Notes de début de chapitre.
Pas de notes.
Bande-Son (intégralité du chapitre) :
Roddy (The Crown OST par Martin Phipps)
CHAPITRE LXXXV
"Take it from me.
You've got it all
You lost your mind in the sound
There's so much more, you can reclaim your crown"
(Lauren Aquilina, "King")
a. Les ampoules de Lorenzini
Le Requin se montra catégorique lorsqu'il vint à leur rencontre le lendemain, amenant le Shinshi tout près des côtes afin de pouvoir embarquer la portion d'armée des morts retournant au bercail.
- Ils ne seront pas autorisés par delà le brouillard, affirma t-il, jaugeant Baek Dong Soo, Seung-Min et les autres anciens détenus vivants, officiellement relâchés, officieusement condamnés à suivre les gwishins où qu'ils allassent, afin de constituer l'avertissement qu'on désirait qu'ils soient.
Des négociations houleuses avaient pris place durant la nuit, tandis que le compagnon inexplicablement vivant de Yeo Woon dormait à poing fermés sur le lit de ce dernier, et que Seung-Min se tenait là, immobile et rendu muet par la crainte, en dépit de la protection que Mago lui avait promis. En vérité, elle était hautement consciente du peu d'importance entourant ses engagements, et du risque persistant que ces derniers couraient de se voir abrogés par une horde de gwishins en colère, et ce légitimement.
Son ancien maître s'était montré tout aussi tranchant et inflexible auprès de ses généraux qu'elle ne l'avait été avec les soldats venus visiter la tente des prisonniers plus tôt dans la soirée, mais si ses propres interlocuteurs d'antan avaient été une menace somme tout maîtrisable, dont la rusticité nourrie d'un festin de chair et de cerveau vivants lui avait permis de gagner le soutien du garde alors dévoué à la surveillance des captifs, ceux de Yeo Woon s'étaient révélé d'une espèce bien moins coopérative et gauche, y compris ceux dont l'affiliation aux morts était encore récente.
Mago avait assisté à l'entrevue aux côtés de Seung-Min, et bien que s'étant appliquée à distraire celui-ci de la conversation tendue entre militaires et gwishin-roi, en l'encourageant notamment à manger et en lui demandant de lui présenter le récit de son parcours au cours des derniers mois, une tâche qu'il avait accompli distraitement, se coupant parfois en pleine explication pour mieux écouter et regarder le déroulement de la conversation visant à déterminer son sort et celui de ses camarades, elle avait été forcée d'admettre que son attention avait davantage été aux pourparlers et à son résultat qu'aux histoires de Seung-Min.
Elle estimait qu'il ne lui en tenait pas rigueur dans tous les cas, puisque lui-même s'était vu happé par les propos tenus en face d'eux, autour de la table à forme ronde sur laquelle les généraux de Yeo Woon s'étaient employés à frapper pour mieux exprimer leur désaccord.
- Vous ne pouvez leur accorder une grâce de cette nature ! Tempêtait l'un d'eux, le plus ancien, dont l'élégant visage creusés de rides comportait une belle barbe grise. Épargner les vivants est contraire à toutes les prérogatives de notre peuple mais également de cette invasion ! Leur sort est irrémédiablement de rejoindre nos forces. Votre rang vous autorise à nous gouverner et notre respect vous est acquis, mais vous n'êtes en aucun cas le tributaire de la justice.
- J'appartiens pourtant au cabinet qui la rend sur le territoire des morts, avait objecté Yeo Woon.
Il était calme, mais d'une manière très différente de celle à laquelle Mago avait été confrontée la veille et durant les six mois précédents, alors que Baek Dong Soo était toujours présumé mort et enterré quelque part sous la terre de Joseon. Seung-Min semblait tout aussi interdit qu'elle ne l'était face au retour fondamentalement thaumaturgique de son capitaine.
Eût-il été un gwishin, son étonnement aurait sans doute été plus mesuré, mais le fait était que Yeo Woon, après questionnements, les avait informé du cœur qui battait toujours dans la poitrine de Baek Dong Soo, et de l'absence notable de trace de décapitation sur son cou, alors que tous les morts portaient inévitablement le souvenir de leur passage de vie à trépas sur leurs corps, ou bien à l'intérieur dans le cas où ils avaient péri de maladie. Baek Dong Soo était vraisemblablement immaculé.
