Chapitre 61 – Véritables intentions.
Tap. Tap. Tap. Tap. Tap. Tap.
Kijima Matako tapait nerveusement du doigt sur la table devant elle depuis plusieurs minutes déjà. Elle détestait devoir patienter sans rien faire, et détestait encore plus ne pas devoir bouger d'un endroit donné.
C'était pas de chance pour elle, car elle ne pouvait qu'attendre de futurs instructions de la part de Takasugi Shinsuke.
Aussi, elle s'était assise à une des tables du réfectoire, un bol de riz déjà froid depuis longtemps posé devant elle.
Elle regardait d'un air distant un drama qui passait sur le petit écran de télé suspendu contre le mur en face d'elle. Mais si on lui avait demandé de quoi l'histoire parlait, elle n'aurait pas su quoi répondre.
Elle avait suivi un peu le début, avec une femme se faisant passer pour un robot (1), puis son cerveau avait complètement déconnecté. Elle pensait à trop de choses pour suivre ce qui se passait à l'écran.
Déjà, les policiers avaient fini par trouver leur cachette. Et avaient presque réussi à les coincer. C'était de justesse, qu'elle, Kawakami Bansai et Takechi Hanpeita étaient arrivés au secours de Takasugi. Elle avait été soulagée de voir que le groupe qui était venu pour l'arrêter était bien plus petit que ce qu'ils pensaient. Sans parler du fait que la principale menace, la gamine Yato, était hors d'état de nuire.
Et finalement, c'était plutôt une bonne chose que cette gamine malpolie soit venue en renfort. Car en la prenant avec eux à bord, ils avaient non seulement gagné un otage pour faire reculer le Bakufu, mais aussi un moyen de pression sans commune mesure sur un certain Capitaine des Harusame.
Ce type avait beau avoir quelque chose à gagner dans la situation, il n'en restait pas moins dangereux. Et s'il venait à apprendre ce que Takasugi cherchait réellement, nul doute qu'il tenterait lui aussi de s'en emparer, ou du moins de les empêcher de s'en emparer.
Attirer un vaisseau du Tendoshuu avait été leur plan commun, aux deux entités, les Yato comme le Kihetai. Mais ce qui se passerait une fois ce vaisseau arrivé, était une toute autre histoire.
Si les Yato étaient bêtes et comptaient se battre contre le vaisseau et ses occupants pour les supprimer, Takasugi, lui, voyait plus loin que cela.
Le Chef du Kihetai avait entendu l'histoire de Rakuyou, en partie par Kamui, mais aussi par son réseau d'informateurs. Et il y avait vu une opportunité sans commune mesure.
Takasugi Shinsuke cherchait une arme.
La même que celle utilisée pour pétrifier de terreur Rakuyou. Et s'il s'en emparait, il pourrait enfin contrôler la planète.
Matako se doutait bien là, que ce n'était encore qu'une étape dans le plan de cet homme plein de rancœur et de fureur. Car cet homme avait toujours eu un objectif plus loin encore que leurs objectifs à eux, ses fidèles subordonnés.
Chacun l'avait rejoint pour une raison particulière, mais dont les causes, au final, avaient le même point d'origine.
Et ce qu'ils faisaient, ils ne le faisaient pas que pour eux. Peut-être que les gens les traiteraient à jamais comme des terroristes. Mais peu importe. Du moment qu'ils parvenaient à leurs fins.
Et même si leur plan avait en partie dévié de sa course initiale, tout se déroulait finalement comme prévu.
Le vaisseau du Tendoshuu était entré dans le système solaire, et allait venir à leur rencontre, sans se douter une seconde que ce serait leur dernier voyage.
Elle pensa encore au visage du policier qu'ils avaient enlevé, et se dit que c'était mieux que ce type reste inconscient le plus longtemps possible. Son regard ne lui disait rien qui vaille. Et elle était sûre qu'il allait finir par leur causer bien plus de problèmes que la gamine des Yorozuya.
Elle tapota encore son doigt sur la table, un peu anxieuse et impatiente. Et Kawakami Bansai la rejoignit finalement, s'asseyant en face d'elle, après l'avoir repérée au loin en rentrant dans le réfectoire.
