Bonjour à tous !

J'espère que vous passez un bon weekend? Désolé de la gâcher par la parution d'un nouveau chapitre... Lol.

Non plus sérieusement j'espère que vous vous portez bien.

Merci à Pims et Stormtrooper pour vos reviews, j'ai parfois l'impression d'écrire uniquement pour vous (non pas que ça me dérange bien évidemment !).

Sur ce, trêves de tergiversation, je vous souhaite une bonne lecture !


Les après-midis de temps libre autorisés une fois par mois étaient souvent l'occasion pour les jeunes filles de Beauxbâtons de se rendre en promenade dans la ville la plus proche oublier le temps d'une journée la pesante et stricte discipline de l'académie et l'harassant travail dont elles étaient continuellement surchargées.

Il y avait toute une multitude de petits villages à proximité, certains particulièrement pittoresques et figés dans un passé que l'on pensait révolu, éloignés de tout ce qui pourrait les rattacher à un semblant de modernité et à l'abri des vicissitudes du temps et des enjeux qui secouaient le reste du pays ; Quelques rares étudiantes privilégiaient ces sorties en plein air pour se familiariser au plus près de ce que l'on définirait aisément comme la paysannerie, de ces gens fatigués avant l'heure, la mine revêche et le teint assombri par un soleil lourd qui leur brûlait la peau tandis qu'ils s'épuisaient à ensemencer un champ qui ne leur apporterait qu'une maigre subsistance, et parcouraient des heures durant les vastes terres inégales et volcaniques de cette partie de l'Auvergne.

D'autres, à l'image de Daphné, préféraient les longues balades au beau milieu des ruelles pavées et des hautes maisons de tuiles rouges du Puy-De-Sainte-Marie, la plus grande ville à la ronde. L'endroit se situait au pied des volcans depuis longtemps endormis du massif central, à flanc des plateaux recouverts d'une épaisse forêt qu'un soleil étonnamment brûlant pour un mois d'octobre écrasait de sa chaleur et faisait sortir les ombrelles et autres éventails.

Il existait deux zones parfaitement délimitées : La haute ville, le centre historique du Puy, où se trouvaient les bâtiments les plus anciens, ceux qui avaient su résister aux affres du temps, des guerres ou des révolutions, des famines et autres épidémies, et qui témoignaient encore du riche passé culturel de la ville, et la basse, les quartiers populaires, là où la classe indigente se tairaient en attendant son heure, occupée à pourvoir des postes payés une misère et à survivre du mieux qu'elle le pouvait. Il était donc tout à fait inutile de préciser que cette seconde partie était formellement interdite aux demoiselles de Beauxbâtons et qu'être surprise dans cet endroit faisait encourir mille dangers à la fautive, outre bien évidemment les punitions infligées par la direction de l'académie une fois remise de ses émotions.

Comme le reste des bourgades des environs, Puy-De-Sainte-Marie n'était pas une ville sorcière, du moins ne s'en vantait t-elle pas auprès des oreilles les plus indiscrètes ; Elle se faisait plutôt connaître du plus grand nombre par la ravissante dentelle qu'elle vendait à travers l'Europe et qui finissait inexorablement par orner le jabot des chemises ou l'ourlet des robes de ces dames ; La duchesse de Chateauvillain n'avait ainsi pu s'empêcher de s'en procurer de nombreux échantillons, et les bras chargés de rouleaux, elle s'imaginait, tandis qu'elle reprenait sa marche vers l'académie, les travaux d'aiguille qu'elle effectuerait dès le lendemain lors de son atelier de couture ; Le point de croix n'avait depuis longtemps plus de secret pour elle, pas plus que la broderie de motifs ou la conception de vêtements, mais il lui restait encore à perfectionner certains détails, certaines spécificités dans le tissage et le respect des dimensions qui lui manquaient encore pour obtenir l'assentiment de leur superviseure en chef, Madame Bertin, qui insistait ces derniers temps et compte tenu de leur âge à créer de leurs fines mains les langes de leurs futurs enfants.

