Joyeuses Pâques et bonne lecture!

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À fils décousus

Février 1944

Février fut, sans aucun doute, le mois le plus exécrable cette année-là. La température semblait figée en négatif et, si cela ne suffisait pas à geler les particules d'eau qui flottaient dans l'air, les occupants de Poudlard en étaient tout de même affectés : chaque bouffée d'air emplissait leur poumons de piques glacées et de l'odeur acide de la mort.

Le nez d'Harry était rouge à cause du froid. Le jeune homme frissonna; avec reluctance, il sortit ses mains de ses poches afin de s'emparer d'une plume et s'installa à son bureau. Il avait des questions d'examen à préparer.

Il avait précédemment jeté un se sort de chaleur mais, celui-ci perdant de son effet, il fit un mouvement de baguette afin d'en appliquer un nouveau.

Bien que ce sortilège permette de hausser la température autour de lui, il était inefficace face au froid qui lui rongeait les os. S'il claquait des dents, ce n'était peut-être pas seulement à cause du temps; le froid venait peut-être de l'intérieur de son être, répandant un souffle glacial dans ses membres et ses extrémités.

Harry jura. Il détestait vraiment l'hiver

La lumière du patronus de Professeur Merrythought apparut sous le pas de la porte. Quand il entra et ouvrit sa gueule, une voix fatiguée et âgée s'éleva. Il disparut après avoir délivré ce message : "Harry, je m'excuse, mais le temps est terrible. Je vais avoir besoin de ton aide pour les cours d'aujourd'hui."

Ce jour-là, les classes de sixièmes et septième années avaient toutes un cours de Défense contre les Forces du Mal..

Harry se leva lentement et difficilement, retenant un grimace en entendant le claquement qu'émirent ses articulations lorsqu'il s'étira. La sensation était douloureuse et lui donnait l'impression d'être plus âgé qu'il ne l'était réellement, mais il n'en laissa rien paraître. Harry tendit les bras, remua ses mains et ses pieds, et sortit de son bureau.

À ses yeux, il n'y avait rien d'anormal.

Il faisait juste terriblement froid.

Toutefois, si Hermione avait été présente, elle aurait probablement suspecté autres chose : des rhumatismes.

Comment une maladie pareille pouvait-elle se manifester chez un jeune homme en bonne santé?

Même Hermione n'aurait pas su l'expliquer avec certitude. Toutefois, elle aurait froncé les sourcils, aurait commencé à théoriser et se serait probablement demandée avec trépidation si ce n'était pas là une sorte de contrepartie pour les sauts temporels…. Le temps accèlerait-il la décomposition interne du corps d'Harry ?

Malheureusement, elle n'était pas là.

"Il est l'heure, dépêchez-vous de rejoindre vos places » dit Harry en plaçant ses plans de cours sur la table tandis que les gryffondors, joyeux et animés, se hâtaient vers leurs sièges. Il s'éclaircit la voix.

"Alors, je constate que la dernière fois, vous avez déjà vu le sujet du cours présent avec Professeur Merrythought. Donc pour aujourd'hui… Qu'aimeriez-vous apprendre ? »

Malgré le ton paisible de sa voix, il abordait un air grave.

Les serpentards n'étaient pas les seuls à considérer le cours de Défense comme un blague; même les étudiants des autres maisons regardaient cette matière avec dédain. S'ils désiraient apprendre des sorts, le cour de Sortilèges était bien plus varié et structuré. En ce qui concernait la défense pure, le directeur et les enseignants préféraient d'habitude laisser de côté la partie relative aux arts noirs et favorisaient une approche plus théorique. Un rappel malvenu des méthodes d'Ombrage pour Harry, qui sentait par moment la nausée lui monter à la gorge lorsqu'il y repensait.

Défense contre les Forces du Mal était un sujet qui se situait dans un gris moral et oscillait entre « dangereux » et « difficile ». Dumbledore n'étant pas encore directeur, les opinions à ce propos ne changeraient pas de sitôt.

Cependant, Harry faisait de son mieux.

Il tentait d'en apprendre davantage aux élèves, les futurs piliers de leur société, sur les arts des ténèbres et comment y faire face. Il espérait qu'ainsi, ils ne resteraient pas tétanisés lorsqu'ils y seraient confrontés et ne seraient pas tentés de joindre un mouvement simplement par peur.

S'ils valorisaient leur liberté et leur indépendance, il y avait moins de chances que son fils, son Tom, passe le point de non-retour.

Il tentait de changer les choses, pas à pas : pas seulement Tom, mais aussi en influençant les gens autour de lui.

"J'aimerais en savoir plus sur les détraqueurs!" s'exclama Andrew, un gryffondor que connaissait déjà Harry, en levant la main.

"Très bien," Harry fit une pause, "mais d'abord, pourrais-tu me dire pourquoi cette créature précise t'intéresse?"

Andrew sourit et répondit bruyamment, "Je veux devenir un auror." Or, tout le monde le savait, affronter un détraqueur était une étape obligatoire de l'entrainement des aurors.

