Bonjour à tous,

Après de multiples pérégrinations, rebondissements, suppressions et réimpressions, écriture, réécriture, migraines et cheveux en moins à force de tirer dessus, voilà finalement venu le jour où ce chapitre 88 est enfin publié.

Dire qu'il aura été difficile de l'écrire est un euphémisme... croyez moi. Le pire, c'est qu'au final... Je l'ai coupé en deux, et que la seconde est celle qui m'aura le plus donné de fil à retordre (partie que vous aurez donc samedi prochain).

Par chance, le finir m'aura libéré d'un poids sur la conscience, et j'ai dans la foulée fini l'écriture du chapitre 90 et 91 ; Je pense sans trop m'avancer que je ne devrais plus avoir autant de mal pour un futur chapitre que pour celui-là.

Merci aux personnes ayant laissé une review, un suivi, un favori... Que sais-je? Merci de m'avoir lu, et désolé de ne pas avoir donné signe de vie pendant un bon mois.

Sur ce, bonne lecture !


Harry pouvait dire avec certitude qu'il détestait les mondanités.

Cela ne lui arrivait pas tous les jours - fort heureusement - mais il n'arrivait pas à déterminer si la raison en était la foule importante qui se réunissait pour ces rares occasions ou le caractère protocolaire de la chose. Sa nature discrète ne l'aidant certainement pas dans ces circonstances, il demeurait immobile, souriant distraitement aux personnes croisant son regard ou adressant un compliment futile lorsque par malheur la conversation s'engageait.

Le reste du temps, il réprimait son envie omniprésente de fuir à la moindre occasion pouvant s'offrir à lui.

Des centaines sinon plus de convives se trouvaient autour de lui, tous apprêtés de leurs plus beaux atours, les bijoux des dames rivalisant de clarté avec le cristal des lustres pendus au dessus de leurs têtes, les hommes en uniforme resplendissant caressant distraitement leur moustache, le bras accroché à celui de leurs épouses tout en faisant mine d'écouter leur interlocuteur d'un air captivé. Les comtes, barons, marquis et ducs de l'ancienne noblesse comme de la nouvelle, les têtes récemment couronnées des territoires conquis par Napoléon, les ambassadeurs étrangers, les ministres, députés et sénateurs, une grande partie de l'aristocratie française… Tous se trouvaient là pour une occasion particulière, une occasion qui, espérait-on, ne se renouvellerait pas de sitôt, mais qui était le théâtre de réjouissance et d'une gaieté dont on avait si peu l'occasion de profiter que l'on en appréciait chaque instant : La dernière campagne victorieuse de l'Empereur sur les nations coalisées.

Les étendards des bataillons ennemis, pour certains encore rougis par le sang des malheureux ayant expiré sur le champ de bataille, trônaient fièrement sur toute la longueur de la salle de spectacle du palais des tuileries à intervalles réguliers. La salle en elle-même était impressionnante par sa grandeur et comprenait la quasi totalité de toute l'aile Nord du palais. Des tentures rouges parcourues de petites abeilles d'or tombaient le long des murs sur lesquels étaient gravés un N couronné. Des colonnes doriques supportaient le poids des dômes sur lesquels étaient représentés des allégories de la paix, de la victoire et de l'abondance, tandis que la balustrade supérieure était garnie de multiples lampions et guirlandes de fleurs où une foule toujours plus compacte observait du haut de leur perchoir les personnes s'amassant plus bas et où Harry avait l'impression de se noyer. Il faisait légèrement chaud, bien plus qu'à l'extérieur en tout cas, et il dut à de nombreuses reprises s'éponger le front d'où perlaient quelques gouttelettes de sueur.

- Je hais ces mondanités, pesta t-il encore une fois en regardant autour de lui dans la masse des uniformes et des robes aux couleurs diverses.