Toute à ses réflexions, Daphné écoutait distraitement Lucie et Tracey discourir à côté d'elle, les bras occupés également mais par des choses bien différentes des ravissants tissus qu'elle-même portait. De temps à autre, un habitant local croisait leur route en prenant le chemin inverse le ramenant à la ville qu'elle venait de quitter, l'air passablement étonné de voir des jeunes filles en belle toilette s'éloigner ainsi vers des sentiers plus discrets, moins visibles et plus dangereux d'une certaine manière.

L'académie ne se trouvait qu'à quelques kilomètres du Puy-De-Sainte-Marie, et si l'école avait été visible des moldus, elle pourrait aisément être aperçue depuis le sommet en basalte du rocher Corneille qui la dominait de toute sa hauteur, mais d'importantes protections magiques rendaient son accès impossible pour eux, et si l'un d'eux avait la curieuse idée d'emprunter la même direction qu'elles pour attester de ses propres yeux de l'existence d'une école ou d'un pensionnat, il revenait finalement bredouille, l'air déboussolé de quelqu'un qui ne se rappelait pas de ce qu'il était en train de faire ou de ce qu'il souhaitait faire. La population locale avait eu depuis cent ans le temps de s'habituer à la présence de ces demoiselles, et le commerce marchait relativement bien grâce à l'argent qu'elles dépensaient chaque mois.

Les pâtissiers en particulier pouvaient se vanter d'avoir au sein de leur clientèle l'exubérante Tracey Davis, occupée pour le moment à enfourner un énième gâteau dans sa bouche en soupirant d'aise chaque fois que sa langue entrait en contact avec la crème onctueuse des petits fours qu'elle avalait sans interruption.

- Pour la énième fois Tracey c'est répugnant, maugréa Daphné en plissant légèrement le nez de dégoût. Tu n'as vraiment aucune manière.

- J'en ai, mais uniquement quand nous sommes à Beauxbâtons, rétorqua patiemment sa meilleure amie en passant rapidement un doigt contre la commissure de ses lèvres avant de sucer le sucre qu'elle venait de récupérer.

- Si tu ne fais pas attention, tu vas finir par prendre du poids.

- Et alors? Souffla t-elle en reprenant une énième pâtisserie. Il paraît que l'on préfère les femmes bien en chair ces derniers temps, je ne fais que suivre les standards actuels. Tu devrais peut-être en faire autant, maigrichonne.

Daphné bouda et détourna la tête en concentrant toute son attention sur le premier buisson qui s'offrait à son regard, mais Tracey n'en avait toujours pas finie avec elle puisqu'elle revint immédiatement à la charge.

- Allons Daph', juste une seule ! Dit-elle tandis qu'elle lui en mettait une sous le nez. Juste une toute petite bouchée… Une minuscule becquée dans cette moelleuse pâte qui n'attend qu'un coup de dent pour fondre sous ta langue…

- Tu n'arriveras pas à me faire céder, certifia t-elle en détournant ostensiblement la tête dans la direction opposée. Et tu vas mettre du sucre sur mes dentelles !

Mais loin de s'avouer vaincue, Tracey sortit alors sa baguette magique, vérifia que les environs étaient libres, puis fit léviter le gâteau devant le visage de Daphné qui tentait de résister à l'appel de la chantilly qu'elle avait sous les yeux.

- Laisse toi tenter Daphné, argua avec malice Lucie en ricanant devant les assauts ininterrompus de leur camarade.

- Tu ne vas pas t'y mettre non plus ! Fulmina t-elle en leur adressant à chacune un regard qui en aurait fait trembler d'autres de peur.

- Moi? Mais je te serai au contraire gré d'aider Tracey à terminer cette boite ! Dit-elle en soupesant au passage la fameuse boite qu'elle tenait entre ses mains. C'est qu'elle n'est pas légère !

À présent, Tracey s'amusait à la frotter contre ses lèvres fermées. Malgré elle, le goût du sucre parvint finalement à sa langue, et perdant finalement patience, elle ouvrit la bouche et mordilla une partie non négligeable de la pâtisserie qu'elle avala dans la foulée.

- Oui ! S'écrièrent en chœur ses deux amies avant de taper dans la main de l'autre en signe de victoire. Tu n'auras jamais le dernier mot avec nous, Daph' !

