Chapitre 1
Collision
Résumé : Post T7. Quand Harry, divorcé, papa débordé de trois enfants turbulents, croise Malfoy et s'aperçoit que c'est toujours un connard, il hésite à lui mettre son poing dans la figure. Mais quand celui-ci perd la mémoire suite à un accident de voiture et que personne ne vient le chercher à l'hôpital, il n'hésite pas à en faire son jeune garçon au pair. Mais lequel des deux a réellement été piégé ?
Disclaimer : L'univers et les personnages ne sont pas à moi, tout est à JKR.
Même l'intrigue n'est pas à moi, c'est fortement inspiré du film" Un couple à la mer". Mais bon c'est adapté à Harry et Draco :).
Genre: Romance/Humour.
Pairing : HP/DM, et HG/RW en fond.
Rating: T
NDA : Cette histoire se passe neuf ans après la bataille finale, et Harry vit au Danemark.
POV Harry
Copenhague, Septembre 2007
- Harry ?
La voix de Léna me tire de mes réflexions. Je la fixe un instant et me fige. Je connais cet air torturé, soucieux : je sais par avance ce qu'elle va me dire. J'ai fini par avoir l'habitude.
- Tu t'en vas, n'est-ce pas ? Je murmure d'un ton morne.
Elle se mordille les lèvres, les larmes aux yeux.
- Je suis désolée. Je... Je n'y arrive pas.
- Je hoche la tête.
- C'est pas grave, Léna. Quand comptes-tu partir ?
- Dans deux semaines ? Le temps que tu me trouves une remplaçante ?
Deux semaines ! Bordel.
- Oui, pas de soucis.
Elle me fait un sourire désolé et retourne servir son petit-déjeuner à Lily qui braille comme un doxy sous acide.
Léna est la troisième jeune fille au pair qui vit avec nous depuis que Ginny est partie, en Juillet 2006. Deux mois seulement après la naissance de Lily. Il y a eu Anaïs, une française, qui a vécu avec nous de Août à Octobre. Puis Emma, une Australienne, de Octobre à Février. Et enfin Léna, une anglaise, de Février à Septembre. Si je ne me trompe pas, c'est elle qui a tenu le plus longtemps.
Anaïs m'a dit qu'elle ne supportait pas la solitude, Emma que sa famille lui manquait, et Léna ne cherche même pas de prétexte pour rompre son contrat.
Au début je me suis demandé ce qui n'allait pas : les enfants sont gentils, même si James est un peu blagueur parfois, et que Albus est très timide. Je les paye bien, la maison est agréable à vivre, et nous sommes à vingt minutes en train de Copenhague. Je laisse les week-ends libres, sauf ceux où je suis en mission spéciale.
Mais ce qui les fait toutes fuir, ce n'est pas la maison, pas les enfants, pas la ville.
C'est ce qui a fait fuir Ginny alors qu'elle venait juste d'accoucher : c'est moi. Elles ne supportent pas ma présence fantomatique dans la maison, mon regard vide, ma tête de déterré. Elles ne supportent pas cette solitude dans laquelle je vis. Une fois, Anaïs, curieuse, m'a demandé si je n'invitais jamais d'amis à la maison. Mais quels amis ?
Une fois par mois, Ginny prend les enfants pour le week-end. Je ne veux pas qu'elle les ramène à Londres, je ne veux pas qu'ils soient épiés et harcelés par la presse. Aucun journaliste n'a jamais vu une seule photo de mes enfants et j'en suis particulièrement fier.
Mes enfants savent que nous sommes des sorciers, que la magie existe, mais pour le moment ils sont élevés comme nos voisins moldus : ils vont au Daycare, sauf Lily qui est encore trop petite. James apprend à compter et discriminer les mots, Albus à construire des choses avec des legos, à s'exprimer correctement, et c'est très bien comme ça.
Quand ils -je- seront prêts, nous rentreront en Angleterre. Parfois, je songe avec angoisse que James a six ans et qu'il ira à Poudlard dans cinq ans. Quand j'en parle à Ginny, elle se moque de moi.
"Bordel, Harry. Toujours à angoisser, pas capable de vivre le moment présent".
Elle a raison, bien sûr. Et elle a bien fait de partir. J'aurais fait la même chose, à sa place. Parce que se réveiller aux côtés d'un homme brisé, incapable de communiquer ou d'aimer; ce n'est pas vraiment l'idée que l'on se fait de la vie d'adulte.
