Bonus, et non épilogue
o 20 Août (4e mois)
Je vois arriver la chouette droit vers notre appartement et j'ouvre plus largement la fenêtre du salon en me demandant, comme à chaque fois, ce qu'un voisin moldu pourrait en penser. Déjà, c'est l'été, et elle n'a pas eu besoin de taper au carreau.
"C'est quoi ?", demande Sam depuis la cuisine. "Un truc de la Division ?"
On ne bosse ni l'un ni l'autre, mais nos aspirants, eux, sont d'astreinte auprès de la Brigade. Apprentissage de l'évaluation, ça s'appelle, et c'est une innovation de Ron plus ou moins inspirée du travail effectué pendant la traque de l'Avant-Garde. La présence des aspirants, voire d'Aurors, a montré son intérêt pour l'évaluation et la prise en charge d'autres sujets. Et c'est bien, après tout, toute l'idée de l'équipe que dirige Weasley.
Comme ils ne sont pas supervisés par un Auror assermenté, ils peuvent être amenés à nous envoyer des trucs. Comme dit Sam, Weasley a quelque part trouvé un moyen de mettre d'astreinte les mentors sans les payer en contrepartie. Normalement, leur service doit être presque fini, ce serait ballot qu'il leur tombe un truc demandant notre intervention maintenant.
"Non", je le rassure. "Le message est de Harry et il annonce la naissance de leur deuxième fille", je réponds lentement en allant vers lui la chouette sur l'épaule. Il y a une photo de la petite dans les bras de Brunissande que je regarde avidement. Elle me semble tellement petite et fragile. Et les filles ont des chances d'être plus petites encore, je rumine, une main sur mon ventre.
"Une cousine alors !", commente Sam avec un entrain tellement peu caractéristique pour ce genre de sujet que je ne peux m'empêcher de sourire. Il dépose des amandes devant la chouette qui semble ravie. "Elle s'appelle comment ?"
"Faïs."
"Faïs ?", il répète d'un air dubitatif. "J'adore pas."
"Non ?", je vérifie le cœur maintenant battant. Les prénoms, on a plus ou moins évité le sujet pour l'instant. Il nous reste presque cinq mois entiers après tout. "Si je me rappelle bien ce que Brunissande m'a expliqué, ça veut dire le faisceau, ce qui relie et qui est lié, en occitan. Elle aimait bien cette image de lien... et ils ont cet accord depuis le début que les prénoms seront occitans", je me mets à raconter bien consciente que j'occupe le terrain plutôt que lancer le vrai sujet.
"Si c'est un accord", commente Sam tout aussi prudemment, je le vois bien. Pas un pour rattraper l'autre.
"L'accord est plus compliqué encore : un prénom occitan, mais qui se prononce pareil en français et en anglais... Comme dit Brunissande, à part Olivia, faut chercher un peu... Mais Caël et Aelys, ça marche", je développe sans changer de stratégie.
"C'est vrai", il admet. "Je comprends. Ça a du sens mais… je... Tu vas rire !"
"Chouette", je souris pour lui donner le courage de me dire ce qu'il retient.
"Je préfère les prénoms des enfants de Kane et Defné. Je sais, ils ne les ont pas choisis, mais Sibel - l'abondance - et Zefir - un vent bienfaisant, ça, c'est classe ! ", il explique avec enthousiasme.
"Tu aimerais quelque chose du même genre ?", je me risque après un moment de stupéfaction. Honnêtement, jamais j'aurais pensé que Sam pensait de cette façon aux prénoms des enfants.
"Tant qu'à faire, autant se lâcher, autant leur donner des rêves et un défi à assumer", il avance.
J'ouvre la bouche et la referme, sidérée. Incapable de dire à quel point je suis d'accord avec lui. J'ai l'impression que j'aurais mieux su quoi faire si je ne me sentais pas en accord avec son approche.
"Tu trouves ça ridicule, mais tu portes un prénom qui fait de toi la messagère des dieux", il argumente encore, les joues adorablement roses.
"C'est ma mère qui a proposé... Papa a proposé Kane... C'est ce qu'on nous a raconté", je livre.
"Chacun avait un droit de veto ?", il se renseigne.
"Pire que ça, nos grands frères avaient le droit de donner leur avis", je souris. "Mais je n'aime pas tellement l'idée de veto ou de répartition, genre un chacun", je précise immédiatement derrière. "On a le temps de trouver des trucs qui nous plaisent à tous les deux.
Merlin, Cerridwenn, je sais ce que j'ai promis, mais faut pas s'emballer, je rajoute mentalement. Déjà, il est prêt à faire un choix risqué et c'était pas gagné.
"Oui, bien sûr, on a le temps", m'affirme Sam en retour.
Je vois bien que, comme moi, il a une idée derrière la tête. Alors je lui dis. Il soupire, me prend par la main et me ramène dans le salon pour qu'on s'installe dans le canapé. Je trouve ça assez intimidant mais je crois que lui aussi.
"Je... j'aime un prénom depuis... depuis aussi loin que je me souvienne… Non, en fait, j'aime des tas de prénoms... Mais pour une fille, j'avoue que... Merlin, si tu dis non, il va me falloir du temps pour faire mon deuil... ", il finit par se lancer.
"Je t'écoute", je balbutie, touchée par la sincérité et la nervosité dont il rayonne.
"Tu sais que Viviane... l'amour de Merlin... la grande Viviane... a d'autres noms ?" il commence, et il me faut de longues secondes pour répondre parce que je n'ai entendu que Merlin au début. Et puis, je n'aime pas trop Viviane... Je finis par opiner et il hésite encore avant de lâcher sa proposition. "Nimuë... "
"Nimuë", je répète.
