A l'instant où elle toucha l'objet lancé par Pansy Parkinson, Lily eut la désagréable impression d'être tirée par le nombril à travers un tunnel invisible.
Un instant elle était dans la forêt interdite, à Poudlard.
L'instant suivant, elle était dans des cachots sombres et malodorants, particulièrement humides, tenant entre ses mains une tasse à thé ébréchée qu'elle lâcha immédiatement.
L'objet se brisa sur le sol, à ses pieds et elle hoqueta, sursautant presque.
Elle respira lentement pour que ses vertiges se calment, et grimaça à l'odeur nauséabonde qui flottait autour d'elle.
Lily frotta nerveusement ses mains sur sa jupe d'uniforme et fit quelques pas, essayant de voir où elle était précisément. Lorsqu'elle se rendit compte qu'elle était enfermée dans une cellule, elle jura entre ses dents.
D'un coup sa situation venait d'empirer dramatiquement. Elle était dans un lieu inconnu, visiblement loin de Poudlard. Personne ne pourrait la retrouver…
Démoralisée, elle se laissa tomber sur le sol crasseux pour essayer de trouver une idée pour se sortir de là.
Théodore Nott offrit un sourire rusé à sa camarade de maison.
- Sais-tu quel était le rôle de mon père au sein des Mangemorts ?
Daphné plissa les yeux, se demandant visiblement encore si elle avait eu raison de lui accorder sa confiance. Mais Théo ne se formalisa pas, répondant immédiatement à la question qu'il avait posé pour la forme.
- Il était un genre de… documentaliste en plus de ses participations aux… raids. Les contrats au nom du Seigneur des Ténèbres ne pouvaient pas être envoyés au Ministère, n'est-ce-pas ? Et bien c'était mon père qui en gardait une copie. Rockwood lui avait parlé d'un sortilège utilisé par les langues-de-plomb pour que tout document concernant Tu-sais-qui atterrisse dans les archives familiales des Nott plutôt qu'entre les mains du Ministre à la botte de Dumbledore…
Daphné fronça les sourcils.
- Mais ton père est en prison.
- Exact. Sauf que le sort en question n'a jamais été levé à ma connaissance. En tuant le Seigneur des Ténèbres, Potter a légèrement semé la panique et ce genre de détails a été oublié. Donc…
La jeune fille écarquilla les yeux et l'interrompit.
- Donc le contrat de mariage Greengrass - Malefoy est probablement chez toi ?
Fier de lui, Théo sourit en hochant la tête.
- S'il n'est pas au Ministère, alors il a été dupliqué au Manoir Nott. Et je suis prêt à parier qu'ils n'ont pas pensé à ce léger détail lorsqu'ils ont conclu leur serment.
Les deux adolescents échangèrent un regard entendu. Puis, Théodore entra dans l'âtre de la cheminée, après avoir jeté une poignée de poudre de cheminette. Il jeta un regard de défi à l'intention de Daphné, attendant qu'elle ne le rejoigne. Ravie, la jeune fille le rejoignit et le Serpentard prononça distinctement "Manoir Nott".
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Lorsque Pansy avait reçu une lettre de son père, elle avait été ravie. C'était la première fois qu'il lui écrivait depuis qu'il avait été envoyé à Azkaban à l'issue de la bataille de Poudlard.
Elle avait fait son possible pour essayer de lui rendre visite, mais le Ministère avait mis les anciens Mangemorts au secret : aucun n'avait le droit à de la visite. Ni de proches, ni d'amis.
Elle savait juste que son père était encore en vie, mais elle ignorait s'il allait réellement bien… Pour ce qu'elle en savait, il pouvait être torturé par les sorciers qui se disaient de la Lumière.
Pansy n'était pas stupide : elle savait que son père ne l'aimait pas beaucoup. Il aurait voulu un héritier mâle pour prendre sa suite, et dès qu'elle était née, il avait commencé à chercher un contrat de mariage avec une riche famille sang-pur.
Avant la guerre, son père avait voulu la fiancer à Lucian Bole. Elle détestait le jeune Serpentard idiot et cruel, mais il ne lui serait pas venu à l'idée de se rebeller… Aussi, elle avait été secrètement soulagée quand son promis avait trouvé la mort lors d'un raid de Mangemorts, quelques semaines seulement après avoir pris la Marque des Ténèbres.
Le courrier de son père ne s'inquiétait pas d'elle ni de sa mère. Il lui ordonnait juste de lui livrer la moldue de Poudlard.