Je n'ai pas encore procédé à une vérification complète, avait déclaré Yeo Woon après que Mago l'eût interrogé sur de possibles marques situées à d'autres endroits, mais il m'a dit ne posséder aucune cicatrice, et je le crois.
À l'inverse des généraux, le Requin fit moins de manières dans l'acceptation de passagers vivants, et Mago soupçonna Yeo Woon de l'avoir préalablement contacté par le biais de la conscience collective.
- Pourquoi n'utilise t-il pas le...le Murmure ? Lui avait glissé Seung-Min à voix basse alors qu'un autre des hommes de main de l'ancien maître de Mago prononçait les termes de "trahison" et de "Assemblée Exceptionnelle" dans une tentative de faire valoir son point de vue, récoltant de la part de son supérieur un haussement de sourcils vaguement dédaigneux ayant contribué à nourrir encore davantage ses protestations.
Tous trois se tenaient debout au bord de la surface de la table, l'un d'eux poings appuyés sur celui-ci, un autre bras croisés, son front haut plissé de sillons accusateurs. Le troisième, celui-là même ayant été l'auteur de la remarque précédente, semblait vouloir quitter la tente à la manière d'un ouragan, dévastant de son ressentiment tout ce qui se trouvait sur son passage.
Yeo Woon leur rendait une indifférence polie et plus froide encore que leurs peaux diaphanes de gwishins, excitant comme de coutume l'irritation de ses semblables. Mago avait été témoin du phénomène trop régulièrement pour être incapable de prédire ou plus généralement s'offusquer de la réaction des généraux face à l'attitude distante de son ancien maître. Sur l'île des morts, son austérité exacerbée à la suite de Baek Dong Soo affamait les nerfs de Gyo Hui Seon et tiraillait gentiment ceux de la vieille Jae-Ji.
Comme Yeo Woon se frayait un chemin verbal entre les arguments défavorables à sa décision, les pensées de Mago avaient traversé le continent, la mer de l'ouest, avaient atteint la Cité du Lac Solitaire et son palais, pour venir considérer finalement la réponse des deux gwishins-reines à l'intégration d'un Baek Dong Soo vivant dans leurs conciliabules. Mago n'était guère certaine que Yeo Woon s'était empressé de mentionner auprès de ses semblables dirigeantes le retour de son ami d'enfance et amant de fait, sinon de nom. Elle ne doutait pas cependant qu'elle pourrait bientôt observer apprécier leur confusion de ses propres yeux.
Le Shinshin, accompagné de deux autres navires, voguait en effet direction des rivages de l'île des Morts, ainsi qu'il en avait été convenu dans les appartements de la Voix. La conquête du nord est proche de sa conclusion, avait-elle remarqué, et lorsque celle-ci aura été achevée, les rois et reines affectés à la guerre seront sommés de revenir sur le territoire de l'île, afin de préparer notre offensive vers le sud.
- L'usage du Murmure a été codifié, avait-elle précisé à Seung-Min, tandis que celui-ci mâchait sans enthousiasme un morceau de viande refroidie, laissée par son capitaine dont l'appétit semblait en proie à une faiblesse inexpliquée. Lors d'un conseil, nos rois et reines se sont entendus pour l'utiliser afin de servir les intérêts communs de notre peuple avant tout, et d'éviter les recours personnels pouvant être un péril à notre cohésion. Le Murmure peut être mobilisé afin de faire fléchir la volonté des vivants dans notre direction, ou de tenir l'esprit de nouveaux gwishins encore récalcitrants de sorte à ce que ces derniers nous soient acquis. C'est notamment par ce moyen que mon maître s'assure de la loyauté de ses généraux et soldats. Certains d'entre eux nécessitaient la force du Murmure afin de combattre parmi nous et pour nous.
Seung-Min avait levé vers un elle un regard interloqué.
- Yeo Woon continue de t'enseigner ?
- Non, tu as raison, s'était-elle repris en songeant à son autre maître, celui que Yeo Woon avait désigné pour lui prodiguer ses leçons d'arts martiaux, et envers lequel elle n'éprouvait aucune forme de sympathie. Je continue de l'appeler ainsi par mauvaise habitude, mais quelqu'un d'autre se charge de mon éducation, à présent qu'il a des obligations plus urgentes. J'ai même un professeur de lettres. Si tout se passe bien et que toi et Baek Dong Soo êtes autorisés à nous accompagner sur l'île, je te le présenterai. C'est un vieux monsieur très gentil, et très savant.