James était un "accident". Il est né lorsque j'étais en deuxième année à l'Académie des Aurors. Ginny n'a même pas pu faire d'études, vu qu'elle s'est rendu compte qu'elle était enceinte juste après les ASPICS. Elle voulait avorter, mais moi je voulais le garder. Elle m'aimait, elle a cédé. Je crois qu'elle m'en a toujours voulu pour ça. Comme si avoir des enfants si jeune lui avait gâché sa jeunesse.
Quoi qu'elle rattrappe bien le temps perdu, maintenant. La vie de joueuse de Quidditch n'est pas de tout repos, et, même si elle a un pied-à-terre à Londres vu qu'elle a les clefs du Square Grimmaurd (où Ron et Hermione vivent encore, allez savoir pourquoi), elle est souvent aux quatre coins du Globe.
C'est pour ça que c'est moi qui ai la garde des enfants, mais je n'ai pas beaucoup eu à me battre pour l'obtenir.
Ginny aime ses enfants, c'est certain. Mais elle a vingt-six ans. Elle rêve encore de faire le tour du monde, de grimper les marches d'Adams Peak, de voir un coucher de soleil sur la Baie d'Halong, de boire des shots de vodka à Doumskaya Oulitsa, de faire un tour à Las Vegas. Voir les enfants une fois par mois, je pense que ça lui suffit. J'aurais juste aimé que ce soit réciproque.
Je jette un coup d'œil nerveux à l'horloge. Huit heures. Merde. Je prends ma veste et cours dans la cuisine où Léna, visiblement épuisée, s'acharne à essayer de faire avaler quelque chose à James, tandis qu'Albus a renversé son lait sur la table et entreprend maintenant de faire de l'art avec la confiture de fraises. Agrippée à la cheville de notre jeune fille au pair, Lily hurle à la mort, la figure barbouillée de compote de pommes.
- J'y vais, les enfants !
James se lève brusquement, renversant au passage son bol de céréales. Léna émet un cri de rage, et je la comprends. Albus gigote sur sa chaise haute, et Lily avance à quatre pattes vers moi.
Je fais un câlin à mes enfants. Tant pis si j'ai du muesli dans les cheveux, ou de la confiture sur la chemise. C'est un des meilleurs moments de la journée, et je n'ai jamais eu une allure très soignée, de toute façon.
- Soyez sage, je murmure sans grande conviction.
- Oui Papa ! Crie James dans mon oreille, manquant de me briser un tympans.
Je jette un coup d'œil à Léna, et lui souris piteusement.
En ouvrant la porte d'entrée, je réprime une grimace. Il fait froid en Angleterre, mais ce n'est rien comparé au Danemark. On est en Septembre, bordel, et il fait déjà – 1000 degrés !
Je pourrais passer par la cheminette qu'il y a dans mon bureau, mais Léna est une moldue. Toutes mes jeunes filles au pair sont des moldues. Je ne fais pas confiance aux sorcières : je ne sais pas ce qu'elles pourraient raconter à la presse si les choses venaient à tourner mal entre elles et nous. Je n'ai jamais renvoyé qui que ce soit, mais je le ferai si elles étaient imprudentes ou méchantes avec mes enfants.
Je m'asseois dans ma voiture et allume la radio. Le trajet se passe paisiblement. Conduire me détend. J'aime ce pays, ses arbres majestueux, son ciel jamais réellement dégagé, la paix qui se dégage des habitants. J'aime le fait que les danois ne posent jamais de questions. J'aime me balader dans Nyhavn avec les enfants, leur acheter des pâtisseries à Lackage Huset et des jouets à Tiger. J'aime les emmener dans la forêt et les regarder jouer avec les feuilles.
Ginny ne voulait pas quitter l'Angleterre. Encore une fois, je l'ai un peu -carrément - forcée. Elle était malheureuse ici, alors que c'était le seul endroit où je ne me sentais pas épié comme une bête sauvage. Elle a grandit dans une maison pleine de gens, de sons, de rires. Moi, j'ai supporté trois ans de formation à l'Académie des Aurors. Trois ans à sourire, à plaisanter, à faire semblant. Trois à vivre Square Grimmaurd avec Ron, Hermione et Gin', trois ans à prétendre que tout allait bien. Que la guerre ne m'avait pas brisé.
