disclaimer : Les personnages ne m'appartiennent pas.

Note : Recueil d'OS écrits pendant les nuits HPF (une heure pour un texte sur un thème donné), d'où les formats et les ratings variables.

Univers : Milieu saison 3.

Rating : Entre K+ et T.


S'abandonner


Will avait tenté à de nombreuses reprises d'oublier Hannibal. Il avait cru que le savoir enfermé dans l'hôpital psychiatrique pour criminels aliénés suffirait à apaiser son esprit et à lui ouvrir la voie de la reconstruction mais il s'était trompé. Le moindre détail lui rappelait sans cesse le cannibale, le plongeant dans un cauchemar éveillé dont il était un prisonnier à moitié volontaire. Crawford lui avait conseillé une thérapie pour se remettre des longs mois passés à côtoyer l'Éventreur de Chesapeake mais l'empathe avait refusé, ayant accordé à trop de gens la possibilité d'entrer dans sa tête — et cela presque au sens littéral lorsqu'il s'agissait de Lecter. Confier sa santé mentale à un nouveau psychiatre n'était pas dans ses projets, il avait assez souffert entre les mains de spécialistes qui imaginaient tout comprendre de son mode de fonctionnement atypique.

Reprendre une vie normale semblait être impossible. Dès qu'il entrevoyait un élément familier, ses pensées retrouvaient leur danse troublante pour le mener à des associations d'idées désagréables. Une bouteille de vin dans la main de quelqu'un et il ressentait alors le goût du liquide pourpre glissant sur sa langue. Un morceau de musique classique et il était emporté dans le cabinet du Lituanien, à entendre Vivaldi égrener le temps au fil des saisons. Une odeur de viande et son estomac se serrait, anticipant un plat qui ne portait pas la marque délicate de l'art du cannibale. Graham voulait arracher les fils qui le retenaient à toutes ces sensations, il avait besoin de sa liberté, celle dont il avait été si longtemps privé lorsqu'il avait commencé à accorder sa confiance à la mauvaise personne.

S'il avait hésité à tout envoyer paître pour quitter le continent, Will avait au final pris des décisions tout à fait discutables. Il savait qu'il était capable de se perdre dans des bras inconnus, il l'avait expérimenté avec Margot — et il gardait un souvenir mitigé de cette expérience depuis qu'il avait perdu un rêve de famille — et il s'était mis à flirter avec la personne la moins évidente de son entourage. Frederick Chilton n'était pas un homme avec qui construire une relation saine alors qu'ils avaient partagé des discussions houleuses et qu'il y avait toujours ce résidu de lien qui subsistait entre un thérapeute et son patient. Cependant, l'empathe ne s'était pas arrêté à cet obstacle, il avait imposé ses conditions sans supposer un seul instant tomber dans son propre piège.

L'ancien directeur de l'hôpital psychiatrique agissait sur lui de la même façon qu'une drogue. Les lèvres de Frederick connaissaient ses faiblesses, jouaient avec sa chair frissonnante et l'emmenaient inlassablement vers la jouissance. Il gémissait sans honte entre les mains du plus vieux, se donnant à lui avec un plaisir qui se renouvelait à chaque fois qu'ils se retrouvaient. Graham aimait les sensations procurées par ce corps contre le sien, par cette peau qui glissait sur la sienne. Si, au début, il venait pour trouver l'abandon dans le sexe, il lui était de plus en plus dur de repartir.

« Je ne peux plus continuer, déclara-t-il un beau matin alors que les doigts de Frederick erraient sur ses cuisses.

— Que veux-tu dire ?

— Je refuse de m'attacher. Et il m'est impossible de rester uniquement pour coucher avec toi.

— Tu es un sacré enfoiré, Will. Tu me sors de mon isolement pour mieux m'y refermer parce que tu as peur. L'emprise de Lecter était une bonne excuse mais elle ne marche plus, tu ...

— Je suis en train de tomber amoureux de toi, Frederick, l'interrompit le plus jeune. Mais je ne suis pas fait pour les relations durables. »

Il était au carrefour de son avenir, à devoir prendre un chemin entre un bonheur qui lui paraissait impossible à atteindre et une solitude qui avait toujours été la sienne.