- J'espère que vous me ficherez la paix maintenant, objecta t-elle en fusillant du regard Tracey.

Bientôt, elles empruntèrent un autre sentier s'enfonçant plus profondément dans la forêt. L'air se faisait plus frais, le soleil parvenait difficilement à percer le feuillage touffue des pins et des hêtres, et de petits oiseaux piaillaient autour d'elles sans qu'elles ne puissent apercevoir la moindre plume colorée. Sur leur passage l'herbe se mettait parfois à frémir et à bruisser lorsqu'un animal se sauvait effrayé. Leurs pas crissaient sur les feuilles mortes et les branches cassées tandis qu'un vent léger leur chatouillait les narines de temps à autre.

- Regardez, chuchota alors Lucie en pointant du doigt quelque chose devant eux.

Curieuse, Daphné plissa légèrement les yeux pour en identifier l'origine, mais ce fut en s'approchant davantage qu'elle reconnut la silhouette de sa sœur, légèrement inclinée et regardant plus profondément dans la forêt.

- Astoria ! L'appela t-elle en marchant à sa rencontre. Ohé !

- Shhht ! Siffla t-elle en lui accordant à peine un coup d'œil. Tu vas le faire fuir !

À ses côtés se trouvait également Rosie, le corps également fléchi, qui observait elle aussi la chose qui semblait les distraire toutes deux. Arrivée à leur hauteur, Daphné tourna sa tête, scruta l'obscurité relative autour d'elles à la recherche d'un phénomène curieux, d'une manifestation étonnante ou d'une scène hors du commun.

Mais il n'y avait rien d'autre qu'un petit faon.

- Qu'il est mignon ! chuchota Tracey en s'arrêtant de manger. Où est sa mère?

- On ne sait pas, marmonna Astoria sans le quitter des yeux. Cela fait bien dix minutes qu'on est là, et il est tout seul depuis tout ce temps.

- Vous pensez qu'on peut l'attirer avec un gâteau? Argua t-elle alors en fouillant dans la boite que portait toujours Lucie.

Daphné roula des yeux, mais malgré tout elle trouva la situation suffisamment captivante pour ne pas critiquer à voix haute la proposition de sa meilleure amie.

- Et si on le ramenait? Proposa Astoria en se tournant vers elle. Nous sommes cinq, on peut très bien l'encercler et se saisir de lui !

- Non Tory, trancha sa sœur. Il a déjà une famille, une maman qui doit probablement l'attendre quelque part et qui s'inquiète pour lui…

Elle remarqua au passage le bref tressaillement de Rosie, mais celui-ci fut si rapide qu'elle pensait l'avoir imaginé.

- Dans ce cas, que l'on cherche sa mère !

- Non, dit t-elle de nouveau. Il est déjà tard, et il est hors de question que tu t'aventures dans cette forêt. C'est dangereux ici quand on est seule, il y a des rôdeurs, des bêtes sauvages, et des pièges pour les chasseurs !

- Pff, souffla Astoria en se redressant.

Son souffle fut cependant suffisamment fort pour que le petit faon relève la tête, regarde quelques secondes dans leur direction, puis se sauve brusquement dans une course effrénée vers les profondeurs de la forêt.

- Comme ça c'est réglé, décréta Daphné en dardant un regard lourd sur sa petite sœur. Maintenant vous rentrez toutes les deux à Beauxbâtons !

Si Astoria bouda et marqua son mécontentement en s'éloignant d'elle pour reprendre sa marche en compagnie de Lucie et Tracey, noyant son amertume dans les pâtisseries de cette dernière, Rosie demeura immobile quelques instants supplémentaires, sa vue ne quittant qu'au dernier moment l'endroit entre deux épaisses racines où l'animal s'était enfui. Elle sursauta légèrement lorsque Daphné posa gentiment sa main sur son épaule, mais sans un mot elle obtempéra et se releva également.

- Tu as passé un bon après-midi, Rosie? Lui demanda t-elle d'un ton soucieux en jetant un coup d'œil en direction de la jeune fille qui demeurait toujours aussi muette.

- Mhh, répondit-elle distraitement.