Les yeux de Seung-Min s'étaient détournés vers le sol, et sa mâchoire s'était tendue. Il était resté un instant silencieux, puis avait reprit d'un ton plus sombre :
- Nous venons donc avec vous sur l'île ?
- Ma foi, oui, avait simplement répondu Mago, cherchant dans son expression une justification au soudain obscurcissement de son humeur. Tu as entendu le roi.
- Ton roi, avait-il dit alors, croisant finalement son regard, et s'y ancrant fermement.
Elle l'avait soutenu, sans crainte, avec la même pointe de défi qui avait perçé dans la voix de Seung-Min. Elle n'y entendit pas une tentative de provocation grossière, ou une réprobation d'aucune sorte, puisque l'observation était fondée, et qu'il n'y avait aucune objection à lui opposer.
- En effet. Mon roi. L'un des morts.
Yeo Woon n'avait pas déployé le Murmure sur ses généraux pour les convaincre de le laisser libérer les prisonniers vivants et de faire monter Baek Dong Soo ainsi que Seung-Min à bord du Shinshi, bien que Mago craignît au moment le plus fragile de la discussion, alors que le ton montait et que l'un des hommes, celui-là même ayant évoqué l'idée de trahison, ne s'échauffe un peu trop au point de sortir son épée.
Manœuvrant avec diplomatie, mais fermeté, il avait procédé à un échange dont la nature s'était avérée une manière plus raisonnable et performante de faire plier l'opinion de son armée en sa faveur, tout en guérissant la sécurité temporaire des vivants capturés.
- Pour les deux hommes auxquels vont notre protection, nous offrirons le reste aux Yeux, déclara t-il, contemplant les visages amers de ses généraux avec la patience d'un prédateur en chasse.
Le silence qui avait suivi son allégation avait été lourd d'une satisfaction lugubre, de sous-entendus cruels. Seung-Min, qui n'avait aucune connaissances des Yeux, des rituels de sang et des sacrifices les caractérisant, avait exprimé son inquiétude à Mago.
- Que veut-il dire ? Qu'est-ce que les "Yeux" ?
Elle avait été prise d'hésitations à la perspective de lui faire part des croyances intimes des gwishins, et l'image des rues de la Cité sous la lumière de la lune, de l'heure interdite, et des soupirs de pieds nus sur les pierres, l'avait envahie subrepticement.
- Je t'expliquerais, s'était-elle contentée de lui dire. Mais je dois t'avertir que cela revient plus ou moins à ce dont je t'ai informé en te libérant.
(je ne peux rien faire de plus)
Il avait paru comprendre les implications, car ses yeux s'étaient rétrécis, il avait déglutit. Mago avait gardé les lèvres scellées. Il verrait très certainement le reste, y serait forcé par les gwishins une fois dans la Cité. Yeo Woon ne serait probablement pas davantage en mesure d'épargner le spectacle à Baek Dong Soo, mais Mago pouvait deviner dans le pincement de ses lèvres charnues qu'il ferait néanmoins l'essai.
Que pensera t-il ? avait marmotté la voix de sa grand-mère, un peu moqueuse, un peu effrayée. Que penseront ils tous les deux de vous, lorsqu'ils verrons ce que vous faîtes, les horreurs et le sang, votre appétit pour la chair et pour le toucher l'un dans l'autre ? Jamais encore un vivant n'avait été admis comme témoin au sein d'un rituel de sang, et ce depuis le nord et l'initiation de ces derniers par Jae-Ji.
Tous ceux y ayant assisté étaient morts, ouverts en deux, éviscérés comme des porcs, de la main de la shaman mais également d'autres gwishins, des rois, des reines, des paysans et des nobles, dont la main avait tenu le couteau. On ne ramenaient pas les offrandes des rituels. Ceux-là étaient immolés, et leurs cendres dispersées dans la poudre à canon de l'Alchimiste.
