Je ne possède pas les personnages de Skip Beat.
(J'ai arrêté ma lecture au chapitre 177 donc je tiens compte des événements jusque là)
Perdre et trouver
Chap 1 : Fini de jouer
Le tournage du rôle de BJ arrivait à son terme. Elle avait été son talisman protecteur, elle avait contenu par sa seule présence la noirceur de son cœur. Elle, juste elle était l'antidote et le poison. Elle avait sauvé Kuon mais il sombrait davantage dans un amour irraisonné. Enfermés dans leurs rôles de Cain et Setsu Heel, il avait été proche d'elle, trop proche. Plus elle était entré dans le rôle de Setsu et plus elle avait fait preuve d'attention envers lui. Inconsciemment, elle en venait à le suivre partout tout comme Setsu l'aurait fait normalement. Elle en venait à avoir des gestes tendres, à l'enlacer, le toucher et il avait bien failli a de nombreuses reprises sortir de son rôle pour succomber à ses désirs. La situation en avait été délicieusement douloureuse et c'est avec un mélange d'amertume et de soulagement qu'il terminait la dernière scène du film. Ce soir, il retournerait à sa vie en tant que Ren Tsuruga. Ce soir, il dormirait seul dans son appartement. Il dormirait enfin après toutes ces nuits de tentations qui lui rongeait les entrailles. En était-il vraiment heureux ? Il ne pouvait pas l'affirmer. Mais après tout ce temps passé tous les deux seuls, il avait perdu tout espoir. Elle ne le considérait même pas comme un homme et il devait s'en faire une raison.
En sortant du studio ce soir là, ils retournèrent ensemble à l'hôtel prendre leur effet. Dans le taxi, Cain et Setsu restèrent muet. Cain regardait par la fenêtre tandis que Setsu somnolait la tête reposant nonchalamment contre l'épaule de son « Grand frère ». Les rues de la ville défilaient sous ses yeux. La nuit était tombée depuis quelques heures déjà et les blocs de béton vidés de l'animation de ses commerces prenaient des allures triste. Il laissa échapper un soupir. Il se sentait si seule bien qu'elle soit contre lui. Il n'existait pas pour elle autrement que dans ce rôle de « Grand frère » en tant que Cain ou de « Senpaï » en tant que Tsuruga Ren. Il baissa les yeux vers la tête appuyée sur lui. Il entama un mouvement pour lever sa main vers elle et se retint en serrant le poing.
Tout cela ne servait à rien. Il ferait mieux de l'oublier.
Il reposa son poing sur la banquette et ferma les paupières pour chercher au fond de lui concentration et force. Il devait lutter contre lui-même, lutter contre ce sentiment qu'il n'avait pas le droit d'éprouver. Il réussirait comme il avait réussi autrefois à contenir sa noirceur. Il réussirait car il n'avait pas le choix. Il se vaincrait, dusse-t-il enfermer son cœur dans une gangue de glace. Telle était sa résolution et son nouveau combat.
Blottie contre lui, elle se laissait bercer par les mouvements du véhicule. Le visage pressée contre le cuir de sa veste, elle s'enivrait de son parfum qu'elle reconnaissait au milieu de l'odeur de cigarette qui s'était attachée à ses vêtements. Elle ne saurait dire pourquoi, mais cette odeur, la sienne, suffisait à elle seule à l'apaisée. Instinctivement son bras se tendit et s'enroula autour de la taille du jeune homme. « Son frère » ! « Son très cher frère »... était tout contre elle. Elle sourit dans son sommeil. Voilà ce qui était la définition même du bonheur pour Setsu.
Cela faisait trois mois qu'elle était sa soeur. Trois mois qu'elle partageait son quotidien. Ce rôle, elle en était venu à l'aimer encore plus que celui du jeune Kuon. Elle ne se lassait pas d'être Setsu, de se chamailler avec Cain, de le pousser dans toutes sortes de situation pour voir ses expressions de visage changer, de le découvrir chaque jour un peu plus. Elle aimait tellement... le voir... le toucher... le sentir. Elle... Elle aimait tellement... être avec lui. Ce soir serait leurs dernières heures ensemble. Elle savait d'avance que clore un tel personnage allait la plonger dans un sentiment de solitude comme le lui avait dit « son père ». Elle se serra un peu plus contre lui comme pour empêcher la vie de reprendre son cour, comme si ce simple geste pourrait le retenir auprès d'elle.