- Je sais très bien quand tu ne vas pas bien, reprit Daphné en observant à quelques mètres devant eux le groupe de trois rire bruyamment. Tu ne peux rien me cacher ma chère sœur, et surtout tu n'as rien à me cacher. Si tu veux qu'on en discute encore, nous pouvons le faire maintenant.

- Il n'y a rien de plus à dire que la dernière fois, marmonna Rosie en croisant les bras. Maman n'a toujours pas été retrouvée, et nous n'avons aucune nouvelle de sa part depuis trois mois.

Puis serrant les poings, elle ajouta :

- Si je tenais entre mes mains cette vieille crapule de Dumbledore, je…

- Je sais, l'interrompit t-elle en l'empêchant d'énoncer l'entièreté de son vocabulaire grossier. En attendant nous ne pouvons rien faire d'autre qu'attendre, mais je suis certaine que nous finirons par la retrouver. Après tout, ton frère travaille jour et nuit à cela, et as-tu jamais eu l'occasion de douter de sa volonté à arriver à un résultat satisfaisant? Il n'arrêtera jamais tant qu'il ne l'aura pas arraché des mains d'Albus Dumbledore, quitte à les lui arracher au passage s'il le faut.

Ses yeux s'arrêtèrent sur le visage de sa belle-sœur, le temps pour elle de se rendre compte qu'une fois encore les larmes coulaient le long de ses joues, une triste habitude désormais à laquelle elle tentait de faire face depuis la disparition de Lily. Rosie pouvait laisser paraître une insouciance et une combativité de chaque instant quelle que soit la situation à laquelle elle se retrouvait confrontée, mais ces trois derniers mois avaient laissé depuis longtemps leur marque sur la façade qu'elle tentait de montrer à tous, cette froideur de chaque instant qui voulait faire croire à chacun qu'elle n'était pas aussi atteinte qu'on voulait bien le croire et qu'elle surmontait de manière convaincante la situation.

Seule, la jeune fille révélait alors une fragilité qu'on ne lui connaissait guère, et une volonté d'épancher sa souffrance dès que l'occasion se présentait. Daphné remplissait parfaitement le rôle que lui avait confié Marie-Louise, et outre l'épaule consolatrice sur laquelle pouvait venir pleurer Rosie quand l'absence devenait trop lourde, elle parvenait avec ses maigres moyens, les mots tendres et rassurants que la jeune fille souhaitait entendre, à lui maintenir la tête hors de l'eau.

Lentement, elle sortit sa baguette magique qu'elle pointa vers le visage de sa belle-sœur, et sans prononcer la formule, elle fit disparaître les traces de larmes qui sillonnaient encore sa peau.

- Voilà qui est beaucoup mieux, dit-elle avant de se pencher pour lui embrasser le sommet de son crâne.

Rosie esquissa un sourire timide avant de poser sa tête contre l'épaule de Daphné qui passa son bras dans son dos pour la réconforter. Les quatorze ans de la jeune fille commençait véritablement à se ressentir, et la duchesse ne put s'empêcher de songer tristement à la demoiselle vive et insolente qui s'échinait autrefois avec sa sœur à la tourmenter à longueur de journée.

Comme le temps passait vite…

Bientôt, les remparts de l'académie apparurent dans leur champ de vision, et l'instant d'après, les portes d'entrée furent dépassées. La cour était encore illuminée par un soleil qui commençait à disparaître derrière l'une des tours de Beauxbâtons, et les étudiantes par groupes entiers se prélassaient dans l'herbe fraîchement coupée en profitant des dernières journées chaudes de la saison. L'envie fut grande de les rejoindre, mais le groupe de cinq opta plutôt pour se réfugier à l'intérieur de l'académie, s'asseoir quelques instants sur les marches de l'escalier, et souffler de soulagement à l'idée d'être finalement arrivées à destination.

- Rappelez-moi de rester bien au chaud ici lorsqu'il nous prendra l'idée d'aller nous promener cet hiver, souffla Tracey en se massant les pieds. Plutôt mourir que d'affronter la neige sur une telle distance.