Même si au fond d'elle, la jeune fille avait été blessée de l'indifférence de ce père qu'elle tentait d'impressionner depuis qu'elle était toute petite, elle avait immédiatement décidé d'obéir à ses ordres. D'Azkaban, il ne pouvait pas grand chose contre elle si elle refusait, mais… Elle voulait qu'il soit fier d'elle et elle détestait cette fille de rien qui avait pris une place énorme auprès de Drago Malefoy.
Pansy avait toujours apprécié Drago et elle aurait aimé que ce soit lui son futur époux… En attendant, elle se contentait des miettes d'attention que le blondinet lui laissait de temps à autres. Mais depuis que cette Lily était à Poudlard, il l'avait ignoré totalement. Elle était devenue invisible à ses yeux, encore plus qu'avant.
Aussi, elle avait cherché un moyen d'envoyer Lily Dupont - ancienne moldue, nouvelle sorcière - à l'endroit décidé par son père. Et très vite, l'idée du portoloin lui était venue. Elle avait juste eu à demander à son père et malgré son emprisonnement, le lendemain elle recevait un colis anonyme contenant l'objet ensorcelé.
Attirer la fille fut ridiculement simple. L'obliger à la suivre jusqu'à la forêt interdite également.
Cette pseudo-sorcière n'avait même pas pris la peine de prendre sa baguette - c'est dire à quel point elle était médiocre !
Elle lui avait lancé le portoloin, l'avait regardé disparaître et était retournée rapidement dans le château. Elle était certaine que personne ne pourrait jamais la soupçonner…
Mais elle avait dû faire une erreur. Quand Zabini était venu lui dire que leur Directeur de maison voulait la voir, elle s'était senti légèrement nerveuse. Cependant, elle s'était rassurée en se disant que non seulement Rogue ne pouvait pas être au courant de ce qu'elle avait fait, et qu'en plus il se moquait probablement comme de son premier chaudron d'une banale moldue.
Une fois devant lui, cependant, sa belle assurance s'était effondrée. Rogue avait sa tête de ses mauvais jours, et Pansy avait commencé à penser qu'elle avait peut être fait une erreur. Son père lui avait souvent parlé de Rogue, le Mangemort cruel, celui que Voldemort préférait malgré son statut de sang-mêlé. Doué en potion, doué en duel. Une arme sans pitié. Capable de torturer sans ciller, connaissant des sorts qui feraient trembler la plupart des sorciers de la Lumière.
Son monde s'était totalement disloqué lorsqu'il lui avait révélé que Lily Dupont était sa filleule. Sa filleule adorée selon ses propres mots. Et Rogue savait que c'était elle qui l'avait écartée de l'école.
Pansy commençait à entrevoir l'étendue de ses erreurs et les conséquences désagréables qu'elles pourraient avoir sur sa vie présente et future…
Malgré sa jalousie chronique et son admiration éperdue pour son père, Pansy comprit qu'elle était perdante sur toute la ligne. Rogue allait la massacrer, et si elle survivait à sa colère, Dumbledore l'expulserait de Poudlard sans la moindre hésitation. Elle allait perdre le peu qui lui restait : plus de diplômes, plus d'avenir.
Pansy passa une main nerveuse dans ses cheveux et elle prit quelques secondes pour prendre sa décision. Elle allait tout avouer à Rogue et prier Merlin qu'elle ne soit pas trop punie.
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Après avoir laissé Harry et Sirius, Ron avait erré un bon moment dans les couloirs. Il ne voulait pas retourner à l'infirmerie pour y voir Ginny inconsciente et il n'avait pas vraiment envie de s'isoler seul dans sa chambre.
Depuis qu'il avait rencontré Harry, ils avaient connu des disputes, plus ou moins graves. Il s'était montré stupidement jaloux, mais son meilleur ami avait fini par le pardonner.
Cette fois pourtant, il avait perdu Harry. Il avait perdu Hermione - celle qu'il pensait épouser un jour.
Il avait déçu ses parents, ses professeurs.
Ron était toujours furieux bien sûr, même s'il était en tort. Voir Harry devenir ami avec des Serpentard l'avait écoeuré, surtout qu'il s'agissait de Malefoy après tout. Il était jaloux. Harry révélait ses secrets à d'autres que lui, et lui était à l'écart. Seul. Hermione roucoulait avec son maudit serpent, et ce fichu Zabini paradait dans la chambre de la lionne sans aucune pudeur.
Mais il voulait retrouver son ami. Ils avaient passé de bons moments ensemble, avec Harry. Ils avaient vécu comme des frères, partageant tout.
Ron n'aurait jamais imaginé que tout ça lui manquerait à ce point.
