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Chapitre 63

Peut-être, cria-t-il, peut-être as-tu déjà vu cet endroit en songe. Et peut-être rêvé que tu y mourais.

Cormac McCarthy, Méridien de sang

Il faisait aussi beau que la veille, que la semaine précédente ou même que le mois dernier dans l'étrange rue de Bury Lane, en plein mois de novembre. Un observateur extérieur n'aurait vu qu'une rue comme les autres, au temps morne et humide anglais, et un moldu n'aurait jamais pensé à errer dans ce coin-là ; une fois la barrière magique franchie, les sorciers découvraient un petit coin de paradis, au ciel bleu incomparable, égaillé par des chants d'oiseaux mélodieux, peuplé de façades fleuries si impeccables qu'elles semblaient issues d'un conte de fées.

Ozarine Shafiq avait appris à détester ce décor. Elle ne supportait plus cette beauté artificielle, ce mirage de soleil qui ne réchauffait rien, ces maisons dépeuplées par la guerre, mais entretenues par une armée d'elfes. Son pays lui manquait ; elle aurait voulu retourner en Égypte, repartir à l'aventure sur les dunes qui bordaient la ville en désordre, s'immerger le soir dans la tiède quiétude de leur oasis au milieu du désert, où sa mère l'attendait.

Toutefois, rentrer lui était impossible, son père le lui avait bien fait comprendre. Des assassins attendaient son retour, des gens à qui elle avait nui. Bakary Shafiq avait bien l'intention d'arracher sa fille à ses ennemis : il lui avait construit un palais moderne au cœur de Londres, dont elle était désormais prisonnière. Elle ne pouvait que dévorer les lettres que sa mère lui envoyait, à des milliers de kilomètres de là. Prisonnière, mais vivante. N'était-ce pas ce qui importait ?

Son jeune frère Xalème ne semblait pas aussi affecté qu'elle par ce changement de décor, il avait soufflé de sa mémoire tous les grains de sable qui auraient pu lui rappeler leurs terres originelles. Xalème n'était pas condamné à rester à Bury Lane, il n'avait pas de talent exceptionnel à cacher – Ozarine aurait volontiers échangé son don contre sa liberté. Au lieu de cela, elle en était réduite à attendre que les visiteurs sonnassent à sa porte ou qu'un membre de sa famille l'accompagnât le temps d'une sortie.

Ce jour-là, c'était Evan Rosier qui lui ramenait un aperçu du monde. Il la fixait de ses yeux bruns depuis le sofa opposé, refusant de boire son thé.

-J'espère que tu as des nouvelles pour moi, fit Ozarine en croquant dans une pâtisserie.

Elle sentit avec plaisir le sucre s'écraser contre son palais et la douceur de l'arôme vanillé remonter à ses narines.

-J'imagine que tu n'es pas venu pour une simple visite de courtoisie, alors tu sais qu'il faudra me payer en informations.

Rosier ne venait jamais par amitié ; en fait, elle n'était même pas sûre qu'ils fussent amis. Pourtant, c'était un invité qu'elle appréciait particulièrement, d'abord par la rareté de ses visites, ensuite pour le goût dangereux et irrésistible qu'elles avaient toujours.

-J'ai même mieux, dit-il en lui lançant quelque chose.

C'était un petit sachet de poudre indigo – de la poudre de dard de Billywig, connue pour ses effets euphorisants. Ozarine le pressa dans sa paume alors qu'une onde d'excitation la parcourait. Elle brûlait de priser ce trésor et de s'envoler pendant des heures loin de sa prison, mais elle attendrait - c'était ce qu'elle faisait toujours : attendre.

-Mon troisième œil te remercie, ironisa-t-elle et Rosier lui lança un regard bizarre.

Il y eut un silence, seulement troublé par le chant artificiel d'un oiseau qui n'existait pas.

-Si tu n'as rien à me dire, est-ce que je peux aller moi-même aux informations ?

Son interlocuteur haussa les épaules.

-Tout dépend de ce que tu veux savoir.

Il semblait préoccupé et lointain, absorbé dans des réflexions qui dépassaient leur entrevue – c'était bien souvent le cas quand il venait la voir. Ozarine avait d'abord pris ombrage de cette nonchalance apparente, mais elle avait compris que c'était plutôt une faveur qu'il lui faisait : en se détachant d'elle, il lui épargnait ses redoutables mouvements d'humeur.