- On ne traîne pas dans les couloirs Mesdemoiselles, intervint alors Madame Beaumont en passant à proximité d'elle. Rendez-vous dans le réfectoire, le repas va bientôt commencer. Madame la duchesse, laissez-moi vos rouleaux, je vais les déposer dans vos appartements.

- Oh… Merci Madame Beaumont, mais je pouvais y aller maintenant, argua Daphné tandis que la directrice adjointe les faisait léviter vers elle.

- Inutile, je m'apprêtais justement à aller dans cette partie du château, affirma t-elle avant de disparaître derrière une porte. Dépêchez-vous maintenant !

Toutes les cinq ne se firent pas prier et se précipitèrent vers ladite pièce d'un pas pressé. Le réfectoire commençait effectivement à être rempli, et par chance, elles parvinrent à se trouver une table circulaire autour de laquelle chacune put s'asseoir à son aise. Les couverts et plats demeuraient encore vides, et la table professoral tout autant. Aussi, devant l'absence de toute présence d'autorité, les conversations fusaient allégrement aux quatre coins de la grande pièce.

- Je ne pensais pas avoir aussi faim, argua Rosie en se massant le ventre qui émettait des grognements sonores sous les ricanements bruyants des autres.

- Moi c'est l'inverse, marmonna Tracey en soupirant. J'ai trop mangé sur la route…

- Ah ça ! Je te l'avais bien dit ! Répliqua Daphné d'un ton triomphant.

Une piqûre soudaine sur la jambe la fit soudainement sursauter. Circonspecte, elle regarda sous la nappe, mais rien de dangereux ou de piquant n'était visible.

- Tu as perdu quelque chose? Lui demanda malicieusement sa meilleure amie.

Daphné fronça les sourcils tandis que de nouveau, les autres se remettaient à ricaner ouvertement.

- Tu iras te consoler de ta longue marche dans ton dortoir ce soir, dit-elle impérieusement en croisant les bras contre sa poitrine. Et cela vaut également pour toi, Desmoulins. La porte de mes appartements vous sera fermée jusque demain.

- Oui Madame la duchesse, répondirent elles en chœur en hochant leur tête.

- Et nous? Demanda Astoria.

- Rosie pourra venir autant de fois qu'elle le voudra. Toi en revanche… Je préviendrai Madame Beaumont de tes allées et venues. J'ai hâte de te voir nettoyer le couloir des enchantements avec une brosse, et je prendrai un malin plaisir à venir y marcher avec des chaussures boueuses.

- Tu n'oserais pas ! Éructa sa sœur en pointant un doigt accusateur vers elle.

Mais Daphné garda pour plus tard sa remarque en voyant les professeurs s'asseoir les uns après les autres à leur table, Madame Maxime terminant le bal en saluant de sa voix douce et d'un sourire lumineux ses élèves.

- Avant que nous commencions, je voudrais aborder deux points essentiels avec vous, annonça t-elle plus solennellement en dominant de toute sa hauteur l'ensemble des personnes présentes. Dans un premier temps, le courrier est arrivé.

Et dans la foulée, des lettres par centaines atterrirent dans les assiettes devant elles. Daphné eut la joie de voir une petite pile se former dans la sienne, mais après vérification, aucune n'était de son mari. La déception disparut toutefois rapidement lorsqu'elle vit le sceau de son père sur l'un des papiers, et un sourire en direction d'Astoria lui assura qu'elle aussi avait reçu des nouvelles de leurs parents.

- Deuxièmement, reprit la directrice, je dois à présent vous faire la lecture d'une lettre officielle émanant du gouvernement de l'Empire… notifiée et signée de la main de l'Empereur lui-même.

L'annonce déclencha un silence assourdissant tandis qu'une centaine de paires d'yeux étaient désormais dirigées sur le long parchemin que tenait entre ses mains la directrice. Jamais encore l'Empereur n'avait

daigné s'adresser à elles, et si l'occasion arrivait enfin, c'est que la raison devait être suffisamment importante pour attirer leur attention sur un sujet qui les concernait. Daphné gardait pour elle l'hypothèse qui se forgeait dans sa tête, et si celle-ci se confirmait, sa petite soirée aux tuileries le mois dernier n'y était peut-être pas étrangère.