« Tu ne mange pas ? » Demanda-t-il.
« Pas faim, » répondit-elle.
« Je te sens perturbée, Matako. » Dit Bansai. « Tu réfléchis trop à notre situation actuelle, je le sens. »
La jeune femme arrêta de taper du doigt sur la table, plaquant la paume de sa main dessus.
« Tu dis ça, mais toi aussi tu as l'air de pas mal réfléchir... » Remarqua-t-elle.
Elle avait beau être impulsive, elle savait aussi se montrer perspicace.
Et comme pour confirmer ses dires, Bansai soupira.
« Je repense encore à ce que ce jeune homme a dit, et ressenti, quand il m'a vu tout à l'heure... » Finit par dire Bansai.
« Le jeune homme ? » Répéta Matako.
« Le jeune gamin à lunettes, qui faisait partie de nos poursuivants, » clarifia Bansai. « Sa réaction à mon sujet était plus qu'étrange. »
Il se remémora encore une fois la scène. Le jeune homme, surpris, et même choqué de le voir, semblait le connaître. Il l'avait clairement reconnu, alors que Bansai ne l'avait jamais vu auparavant, si ce n'est sur des photos fournies par leurs informateurs.
Alors, où est-ce que ce gamin avait pu l'apercevoir ?
'V-Vous ?! C'est impossible !'
Et ce choix de mots…
C'était presque comme si le jeune homme en question avait vu un fantôme.
Bansai avait clairement senti la confusion et le choc s'emparer du cœur du jeune homme. Mais il ignorait totalement ce qu'il avait pu faire pour provoquer une telle réaction chez le jeune homme à lunettes.
« Tu devrais arrêter de te torturer l'esprit avec ce genre de choses. C'est pas comme si on allait les recroiser de sitôt, de toute façon, » dit Matako.
Il était vrai que leur priorité n'était clairement pas leurs éventuels poursuivants, mais bien le déroulement de la suite de leur plan.
« On a pris la gamine crade avec nous, » continua Matako. « Mais est-ce qu'elle va vraiment nous être utiles ? »
« Shinsuke-sama a déjà donné l'ordre de saborder le vaisseau de ces pirates... » Expliqua Bansai. « Mais les Yato sont tenaces, coriaces, et bornés. Même avec des moyens aussi expéditifs, tu peux être sûre qu'ils vont s'en tirer, et venir à notre poursuite. »
« Wah, ils sont vraiment terrifiants... » Frissonna Matako. « Donc la gamine est notre assurance ? »
« Précisément, » répondit sans détour Bansai. « Et vu que nous avons perdu tout contact autant avec le vaisseau pirate, qu'avec nos hommes à bord, nous devons nous préparer à leur prochaine arrivée. »
Matako sourit alors, un air mesquin sur le visage.
« Mais quand ils arriveront, il sera déjà trop tard, quoi qu'il arrive, n'est-ce pas ? » Dit-elle.
Bansai acquiesça d'un hochement de tête.
« Avec notre tempo actuel, nous aurons déjà mis la main sur cette chose. Et une fois en notre possession, cette arme forcera tout le système solaire à s'accorder à nous. »
Une arme aussi destructrice, qui jusqu'à présent était dissimulée sur Terre.
Mais une fois le vaisseau du Tendoshuu arrivé, ils se trahiraient eux-mêmes, et révéleraient l'emplacement de l'arme sans même que le Kihetai ait à les menacer.
GINTAMA
Gintoki respirait bruyamment, son cœur battant la chamade dans sa poitrine. Il grimaça un peu, le coup de poing qu'il avait reçu en plein visage formant déjà un bleu. Il devait probablement aussi avoir une ou deux côtes fêlées, mais il n'était pas le seul en mauvaise posture.
Son adversaire, le Capitaine des Harusame, et grand frère de Kagura, avait aussi reçu pas mal de coups de la part du Samouraï. Il avait le nez en sang, et ses cheveux habituellement tressés de façon délicate, étaient totalement ébouriffés.
Cela faisait déjà un quart d'heure que les deux adversaires s'étaient affrontés. Et pendant ce temps, les autres intrus avaient été neutralisés, et les réparations d'urgence étaient déjà en cours, supervisées par les Yato techniciens.