Appuyés contre la rembarde du navire, Yeo Woon et Baek Dong Soo se tenaient côtes à côtes, leurs bras pressés ensembles. Ils se parlaient à voix basse, comme lors de leur trajet vers la clairière d'Hanyang. On eût dit que rien n'avait changé depuis, que l'exécution de Baek Dong Soo n'avait jamais eu lieu, et que l'île des Morts n'avait pas émergé du vide pour octroyer aux gwishins un territoire sûr.
Sur le continent, ils avaient laissé une partie de leurs soldats, assez pour défendre le nord en cas de représailles des vivants. La probabilité était faible, compte tenu du fait que la majorité de leurs forces avaient été dillapidée dans la riposte contre l'invasion des gwishins, mais un peu de prudence était toujours préférable à un excès de confiance. En outre, l'une des entrevues de la Diplomate avec l'ambassadeur de Joseon avait amené celui-ci à déclarer que leurs effectifs étaient vraisemblablement plus importants que ne l'avaient escomptés les gwishins au début de la guerre.
- C'était un mensonge de piètre qualité, avait remarqué l'Historien, d'un ton suggérant qu'il s'en désolait au lieu de s'en moquer. L'armée du pays est certes plus grande qu'il y a quelques années, mais loin d'égaler nos propres légions. Qui plus est, leur nombre ne grossit pas au fil des combats, tandis que les nôtres ne cessent de croître à chaque défaite des vivants.
Les cheveux blancs de son ancien maître se soulevaient au rythme du vent. Mago avait pris place sur un des bancs du pont, et les observait depuis son emplacement avec Seung-Min. Aucun d'eux n'osait venir les interrompre. Près du gouvernail, le Requin leur jetait de temps à autre des coups d'œil attentifs, mains derrière le dos, tout en surveillant le cap et en échangeant par saccades avec un vieux brigand dont l'honnêteté et l'intelligence aiguisée lui avaient valu d'être nommé amiral de son vaisseau privé par le gwishin-roi.
Plus tôt dans la matinée, Baek Dong Soo s'était éveillé d'un repos visiblement essentiel, la mine plus fraîche et le teint moins pâle. Mago avait eu peine à le reconnaître avec la barbe, mais avait pris la liberté de lui signaler, en guise de salut, que l'attribut lui seyait en tous points. Il avait serré Seung-Min dans ses bras, l'avait appelé "cher garçon", comme un parent, et avait gratifié Mago d'une révérence très polie qu'elle lui avait rendu non sans une certaine forme d'enthousiasme, submergée alors par le plaisir confortable de retrouver des visages familiers ainsi qu'amicaux, après ce qui avaient été des mois de tâtonnements et d'ajustements constants à la nouvelle situation des gwishins.
Il leur avait montré son cou, lisse et propre, parfaitement entier. Seung-Min avait formulé assez d'incompréhensions pour deux.
- Comment est-ce possible ?
- Je ne sais pas, avait répondu son ancien capitaine. Je suis certain d'avoir été exécuté, et Woon m'a informé que mon corps aurait dû être brûlé. Je ne comprends pas davantage que vous.
Mago avait vu la question se répéter dans les yeux du Requin lorsqu'il avait rejoint le long des côtes de Taetan, plusieurs heures après la démolition du campement et le départ de leurs troupes des hauteurs du Kuwolsan. Les forces de l'Épée et du Bouclier, dont ils avaient reçu des nouvelles la veille peu après l'attaque, étaient attendues plus tardivement de part leur localisation au nord-est, et le déplacement qu'elles devaient effectuer pour rallier la mer de l'ouest où baignait la flotte du Requin.
Autour d'eux, les vivants ayant été fait prisonniers après la bataille se mouvaient avec une prudence excessive sur le pont du bateau. Tous avaient été embarqués avec Yeo Woon, qui se portait comme leur garant jusqu'aux rituels. On les avait informés de ce à quoi on les destinait, mais sans leur préciser en quoi consistait exactement l'événement.
Ils se croyaient sauvés, ou presque, et si leurs yeux filaient d'un gwishin à l'autre, voilés par un restant de peur, ils étaient néanmoins plus clairs et vifs que la veille, où Mago les avaient trouvé abattus, éteints, sur le sol de la tente où ils avaient été rassemblés. Ni Seung-Min, ni Baek Dong Soo n'avaient été mis dans le secret. Mago suspectait en partie que Yeo Woon se posait les mêmes questions qu'elle à l'encontre des rituels, et des perceptions que ces derniers pourraient inspirer aux vivants qui y seraient conviés pour la première fois en tant qu'observateurs.