Chacun avait l'air de vouloir rivaliser en apparence, en luxe et en originalité par rapport à son voisin, et à ce petit jeu là les femmes étaient particulièrement mesquines et injurieuses lorsqu'une rivale s'approchait d'elles. Harry n'arrivait même plus à se rappeler du nombre de fois où il avait eu l'oreille indiscrète et qu'un commentaire déplaisant était chuchoté à proximité de lui, mais par chance, la jeune femme accrochée à son bras ne paraissait pas vouloir y participer non plus.

- Il faudra t'y faire, cela arrivera de plus en plus fréquemment à mesure que tu gagneras en importance dans ce pays-ci, l'informa avec une pointe d'amusement Daphné.

- Depuis notre mariage je pensais pouvoir m'y faire, mais à l'évidence je déteste toujours autant cela.

Son épouse porta immédiatement son éventail devant son visage pour pouffer de rire, mais cela ne dura que quelques secondes.

- Je n'aime pas cela non plus, avoua t-elle en regardant autour d'elle, l'air légèrement pincé. J'ai l'impression que les gens ne cessent de nous regarder, de nous juger, de nous dénigrer… Le simple fait de voir deux personnes chuchoter derrière un éventail en regardant dans notre direction suffit à me convaincre que nous sommes devenus un sujet de conversation comme un autre.

Et c'était peu dire qu'ils attiraient l'attention. Leur première sortie officielle au sein du gotha parisien, dans cette classe si particulière de gens bien nés qui regardaient continuellement les gens de haut en prenant l'air de ceux qui savaient mieux qu'un autre, qui vivaient mieux qu'un autre, qui relevaient d'une situation en tout point supérieure aux autres, ne passait certainement pas inaperçu. Ces gens les voyaient apparaître comme deux nouveaux-venus, deux êtres qui tombaient subitement du ciel au milieu d'eux sans avoir besoin de chaperon, d'un parrain ou d'une marraine pour faire les présentations et qui prenaient probablement une place qu'il leur faudrait bien difficilement tenir et affirmer.

Harry surtout suscitait un intérêt auprès d'eux, et l'on s'attardait longuement sur lui tant pour sa situation personnelle que sur ses faits d'armes ou l'histoire que véhiculait son seul nom. On s'approchait de lui, tentait d'entendre la plus petite parole sortant de ses lèvres pour aussitôt la rapporter à un autre, certaines femmes échangeaient un long regard plein de sous-entendus dans sa direction, la poitrine curieusement davantage découverte qu'une seconde auparavant, au grand dam de Daphné qui l'éloignait aussitôt de la femme ayant parfois le double de son âge et qui s'abaissait à ce genre de manière.

La présence du dernier Bourbon toléré sur le territoire national, du fils du dernier prince de Lamballe mystérieusement apparu dans le giron de sa mère, du soldat victorieux qui avait contribué plus d'une fois aux succès de l'Empereur… Tout cela faisait de lui un objet de curiosité, mais celle-ci avait sur certains aspects un côté malsain et déplaisant.

- Monsieur? L'appela alors quelqu'un sur sa droite.

Tournant la tête, Harry dut baisser les yeux pour rencontrer ceux de sa mère, tranquillement assise sur un fauteuil dans un recoin de la pièce en compagnie d'un autre petit cercle de femmes d'un âge approchant du sien. Toutes étaient joliment parées, d'une manière plus austère toutefois, mais avec une élégance que n'avaient pas bon nombre d'autres femmes présentes dans la pièce.

- Pardonnez-moi mère, s'excusa t-il en inclinant légèrement sa tête en direction du petit groupe d'amies de Marie-Louise. j'étais distrait par la ravissante musique jouée par l'orchestre. Vous disiez?

- Je disais donc Monsieur à Madame Campan ici présente combien il fut chose aisée de vous éduquer quand vous aviez encore l'âge d'être instruit par les dames, lui expliqua sa mère en réprimant l'envie de sourire devant les excuses boiteuses d'Harry.

La dénommée Madame Campan le regardait d'un air sévère qui lui rappelait curieusement celui de Soeur Catherine, mais à la différence que l'amie de sa mère avait pour elle de ne pas être religieuse.