Harry regarda le jeune gryffondor dans les yeux et ne put s'empêcher de se comparer à lui, lorsqu'il avait son âge.

Inconsciemment, comme à présent, des élèves s'étaient déjà rendus compte de l'importance de cette matière et de ses applications pratiques. Ils avaient trouvé une motivation, une raison d'étudier et de s'entrainer, de se familiariser avec les sorts offensifs… pas pour les utiliser, non, mais pour au moins y résister.

"Très bien parlons des détraqueurs. Hum… je pense qu'une démonstration serait intéressante. « murmura Harry. « Et heureusement pour vous, j'ai réussi à capturer un Boggard avec l'aide d'Hagrid. ».

Les leçons d'Harry n'étant pas les plus structurées, il se permettait, de temps à autre, une distraction. Après tout, il avait été un élève lui aussi et se souvenait à quel point les cours au rythme trop soutenu pouvaient paraître longs et pénibles. Non qu'il ne se plaigne de l'enseignement de Rogue. Enfin, peut-être un peu.

Harry agita sa baguette et prononça une incantation à voix basse. La porte du bureau du professeur s'ouvrit et une armoire en sortit.

"Voici à quoi ressemble un détraqueur." Harry fit un geste rapide et le cadenas posé sur la porte de l'armoire s'ouvrit. Aussitôt, le Boggart qu'elle contenait en surgit et adopta la longue cape noire et déchirée des détraqueurs.

Harry se tenait devant lui. Le gel du détraqueur vint caresser la courbe de sa nuque, comme le doigt glacial d'un amant cruel, éveillant immédiatement une peur instinctive et profondément enfouie en lui.

"Expecto Patronum." Harry ne perdit pas de temps. Montrant à ses élèves à quoi ressemblait un patronus, il força le Boggard à retourner dans sa boîte.

"Le meilleur moyen de faire face à un détraqueur est de se servir du sort du Patronus… »

Avant qu'Harry ne puisse finir sa phrase, une élève de Serdaigle assise au premier rang leva sa main.

"Oui Sally?"

La fille remonta ses lunettes sur son nez. "Professeur, comment avez-vous transformé ce boggard en détraqueur ? Je pensais…," Nerveuse, elle se mit à jouer avec sa plume, "… que les boggards ne pouvaient que prendre la forme de la plus grande peur de quelqu'un. »

Harry sourit, comprenant la confusion de l'élève. "Exactement. Et les détraqueurs sont ma plus grande peur à moi. »

Depuis sa troisième année, cela n'avait pas changé. Ce n'était pas tant les détraqueurs qu'il craignait, mais le fait qu'ils aspirent sa joie et le laisse seul avec son désespoir.

OOO

Les détraqueurs, se chuchotait-il , sont ce dont l'assistant Potter a le plus peur.

Ces propos parvinrent bientôt à Tom. Pour la majorité des sorciers, bien que les détraqueurs puissent rendre quelqu'un inconscient et même prendre sa vie, ils ne représentaient pas une grande menace. Surtout pour un sorcier qui savait invoquer un patronus corporel. Le fait que ce soit la forme de la pire peur d'Harry semblait donc plutôt anti climatique aux yeux de quelques personnes.

"D'après mon frère, il n'avait pas l'air effrayé du tout," fit remarquer un serdaigle.

"Pourtant, le boggard s'est bel et bien changé en détraqueur."

Tom fit semblant de ne rien avoir entendu et s'éloigna des serdaigles, continuant son chemin vers la classe de Défense contre les forces du mal.

Face à une phobie, tout le monde ne réagit pas de la même façon. Pour certains, plus ils ont peur, moins ils montrent d'émotions. Plus ils ont peur, plus ils tentent de se montrer forts. Prétendent être forts.

Un sourire aux lèvres, Tom plaça son livre sur son bureau et s'assit, ouvrant l'ouvrage afin d'en lire quelques pages avant l'arrivée du professeur.

La faiblesse… d'Harry.

Si les yeux de Tom semblaient glués à son livre, les mots « la faiblesse d'Harry » occupaient son esprit et répandaient une délicieuse saveur dans sa bouche.

Deux mots. Deux simples mots, pourtant si satisfaisants. Cette révélation à l'esprit, les pupilles de Tom se dilatèrent et une intense excitation s'empara de lui.

Même lui ignorait pourquoi il était envahi par une telle émotion. Cela venait probablement de ses gênes; tout comme l'instinct qu'une bête avait, lorsque ses croc emprisonnaient le cou de sa proie, de verser du sang.

Lorsqu'Harry entra dans la salle de classe, la première chose qu'il vit fut Tom, assis à sa place et lisant paisiblement. Semblant sentir son regard, le garçon leva les yeux et offrit un magnifique sourire à Harry. Ce dernier ne put s'empêcher de comparer ce sourire aux rayons du soleil qui, en été, passaient à travers les épais feuillages des arbres.