La voiture s'immobilisa devant le hall de l'hôtel. Le conducteur transi de terreur soupira de soulagement quand le géant vêtue de noir de la tête au pied sorti de son véhicule et que la demoiselle l'accompagnant régla la course. La voiture s'ébranla sitôt la portière refermée et de son rétroviseur, il les regarda entrer dans le bâtiment. Il avait eu la peur de sa vie en les voyant pénétrer dans l'habitacle. Il s'était demandé pendant tout le trajet s'il ne finirait pas retrouvé assassiné dans une ruelle sombre. Cette nuit il retrouverait sa famille en remerciant le ciel d'être toujours en vie.
Cain pénétra dans l'hôtel toujours suivit de Setsu lui collant au pas. Il ignora les regards qui se posaient sur eux, le visage fermé comme à son accoutumé, il avança sans se retourner. Sestu referma la porte de la chambre derrière elle, ainsi la fin du jeu arrivait. Elle était statique dans ce petit corridor, elle avait presque envie de pleurer tant elle avait l'impression de perdre quelque chose de précieux. Elle regarda son « frère » évoluer dans la chambre, une cigarette coincée entre ses lèvres. Il empaquetait ses affaires impassible. En effet, pour lui c'était différent ! Il était un acteur professionnel. Ce n'était qu'un rôle parmi tant d'autre. Pour lui c'était juste un travail qui se terminait... Elle enviait son détachement. Elle admirait son professionnalisme. Il était tellement fort, si doué dans son jeu d'acteur.
« Setsu ne reste pas planté là ! Ne compte pas sur moi pour te faire ton sac, tu es assez grande pour le faire toute seule...
J'arrive onee-san ! »
Il s'était assit sur son lit et terminait sa cigarette en attendant celle qui était sensé être sa sœur. L'esprit de Cain l'avait prématurément quitté et il dut se concentrer pour trouver tout au fond de lui toute la force nécessaire pour ne pas capturer entre ses bras la fine silhouette qui le dos tourné remplissait son bagage. Il s'imagina la serrant contre lui et l'embrassant avant de... Il se ravisa rapidement avant de se laisser submerger par ses désirs. Dans un mouvement brusque, il se leva et attrapa sa valise. Elle resta une seconde stupéfaite par sa réaction puis lui bondit dessus dans le couloir.
« Où vas-tu onee-san ? Attends-moi j'ai presque fini ! »
Son regard se posa sur la jeune fille qui s'agrippait à son bras avec tant d'ardeur. Une expression de peine se glissa une fraction de seconde dans ses yeux avant d'être aussitôt camouflé par son jeu d'acteur. Il l'aimait au point d'en avoir mal. Il l'aimait au point de ne plus pouvoir réussir à se contrôler s'il restait encore à côté d'elle. Il devait s'écarter coûte que coûte. Il tourna son visage vers la porte, apparemment impassible, mais cette manœuvre n'était là que pour ne plus la voir, pour ne pas se laisser tenter.
« Je pensais prendre un peu d'avance auprès de Miss Jelly Wood... nous nous retrouverons en bas Mogami san »
« Mogami san », il l'avait appelé par son vrai nom, le jeu était donc fini. Elle relâcha la manche de son vêtement et le laissa partir. Elle était restée fixer cette porte pendant un moment indéfinissable. Le jeu était fini. Elle se sentait seule et perdue. Elle s'était retenu de le prendre dans ses bras et de lui demander de rester quelques secondes encore, quelques minutes... quelques heures. Elle ne voulait pas que ça se termine. Elle ne voulait pas. Sans doute était-elle encore sous l'emprise de l'esprit de Setsu pour vouloir ainsi se blottir encore une fois contre lui...