Comprendre qui était Lily avait aidé Ron à se calmer légèrement. Il avait passé du temps à ruminer, à réfléchir. Puis il avait accepté la situation, bien malgré lui. Il allait devoir faire ses preuves, montrer qu'il était sincère dans son repentir, et qu'il avait compris une bonne fois pour toute la leçon.
Il prenait son mal en patience, et acceptait d'être tenu à l'écart. Il acceptait le peu d'attention que Harry lui donnait. Cette fois, il acceptait la sanction. Et il était pleinement sincère.
Plutôt que s'apitoyer sur son sort comme il l'aurait fait avant, Ron réfléchissait soigneusement à la raison du retour de Ginny, inconsciente dans la chambre des secrets. Il espérait que sa petite soeur n'avait pas été stupide au point de participer à la disparition de Lily. Après tout, le jeune fille ne savait toujours pas qu'elle était la soeur jumelle de Harry…
Il pensa brièvement que si Harry avait été honnête avec eux dès le départ, tout ça ne se serait pas produit. Ginny n'aurait pas été virée de Poudlard. Mais il se sentit immédiatement coupable de reporter la faute sur Harry. Après tout, en premier lieu, lui, en tant qu'ami, aurait dû faire confiance à Harry.
Avec un soupir résigné, Ron se dirigea en traînant les pieds vers l'infirmerie. Il était temps d'aller voir comment allait Ginny, et de demander à ses parents s'ils en savaient plus.
Severus nota l'hésitation de Pansy. Avec une sorte de joie mauvaise, il laissa sortir un peu de sa magie, juste assez pour que ce soit désagréable, pour rendre l'atmosphère de la pièce étouffante. Un petit truc d'intimidation appris du Seigneur des Ténèbres lui-même.
La jeune fille hoqueta, frissonnante, et essuya rageusement ses yeux légèrement humides, refusant de se laisser aller à pleurer face à son Directeur de maison. Question de fierté.
Puis elle soupira.
- Mon père m'a demandé la moldue. Cette peste n'avait rien à faire ici, après tout !
Severus agrippa les bords de son bureau pour ne pas lancer un sort sur Pansy, fou de rage. Il grogna, attendant la suite. Maussade, la jeune fille continua, pleinement consciente que son professeur était en colère contre elle. Si son expression n'était pas un signe, sa magie étouffante le lui rappelait à chaque seconde.
- Il m'a fait parvenir un portoloin. J'avais juste à l'entraîner dans la forêt interdite et à lui envoyer l'objet pour qu'elle soit expédiée là où il le voulait.
- Et où exactement Miss ?
Pansy eut un mouvement de recul face au ton glacial. La menace était clairement perceptible.
- Je ne sais pas ! Je devais faire la même chose avec Astoria Greengrass pour l'envoyer chez ses parents mais cette pimbêche n'est pas venue bien évidemment. Mais je me suis dit que ce serait elle qui serait soupçonnée et pas moi…
- Pauvre idiote ! Priez pour que ma filleule soit saine et sauve, Parkinson. Parce que sinon, je vous jure que lorsque j'en aurais terminé avec vous, Azkaban vous semblera être une colonie de vacances.
Severus vit avec satisfaction la Serpentard blêmir et tituber.
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Dans la pièce voisine, Harry frappa du poing le bord du sofa où il était installé, furieux.
Leur meilleure piste venait de partir en fumée, parce que cette idiote de Parkinson avait utilisé un portoloin envoyé par son mangemort de père sans se préoccuper de l'endroit où Lily serait envoyée.
Il sentit sa magie s'agiter mais Astoria l'enlaça fermement en lui murmurant quelques mots de réconfort à l'oreille. Finalement le Sauveur réussit à se calmer suffisamment pour se maîtriser.
- Comment un Mangemort à Azkaban a pu enchanter un objet et l'envoyer à Poudlard ?
Narcissa laissa échapper un grognement.
- De la même façon que mon cher époux a pu conclure un contrat de mariage sorcier sur sa Magie au sein d'Azkaban ! Ce fichu Ministère a toujours donné plus d'importance aux pots de vin qu'à la justice.
L'aristocrate avait posé une main rassurante sur l'épaule de son fils. Drago était blême et avait les mains qui tremblaient légèrement alors qu'il se rendait subitement compte que le cauchemar de la guerre n'était pas terminé.
Harry ferma les yeux, de toutes ses forces, avant de soupirer. Il fixa le Serpentard avec qui il était devenu ami et l'interpella.
- Hey Malefoy !