Madame Maxime resta encore muette quelques instants, le temps pour elle de s'assurer d'une attention pleine et entière de ses élèves et d'un silence absolu qu'elle n'eut pas besoin d'exiger tant il était grand, puis reprit la parole d'une voix forte, solennelle, et d'un ton grave adapté aux circonstances :

«NAPOLÉON,

Par la grâce de Dieu, Empereur des français, etc., etc., etc.,

À L'ADRESSE DES SORCIERS.

Sorciers ;

La France est riche de sa diversité, de ses innombrables communautés locales et des traditions qui ont façonné depuis des siècles son Histoire. Cette mosaïque de peuple a ainsi conçu la plus grande Nation de ce monde, et des mers australes à l'Inde, des Amériques aux côtes africaines, elle a su depuis longtemps montrer aux autres peuples la puissance qui était la sienne et qui l'est encore maintenant.

De cette mosaïque, de ce peuple si fier, si déterminé et téméraire, prêt à guerroyer des années durant contre l'Europe coalisée sans jamais faillir à son devoir, à verser son noble sang sur les terres étrangères au seul bénéfice d'une gloire éternelle, vous, sorciers, êtes l'une de ces si nombreuses communautés dont votre Empereur peut affirmer avec certitude et conviction son attachement et la fierté qui l'anime de la compter parmi ses plus fidèles sujets.

Je sais les douleurs qui ont été les vôtres ces dernières années, et comme le père de la Nation Française, je les partage de tout mon cœur et je demeure saisi d'un profond élan d'affection pour le dévouement dont vous avez su faire exemple à de si nombreuses reprises par le passé...»

La directrice arrêta brièvement sa lecture pour observer quelques secondes les jeunes demoiselles devant elles, se doutant probablement que nombre d'entre elles avaient pu perdre un père, un oncle ou même un frère durant les dernières guerres entreprises par l'Empereur. Daphné elle s'estimait heureuse de ne pas en être pour le moment, mais le danger n'était jamais loin, et Harry n'était pas à l'abri du risque lui non plus.

« Mais ces efforts sont aujourd'hui menacés par un ennemi insidieux, rampant et s'insinuant jusque dans nos foyers pour distiller les graines dont il n'est que l'arbre mais dont les racines se répandent toujours plus loin pour souiller notre terre et nos esprits : Cet ennemi, c'est le doute, et celui qui se donne la peine de le disperser, l'Angleterre.»

Intriguée, Daphné tendit davantage l'oreille pour écouter les élucubrations de l'Empereur des français. Ce n'était pas faute de s'intégrer depuis plus de six ans dans un pays qui était continuellement en conflit avec le sien, fallait-il maintenant que cet homme distille lui-même ces graines du doute dans l'esprit de ses camarades quand il se plaignait du même traitement de la part de l'Angleterre? En tout cas, il s'y prenait admirablement bien.

«La prospérité de notre Empire est depuis toujours menacée par les procédés iniques de l'Angleterre, nos vœux de paix, d'entente et d'apaisement contrecarrés par les desseins moribonds de notre plus vieille ennemie, notre volonté de bâtir un avenir meilleur pour chacun d'entre nous condamnée aux gémonies de la perfide Albion.

Notre grande œuvre, cet empire si immense bâti par la force des baïonnettes et de la poudre est aujourd'hui encore et toujours menacée par le gouvernement du roi George III et de ses augures qui rivalisent d'ingéniosité pour réduire à néant le sacrifice de tant d'hommes tombés au combat pour la gloire du pays qui m'a mis à sa tête aujourd'hui.

Pour autant, leur situation n'est guère enviable, et si l'esprit de concorde règne entre nous dans une harmonie parfaite, il en est tout autre chez eux. Je ne vous apprendrai rien des troubles qui animent vos semblables de l'autre côté de la Manche, et de la montée de l'anarchie la plus absolue qui divise les sorciers anglais. Je vous sais conscient des enjeux qui s'y jouent et des tentatives laborieuses du gouvernement Tory d'exporter sur nos terres les mêmes difficultés qu'ils rencontrent aujourd'hui avec cette poignée de séditieux mettant à mal l'autorité de l'État».