Elle soupira, en tant que « Mogami-san », elle n'avait pas de droit d'avoir de tel geste envers son sempaï. Il fallait qu'elle permute ses émotions et qu'elle redevienne elle-même. Elle s'étala de tout son long sur le lit qu'il occupait normalement et enfouit sa tête dans son oreiller pour étouffer un sanglot. Une larme s'enfuit et alla s'écraser contre le tissu. Elle ne savait pas trop quoi penser, quoi ressentir. Qui était-elle au juste ? Elle avait l'impression de ne plus être Setsu, mais elle ne savait pas ce qu'était toutes ces émotions qui se bousculaient dans sa tête. Etait-ce l'effet résiduel dût à un rôle vécu et développé sur une durée aussi longue ? Etait-ce parce qu'elle avait aimé être Setsu ?... Parce qu'elle avait aimé lui donné la réplique ? … Être avec lui ?
Le visage savamment enfoncé dans l'oreiller, elle reconnu son odeur accroché au tissu. Les paupières fermées, elle se laissa submerger par un flot d'image, ses dernières mois, ses dernières semaines, ces derniers instants... Elle s'arracha à ses rêveries en sentant un tremblement secouer le coffre des cauchemars dans les profondeurs de son coeur. Elle poussa presque un hurlement de terreur en comprenant que l'effet « Tsuruga » avait failli l'ébranler encore. Haletante, elle se précipita dans la salle de bain et s'aspergea le visage d'eau froide. Elle effaçait son maquillage comme pour enlever ses émotions. Il lui fallu plusieurs minutes pour se ressaisir complètement, pour se convaincre qu'elle était redevenue elle-même. Quand finalement elle se regarda dans le miroir, elle put se sourire. Elle n'y voyait plus que le reflet de son visage normal bien qu'elle portait encore la perruque de Setsu. Elle avait retrouvé sa raison.
Ren rejoignit la caravane de Miss Jelly Wood dans le parking de l'hôtel. Pour « l'Adieu » au rôle de Cain et Setsu, le président était également présent. Il accueillit le jeune acteur avec un sourire en coin.
« Alors Ren, ce tournage s'est bien passé ?
Humm
Et où es ton charme protecteur ?
Elle arrive
Tout s'est bien passé entre vous ?
Humm
Tu n'es pas très bavard... tu ne veux pas m'en dire plus ?
Il n'y a rien à dire... Je vais retrouver l'identité de Tsuruga Ren maintenant si vous le voulez bien...
Le président scruta le visage du jeune homme pendant qu'il avançait vers l'intérieur de la caravane.
« Ren... Dis-moi...
Il n'y a rien du tout... »
S'il ne le connaissait pas aussi bien, il n'aurait pas ressenti ce gouffre, cette souffrance qu'il enfouissait sous son masque impassible. Qu'avait-il fait en les poussant l'un vers l'autre ? En cette seconde, il avait l'impression d'avoir agrandi la blessure de son protégé, de l'avoir tirer d'une souffrance pour le jeter dans une autre.
Kyoko ne tarda pas à les rejoindre. Pour elle-aussi, l'ambiance était tendue. Elle ne semblait pas tout à fait à l'aise, mais elle s'efforça de sourire comme à son habitude en rencontrant le regard du président. Elle avait un peu honte d'être aussi troublée. Elle s'en voulait de ne pas être une véritable actrice comme Tsuruga Ren qui pouvait passer d'un rôle à l'autre sans rencontrer ce genre de problème. Les yeux baissés, elle croisa son Sempaï qui avait recouvert son apparence normale et entra à son tour récupérer ses effets personnels pour se changer.
L'acteur semblait avoir reprit complètement le contrôle de ses émotions. Il s'était assis à côté du président dans la voiture qui devait les ramener dans leur domicile respectif. Lory resta à le regarder quelques minutes avant de se décider à briser le silence.
« Ren, je suis là si tu as besoin de parler...
Il n'y a rien à dire, mais...
Mais ?
J'ai une demande...
laquelle ? »
Le visage regardant droit devant, la voix calme, il annonça qu'il souhaitait prendre quelques jours de repos. Dans une situation différente, le président l'aurait sans doute railler, lui le bourreau de travail. Dans une situation différente, il lui aurait posé mille question, sur ses raisons, sa destination et tout ce qui aurait pu lui passer par la tête. Mais en cet instant, il savait que Ren était à bout, qu'il était sur le point de chuter dans les abîmes et qu'il avait besoin de ses quelques jours pour retrouver la force d'accomplir ses rêves. Il regarda le visage du jeune acteur qui affichait un masque marmoréen. Aucune question n'aurait pu venir à bout de cette armure dans laquelle il venait de s'enfermer.