Mais ici c'est différent. Ici, je suis juste Harry, un expatrié anglais parmi tant d'autres. Harry, qui a trois gamins merveilleux. Harry qui vit au 62, Skovbovaenget. Harry qui part au travail à la bourre et dont la jeune fille au pair fait une merveilleuse soupe aux topinambours. Harry qui vient à la fête des voisins avec la chemise de travers et les cheveux en pétard.
Hermione et Ron me manquent. Molly me manquent. Mais ils viennent pour l'anniversaire des enfants, pour Noël, et parfois même pendant les vacances d'Eté. On se parle par cheminette quand Léna n'est pas là – et même quand elle est là, en fait, je lance juste un sort de silence sur la porte de mon bureau-. Je sais qu'ils aimeraient que je rentre. Mais je ne suis pas prêt. Pas encore.
Pov Draco
Je pensais qu'en Ecosse nous n'étions pas gâtés niveau temps, mais ce n'est rien comparé au Danemark. Il faut être complètement dérangé pour vivre dans un pays pareil. En plus ils conduisent du mauvais côté, ces abrutis. Je cale pour la cinquième fois et j'entends un bruit de klaxon derrière moi.
J'ai envie de me retourner et de tenter de lancer un endoloris sans baguette, mais je me contrôle. Les Malfoys pètent pas les plombs.
Putain de danois.
Je respire et je redémarre. Je suis presque arrivé, selon le GPS. J'ai mis un moment avant de comprendre comment il fonctionnait, mais maintenant je trouve que cet objet est plutôt pratique. La voix de femme est un peu agaçante, je l'aie renommée Gisèle.
Gisèle me dit de tourner à droite. Plus que 500 mètres. Je chantonne à l'unisson avec la radio.
Soudain, un véhicule me rentre dans le derrière – sans mauvais jeu de mot- et ma tête heurte violemment le volant.
Putain ! Je reprends ma respiration et serre les dents tandis que je porte la main à ma tête. Je saigne ! Ce connard a failli me tuer. Je sortirai bien pour lui mettre une patate mais j'ai envie de vomir.
Dans le rétroviseur, je vois l'autre handicapé du volant sortir de sa voiture en trombe et accourir vers la mienne. Il ouvre ma portière sans me demander mon avis et se met à crier, paniqué, en agitant les bras.
Je tourne la tête vers lui, agacé. J'ai envie de lui dire un truc bien méchant mais cet abruti parle en danois, et je n'y comprends rien.
- Ferme ta gueule, du con, je siffle en anglais.
Le type se fige, arrête de faire des grands moulinets avec ses mains, et me fixe, éberlué.
Ce n'est que quand ma tête arrête de tourner que je croise son regard. Vert. Beaucoup trop vert.
Putain de merde.
Potter ? Je lâche, décontenancé.
Il ouvre et ferme la bouche comme un poisson hors de son bocal.
- Malfoy ?
Je ricane. Il me tend un mouchoir que je porte à mon crâne sans un remerciement.
- Putain, dix ans plus tard, t'es toujours aussi con, je marmonne.
- Je suis désolé ! C'était un accident ! S'exclama t-il. C'est que je suis parti en retard ce matin et au boulot ils n'aiment pas que je...
- Potter, je l'interromps en fermant les yeux. Est-ce que j'aurais, par erreur, sous-entendu que ta vie m'intéressait ?
Il ferme enfin sa grande gueule et je respire profondément.
- Qu'est-ce que tu fais là ? Me demande t-il.
Je soupire.
- Je pourrais te retourner la question. Maintenant, sors de ma voiture avant que mon poing ne fasse ami-ami avec ta mâchoire, je siffle entre mes dents.
- Non, il faut que je t'emmène à l'hopital, tu saignes ! Réplique t-il.
- Dégage.
- Mais tu...
- Je n'irai nul part avec toi Potty, surtout pas en voiture. Vu les origines sang-de-bourbe de ta mère, je pensais que tu maîtriserais mieux les objets moldus.
Il se fige. Je souris en voyant ses poings se serrer. C'est tellement facile.
Allez, Potter, lâche toi. Dis-moi quelque chose de bien dégueulasse.
Soudain, un klaxon se fait entendre derrière nous. Je me retourne. Putain de danois.