- Oh ! Eh bien, je ne puis que vous laisser seule juge de cette affaire là, affirma Harry. Ma mémoire est par certains aspects bien plus sélective sur des événements passés que sur d'autres, et je n'ai pas le loisir de me souvenir des bêtises ayant pu être commises par mes soins.

Sa petite plaisanterie eut au moins le mérite de faire rire certaines dames et pour d'autres de leur extorquer un petit sourire dont il pouvait aisément se contenter.

- L'éducation ma chère, voilà bien la clé de tous nos problèmes, mais également la solution qui en viendra à bout, certifia Madame Campan en réajustant le fichu qu'elle portait sur ses cheveux. Sa majesté l'Empereur a bien compris ces choses là lorsqu'il m'a confié le soin de diriger la maison d'éducation pour jeunes filles de la noblesse pauvre qu'il vient d'inaugurer. Sans nos soins à en faire de bonnes épouses, qui sait ce qu'il serait advenu de ces demoiselles?

- Croyez bien qu'il est tout aussi difficile d'élever un garçon, intervint alors la comtesse de Genlis tout en secouant énergiquement son éventail devant son visage. Ces choses là ne s'apprennent point dans les livres, et sans la présence d'un homme pour nous soutenir, il est difficile d'aborder certains sujets avec eux, vous ne me contredirez pas, Madame?

- Assurément, confirma Marie-Louise. Mais Monsieur mon fils n'a jamais été d'une nature difficile pour faire l'apprentissage d'une nouvelle matière. C'est une jolie tête bien faite, un peu distraite parfois, mais l'on a rien sans rien.

- Oh cela me rappelle cette fois où nous nous trouvions dans vos vergers ma chère amie ! Se souvint alors la marquise de Tourzel d'un air enthousiaste. Monsieur le prince de Lamballe devait avoir… Neuf ans, je pense?

- Oh oui ! Souffla sa mère avec amusement.

Harry sentit subitement un froid l'envahir et il n'avait pas besoin d'un miroir pour être persuadé que sa peau venait soudainement de pâlir. Discrètement, et avec l'espoir de ne pas être vu par les commères discutant de lui, il s'éloigna progressivement de leur petit cercle pour aller se perdre dans la foule, Daphné toujours accrochée à son bras.

- J'aurais aimé connaître cette anecdote, commenta t-elle en se laissant malgré tout porter toujours plus loin du groupe.

- Je te la raconterai un jour…, dit-il nerveusement en sentant poindre dans sa poitrine un sentiment qu'il avait peu l'occasion de rencontrer, la honte.

- Alors j'attendrai cela avec impatience, certifia Daphné. J'ose espérer que tu tiendras parole, autrement je n'hésiterai pas à demander à ta mère ou à la marquise de Tourzel de me narrer cet exploit.

Harry lui jeta furtivement un coup d'œil, et à l'air décidé de son épouse, déglutit bruyamment sous les ricanements de celle-ci. À quelques mètres devant eux se formait un autre cercle d'invités, beaucoup plus animé et dont la pièce maîtresse n'était nulle autre que l'impératrice Joséphine. Curieux, il voulut s'en approcher, mais d'autres avant lui avaient eu la même idée et formaient une barrière inextricable qu'il était impossible de traverser. L'impératrice elle demeurait imperturbable à l'attention qu'on lui portait, presque satisfaite d'en être à l'origine, et ses grands yeux noirs parcouraient l'assistance avec une douceur qui charmait même les cœurs les plus endurcis. Ses lèvres étaient constamment étirées sans pour autant laisser entrevoir les dents derrière celles-ci, tandis que ses cheveux légèrement relevés et coiffés d'un diadème serti de rubis encadrait l'ovale d'une jolie tête au teint légèrement halé. Harry la trouva charmante, mais il n'eut pas davantage le temps de s'attarder sur sa conversation que Daphné le tirait à son tour vers un autre endroit, loin de l'agitation.

L'Empereur lui n'avait toujours pas fait son apparition.