Parmi les captifs, l'un d'eux avait fait montre d'une certaine proximité avec Baek Dong Soo, lui donnant du "Yun Jae-U", soit le nom d'emprunt qu'il avait utilisé pour préserver sa véritable identité et éviter d'attirer l'attention du gouvernement. Mago l'avait vu prendre son compagnon par le bras et l'emmener à l'écart au moment où leur petit groupe de survivants étaient passés devant la tente de Yeo Woon, escortés d'une cohorte de soldats à l'affût du moindre geste rancunier de la part de ses congénères.
Il se trouvait à présent posté non loin d'elle et de Seung-Min, et regardait vers Baek Dong Soo comme un chiot abandonné par sa mère.
- Ne crois-tu qu'on devrait lui proposer de s'asseoir avec nous ? Proposa Seung-Min.
Elle le savait soulagée de la préservation de ses camarades, et ne trouvait pas en elle le courage de lui avouer la vérité, soit qu'ils étaient perdus, mais que leur sentence avait simplement été délayée.
- Si tu veux, répondit-elle.
Un autre se tenait penché par dessus la rembarde, victime du mal de mer. Les gwishins, qui en étaient préservés de part leur condition, lui adressaient des coups d'œil méprisants. Jadis, Mago avait emprunté un navire avec Yeo Woon, et alors ils étaient presque les seuls morts à son bord, se cachant des vivants et espérant arriver à bon port sans heurts. La situation se répétait, avec des paramètres inversés.
Seung-Min appela le compagnon de route de Baek Dong Soo, prénommé Sang Han-Jae. Son visage s'illumina alors de reconnaissance. Il n'avait pas l'air méchant, et Baek Dong Soo le leur avait amené tantôt avec un sourire aux lèvres, le présentant comme un excellent compagnon de voyage, et gardant une main pressée contre son épaule.
Mago ne savait pas s'il s'était rendu du regard que Yeo Woon lui avait lancé alors, de la noirceur de ses yeux comme il évoquait des souvenirs avec Sang Han-Jae et que ce dernier baissait les yeux, une rougeur visible sur ses joues.
Le bateau continuait d'avancer, approchait de la brume. Passera, passera pas, récita t-elle en son for intérieur. Les vivants ayant tenté de percer le mur de brouillard avant eux n'étaient jamais reparus, et encore moins sur les plages de l'île. Les morts ne savaient pas davantage où ils allaient que les vivants.
(Dans le noir)
b. La Cité du Lac Solitaire
La vaste structure du Shinshi interrompit son cheminement une fois amarré et stabilisé le long des pontons de bois foncé du port de la Cité, là où le tronçon de lac changeait de forme et où ses eaux tranquilles s'engouffraient vers une autre tranchée en direction de la mer de l'ouest. Les deux navires qui se joignaient à son retour vers l'île des Morts se dispersèrent à leur tour en vue de permettre à leurs équipages et passagers de débarquer sans contrainte. Les voiles furent repliées, et Woon entendit le gargouillement de l'eau lorsque l'ancre du Shinshi fut jetée dans ses abysses, entraînant avec elle les cliquetis de la lourde chaîne à laquelle elle était annexée.
Dong Soo était près de lui, et quand Woon fit demi-tour, il put constater la présence de Seung-Min assis près de Mago, ainsi qu'il l'avait été durant toute la traversée. Aucune autre disparition de vivant n'était à déplorer. Tous ceux ayant été capturés durant la bataille du Mont Kuwol se trouvaient à bord, en relative bonne santé pour peu qu'on ne prît pas compte des quelques blessures dont certains avaient été victimes durant le combat.
Woon avait aidé Dong Soo à nettoyer les coupures sur son visage et ses bras. Ce dernier lui avait affirmé ne pas avoir été touché en d'autres endroits, mais Woon escomptait préparer malgré tout un peu d'onguent médicinal une fois qu'ils auraient atteint le calme de ses appartements, et lui ordonner de prendre un bain chaud. Jadis, Dong Soo avait fait peu de cas de l'entaille sur son flanc, cadeau de Chun pour s'être interposé entre lui et sa proie : celle-ci avait fini par s'infecter de manière assez conséquente pour le rendre malade, et pour que Sa-Mo fasse grimper les hauteurs de la montagne au médecin le plus proche qu'il avait pu dénicher. De là venaient l'aisance de Woon avec les préparations curatives, les plantes de soins et les mélanges thérapeutiques.