- Allez, Potty, y en a qui ont des choses à faire, je lâche dédaigneusement en le poussant hors de ma voiture.
Je ferme la porte brusquement et j'entends un petit couinement. Ce con avait encore les doigts posés sur la voiture, et je viens de refermer la portière sur sa main. Il saigne.
Bien fait.
Pov Harry
J'ai choisi le Danemark parce que les gens ne posent pas de questions. Parce que l'éducation des enfants correspond à mes idéaux. Parce que c'était loin de l'Angleterre sans pour autant être à l'autre bout du monde.
Et, par dessus tout, j'ai choisi le Danemark parce qu'aucun sorcier anglais n'y met jamais les pieds. J'aurais pu tomber sur Lavande, Terry, Ernie, même Cho, pourquoi pas ! Mais non. Parmis tous les gens avec qui j'ai été à Poudlard, il faut que je tombe sur Draco Connard Malfoy.
Mes mains tremblent et je me déteste pour ça. Je me force à prendre de grandes inspirations mais, malgré moi, des bribes de la conversation que j'ai eu avec Hermione juste avant mon mariage avec Gin' me reviennent avec force.
"Tu es sûr, Harry ?"
"Evidemment. Pourquoi tu me demandes ça ?"
"Tu l'aimes ?"
"Bien sûr ! C'est ma Ginny. Ma récompense pour l'enfer que j'ai traversé pendant la guerre. Ma lumière au bout du tunnel. La promesse d'une vie meilleure, d'un monde meilleur pour mes enfants, c'est ça qui m'a fait tenir tout ce temps".
"Justement. Ce n'est qu'une promesse."
Une phrase que Ron a lâchée juste après le procès Malfoy se répète dans ma tête.
"C'est Malfoy. Harry a toujours eu un comportement un peu bizarre quand la fouine est dans les parages".
Je secoue la tête. Bordel, c'est n'importe quoi. Ça fait des années que je vis ici, j'allais bien finir par croiser une connaissance un jour.
T'as ving-sept ans, Harry. Reprends-toi, bordel.
Je suis arrivé au travail. Je ferme ma voiture à clef et m'engouffre dans la pâtisserie Lackage Huset (1). Cristina est déjà derrière le comptoir, elle me sourit. Je lui rends son sourire, lui fais un signe de tête, dépasse le comptoir et m'engouffre dans le café attenant. A Londres, nous avons les cabines téléphoniques ; les danois ont leurs cafés. Je tapote la tasse avec ma baguette et cinq secondes plus tard je me retrouve dans le hall du Ministère de la Magie.
Malgré moi, je pense à notre bon vieux Ministère Anglais, et à la tête de Malfoy quand j'ai témoigné à son procès.
Je n'arrive pas à me sortir ce con de la tête. Ce n'est que Malfoy, bordel, alors pourquoi mes putain de mains continuent-elles de trembler ?
19 heures 30, chez Harry
- T'es sérieux ?
Je jette un coup d'oeil nerveux à la porte de mon bureau. J'ai beau avoir lancé un sort d'insonorisation, j'ai toujours peur que Léna nous entende.
Ron me regarde, amusé. Je me penche un peu plus vers la cheminée et je soupire.
- Putain, vieux, t'es vraiment le type le plus poisseux de la terre ! Ajoute mon meilleur ami.
- Tu l'as dis. J'aurais pu croiser un vieil ami, quelqu'un avec qui j'aurais pu aller boire un café et parler du pays, mais non, il faut que je tombe sur la fouine, je soupire.
- Tu sais ce qu'il fait à Copenhague ?
- Il me semble qu'il a insulté ma mère quand je lui ai posé la question.
Ron éclate de rire.
- Un type charmant, ce Malfoy.
- Tu sais ce qu'il fait, dans la vie ?
Il me regarde, étonné.
- Tu ne sais pas ? Il a disparu directement après qu'on l'ait libéré d'Azkaban. Il a quitté l'Angleterre et personne ne l'a jamais revu. Enfin, je suppose qu'il a encore des contacts avec ses amis, mais la presse n'en parle plus.
- Ah bon ? Je demande, intrigué.
- Ouais, répond Ron en mâchonnant ce qui me semble être un dragé surprise. Ils vont bientôt lui rendre sa baguette, remarque.
- Quoi ?