« Alors Samouraï, déjà fatigué ? » Se moqua Kamui, en respirant lui aussi bruyamment. « Qu'est-il devenu de la raclée que tu voulais me donner ? »
« Parle pour toi sale mioche, » Répliqua Gintoki. « Tu ressembles à un gros pervers, avec ce sang qui coule de ton nez ! »
Kamui sourit, visiblement énervé par la moquerie qu'il subissait.
« Je te promet que je vais t'arracher les bras, comme ça tu pourras même plus te curer le nez. »
« Wah, j'ai peur. Vraiment peur. » Dit Gintoki, en feignant d'être effrayé comme un gamin. « Maman ! Ce type a dit qu'il allait me casser la gueule ! »
Ce qui eut pour conséquence d'énerver encore plus le rouquin à la mèche folle. Fléchissant légèrement les jambes, et positionnant une de ses mains devant lui, il était visiblement prêt à passer à nouveau à l'attaque.
« Même si ma petite sœur semble t'apprécier, je ne te ferais pas de cadeaux, Samouraï. »
Gintoki, lui reprenait encore son souffle, et décida au contraire e se redresser, bien droit, son sabre toujours dans son fourreau à la main.
« Je crois que je t'ai pas assez tapé fort pour que ça rentre dans ta petite tête, abruti, » dit Gintoki, ses yeux de poisson crevé fixant le Yato.
« Et moi je vais faire rentrer ta tête dans ton corps, comme une tortue, » Menaça Kamui.
« Non, écoute. Un corps humain ça fonctionne pas comme ça, » rétorqua Gintoki.
« ça peut, si on y met assez de force, » sourit Kamui.
« Non, attends, Gin-san a un peu mal aux lombaires, donc lui faire ça risque de lui coûter bonbon en frais de santé, surtout les séances de kinésithérapie. Tu veux pas le mettre sur la paille, hein ? »
« Est-ce que j'ai l'air de quelqu'un qui se soucie des questions d'ordre financier, Samouraï ? » Demanda en retour Kamui, tout en penchant légèrement la tête sur le côté.
Gintoki le dévisagea un instant, avant de finalement lui répondre.
« Non. T'as plus la tronche du type qui cause des problèmes et laisse ses subordonnés les régler à sa place. »
« Bien vu. » Sourit Kamui.
Le jeune Yato s'apprêtait à s'élancer en avant, positionnant un de ses pieds en arrière pour prendre son élan. Et Gintoki avait encore un peu de mal à bouger, alors c'était vraiment le moment où jamais pour essayer de raisonner ce type complètement taré.
« A-Attends ! Gin-chan a dit attends ! » S'exclama Gintoki, en levant une main devant lui pour faire signe au Yato de ne pas bouger.
Et étrangement, Kamui s'exécuta en baissant les bras, restant immobile et le regardant fixement depuis l'autre bout de la pièce.
« Écoute, je sais que tu penses avoir trouvé la meilleure solution pour régler toute cette affaire, » commença à expliquer Gintoki. « Mais encore une fois, t'es pas seul sur le coup. On peut s'entraider. »
« Pas envie. » Répondit Kamui.
Patience. Il allait devoir faire preuve de patience. Et de retenue, face à ce morveux.
« Je t'ai dit qu'on savait pour Rakuyou. Et quand j'ai dit ça, j'étais sérieux, » continua Gintoki. « On sait que le Tendoshuu vous as forcé à leur obéir, non seulement en vous menaçant vous, mais aussi vos familles. Et tu as fait tout ça parce que tu voulais sauver les Yato, et ta petite sœur. Même si t'es un grand frère pourri.»
« Et tu dis que ma petite sœur sait tout cela, et t'as envoyé pour m'arrêter ? Moi ? Son abruti de frère ?» Dit Kamui, impassible et ayant perdu le sourire qu'il avait jusqu'à présent. « Je n'y crois pas un instant. »
« Et pourtant, c'est ce qui s'est produit. Et on a un plan. » Ajouta Gintoki.
« Un plan ? » Demanda Kamui.
Le Patron des Yorozuya acquiesça d'un signe de la tête.