Aucun effet de la brume n'avait été signalé depuis l'instant où ils avaient fendu son manteau. Mago en avait retiré un soulagement visible même auprès de ceux n'étant pas familiers avec ses attitudes et expressions.
- Nous ne nous sommes pas perdus en mer, avait-elle noté avec ravissement en se penchant par dessus la rembarde du navire, et en contemplant les vagues gonfler sous sa charpente comme les contours de l'île se discernaient au loin, gagnant en taille et en largeur à mesure qu'ils avançaient. Peut-être la brume n'est-elle effective que pour les vivants désirant notre perte.
Woon avait secoué la tête, récoltant un froncement de sourcils de la part de son ancienne étudiante.
Elle et Seung-Min avaient profité du voyage pour s'entretenir plus avant avec le compagnon de route de Dong Soo, celui qui avait rougi en écoutant ses louanges, et dont les regards en biais vers ce dernier contenaient une menace tacite, une vulnérabilité et un dévouement envers lequel Woon nourrissait presque malgré lui un amer désagrément.
- M'est d'avis qu'il y a davantage à voir avec le fait que nous nous trouvions sur un bateau peuplé de gwishins, était intervenu Dong Soo.
Sa voix était grave, son ton austère. Son regard n'avait pas dévié de la ligne d'horizon, et de la la forme de l'île qu'on voyait se dessiner là-bas, au fond, entre les nuages de brouillard. Ses avant-bras s'appuyaient sur le bastingage, et ses mains jointes en un poing étaient maintenues suspendues au dessus des frissons de la mer. Un instant, Woon avait été pris du désir de glisser sa paume entre celle de Dong Soo, ou de toucher son bras et de presser le muscle sous le tissu de sa manche.
Il continuait d'avoir froid. Woon voyait les sursauts de ses épaules, engendrés par des grelottements dont la constance et la ténacité en dépit du soleil cuisant les contrariaient tous deux, Woon en particulier puisque Dong Soo avait eu le temps de s'accoutumer à ses symptômes. La veille, Woon avait cherché le visage de la fièvre, des indices de maladie, proposé de lui amener Seung-Min pour lui apporter plus de chaleur, mais Dong Soo avait refusé toutes ses propositions, et demandé à garder la tête sur ses cuisses.
Ses joues, ses tempes, son front étaient raisonnablement tièdes, mais le bout de ses doigts, lorsque Woon les avait touché, était aussi glacé que ceux de n'importe quel autre gwishin fraîchement extirpé de sa tombe.
Et aucune marque sur son cou, pas la moindre. Woon pensait avoir déjà vérifié une dizaine de fois.
Sur les quais de la Cité, adjoints aux embarcadères dressées sur pilotis, un petit agglomérat de curieux s'était réuni afin d'assister au débarquement et d'entre-apercevoir les vivants posant pour la première fois le pied sur le territoire de l'île des Morts.
Dong Soo est vivant, avait transmis Woon à Hui Seon quelques heures plus tôt, se doutant qu'elle se chargerait de délivrer le message au reste de leur confrères et consœurs. Je le ramène à la Cité sous ma protection, ainsi qu'un de ses anciens soldats de brigade nous ayant prêté main forte à Hanyang. Il lui avait ensuite précisé qu'elle et leurs semblables rois et reines étaient libres de faire du reste des vivants ce qu'il leur plairait.
L'organisation d'un rituel de sang était l'option la plus plausible, car Woon avait entendu les récits de l'exil, les préparations de Jae-Ji et ses discours, ses bras levés vers le ciel alors que ses mains étaient barbouillées de sang frais, luisantes à la lumière des feux, parfois de la lune.
- Je n'ai jamais eu vent de telles pratiques parmi les shamans, avait-il signalé à la vieille femme, comme celle-ci y avait fait référence durant l'une de leurs sessions.