- Ne pourrions-nous pas profiter juste toi et moi de cette soirée? Proposa t-elle en le guidant. Nous pourrions nous promener dans les jardins du palais…

- J'ai quelque chose à faire je te rappelle, répondit Harry en la forçant à ralentir l'allure. Je ne pense pas que la personne que je souhaite rencontrer se trouvera là-bas. J'espère d'ailleurs qu'elle est bien ici et que je ne fais pas tout ceci pour rien.

- Monsieur Talleyrand sait se faire désirer, argua Daphné.

- Tu ne le connais même pas, comment peux-tu en conclure cela?

- Il m'aura simplement suffi de vous entendre discuter de lui pour en arriver à cette conclusion mon cher mari.

Un sourire similaire à celui qu'arborait son épouse s'esquissa sur les lèvres d'Harry, mais il devait admettre qu'elle n'était pas loin de la vérité. Restait à présent à le trouver, et compte tenu du plaisir que semblait éprouver le ministre pour toutes les sauteries lui permettant de se faire bien voir et d'être vu du plus grand nombre, les chances pour qu'il soit présent tout comme eux à cette soirée était aussi grandes que la salle en elle-même.

Suivant les conseils du général quant aux dispositions à prendre concernant Dumbledore, Harry avait attendu patiemment qu'un courrier adressé par Talleyrand lui parvienne pour amorcer un premier pas vers lui pour la première fois depuis près de quatre mois… avant de se rappeler que le ministre n'avait absolument aucune raison de lui écrire et encore moins de prendre de ses nouvelles. Leur dernière entrevue s'était mal passée, et la fidélité du ministre vis-à-vis des intérêts de son oncle lui soufflait à l'oreille que Talleyrand n'avait probablement aucune envie de correspondre de nouveau avec lui.

Alors… Il fallait prendre les devants.

Cette chance de le rencontrer était arrivée à la fin du mois d'Août, par cette même voie postale qu'il avait longuement surveillée au cours des dernières semaines, mais le sceau sur la lettre n'était pas celui du ministre mais celui de l'Empereur lui-même ; La lettre envoyée depuis le palais des Tuileries était informelle, probablement écrite des centaines de fois et n'en était donc qu'une parmi tant d'autres, mais l'invitation elle était bien réelle et lui offrait peut-être la chance de rencontrer l'homme qu'il désirait revoir.

Les mondanités comme il le disait fréquemment n'étaient pas une chose avec laquelle il pourrait jamais être en bon terme, mais cette opportunité réhaussait très légèrement l'intérêt qu'il leur portait. Avec la perspective de tomber ainsi sur l'homme qu'il recherchait, avec la certitude que Talleyrand pourrait s'y trouver, avec l'appréhension de se trouver face à face à avec l'homme qui savait si facilement jouer avec les destinées de tout un continent, avec la curiosité des gens de son âge quant à la chance qui s'offrait à lui de revoir également l'Empereur, il accepta rapidement l'invitation que celui-ci lui avait envoyé, et maintenant, il se retrouvait à faire bonne figure au beau milieu d'une foule de courtisans qui, comme lui, désiraient ardemment avoir devant eux le vainqueur incontesté que toute l'Europe craignait.

- Sortons, proposa finalement Harry alors que la musique semblait redoubler de force. J'étouffe ici.

Il n'eut pas besoin d'attendre l'assentiment de Daphné pour comprendre qu'elle même ne désirait que cela, et en un rien de temps tous deux se retrouvèrent dans une pièce beaucoup plus petite, et surtout beaucoup moins occupée. Un seul autre couple se trouvait assis dans un canapé à l'autre bout, et la lumière tamisée de l'endroit leur donnait presque l'impression de sentir la fatigue des longues heures à se tenir debout s'inviter en eux. Harry comme Daphné poussèrent un soupir de soulagement lorsqu'ils purent enfin s'asseoir, et pendant de longues minutes, tous deux restèrent côte à côte en silence, la tête de la jeune fille posée sur son épaule pendant qu'il lui caressait distraitement la main.