-On dit que Mézélias Moon est revenu, c'est vrai ? attaqua Ozarine.

-Oui.

-Et alors ?

-Alors quoi ?

-Il va faire quelque chose pour sa sœur, n'est-ce pas ?

-Peut-être.

Rosier ne souhaitait visiblement pas revenir sur cet incident, mais elle l'obligerait à parler.

-Toi et moi savons ce qui s'est réellement passé ce jour-là. Qui d'autre est au courant ?

-C'est difficile à dire. Selwyn n'est pas du genre à se vanter. J'imagine que le Seigneur des Ténèbres doit le savoir, de même que Macnair et quelques autres. Tu n'as rien dit à Xalème ?

-Si. Il a deviné. Il n'arrêtait pas de regarder dans cette direction après que je vous ai avertis.

-Et aucun de vous n'a rien dit à la police ? la taquina Rosier. Ce n'est pas très responsable, surtout de la part des enfants de l'ambassadeur égyptien.

-Je n'avais aucune envie de recevoir une visite surprise de Selwyn.

Elle grimaça en imaginant le mangemort se présenter à sa porte. Elle le craignait depuis qu'elle avait essayé de lire les lignes de sa main, lors d'une réception chez les Malefoy. Sur sa peau d'une pâleur fantomatique, les lignes étaient si discontinues qu'elles étaient illisibles, même pour quelqu'un d'aussi consciencieux qu'Ozarine. Lothaire avait transgressé sa propre destinée et, à l'affreux sourire qu'il avait, il en était tout à fait conscient.

-Moon va chercher du soutien parmi les sang-pur, enchaîna sombrement Ozarine. De quel côté vas-tu te positionner ?

-Ça m'étonnerait que le Seigneur des Ténèbres préfère Moon à Selwyn, la railla Rosier.

Son avis semblait tranché ; pour une fois, Ozarine pensa qu'il avait tort.

-Mais tu détestes Selwyn. Et Moon a des amis puissants.

-Cette querelle ne m'intéresse pas, avoua Evan. Connaissant Lothaire, il pourrait bien régler la question par un duel. Et il faudrait déjà que Moon apprenne de qui il s'agit. Ce n'est pas moi qui cracherai le morceau.

Il porta son regard songeur au-delà de la fenêtre, clôturant le débat. Il n'y avait que ses visiteurs, songea Ozarine, pour apprécier cet azur irréel. Elle-même ne sentait que l'air vicié de magie.

-Et Aidlinn Rowle ?

Rosier fixa de nouveau son attention sur elle, fronçant confusément les sourcils.

-Qui donc ?

-Aidlinn Rowle. Elle sait, pour Selwyn ? Elle était avec nous à la garden-party, après tout. Je t'ai vu regarder en direction de sa fenêtre, dans la rue.

Les Rowle avaient beau habiter eux aussi dans Bury Lane, Ozarine les croisait rarement, à sa grande déception, car c'étaient des locataires très occupés. Isaac recevait beaucoup d'amis, quand il n'était pas en mission pour le compte de Voldemort ou au département des mystères à travailler sur des énigmes insolubles ; Aidlinn faisait beaucoup d'heures au ministère et se faisait discrète le reste du temps.

-Tu savais que je venais ? demanda plutôt Rosier.

-Simple pressentiment.

En vérité cela avait été le hasard, mais elle ne démentait jamais personne qui faisait des suppositions sur ses capacités.

-Alors ? Est-ce qu'elle est au courant que c'est Selwyn qui a attaqué Melyna ? s'impatienta Ozarine.

-Je n'en sais rien.

Il avait repris un air las.

-Tu n'en sais rien ? répéta Ozarine avec incrédulité.

Elle pensait pourtant qu'ils étaient en bons termes. Après tout, Rosier l'avait envoyée chez elle de sa part, une fois, une marque de confiance inhabituelle de sa part.

-C'est la sœur de mon ami, c'est tout. Je ne la côtoie pas plus que ça.

Ozarine ne le croyait pas entièrement. Elle avait vu l'étrange et noire alchimie qui les reliait au milieu de la foule, la façon dont ils ne pouvaient s'ignorer trop longtemps. Cependant, lorsqu'elle surprit le visage ombrageux de Rosier, elle préféra changer de sujet.