Cependant, Harry n'avait que trop conscience de la bête que dissimulait Tom derrière ses airs sereins. Il la voyait dans chaque éclat carmin qui apparaissait dans ses yeux, tapie et prête à bondir.

Harry lui rendit son sourire, rappela les autres étudiants à l'ordre, et entama sa leçon.

"Prenez la page 243 de votre manuel. Je vais suivre le plan du cours et nous allons aborder le sujet de Sacrifice. » Harry jeta un coup d'oeil à ses notes et se tourna vers le tableau noir.

"Bien que le rituel dans votre livre soit catégorisé comme de la magie blanche, les sacrifices relèvent normalement de la magie noire. » Harry indiqua l'image qu'il avait fait apparaître, "Je ne suis pas toujours d'accord avec les critères que nous utilisons pour définir les arts des ténèbres, mais je dois l'admettre… la raison pour laquelle nous considérons les sacrifices humain comme de la magie noire, c'est parce que les effets de ceux-ci augmentent avec leur létalité."

Un poufsouffle leva la main afin de poser une question, "Professeur, qu'est-ce qu'un sacrifice? La dernière fois, Professeur Merrythought n'a pas répondu à la question." Le garçon semblait encore contrarié par cet épisode.

Harry secoua la tête, navré. Mylene et Myrtle ayant été tuées par les arts sombres, les enseignants, déjà effrayés à l'idée d'aborder le sujet, se montraient encore plus hésitants.

Mais selon lui, plutôt que de les laisser inquiets et ignorants, mieux valait informer les élèves.

"Un sacrifice, en général, sert à restaurer quelque chose. On peut tout restaurer, que ce soit aussi tangible qu'un château, un corps mutilé, ou d'aussi abstrait qu'une vie, une âme. Une action qui a déjà eu lieu peut être effacée ou réparée grâce à un sacrifice. »

L'agitation se répandit dans la classe.

"Il s'agit d'une magie très puissante, mais vous devez payer un prix supérieur à ce vous obtenez. Votre force, longévité, vie, etcetera. C'est un échange. Rien n'est créé par magie : c'est une transformation. C'est à cause du prix à payer pour un sacrifice réussi que cette pratique est considérée comme de la magie noire. "

Harry parcourut la salle des yeux; Tom, assis au centre de celle-ci, était naturellement celui qui attirait le plus son attention. Il avait la tête penchée et prenait des notes assidues.

"Mais Professeur," l'interpella un autre élève, "ce n'est pas un mauvais sort, n'est-ce pas? Je veux dire, son objectif n'est pas de détruire."

Harry observa la personne qui avait posé cette question :une fille de chez Serpentard.

Harry secoua la tête et jeta un autre coup d'oeil à Tom, qui était toujours occupé à prendre des notes et gardait la tête baissée.

"Non. J'ai… déjà été le témoin d'un sacrifice," dit Harry, la gorge sèche, "Le problème, c'est qu'un sacrifice ne se limite pas seulement au sacrifice de la personne qui active le rituel. Par exemple… Un blessé, pour retrouver son corps complet, pourrait utiliser les os de ses parents comme sacrifice. Dans cette optique, il s'agit bel et bien de magie maléfique. »

Des exclamations de surprise se firent entendre et il vit une élève poufsouffle agripper la main de son petit-ami.

Pour eux, encore dans leur cocon familial, leurs parents représentaient la plus grande source de confort et de support. L'idée de tuer l'un d'entre eux leur paraissait détestable.

"Cependant," continua Harry "s'il existe des enfants qui voleraient les os de leurs parents pour leur propre gain, il existe des parents qui sacrifieraient leur vie pour leurs enfants. La différence, dans ce cas-ci, réside dans leur intention. »

OOO

Deux leçons d'affilées. C'était presque trop pour Harry.

Il avait vraiment froid.

Son sort de chaleur cavait perdu tout effet lors de son cours mais, par souci de décorum, il n'avait pas voulu sortir sa baguette devant ses élèves afin de renouveler le sortilège. Harry agita ses pieds et frotta ses mains, déterminé à retourner dans son bureau. La pièce n'était pas aussi chaleureuse que la salle commune des gryffondors, mais il pourrait au moins s'y réchauffer en toute tranquillité.

Il était gelé et, malgré l'épais pull-over qu'il portait, ne semblait pas parvenir à se débarrasser du froid. Son corps aurait tout aussi bien pu être un glaçon entouré de laine.

Sa condition physique était évidente aux yeux de tous, mais il n'en avait pas conscience.

"Harry." Derrière lui, quelqu'un appela son nom, l'arrêta et le retourna. Fronçant les sourcils, Tom prit les mains de son gardiens dans les siennes. "Est-ce que tu veux utiliser les bains des préfets? L'eau chaude te fera du bien."

Les mains d'Harry étaient si froide qu'il ne percevait même plus celles de sa charge. Son intuition, toutefois, lui soufflait qu'elles étaient chaudes.

Il acquiesça.

...

à la prochaine!

yepmissis