« Ces types menacent actuellement votre planète natale, et tous vos proches qui se trouvent là-bas. Tout ça, pour que vous leur obéissiez enfin, et que vous transportiez ce poison dans toute la galaxie. »
« Oh, tu as donc vraiment l'air de savoir ce qui se passe... » Laissa échapper avec surprise Kamui.
« Parce que t'en doutais toujours ?! Même après avoir parlé de ta sœur ? » S'offusqua Gintoki.
« Mon principe est de ne jamais croire personne sur parole, même ma propre famille, » sourit à nouveau Kamui.
Ah, quelle poisse. Ce type était vraiment irrécupérable.
« Pourtant, tu vas pas avoir d'autre choix que de me croire sur parole, » reprit le permanenté. « Abuto est de notre côté. »
Cette révélation sembla quelque peu déstabiliser le jeune Yato en face de lui. Il serra les poings.
« Abuto a fait QUOI ? » Demanda Kamui d'une voix qui ne présageait rien de bon.
Gintoki déglutit. Il allait devoir choisir avec soin ses prochains mots, s'il voulait éviter de provoquer encore plus Kamui.
« Il nous as rejoint, car il a compris que notre plan pouvait fonctionner, et tous vous aider. » Élabora le permanenté. « On cherche tous à neutraliser pour de bon celui que vous surnommez 'Oncle Shingen' : le Planificateur.»
Les doigts de Kamui devenaient blancs, à mesure qu'il serrait de plus en plus les poings.
« Comme je te l'ai dit, on sait tout. On a le même objectif. Et contrairement au Kihetai, on vous tirera pas dans le dos. » Argumenta Gintoki. « Alors… Faisons équipe. Pour arrêter tout ça une bonne fois pour toutes.»
Kamui sembla, pour une fois, réfléchir, avant de foncer dans le tas.
« Quel est votre plan, exactement ? » Demanda le jeune homme.
« On arrête le vaisseau du Tendoshuu avant qu'il soit trop près de la Terre, et on neutralise leur vaisseau avec un dispositif en notre possession : ils ne pourront alors plus bouger,ni utiliser leurs armes, ou communiquer avec le reste de leur flotte. » Expliqua Gintoki. « Puis on détruit le système de contrôle à distance de l'arme qui se trouve en orbite à proximité de Rakuyou. Vous aviez prévu quoi ?»
Kamui repensa rapidement à son propre plan : provoquer des explosions sur Terre pour attirer le Planificateur sur la planète des terriens. Puis… Détruire entièrement son vaisseau une fois qu'il se serait posé sur Terre en le bombardant depuis l'espace, afin de limiter les risques de fuite. Et récupérer le plus rapidement possible sa petite sœur, si les choses dégénéraient. Il n'avait pas vraiment pensé à une autre alternative.
Il repensa aussi à Abuto, en train de crier que même si leur plan d'attaque avait fonctionné sans problèmes, ils auraient échoué car les vaisseaux du Tendoshuu pouvaient rapidement déployer des boucliers. Et que même en attaquant le vaisseau par surprise, les occupants auraient toujours le temps d'entrer et d'envoyer la commande pour ordonner la destruction de Rakuyou.
C'était assez risqué, dans tous les cas. Et c'était le seul plan qu'il avait pu trouver, en aussi peu de temps.
Mais si ce type, auquel Abuto s'était allié, avait un dispositif permettant de neutraliser entièrement le vaisseau…
Il se prit la tête dans les mains, se décoiffant sans ménagement. Il était visiblement au bord de la crise de nerfs. Mais cela lui permit également de remettre de l'ordre dans ses idées.
Puis, abaissant à nouveau les bras, il dirigea un regard sérieux et calme vers l'humain en face de lui.
… Si leur plan avait vraiment de meilleures chances d'aboutir… Alors peut-être que ça valait le coup.
Même si cela voulait dire que Kamui avait jusqu'à présent eu tort dans sa façon d'aborder les choses.
« Dans ce cas, qu'est-ce qu'on attends, Samouraï ? » Demanda Kamui, d'une voix calme et lasse.
À Suivre…
Notes de compréhension :
(1) Référence au K-drama « I am not a robot ».
Note d'auteur: on voit enfin le point de vue du Kihetai ici. Et on retourne sur Kamui et Gintoki.
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