- Sérieux, Harry, t'as pas suivi l'histoire ? C'était le deal. Dix ans de prison pour son père, dix ans pour sa mère, et dix ans sans baguette pour Malfoy. C'était juste après la guerre, en 98, alors il va la récupérer à la fin de l'année scolaire. Et Lucius Malfoy va recommencer à se balader dans Londres en regardant tout le monde comme si nous étions une merde sur sa chaussure.
Il agite la main comme pour dire "Mais bon, l'eau a coulé sous les ponts, pas vrai ?" et me donne des nouvelles d'Hermione, de Georges, de Molly. Je l'écoute à moitié, un peu perturbé. Je me demande ce que trafique Malfoy à Copenhague, sans sa baguette. Qu'est-ce que ce type qui ne sait rien faire sans magie peut faire comme métier ?
oooo
Je ne revois Malfoy que dix jours plus tard. La journée avait mal commencé : j'ai harcelé l'agence de Jeunes Filles au Pair pour qu'ils me proposent une remplaçante, mais apparemment ils n'ont personne sous la main. J'ai dû aller sur internet poser des annonces, et tanner Léna pour qu'elle demande à ses copines si l'une d'entre elles veut bien prendre sa place. Je ne peux pas poser de congés, et elle part dans cinq jours.
J'ai dû vivre sans jeune fille au pair pendant les quelques jours de battement entre l'ancienne et la remplaçante, et c'est juste l'enfer : le DayCare ouvre à 7 heures 30 et je dois être au travail à 8 heures, alors j'ai minimum quinze minutes retard tours les jours, et Lily est trop jeune pour aller au DayCare alors je suis obligé de la prendre au travail, et bien sûr ce petit monstre refuse de dormir, et même si je suis le Chef du Bureau des Aurors, tout le monde me jette des regards noirs.
Et je rentre du travail à 18 heures 30 alors que le DayCare ferme à la même heure, donc je suis obligé de courir avec Lily dans les bras, je me fais engueuler par la directrice de l'établissement, et puis on rentre à la maison et je dois faire la cuisine tout en surveillant que James n'éborgne pas Albus, et que Lily ne mange pas les petits legos des garçons.
En général je fais cramer les pâtes et les poissons panés, et les enfants sont énervés tandis que je commande des pizzas en urgence, puis j'ai du mal à gérer le brossage de dents et la douche, et les gamins finissent par se coucher beaucoup plus tard que prévu.
La tempête passée, je dois encore débarrasser la table, remplir le lave-vaisselle, préparer la table pour le petit-déjeuner du matin, me doucher, préparer mes affaires pour le lendemain, et aller dormir pendant deux heures, jusqu'à ce que Lily me réveille pour son biberon nocturne, puis je peux me rendormir pour deux heures, jusqu'à ce que ma fille me réveille de nouveau. Enfin, ça, c'est les nuits où James ne fait pas de cauchemar et où Albus ne fait pas pipi au lit.
Quand je croise Malfoy, je suis dans la rue et je pars à la recherche d'un bon smorrebrod (2) pour le déjeuner. Il sort d'un café, l'air maussade, comme toujours. Je ne sais pas comment je fais pour le repérer si facilement ; en Angleterre, il détonnait avec ses cheveux, mais ici tout le monde est blond, c'est plutôt moi qui fais tâche.
Faut croire que j'ai un radar à connards.
Il allume une clope, ça m'étonne, je ne l'ai jamais vu fumer à Poudlard. Pourtant, en sixième année, j'ai passé pas mal de temps à l'observer.
Quand il me voit, il se fige imperceptiblement et une ombre passe rapidement sur son visage. Je vois bien qu'il est agacé que son corps ait réagit alors qu'il voudrait rester stoïque. Ça me fait sourire malgré moi. J'aime bien savoir qu'après tout ce temps, je fais toujours réagir ce connard.
- Salut Malfoy ! Je dis joyeusement.
Il me jette un regard mauvais.
- Potter, lâche t-il du bout des lèvres.
- Ça va ? Je demande innocemment, me délectant de l'effort évident qu'il fait pour ne pas m'en coller une.
Il a un bandage qui fait le tour du crâne, et j'aimerais dire que ça l'enlaidit, mais même comme ça il est sexy.
- Ça allait jusqu'à il y a cinq minutes, dit-il de sa voix traînante.