-Mon frère m'a répété ce que Macnair projetait de lui faire. La pauvre créature.

-Il était enivré, renifla Rosier avec dédain. Il se désintéressera, elle n'est pas si remarquable.

Ozarine eut un sourire indécis.

-Je te trouve un peu dur.

-Il y a d'autres filles sang-pur. Il choisira une cible plus accessible, s'il se décide à dépasser les paroles.

-Je n'en suis pas sûre. Je pense qu'il adorerait soumettre un cœur fragile dans son genre. Tu vas prévenir son frère ?

-Certainement pas. Il irait se battre contre Macnair.

-Alors tu ne vas rien faire ?

Rosier refusa de parler. Il perdit son regard sombre par la fenêtre.

-Quand même, insista Ozarine, tu devrais au moins la prévenir, si tu es son ami.

-Tu pourrais le faire aussi, les filles ont bien ce genre de discussion.

-Ce serait beaucoup mieux si cela venait de toi, Evan, j'en suis convaincue.

-Elle ne m'écouterait pas. Je t'ai dit qu'on ne se fréquente pas.

-Pourtant, il n'y a pas si longtemps, j'aurais cru que vous étiez amis.

-Plus maintenant.

Les étranges flammes qui envahirent un instant les prunelles de Rosier achevèrent de convaincre Ozarine qu'il disait la vérité. Elle se demanda ce qui avait pu séparer les deux jeunes gens alors qu'ils avaient gravité dans le même univers si longtemps.

-Comme tu voudras. Alors, quel service es-tu venu me demander ?

-Je veux que tu sondes mon avenir.

Ozarine laissa s'écouler quelques secondes. Elle ne s'était pas préparée à pareille demande.

-Tu es sûr que c'est ce que tu veux ?

Le jeune homme opina, le visage fermé.

-Tu dois savoir que je ne vois pas toujours des choses exactes. Je ne vois qu'une possibilité. D'ailleurs, il est possible que je ne trouve rien du tout.

-Je sais déjà tout cela.

-Je pensais que tu étais un des moins enclins à t'intéresser à la divination.

-C'est le cas. Je veux simplement faire une exception.

Une boule d'appréhension se forma dans la gorge d'Ozarine. Elle sentit son courage flancher, les lieux lui parurent moins hospitaliers.

-Normalement, ce genre de service est réservé à quelques élus, déclara-t-elle lentement.

-Je pense pouvoir en faire aisément partie. Ton prix sera le mien.

Evan affichait une détermination sereine, il savait qu'elle allait céder.

-Je veux davantage de poudre, exigea-t-elle.

-Tu en auras.

-Parfait. Si tu repasses à la fin de la semaine…

-Non, je veux que tu le fasses maintenant. Je t'ai apporté ce qu'il te manque.

Il sortit de la poche de son manteau un petit flacon au contenu argenté : du sang de licorne. La bouche d'Ozarine s'assécha. Était-elle prête pour pareil rituel ?

-Très bien. Dans ce cas, il va me falloir un peu de temps pour tout préparer.

Ozarine appela trois elfes pour aller lui chercher du sang de mouton – beaucoup de sang, de quoi remplir une grande bassine. Elle fit descendre Evan dans la cave, ce lugubre repère où elle pratiquait une magie noire et ancienne, une magie qui grignotait petit à petit sa part d'humanité. L'endroit était sombre et humide, les ténèbres les observaient en chuchotant ; Ozarine entendait leurs sifflements impatients provenant de derrière les étagères remplies de bocaux. Elle alluma douze bougies de ses mains tremblantes et les disposa en cercle autour d'une baignoire vide située au centre de la pièce, sur le sol de terre battue. Son ventre se serrait d'angoisse ; elle détestait ce rituel, c'était le plus terrifiant qui fût. Pour avoir un aperçu du destin d'Evan, elle devrait s'immerger dans les profondeurs glaciales de la mort, un voyage dont elle peinait à revenir un peu plus à chaque tentative.

Elle fit brûler de l'encens de myrrhe et l'odeur envahit rapidement la pièce, lui irritant la trachée. Evan attendait silencieusement dans un coin de la pièce, les bras croisés ; elle sentait ses yeux alertes posés sur elle.