- Comme les autres, avait-elle répondu presque sèchement, comme si elle était irritée d'être une fois encore confrontée à une telle problématique. Vous continuez de me voir ainsi, en tant que shaman. Je ne suis pas une shaman. Je ne le suis plus.
- Vous n'avez jamais dénié l'appellation.
- Il n'y a pas de mot exact pour ce que je suis dans notre langage, avait-elle répliqué. Aucun ne convient. Celui de shaman est un simple résidu des habitudes passées, une familiarité qui vous rassure. Je laisse passer. Trouver un autre terme à ce stade serait une perte de temps.
Woon avait étudié ses longs cheveux blancs, la ligne qu'était sa bouche, plissée vers le bas, les sillons de vieillesse qui encadraient depuis la pointe de ses narines jusqu'aux commissures de ses lèvres, l'infinité de minuscules ridules au dessus de celles-ci, les larges poches sous ses yeux noirs.
Elle n'a jamais été une bonne shaman, lui avait dit son reflet dans le miroir, et il avait alors pris des airs de Chun dans la salle du trône d'Heuksa Chorong, mais possède en revanche tous les atouts d'une redoutable observatrice. Les gwishins-rois et reines étaient dépréciés ces derniers temps par la population des morts, mais il était notable que tous savaient apprécier et capter, les uns sur un visage, les autres dans leur environnement immédiat, les stigmates et les altérations à partir desquelles ils adaptaient leurs lignes de conduites.
Le Requin pouvait lire dans les vagues, les mouvements des navires, la force du vent marin. L'Épée et le Bouclier comprenaient les champs de bataille, la motivation des troupes, la formation des armées. L'Herboriste avait le territoire et les plantes, l'Alchimiste les pierres et les métaux, l'Historien les documents écrits et les récits transposés sur le papier. Jae-Ji, Hui Seon, tout comme Woon et la Diplomate, avaient appris à déchiffrer les gens, leurs expressions et leurs états d'âmes, ce qu'il y avait dans leurs coeurs et dans leurs nerfs.
Désormais, les gwishins se cachaient de la curiosité de leurs dirigeants, se rencontraient à leur insu dans les sous-bassement des maisons aux ossatures singulières de la ville, allumaient des bougies et discutaient à voix basse de leur avenir commun, imitant leurs rois et reines durant les conseils restreints, tandis que l'ambassadeur de Joseon faisait la sourde oreille aux exhortations de la Diplomate et que l'œil de Jae-Ji avait été cousu sous sa paupière, condamné au noir jusqu'à nouvel ordre.
(pas maintenant pas maintenant pas maintenant plus tard)
Et des Yeux dans les miroirs, des chatons aux regards crevés, des Dong Soo qui ne parlaient jamais, alors que celui qui était revenu avait la tête fermement rattachée à son tronc et sans aucune cicatrice.
- N'as-tu aucun souvenir ? S'était enquit Woon en se pliant pour se pencher sur lui, l'envelopper, reformer une vieille tanière confortable et dangereuse.
- Non.
Dong Soo ne le regardait pas en répondant.
Tout le comité d'accueil avait été déployé en conséquence de son avertissement. Dans la rue qui longeait la rive, les passants s'arrêtaient, jetaient des coups d'œil suspicieux au bateau. Leurs mâchoires se décontractaient à la vue du Requin ou d'un des leurs, mais se pressait saillante contre leurs peaux mortes dès qu'ils notaient la présence d'un vivant.
Ceux d'entre eux qui s'étaient massés devant le navire étaient somme toute peu nombreux compte tenu de leurs effectifs totaux, mais formaient un ensemble compact, un amas de fourmis grouillantes et affamées, dont Woon pouvait sentir les émanations jusque dans les restes de putréfaction de sa propre chair.
Il descendit accompagné de Dong Soo, à la suite du Requin qui vint aussitôt à la rencontre de Hui Seon et de Jae-Ji. Étaient également avec elles le Sourire. Mesure de précaution, lui souffla Hui-Seon dans le fil de la conscience, et il se rappela de sa silhouette avançant dans le noir, du chignon de ses cheveux, de la manière dont ils disparaissaient dans l'obscurité, et la nature de son sourire, déjà volontairement muet.