- Qu'est-ce que tu fais à Copenhague ?
- Je fais parler les abrutis, répond-il en tournant les talons sans même me dire au revoir.
Je reste planté sur le trottoir avec, malgré moi, un sourire amusé aux lèvres. Les danois sont tellement polis, discrets... froids. Ça fait du bien de voir un bon connard anglais.
Comme au bon vieux temps.
oooo
Les jours qui suivent, je retourne malgré moi dans le quartier du café où je l'ai vu, mais il n'y est pas. Aucune tête de con blond platine à l'horizon.
Ce n'est que la veille du départ de Léna, lorsque j'ouvre le journal en buvant mon café, que j'ai enfin des nouvelles de Malfoy.
A la page des faits divers, je manque de recracher mon café sur la table. Là, une photo en couleur d'une voiture écrabouillée suivie d'une légende "Accident dans le Quartier de Norreport. Deux blessés". Et en dessous, une photo de Malfoy inconscient, avec un bandage encore plus gros autour du crâne. Il est pâle et plein de fils sont branchés à son putain de bras. Selon l'article, l'accident a eu lieu le jour où on s'est vus.
Ni une ni deux, je me lève, crie que j'y vais aux enfants et à Léna, et me rue à l'Hôpital. Je ne sais pas pourquoi je fais ça, mais je n'ai pas envie d'y réfléchir.
A l'entrée, je dis que je viens voir Draco Malfoy. La fille me regarde en haussant un sourcil.
Je lui montre la photo et elle me sort lentement :
- Ah, oui. Vous êtes de la famille ?
Je me fige. Je réponds dans un danois approximatif :
- Je suis un ami.
- Normalement, seule la famille est acceptée. Mais personne n'est venu, marmonne t-elle.
Tu m'étonnes. Ses parents sont en taule. La fille perçoit mon agitation parce qu'elle me dit enfin :
- Deuxième étage, chambre 306.
Dix minutes plus tard
Le médecin qui est en charge de Malfoy me toise, à la fois amusé et blasé.
- Ce garçon est incroyable, dit-il. Il a perdu un litre de sang, mais tout ce qu'il trouve à dire c'est que la bouffe est dégueulasse et qu'il fait froid dans sa chambre.
Je souris malgré moi.
Le type prend un air plus grave et ajoute :
- Je dois vous prévenir, Monsieur Potter. Monsieur Malfoy a eu de la chance de s'en tirer avec aussi peu de dommages... physiques, mais on ne peut pas en dire autant de ses dommages psychologiques.
- Que voulez-vous dire ?
- Votre... votre ami a reçu un coup sur la boîte crânienne.
Je me tortille sur ma chaise. Est-ce que ça veut dire que Malfoy va avoir une sale bosse sur le front ? Je souris en l'imaginant maugréer contre ce putain de danois qui l'a défiguré.
- Il est amnésique. Il ne se souvient de rien. C'est vous qui venez de m'apprendre son nom de famille. Depuis qu'il s'est réveillé, il cherche son prénom, et je dois vous avouer que ça le met d'assez mauvaise humeur.
Je me fige, me rappelant l'expression de la fille à l'accueil quand j'ai demandé à voir Malfoy.
- C'est très fréquent de perdre la mémoire après un choc. Ne vous inquiétez pas, les souvenirs reviennent la plupart du temps. Les patients qui restent amnésiques sont très rares.
Bordel, bordel, bordel.
- Il va vous falloir beaucoup de patience, Monsieur Potter. Et lui, il lui faut un cadre rassurant, un entourage bienveillant. Il faut que vous soyez prêt à répondre à toutes ses questions. La mémoire peut revenir dans deux jours comme dans deux ans. Vous voulez le voir ?
Putain de Malfoy. Toujours aussi doué pour me pourrir la vie.
- Oui, je lâche malgré moi.
Quand j'entre dans la chambre, il est occupé à engueuler une infirmière parce que la télévision ne propose que des chaînes danoises. La pauvre fille me regarde entrer avec soulagement et s'enfuit sans demander son reste.
Je me tourne vers lui et je lâche un pathétique :
- Salut, Malfoy.
Pendant une seconde, il me regarde, effaré. Puis son masque se recompose et il me toise méchamment. Il y a tellement de dégoût dans son regard que je me demande si le médecin ne s'est pas trompé, s'il a réellement perdu la mémoire.