- Que ferons-nous lorsque tout sera fini? Demanda t-elle au bout d'un certain temps sans pour autant ouvrir ses yeux qu'elle s'obstinait à garder fermés.

- C'est à dire? S'enquit doucement Harry.

- Quand cette histoire avec Dumbledore et Voldemort sera derrière nous, marmonna Daphné. J'ai l'impression que cela remonte à si loin depuis la dernière fois où nous n'avons eu à nous soucier de rien d'autre qu'à nous-mêmes, à notre couple et aux affres de la vie commune. Chaque fois que j'ai le sentiment que nous ne pourrions nous soucier de rien d'autre que de nous, un élément vient perturber l'équilibre qui commençait à peine à apparaître dans nos vies et à bousculer tous les projets que nous pourrions entreprendre. J'aimerais n'avoir à me soucier que de nous, à me lever chaque matin en me demandant simplement comment je pourrais organiser ma journée, m'occuper l'esprit et me trouver des distractions qui nous satisferaient tous les deux…

- Tu as encore deux ans à passer à Beauxbâtons si je ne m'abuse, lui rappela avec amusement Harry avant de sentir une légère tape sur son épaule. Ouille !

- ça c'est pour ne pas prendre au sérieux ce que veux te faire comprendre, pesta t-elle bien que son ton ne paraissait pas du tout vexé. Tu sais très bien de quoi je parle.

- Oui je sais, et pour être honnête avec toi, je ressens la même chose à longueur de temps. Je ne sais si notre destinée est d'être sans cesse interrompu par un tiers, si toute notre vie durant sera jalonnée par les machinations d'autres personnes et si les occasions de ne penser qu'à nous comme tu le dis se feront rares, mais nous ne sommes pas maître du temps, nous ne pouvons anticiper ce qui pourrait nous arriver mais seulement les surmonter. Nous pouvons… nous adapter à eux? Refuser de les laisser dicter notre conduite? Peut-être, mais ce serait simplement balayer la poussière sous le tapis et reporter à plus tard nos problèmes. Nous pourrions tout aussi bien dire leur dire non et nous détourner d'eux, mais ils réapparaîtront encore, et encore, et encore, jusqu'à ce que nous nous en occupions. Il faut simplement faire avec.

- Et bâtir ce temps pour nous sans s'en préoccuper et non en leur tenant rigueur, termina t-elle. J'espère simplement que nous aurons tout le loisir pour le faire et qu'ils ne nous accapareront pas continuellement.

Les deux amoureux partagèrent un sourire avant de s'embrasser, mais leur échange s'arrêta net lorsqu'ils entendirent près d'eux une quinte de toux qui leur fit détourner la tête… Pour se retrouver nez à nez avec le ministre des affaires étrangères en personne.

- Navré d'interrompre votre petit échange, mais j'ai cru comprendre que vous me cherchiez, les salua Talleyrand avant de baiser la main de Daphné. Madame, il ne me semble pas avoir eu le plaisir de faire votre rencontre jusqu'à ce soir, mais à en juger par votre beauté, je ne serais pas étonné d'apprendre que Monsieur votre mari vous garde jalousement enfermé dans une tour dont lui seule posséderait la clé afin de vous ravir à d'autres yeux que les siens.

- Monsieur, l'accueillit Daphné en s'inclinant légèrement.

- Vous saviez que je vous cherchais? Répéta pour sa part Harry d'un air incrédule. Mais comment?

- Je pensais que depuis le temps, vous ne seriez plus surpris d'apprendre que j'en sais plus sur vous que vous ne pourriez le penser, s'insurgea d'un ton faussement déçu le ministre. Cela tombait bien car nous devons discuter de choses pressentes. Madame, mon secrétaire ici présent vous tiendra compagnie le temps que j'accapare votre époux pour notre affaire. Rassurez-vous, je ne lui ferai aucun mal et vous le rendrez en un seul morceau.

Et sans attendre, Talleyrand se saisit brusquement du bras d'Harry pour l'aider à se relever avant de le traîner vers la sortie. Harry fut bien tenté lui de résister, et il ne cessait de regarder en arrière pour vérifier que sa femme était bien en sécurité.