Ils attendirent les elfes trois heures ; le temps paraissait s'écouler plus lentement dans ce sous-sol sinistre. Ils parlèrent de tout sauf du don d'Ozarine - Evan comprenait qu'elle avait besoin de chasser sa nervosité. Il lui raconta sa dernière expédition en Russie, datant de la semaine précédente, lui décrivit les paysages déjà enneigés et le charmant village de style russo-byzantin qu'il avait visité, un monde bien différent de celui qu'avait connu Ozarine. Il ne lui parla pas de la raison de son voyage, seulement de la beauté des grandes plaines qu'il avait parcourues en troïka, ces traineaux tirés par trois chevaux. Si elle fermait les yeux, l'haleine fétide de la cave devenait un blizzard étourdissant qui lui fouettait le visage alors qu'elle filait aux côtés d'Evan le long de ces étendues immaculées.

Les elfes revinrent chargées de seaux remplis de sang, leurs propres pagnes étaient éclaboussés de larges taches vermeilles et leurs mains portaient l'odeur de la mort. Ozarine adressa un regard lourd à Evan tandis que les elfes déversaient leurs récipients dans la bassine : elle lui faisait une faveur énorme.

Lorsque son bain macabre fut prêt, Ozarine s'approcha d'une rangée de récipients poussiéreux. Elle en choisit un à moitié vide et plongea la main à l'intérieur, les lèvres plissées de dégoût. Elle en ressortit un globe oculaire humide, à l'iris rond indigo, la pupille voilée par un sommeil éternel.

-Un œil de poisson-lune, expliqua-t-elle à Evan, davantage pour se rassurer que pour lui enseigner quoi que ce fût. L'œil qui transperce les ténèbres.

En réprimant des haut-le-cœur, elle ouvrir la bouche et se mit à dévorer l'œil. Elle ne s'était jamais habituée à l'absence de goût, ni à la texture cartilagineuse. L'œil était ferme, elle devait croquer de toutes ses forces, l'humeur aqueuse coulait en filet le long de son menton. Tout son corps lui criait de rejeter ce qui lui envahissait la bouche, mais elle s'obstinait et mâchait, mâchait… Lorsqu'elle eut fini, elle réprima ses dernières nausées et s'avança vers la bassine, entra dedans. Le sang avait refroidi ; contempler ce fluide vermeil onduler autour de ces jambes lui faisait toujours un drôle d'effet. Elle se plongea jusqu'au cou dans le bain, repoussa la crise de panique qui montait en elle.

Ce n'était que du sang. Le sang ne pouvait rien lui faire.

C'était le moment. Elle attrapa le petit flacon de sang de licorne, le vida d'un trait contre sa langue. Elle eut l'impression d'avaler de la glace liquide, la gorgée lui gela l'œsophage. Tout autour d'elle parut plus distinct, les sons plus clairs, les sensations plus tangibles. Ce regain de sensibilité avait un prix, elle devinait la putréfaction momentanée de sa chair alors qu'un vent maudit soufflait sur elle. Boire du sang de licorne était un acte monstrueux, qui n'offrait qu'une vie de damnation, mais elle s'était damnée il y avait déjà bien longtemps pour gagner ses pouvoirs. Lorsque le breuvage eut répandu une nouvelle force dans ses veines et que le vent eut cessé de souffler, elle murmura d'une voix chevrotante :

-akshif 'asrarak lamaa baed almawt. *

Aussitôt les ombres s'approchèrent à toute vitesse et elle n'eut d'autre choix que de s'immerger complètement.

Il y eut le froid, l'obscurité. Au début, elle sentit le fond de la bassine, ses ongles raclant frénétiquement les rebords de porcelaine, puis tout disparut et elle se sentit plonger au fond des abysses. Elle s'enfonçait dans un monde glacial sans lumière, son cœur battait à tout rompre contre sa poitrine. Des images se mirent à défiler devant elle, vite, très vite. Des visages inconnus, d'abord, puis elle vit Evan, ou plutôt son aura, noire et striée d'éclats de lumière. Elle contempla l'infinité des scènes qui se déroulaient toutes en même temps, n'en comprit que certaines. D'innombrables chemins phosphorescents s'étiraient devant elle, dévoilant des tableaux différents, secrets, des visions de ce qui pourrait être ou de ce qui serait ; elle se laissait emporter au gré des courants, incapable de choisir sa destination. Elle ressentait le poids des heures, des jours, des mois s'écouler sur elle et peser sur ses épaules, l'entraînant toujours plus loin, toujours plus profondément. Une petite voix lui soufflait que si elle continuait à se laisser couler, elle pourrait en comprendre davantage.

