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Chapitre n°44 :

Encore une nouvelle réputation


Enveloppé d'un sentiment irréel, Bane s'avança avec raideur jusqu'à l'escalier qui menait vers la chaleur et le refuge des étages inférieurs. L'assemblée s'écarta rapidement pour le laisser passer. La plupart des apprentis le fixaient avec des expressions de peur et de complet étonnement, mais il y prêta à peine attention. Il emprunta l'escalier, toujours auréolé de cette étrange stupeur, interrompue par le cri de Githany.

- Bane ! l'interpella-t-elle.

Il se retourna et la vit se hâter de le rejoindre. Ses cheveux mouillés étaient plaqués sur son visage et son front. Ses vêtements détrempés lui collaient à la peau et accentuaient chacune de ses courbes parfaites. Elle haletait, et Bane ne savait si cet essoufflement était dû à son excitation ou au fait qu'elle ait couru.

Il l'attendit au pied de l'escalier. Elle descendit rapidement les marches, et il crut un instant qu'elle allait se jeter dans ses bras. Elle s'arrêta cependant à la dernière seconde, à quelques centimètres de lui.

Githany prit quelques instants pour recouvrer son souffle. Puis, elle s'adressa à lui à voix basse, mais sur un ton sévère.

- Qu'est-ce qui s'est passé, là-haut ? Pourquoi tu ne l'as pas tué ?

Au fond, il s'était un peu attendu à cette réaction, mais il avait toutefois espéré qu'elle l'avait suivi pour le féliciter. Il ressentit une sorte de déception.

- Il m'a envoyé dans la cuve de bacta lors de notre premier duel. Je viens de lui faire subir le même sort, répondit-il. C'est ma vengeance.

- C'est stupide ! Rétorqua-t-elle. Tu crois que Sirak va oublier ce qui vient de se passer ? Il finira par revenir, Bane, comme tu l'as fait. Tu ne pourras pas l'en empêcher. Tu viens de manquer une belle opportunité de mettre un terme définitif à votre rivalité, et je veux en connaître la raison.

- J'avais levé mon sabre pour lui donner le coup fatal, lui rappela Bane. Le Seigneur Kas'im s'est interposé avant que je ne puisse l'achever. Les Maîtres refusent de perdre l'un de leurs meilleurs éléments.

- Non, lança-t-elle en secouant la tête. Ta lame était effectivement levée, mais ce n'est pas Kas'im qui t'a arrêté. Tu as hésité. Quelque chose t'a retenu de le faire.

Bane savait qu'elle avait raison. Il avait hésité. Pourtant, il n'était pas sûr de savoir pourquoi. Il tenta de l'expliquer à Githany – et, par la même occasion, à lui-même.

- J'ai déjà tué un adversaire dans le cercle. Qordis m'a sermonné pour la mort de Fohargh. Il m'avait prévenu de ne jamais recommencer. Je... Je suppose que je me suis soucié de la réaction des Maîtres si j'avais tué un autre apprenti.

Githany plissa les yeux de colère.

- Je croyais qu'on ne se mentait plus, Bane.

Il ne s'agissait pas d'un mensonge. Pas exactement. Mais ce n'était effectivement pas non plus la pure vérité. Il s'agita, se sentant mal à l'aise, son regard exalté trahissant sa culpabilité.

- Tu n'as pas pu le faire, renchérit-elle en pressant un doigt accusateur sur sa poitrine. Tu as senti le Côté Obscur t'envahir et tu as reculé.

Bane ressentait maintenant la même colère qu'elle.

- Tu te trompes, lui lança-t-il brusquement en repoussant son doigt. J'ai reculé pour m'éloigner du Côté Obscur après la mort de Fohargh. Je sais ce que cela signifie. Là, c'était différent.

Il disait la vérité. Après la mort du Makurth, il s'était senti vidé comme si quelque chose lui manquait. Aujourd'hui, il pouvait encore sentir la Force couler dans ses veines, glorieuse et sauvage, l'emplissant à la fois de chaleur et de puissance. Il maîtrisait et contrôlait toujours le Côté Obscur.

Githany n'était pas convaincue.

- Tu ne veux toujours pas céder complètement au Côté Obscur, lui reprocha-t-elle. Sirak s'était montré faible et toi, miséricordieux. Ce n'est pas la voie des Sith.

- Que connais-tu de la voie des Sith ? lui cria-t-il. C'est moi qui ai lu les textes anciens, pas toi ! Tu avances dans les pas de Maîtres qui ont oublié et même rejeté leur passé.

- Où as-tu pu lire dans ces textes qu'il fallait se montrer miséricordieux envers un ennemi mis à terre ? lui demanda-t-elle avec dédain.

Courroucé par son discours, Bane la poussa avant de détourner les talons. Elle retrouva l'équilibre, mais garda ses distances.

- Tu es simplement en colère parce que ton beau projet ne s'est pas réalisé, grommela-t-il sans vouloir la regarder.

Il aurait souhaité lui en dire plus, mais il savait que les autres apprentis les rejoindraient bientôt et il ne voulait pas qu'ils les surprennent en train de parler ensemble. Il décida de s'éloigner et de l'abandonner à son sort.

Githany le suivit des yeux, le regard froid et calculateur.

Elle avait été impressionnée de le voir jouer ainsi avec Sirak dans le cercle. Il lui avait paru invincible. Mais lorsqu'il avait renoncé à tuer le Zabrak sans défense, elle avait rapidement compris ce qu'il s'était passé. C'était une faiblesse chez lui qu'il refusait d'admettre, mais qui existait bel et bien.

Une fois l'ardeur de l'instant disparue, et l'influence du Côté Obscur relâchée, sa soif de sang s'était apaisée. Sans provocation, il n'avait pas réussi à tuer son ennemi juré. Ce qui signifiait probablement qu'il ne parviendrait pas à tuer Githany si, d'aventure, elle devait l'affronter un jour.

En décelant sa faiblesse, elle modifiait à nouveau la nature de leur relation. Elle s'était récemment mise à craindre Bane, redoutant que le jour où il voudrait s'en prendre à elle, elle ne soit peut-être pas assez forte pour lui résister. Elle savait maintenant que cela n'arriverait pas. S'il ne possédait pas une bonne raison de le faire, il était tout simplement incapable de tuer un allié.

Heureusement, elle ne connaissait pas ce genre de faiblesse.