- Ne vous en faites pas, mon secrétaire est honnête homme et rien ne sera fait contre la duchesse de Chateauvillain, l'informa tranquillement le ministre.

Harry n'avait aucune idée de l'endroit où le conduisait Talleyrand, et sa démarche claudicante ne passait pas inaperçu dans les différentes pièces et couloirs qu'ils traversaient. L'endroit était de manière général très animé, et les nombreuses personnes qu'ils croisaient les saluaient respectueusement en reconnaissant le ministre ; Aussi ne se faisait-il aucun souci quant à l'éventualité d'un guet-apens.

- Je suis étonné que vous ayez l'audace de vouloir vous entretenir avec moi, poursuivit d'un ton beaucoup plus bas Talleyrand. Notre dernière entrevue me laisse encore un goût amer en bouche…

- Mes griefs n'étaient pas contre vous Monsieur, l'informa Harry.

- Oui je sais, le coupa Talleyrand. Vos reproches concernaient plutôt l'égoïsme de sa majesté le roi, son manque d'empathie quant aux risques que vous pourriez prendre et son absence de remord face aux blessures que vous avez pu avoir durant la dernière campagne. Vous estimez qu'il n'est qu'un homme sans le moindre cœur, même pour sa famille, qu'il n'a que des intérêts et pense d'abord à lui avant de penser aux autres, je me trompe?

- C'est en partie la vérité…, concéda t-il.

- En partie dites-vous? Je dirais plutôt que ça l'est dans sa globalité, certifia l'autre d'un ton suffisant. Mais il y a quelque chose que vous ne semblez pas avoir encore assimilé dans votre logique, dans votre approche de la pensée d'une personne aussi éminente que sa majesté le roi ; C'est un homme d'État avant même d'être un homme. Le roi agit pour l'intérêt du pays avant d'agir pour son intérêt personnel et celui de ses proches. Il pense, il juge, il agit pour le bien de tous avant de penser à lui. Il fait fi des indispositions de chacun, des problèmes que rencontrent les autres et n'a qu'une seule et unique ligne de conduite : Garantir la stabilité, la paix et l'harmonie au sein de nos frontières. Il peut agir directement en levant des armées de mercenaires, en agitant l'étendard rouge pour soulever les armées ennemies contre l'Empereur, en assurant l'insurrection au cœur même de la France en attendant que Napoléon soit renversé de son trône, ou de manière plus informelle, plus discrète en poussant ses subalternes au sabotage, à l'espionnage, au renseignement auprès des autres États européens.

- Et je fais partie de la seconde catégorie, nota Harry.

- Pour le moment, confirma le ministre. Du moins vous l'étiez il y a encore quelques mois, aujourd'hui il est difficile de savoir si vous seriez encore un agent fiable aux yeux du roi. Votre… petit coup de chaud ce jour-là a laissé des traces dans l'esprit de sa majesté.

Le claquement du bâton avec lequel il marchait mêlé aux bruits de conversation que l'on pouvait percevoir par delà les vitres du palais furent les seuls bruits perceptibles pendant les secondes qui suivirent, le temps pour Harry d'assimiler les informations que lui donnait le ministre.

- Et maintenant, vous voulez mon aide, reprit Talleyrand en continuant de le guider dans le dédale de pièces que formait le palais des Tuileries. Je ne suis pas dupe jeune homme. Vous ne vous adresseriez pas à moi pour une affaire où mes compétences en matière de diplomatie ne sont pas requises. Vous ne manquez pas d'argent, vous êtes un bien meilleur duelliste que moi, vous n'êtes pas quelqu'un d'intéressé et par dessus tout vous n'êtes pas carriériste, quatre points où mon poids politique n'est donc pas requis. Cela signifie donc que votre affaire est sérieuse, et je me demande maintenant si je pourrais accepter votre requête compte tenu de la manière avec laquelle vous avez si lâchement abandonné le service du roi.