Mais Ozarine avait été mise en garde bien des années plus tôt.

Elle battit des pieds, lutta contre les mains visqueuses qui agrippaient ses chevilles dans les profondeurs, tandis que ses poumons explosaient, que son cerveau irradiait de douleur.

Elle émergea en crachant le sang qu'elle avait aspiré. Rouge. Il n'y avait que du sang rouge du sang rouge du sang partout. Elle ne voyait rien que du sang, elle ne voyait rien, elle ne voyait plus. Les mains d'Evan la tirèrent hors de la baignoire, lui essuyèrent doucement la face avec une serviette. Le monde se stabilisa. Elle se pencha pour vomir ses tripes, la bile lui piqua les narines.

Il y eut un temps durant lequel elle se battit pour recouvrer ses sens et revenir parmi les vivants. Les images virevoltaient dans son esprit, elle les sentait s'échapper, mais elle ne pouvait pas les laisser s'effacer, pas encore.

Elle attrapa éperdument le bras de Rosier :

-J'ai vu…

Sa voix se brisa. Les images tournoyaient plus vite, perdaient leur sens, mais l'impression demeurait. Épouvantable, terrible. Elle serra ses lèvres tremblantes :

-J'ai vu la guerre… et la mort.

Elle ne prédisait pas souvent la mort ; souvent, elle était trop lointaine, les sujets étaient jeunes et en bonne santé. Ce n'était arrivé qu'une fois et cela avait été aussi terrifiant que cette fois-ci. Prédire le décès de quelqu'un, c'était mourir avant lui et revenir du domaine des morts ; Ozarine avait l'impression qu'on avait écorché son âme. Rosier sembla accuser le coup.

-Quand ça ? finit-il par marmonner. Et comment ?

-C'est difficile à dire…

-Ozarine.

-Tu as quelques mois, peut-être une année, ou un peu plus. Pour le lieu, je ne sais pas, il faisait sombre. Il y avait de grands arbres noirs. Du sang, de la magie. Un combat, sûrement.

-Étonnant, ricana amèrement Evan.

Ozarine dut reconnaître qu'il avait raison ; en tant que mangemort, sa vie était rythmée par les escarmouches contre les opposants au Seigneur des Ténèbres.

-C'était la pleine lune, ajouta-t-elle en se concentrant. Il y avait quelqu'un avec toi. Quelqu'un que tu protégeais.

Il y avait tellement de possibilités ! Combien de fois s'était-elle trompée ? Combien de fois avait-elle prédit des choses qui n'étaient jamais arrivées, couvrant de honte son propre père ? Mais en regardant Evan Rosier, elle se rappelait son aura noire traversée de chatoiements et une pesante sensation de fatalité la faisait presque suffoquer.

-Comme tu le sais, ça ne veut rien dire, on ne peut jamais être sûr, tenta-t-elle avec un pauvre sourire.

Rosier ne répondit rien, l'aida à gravir les marches de bois pour sortir de la cave et rejoindre le royaume des mortels. Dans la maison, la nuit était tombée, la lune illusoire baignait d'une clarté spectrale les pièces dépeuplées. Ozarine frissonnait ; elle voyait ses pieds nus laisser des empreintes sanguinolentes sur la moquette. Evan revêtit son manteau d'une manière atrocement calme alors qu'elle restait là à le contempler, la peau et les vêtements poisseux de sang de mouton. Toute émotion semblait avoir déserté Rosier.

-Merci de ton aide, articula-t-il d'une voix mécanique. Tu m'excuseras, tu comprendras que je ne peux pas rester bavarder.

Et il partit sans attendre sa réponse, englouti par l'obscurité de la rue.


*Révélez vos secrets au-delà de la mort. (Désolée si la traduction est mauvaise.)

Oui j'ai perdu les pédales avec ce rituel haha.