- C'est drôle, le gouvernement anglais persiste à nier le retour de Voldemort alors que les français l'ont déjà acté, nota discrètement Tracey pendant que Madame Maxime continuait sa lecture.

- Il craint surtout que les troubles rencontrés là-bas finissent par rejaillir ici, dit Daphné. Il a déjà eu fort à faire avec ses dernières guerres, les révoltes qui éclatent encore de temps à autre en Vendée et les complots des républicains et royalistes pour le renverser pour ne pas ajouter à cela un soulèvement des sorciers.

- Tu es très renseignée dis moi…, marmonna sa meilleure amie en souriant légèrement.

- Tu le serais également si tu avais épousé quelqu'un qui se mêle malgré lui de politique.

«… Aussi est-il désormais et jusqu'à nouvel ordre formellement interdit de vous rendre en Angleterre, d'être surpris en compagnie d'un séditieux, de fomenter des complots mettant en danger l'intégrité et la solidité du socle sur lequel repose nos institutions, de porter secours d'une quelconque façon que ce soit à cette rébellion moribonde et d'importer ici les germes de cette mauvaise essence dans le but affirmé de mettre à mal l'autorité de notre État sous peine de sanctions exemplaires. Quiconque outrepassera ces recommandations n'aura alors pour lui que la miséricorde divine et le pardon de Dieu lorsque notre justice l'aura rappelé à lui.

En promettant la paix au français, j'ai été votre organe ; je connais votre valeur. Cette paix, je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour vous l'assurer, pour assurer la prospérité de mon Empire et de ses sujets. Sorciers, soyez assurés encore une fois de mon profond attachement à votre égard, du respect des capacités innées qui vont ont été offertes par notre Seigneur et de ma volonté de toujours veiller à conserver votre estime pour les années à venir afin que plus tard, et sans rougir, je puisse dire de vous : Regardez ces gens, je les proclame de la race des braves et des plus grands soutiens à la patrie !

Signé Napoléon».

- Qu'est-ce que ça veut donc dire tout ça? Marmonna nerveusement Astoria lorsque leur directrice leur fit signe de pouvoir enfin manger.

Au même moment, et à mesure qu'elles choisissaient les plats proposés sur le menu, les assiettes commençaient à se remplir de différents mets qui leur mit l'eau à la bouche.

- Ce n'est quand même pas l'annonce d'une guerre imminente? Ajouta Lucie.

- Je ne pense pas, intervint Daphné bien que certaines formules employées par l'Empereur lui semblaient assez ambiguës. Je pense que c'est simplement… un avertissement. Si nous nous tenons éloignées des troubles qui agitent l'Angleterre, alors il ne nous arrivera aucun mal. Dans le cas inverse, les risques sont énormes.

- Mais Maman et papa… ils sont là-bas. Est-ce que ça veut dire qu'on ne pourra plus les voir?

Le ton presque larmoyant de sa sœur lui fit lever les yeux de son assiette pour rencontrer les siens, et instinctivement, à l'image des gestes qu'elle avait pour Rosie chaque fois que l'on abordait le sujet de Lily, elle prit délicatement la main d'Astoria qu'elle pressa fermement dans la sienne.

- Maman et papa pourront venir à n'importe quelle occasion à Lamballe, lui assura t-elle en souriant. Leur cheminée et la nôtre sont reliées… Et de toute façon, ils n'ont aucune part dans la rébellion de Voldemort, ils ne seront jamais inquiétés à ce sujet.

- ça n'enlève rien au fait qu'il nous est désormais interdit de pouvoir nous rendre là-bas, objecta toutefois Tracey en pointant une fourchette accusatrice vers elle. L'inverse est possible, mais c'est tout.

- Qu'y ferions nous de toute manière? Ce n'est pas comme si nous y mettions les pieds constamment. Et à la vitesse où vont les choses, je suis certaine que d'ici quelques temps, les choses se seront déjà apaisées.

Sa remarque sembla suffisamment rassurante pour calmer les esprits quelque peu agités autour de leur table, mais certaines questions, demandant davantage de réflexion, demeuraient pour le moment sans réponse. Daphné pensait en outre que les possibilités d'intervention d'Harry dans son conflit avec Voldemort s'en trouvaient subitement limitées et dangereuses ; Dumbledore n'avait pas pris soin de le rappeler à lui depuis un moment maintenant, mais si d'aventure le vieil homme nécessitait de nouveau les services de son mari, alors elle craignait que cela lui fasse encourir davantage de risques qu'auparavant.