- Mon apport était dérisoire ! S'énerva Harry en sentant l'envie de mettre un terme à leur conversation apparaître.

- Sur le moment oui, mais à la longue, vous auriez pu être la pièce maîtresse qui aurait mis à bas l'Empereur, et cette chance, vous n'avez pas su la saisir.

Le ministre prit alors une profonde inspiration avant de ralentir l'allure pour le regarder longuement, d'un regard intense qui obligea finalement Harry à détourner le sien.

- J'étais en relation très étroite avec le Tsar Alexandre, l'informa t-il. Je le suis encore d'ailleurs. Croyez bien que cette paix est factice, et qu'à la moindre occasion qui se présentera il mobilisera de nouveau ses armées contre nous avec l'appui financier de l'Angleterre ; Je le sais de sa propre bouche. Vos indications quant au plan de bataille de Bonaparte à Friedland auraient pu faire basculer l'issue de celle-ci, mais vous aviez alors décidé de ne plus rien nous confier. C'est regrettable.

- Et je ne serais peut-être plus aujourd'hui ici pour en discuter avec vous si je l'avais fait, répliqua d'un ton dur Harry.

- Je pense que nous sommes et resterons dans une impasse à ce sujet, siffla Talleyrand d'une voix froide. Alors abrégeons notre discussion et dites moi pourquoi vous vouliez me parler.

- J'aimerais solliciter votre aide et votre sens de la diplomatie pour convaincre l'Empereur de m'offrir son aide pour une affaire ayant lieu en Grande-Bretagne.

Ses paroles eurent au moins le mérite de faire cesser la marche du ministre, et celui-ci resta quelques instants interdit, les sourcils légèrement froncés alors qu'il le jaugeait du regard. Au dehors la musique continuait inlassablement de jouer, et des rires gras pouvaient par instant être entendus.

- Vous allez me dire exactement la situation dans laquelle vous vous trouvez, lui ordonna sèchement Talleyrand. Aucun détail ne doit être omis, et croyez bien que je le saurais si d'aventure vous vous amusiez encore à me cacher la vérité. Je me demande cependant quelle folie vous gagne pour penser un seul instant que Napoléon puisse vous offrir ce que vous souhaitez.

- Pas ici, répondit Harry en regardant les alentours. Allons dans un endroit plus tranquille, loin des regards et des oreilles indiscrètes.

Le couloir était vide en dehors de leur présence, mais Talleyrand hocha sa tête avant de le conduire dans la première pièce se trouvant à leur portée. D'un coup de baguette magique, il raviva la flamme de la multitude de bougies disséminées dans le petit cabinet de travail, mais Harry n'eut pas le loisir de s'attarder sur la beauté architecturale des lieux que le ministre l'intima d'un geste à reprendre la parole.

Respectant ses volontés, Harry commença alors le récit des derniers mois en omettant aucun détail à sa connaissance… Hormis son lien de parenté avec Lily. Talleyrand l'écouta sans rien dire, la main sur le menton et assis sur le coin du pupitre au centre du cabinet sans jamais le quitter des yeux ; L'enlèvement, Dumbledore, Voldemort, les horcruxes, le chantage exercé sur lui, son sentiment qu'il aurait besoin tôt ou tard de davantage de moyens humains pour mener à bien la mission personnelle qu'il s'était fixée, L'idée qui germait dans son esprit qu'il ne sortirait pas indemne de cette affaire… Tout y passa, mais à la fin de son histoire, le silence de Talleyrand l'inquiéta plus qu'il ne le pensait au premier abord.

- Je connais Dumbledore, l'informa le ministre d'une voix basse à peine plus forte qu'un murmure. Du moins j'ai appris à le connaître assez tardivement, lorsque mon influence m'a mené à m'intéresser à la politique étrangère. Je m'étonne d'ailleurs de découvrir que vous êtes en relation avec un homme recherché par les polices de toute l'Europe... Un curieux personnage que cet homme là… Un peu trop avenant à mon goût. La bonté est une chose, mais en faire l'étalage continuellement nous rend davantage suspect aux yeux d'autrui que si l'on nous mettait sous les yeux le canon d'une arme. Vos dires ne m'étonnent guère, bien que je ne comprenne pas en quoi est-il persuadé que vous seriez… le destinataire d'une prophétie vous liant à Voldemort?