"Nimuë McDermott ou Lupin-McDermott, si tu veux... " Il est clairement inquiet de ma réponse.
"Nimuë", je répète en goûtant les trois syllabes. "Mais j'adore en fait !"
"Vraiment ?", il s'étonne avec une sincérité qui n'est pas feinte.
"Carrément. En plus... J'aime bien l'idée que Merlin veille un peu sur son avenir... ", je formule avec un sourire.
"Tu aimes vraiment ?", il vérifie.
"Vraiment", je promets.
"Oh", est sa réponse.
"Tu croyais que je n'allais pas aimer ?"
"Je ne sais pas... Tu semblais sur la défensive... "
"Honnêtement ?"
"Honnêtement."
"J'avais un peu peur que tu me proposes des trucs... pompeux... genre Cleopatra ou... ", je cherche. Si Kane était là, il lui dirait sans doute qu'une de mes poupées s'appelait comme ça.
"Cerridwenn", il renchérit.
Ah, zut.
"Cerridwen est un joli prénom", je tente.
"Mais sans doute importable" est son avis qui me paraît difficile à rattraper. "Bon, Nimuë peut-être, alors... Et toi ? Allez, à toi !"
"J'en suis moins loin que toi. Je n'ai pas une liste ancienne."
"Ne fais pas ta timide", il me presse.
"Honnêtement, Sam, je n'ai pas d'idées fixes... Mais j'aime Nimuë."
Il me regarde avec suspicion maintenant sans que je comprenne pourquoi.
"Cerridwen ? Tu avais pensé à Cerridwen ?" Je rosis immédiatement. "Tu parles d'un défi !"
"Tu as raison", j'admets. Je suis donc transparente.
Il reste là pensif et, moi, je ne sais pas comment reprendre la conversation.
"Elle n'a pas d'autres noms, Cerridwen... Elle était Irlandaise, non ?", il questionne à la cantonade en se levant et en piquant vers la bibliothèque. Tout en bas, il y a des cartons qui viennent de son ancien appartement et qu'on n'a jamais déballés. Je le vois en ouvrir plusieurs puis se mettre à feuilleter un épais volume.
"Tu fais quoi ?", je questionne depuis le canapé.
"Je révise mon histoire de la magie à l'époque celte", il répond sérieusement.
"T'as des livres d'histoire de la magie celte ?", je vérifie en allant jusqu'à me lever pour aller voir.
"J'avais gardé une option histoire ancienne de la magie pour les Buses", il répond. "J'adorais surtout ces histoires super anciennes, bien plus rigolotes que les guerres gobelins !'
"Et tu penses trouver quoi là-dedans ?", je me risque décidant de ne pas commenter le choix de prendre une option supplémentaire d'Histoire de la Magie pour les Buses.
"L'histoire complète de Cerridwen... On sait tous qu'elle est née en Irlande mais... après... ", il marmonne. "Les Irlandais moldus la prenaient pour une déesse, mais c'était surtout une grande médicomage ou l'équivalent de l'époque", il signale pointant du doigt une partie du texte qu'il parcourt. "Mais ça ne devait pas lui suffire parce qu'elle traversait souvent la mer d'Irlande où elle était également très respectée et connue. Les Gallois ont transformé son prénom en Creirwy."
"Klervia ?", je répète, prise à la fois par l'histoire, mais aussi par sa manière de rechercher une proposition de prénom évoquant Cerridwenn. Je n'y aurais jamais même pensé !
"Oui, c'est pas mal", remarque mon Sam en me montrant une illustration d'une belle femme habillée de blanc visiblement soignant des enfants. "L'orthographe galloise, elle va nous détester et, en plus, ni toi ni moi ne sommes Gallois, c'est un peu ridicule... Ah, elle a voyagé et exercé son art de guérison jusqu'en Bretagne française... où ils l'appellent Clervie ou Klervi… Ça s'écrit comme ça se prononce cette fois. C'est chic, ça non, Klervi McDermott... ou Lupin-McDermott, si tu veux", il rajoute en levant les yeux.
J'ouvre la bouche et la referme. Des espèces de larmes me viennent aux yeux.
"T'aime pas ?", il s'inquiète.
Je prends le temps d'être sûre.
"Klervi et Nimuë ?", je répète. Merlin et Cerridwen, j'ai du mal à croire que vous y êtes pour rien !
"Par exemple", il tente, presque intimidé par ma réaction, il me semble.
"Pour l'instant, j'adore", j'avoue. "Incroyable... Je... je ne pensais pas qu'on... aurait des idées aussi chouettes aussi vite !"
"On est d'accord sur beaucoup de choses !", il souligne presque agacé.
"J'ai jamais dit le contraire, Sam", je souris. "Juste... la plupart des couples... galèrent plus que ça... Enfin, je crois... "
Alors que je vais l'embrasser, on sonne à la porte.
"Merde, les aspirants", il soupire en refermant les cartons et en m'aidant à me relever.
"C'est toi qui leur as dit de passer à la fin de leur service", je lui rappelle.
"Qui me dit qu'il faut être gentil et attentif ?", il fait mine de râler.
"Et qui finit par y trouver son compte ?"
"On ne leur dit pas, hein ?", il me lance en se dirigeant vers la porte.
"Qu'on adore qu'ils viennent à la maison ?"
"Pour les prénoms", il soupire patiemment en se retournant pour attendre ma réponse.
"On garde ça pour nous", je confirme.
FIN