- Alors ça c'est curieux, intervint alors Lucie alors que plusieurs minutes de silence venaient de passer sans autre incident majeur.

- Qu'y a t-il? Marmonna Tracey tandis qu'elle parlait la bouche pleine.

Une tape sur l'arrière du crâne de la part d'Astoria la fit sursauter et manquer de peu de s'étouffer. Le visage constellé de sauce, elle fronça les sourcils dans sa direction, mais elle rencontra la mine satisfaite qu'arboraient les deux sœurs Greengrass.

- J'ai reçu une autre lettre de Neville, expliqua Lucie tandis que Rosie gloussait aussitôt en jetant des coups d'œil indiscrets vers la lettre qu'elle tenait.

- épargne nous donc les détails de votre correspondance et des pensées obscènes que peut avoir ce garçon à ton égard, s'indigna faussement Tracey sous les rires des deux plus jeunes. Nous sommes à table !

Lucie se mit immédiatement à rougir, mais un hochement de tête de Daphné l'intima à poursuivre :

- Il dit… Il dit que Matthew Potter aurait disparu depuis environ une semaine après avoir agressé leur directrice d'école, dit-elle en plissant légèrement les yeux tandis qu'elle tentait de comprendre l'écriture de Neville. Apparemment elle l'aurait accusé d'avoir volé à un autre élève un diadème, et depuis il n'a pas été revu à Poudlard.

- La belle affaire, ricana Tracey avant de boire une gorgée d'eau. Ce pourceau s'est sans doute réfugié dans les cuisines de l'école pour s'empiffrer en attendant que le vent tourne.

- Tes mots Tracey, la sermonna fermement Daphné en la fusillant du regard. On ne connaît pas les tenants de cette affaire, et même si je ne l'aime pas non plus, je n'ai pas à parler ainsi de lui.

Ses yeux rencontrèrent ceux de Rosie, et même si aucune parole ne fut échangée entre elles, Daphné savait qu'elle devait probablement partager la même curiosité incrédule, le même questionnement concernant cette curieuse affaire qui concernait leur demi-frère. Les événements semblaient s'enchaîner à la vitesse d'un cheval au galop, si rapidement qu'il était difficile de pouvoir les attraper en vol ou de tenter d'en comprendre la plus petite facette avant qu'un autre ne lui succède et ne les oblige à reconsidérer leur opinion. Mais l'étrangeté de l'affaire était suffisamment important pour qu'elle prenne une résolution à laquelle elle s'attellerait dès ce soir :

En tenir informé son époux.


A/N : Chapitre terminé. J'avais envie d'une petite incartade loin de Poudlard, mais également loin d'Harry, et ce chapitre était tout désigné. Il est plus insouciant d'une certaine façon, il fait retomber la tension des derniers chapitres et nous permet de nous recentrer un petit instant sur Daphné et Beauxbâtons. Bref, j'ai aimé l'écrire.

Donc finalement, Napoléon réagit... En bien ou en mal? Interdire toute communication avec les sorciers anglais sera t-il productif ou non? Cela pourrait avoir une incidence sur l'implication d'Harry dans la lutte contre Voldemort? Cela cacherait-il autre chose? Vous le saurez bientôt.

J'ai d'ailleurs eu quelques difficultés à écrire cette annonce, je me suis inspiré de beaucoup de proclamations et d'adresses aux français écrites par l'Empereur pour essayer de coller au mieux au style employé, et je pense avoir relativement bien réussi.

Le prochain chapitre n'est pas du tout écrit : C'est un rajout de dernière minute (ou de semaine, j'y pense depuis dimanche dernier), sans incidence véritable sur l'histoire mais je tenais à l'ajouter pour éviter que les événements se précipitent trop brutalement. Reste maintenant à trouver la motivation de l'écrire, mais bon avec la semaine à venir j'aurais tout le loisir pour le faire.

à bientôt !