- Il pense que je suis le seul capable de pouvoir le vaincre en effet, confirma t-il. Il ne me rendra Lily Evans qu'à la condition que je l'élimine.

- Et que représente cette femme pour vous? S'enquit d'un air curieux Talleyrand. Vous la dépeignez comme une simple amie de votre famille, et pourtant vous seriez prêt à risquer votre vie pour elle. J'admets avoir du mal à saisir le sens de vos actions.

- Elle représente… Plus que vous ne l'imaginez, avoua t-il en baissant le regard.

Un moment, Harry crut que le ministre allait mettre fin à leur entretien en prétextant qu'il lui cachait des informations contrairement à ce qu'il avait exigé de lui précédemment. Mais un petit rire sec sortant de la bouche émacié du vieil homme lui fit relever la tête, et constater que Talleyrand n'avait pas particulièrement l'air contrarié.

- Merlin, je vous pensais plus fidèle que cela, ricana t-il en affichant un léger sourire en coin. La pauvre âme qui vous attend sagement un étage en dessous sait-elle qu'une autre lui partage votre cœur?

Les yeux écarquillés par l'allusion du ministre, Harry voulait aussitôt lui répondre et dissiper le malentendu qui s'installait entre eux, mais d'un geste de la main Talleyrand l'invita à sa taire.

- Peu m'importe, trancha t-il plus sèchement qu'auparavant. Mes capacités de diplomate et de conseiller n'ont pas à être employées pour ce genre de fadaises. Des maîtresses, vous en aurez d'autres, alors laissez celle-ci au bon soin de Dumbledore et trouvez-vous en une autre.

- Vous ne comprenez pas ! S'alarma Harry alors qu'il le voyait se remettre debout. J'ai besoin de votre aide pour mener à bien ce que je souhaite entreprendre, et par votre intermédiaire, je peux obtenir plus qu'il ne m'en faut pour y parvenir !

Merlin, qu'il était difficile de convaincre qui que ce soit de sa bonne foi et d'intercéder en sa faveur sans avouer ses liens si étroits avec sa mère ! Harry enrageait intérieurement, mais il ne voulait pas mettre en danger la fragile puissance née de son adoption avec Marie-Louise.

- Ma réponse est toujours non, certifia Talleyrand en amorçant quelques pas vers la sortie. Cependant…

Il ouvrit la porte, laissant voir que derrière personne ne s'y trouvait, puis reporta son attention sur un Harry complètement désemparé et dont les mains étaient prises de tremblement involontaires :

- Allons quand même en discuter avec l'Empereur, proposa t-il en souriant. Déterminez-le à vous venir en aide, montrez-lui l'intérêt qu'il pourrait avoir à vous satisfaire et les gains qu'il pourrait obtenir par ce biais, soyez convaincant, et peut-être… que je vous apporterai mon aide personnelle dans votre affaire.

Puis lui tournant le dos, il ajouta :

- C'est par son invitation que je suis venu vous voir ce soir. Il souhaitait justement s'entretenir avec vous d'un sujet important.


AN : Chapitre terminé.

Alors, qu'en pensez-vous? Les pièces avancent, mais Harry parviendra t-il à mener à bien le plan qu'il a en tête? Talleyrand se laissera t-il séduire par la perspective de lui venir en aide? Qu'obtiendra t-il en retour? Que lui veut l'Empereur? Vous le saurez (du moins en partie) dans le prochain chapitre.

Je n'ai pas grand chose à dire sur ce chapitre, le prochain est le plus intéressant des deux, mais ça m'a malgré tout plu de mettre en place une fête au palais des tuileries ; Les cérémonies et festivités devaient être grandioses.

Sur ce, à la semaine prochaine !