- Qui est-tu ? Me demande t-il, suspicieux.
Une boule se forme dans mon ventre, sans que je sache pourquoi. Je réponds d'une voix peu assurée :
- Harry. Harry Potter.
- Potter ! Crache t-il. C'est quoi ce nom ?
Je hausse un sourcil.
- Parce que Draco Malfoy, ça sonne mieux à ton avis ?
Il se fige.
- C'est mon nom ? Me demande t-il du bout des lèvres.
Je me fige à mon tour.
- Oui, je murmure dans un souffle.
Pendant quelques secondes, son masque tombe et une expression d'extrême détresse habille son visage. Mon cœur se serre malgré moi.
- Je ne me souvenais même pas de mon nom, dit-il.
- Je sais.
Je ne peux pas soutenir son regard plus longtemps, je tourne les talons et cours hors de sa chambre.
En sortant de l'hôpital, je reprends ma respiration et pense à ce qu'a dit Ron, il y a des années.
"C'est Malfoy. Harry a toujours eu un comportement un peu bizarre quand la fouine est dans les parages".
oooo
Le soir-même, 19 heures 30, chez Harry :
C'est une idée complètement stupide, pourtant je n'arrive pas à me la sortir de la tête. Je n'ai jamais pu supporter ce type, alors pourquoi est-ce que j'aurais envie de le ramener chez moi, de lui confier mes enfants, de voir sa sale gueule tous les jours ?
J'en fais part à mon meilleur ami, qui m'écoute attentivement en engouffrant une immense part de pizza. Hermione doit encore être restée tard au Ministère pour que Ron se gave de junkfood en m'écoutant raconter des conneries. Quand j'ai fini, il me regarde quelques secondes puis éclate de rire.
- Putain, Harry, t'es un génie !
Je lui souris, penaud.
- Tu trouves pas que c'est du n'importe quoi ?
- Bien sûr que non ! T'as besoin d'aide à la maison et l'autre connard ne se souvient de rien ! Il faut juste que tu arrives à le persuader que son boulot c'est de torcher le cul de tes gamins et de balayer derrière toi ! Ma parole, c'est brillant ! La meilleure vengeance jamais imaginée !
Il se frotte les mains et ses sourcils bougent de manière inquiétante.
- T'aurais fait un excellent Serpentard ! Le choixpeau devrait vraiment prendre sa retraite ! Continue t-il, extatique.
- Mais s'il se rend compte du subterfuge ? Je souffle.
- Ben il sera sacrément énervé et humilié, et ça, ça n'a pas de prix, répond Ron, une expression cruelle sur le visage.
Je pense à toutes les fois où ce connard de Malfoy a insulté ma mère, la mère de Ron, Hermione. Je pense à toutes les fois où j'ai eu envie de l'étrangler. Je l'imagine en train de passer la serpillière dans le salon après que Lily ait vomi par terre pour la troisième fois de la semaine.
Ron doit penser aux mêmes choses parce qu'il ricane méchamment. Je regarde mon meilleur ami en inclinant la tête. Il n'est vraiment pas une mauvaise personne, mais ce n'est qu'une vengeance stupide, n'est-ce pas ? Et puis Léna part demain, et ça nous fera bien rigoler.
- Juste une chose, je murmure.
- Quoi ?
- On n'en parle pas à Hermione.
Ron hausse les sourcils si haut qu'ils disparaissent dans ses mèches rousses.
- T'es malade ou quoi ! Bien sûr qu'on n'en parle pas à Hermione ! Tu veux finir émasculé ou quoi ? Couine t-il d'une voix aiguë.
Je lui souris et il me sourit aussi. Pendant quelques secondes, j'ai l'impression d'avoir quinze ans et d'être à Poudlard.
Et, bordel, ça fait du bien.
A suivre
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(1) Lackage Huset est une chaîne de boulangerie danoise. Leurs gâteaux sont délicieux.
(2) Smorrebrod, c'est une tartine de pain noir avec quelque chose dessus (crevettes, thon, hareng...). C'est un plat typique danois, que l'on mange sur le pouce pour le déjeuner.
Voilà ! N'hésitez pas à me donner vos avis. D'habitude j'écris au passé simple et sans POV mais j'avais envie d'expérimenter quelque chose de nouveau cette fois-ci.
Bisous.