« Prend autant de jours que tu veux, après tout ça doit bien faire cinq ans que tu n'as pas pris de vacances
Une semaine... Dix jours tout au plus me seront amplement suffisant. »
Le président hocha la tête pour signifier son accord. Comment aurait-il pu lui refuser quoi que ce soit ?
Kyoko et Miss Jelly Wood les rejoignirent détendant rien que par leur arrivée l'ambiance lourde de silence qui pesait dans la voiture. Kyoko avait retrouvé sourire et légèreté entre les mains de la maquilleuse. Comme si enfiler ses vêtements lui permettait de retrouver le calme de sa vie. Mais cette apparente sérénité se troubla en entendant la voix de son Sempaï. « Mogami-san », depuis quand entendre son nom lui faisait l'effet d'une flèche empoisonnée ?
« Mogami-san, je voulais te remercie pour ton excellente prestation
C'est vrai ? Tu trouve que j'ai bien joué ?
Tu es une vraie actrice maintenant, tu as pu créer et développer un rôle aussi complexe que celui de Setsu. Tu l'a mené jusqu'au bout et ce pendant plusieurs mois. Félicitation, je crois bien que je n'ai plus rien à t'apprendre ! »
Elle était fière et en même temps tellement triste. Que voulait dire les derniers mots de son Sempaï ? Allait-il cesser de lui enseigner le métier d'acteur ? De l'aider ? De... la voir ?
« Voyons Mogami-san, je sais bien que vous tenez particulièrement à avoir l'approbation de Ren dans vos prestations, mais ce n'est tout de même pas une raison pour pleurer ainsi... » ajouta le président en tendant un mouchoir à l'attention de la demoiselle.
Elle essuya rapidement ses larmes pour ne pas qu'ils réalisent qu'elle ne pleurait pas spécialement de joie.
« Merci... Merci beaucoup Tsuruga-san ! Mais j'ai encore tellement à apprendre !
Tu as compris le plus important, le reste viendra avec le temps... » Ren accompagna ses paroles d'un sourire doux à faire fondre le plus grand des icebergs.
Il était fière d'elle, du chemin qu'elle avait parcouru en si peu de temps. Elle était une véritable actrice même si elle ne le réalisait pas encore. Elle était bien meilleure que toutes celles avec qui il avait joué jusqu'à présent. Il détacha son regard de ces yeux aux reflets d'or en sentant son cœur se serrer à nouveau et se retourna vers le président pour retrouver contenance.
« Président, est-ce à vous ou à moi de valider la mission « Love Me » ? » lança Ren sur un ton enjoué.
« Pardon ? » , Lory réalisa que son protégé tentait de détendre l'atmosphère
« Mogami-san était présente en tant que membre de la « Love Me », n'est-ce pas ? »
« Humm, en effet... vu que tu étais son partenaire, je te laisse le soin de la gratifier de ta reconnaissance. »
Ren tendit alors la main vers sa co-actrice sans que celle-ci ne réagisse.
« N'ai pas peur, cette fois je te promet de te donner tes 100 points, tu les as plus que largement mérité.. » ajouta-t-il son sourire angélique aux lèvres.
Les joues de Kyoko virèrent aux rouges tandis qu'elle lui donnait le petit carnet de point. Elle était incapable de le regarder dans les yeux et lui aussi s'efforçait de se concentrer sur le carnet pour ne pas se trahir. Il sentait que s'il levait les yeux, son masque se briserait complètement. Il lui faudrait du temps pour la revoir et être maître de lui.
Pour gagner du temps et se recomposer une attitude, il apposa plusieurs tampon sur les bouts de papier, inventant félicitation sur félicitation, remerciement pour lui avoir donné la réplique, remerciement pour ses repas, remerciement pour avoir été son manager temporaire, remerciement pour avoir été son « porte-bonheur ». Elle récupéra le petit carnet les mains tremblantes. Etait-ce sa façon à lui de dire au revoir ? Comme un diplôme que vous remettrait un professeur avant que vous quittiez l'école ? Elle ne voulait pas déjà... Elle ne voulait pas...