Mago demeura aux côtés de Seung-Min. Elle avait le même air que dans la prison royale, alors que les gardes emmenaient Woon vers la chambre de torture, une incarnation de la protection animale et farouche, bien que tragiquement impuissante.
- Ils ne le toucheront pas, lui avait affirmé Woon à bord du Shinshi, comme Mago se souciait de la sécurité de Seung-Min, et lui glissait quelques mots comme celui-ci avait approché Dong Soo et conversait avec lui, le compagnon du voyage du premier dans leurs pattes. J'ai eu la parole de la Voix.
- Elle ne vaut pas celle de Jae-Ji, avait sèchement objecté Mago.
- Plus depuis que ses visions se sont ralenties.
- Vous y croyez vous aussi ?
Le constat avait paru l'indigner. Je n'y crois pas, avait-il été tenté de rétorquer, je le sais.
(et comment le sais-tu)
(parce que je l'ai vu dans les miroirs dans les reflets dans les rues dans le noir)
La main de Dong Soo avait effleuré son bras lorsque le Shinshi s'était faufilé dans le canal principal de l'île, celui par lequel les navires remontaient pour atteindre le port de la Cité. Les vivants, de tendus par le danger de la brume, avaient alors viré vers la crainte silencieuse, l'admiration, et l'affolement contenu.
- Regarde, Seung-Min-ah ! S'était exclamée Mago, désignant du doigt les montagnes et les bâtiments qu'on y distinguait. Voici le lac Solitaire, et la Cité.
Les yeux de Dong Soo avaient suivi les indications de l'ancienne étudiante de Woon. Ni lui, ni Seung-Min n'avaient prononcés un mot dès l'instant où ils avaient passé le détroit. Dans le fond, Woon pensait avoir entendu un vivant en référer aux dieux.
Hui-Seon se montra cordiale, et adressa un sourire à Dong Soo lorsque ceux-ci marchèrent vers elle après le Requin. Jae-Ji fut moins démonstrative : son regard bougeait avec les prisonniers quittant le pont du navire pour le dallage du quai.
À peine eurent-ils tous débarqué que le Sourire se dirigea vers eux, ouvrant les bras et prononçant des paroles de bienvenue d'une courtoisie frôlant la moquerie. Le premier geste de Hui-Seon ne fit pas attendre. Elle saisit le menton de Dong Soo entre son pouce et son index, soulevant le visage de celui-ci pour mieux contempler sa nuque. D'un troisième doigt, elle fit glisser son col vers le bas.
Ses lèvres écarlates se soulevèrent en un rictus mordant en constatant les dires de Woon.
- Vous n'avez pas de cicatrice, remarqua t-elle patiemment, retirant sa main.
Son sourire s'élargit en voyant le regard noir que Woon lui jetait.
- Non, lui confirma Dong Soo.
- Comment se fait-il ?
- Je ne sais pas. Je ne parviens pas l'expliquer. Je ne garde aucun souvenir de mon exécution.
- Voilà qui est fâcheux. Et tout à fait inhabituel.
- Cela posera t-il problème ?
Hui-Seon arqua un sourcil à son questionnement.
Elle était apprêtée de blanc, comme Jae-Ji, mais ses vêtements étaient plus propres et plus élégants que ceux de la shaman. Des taches sombres en gâchaient la couleur, et les nuances de rouges qui se déclinaient dans leur étendue attestaient des activités récentes de la vieille femme, de ses recherches et de ses obsessions.
- À quel propos ?
- Pour être... Il parut chercher le mot adéquat, puis se résoudre à user d'un terme générique à défaut d'en trouver un plus approprié : accepté ?
Sans le voir, il sentit la respiration de Seung-Min gagner en ampleur dans son dos, et Mago s'appliquer à lui prodiguer quelque réconfort discret.
- Eh bien, je ne vois pas en quoi, décréta Hui-Seon avec un léger haussement d'épaules. Tous deux êtes sous la protection de Woon, qui occupe la fonction de gwishin-roi au sein de notre communauté. De fait, vous êtes des nôtres tant que vous résiderez à la Cité.
- Et les autres ? Demanda Dong Soo.
Brièvement, les yeux de Hui-Seon croisèrent ceux de Woon, une conversation à la dérobée (il ne sait pas tu ne lui as pas dit je le ferais plus tard). Elle se reprit aisément.
- Ils seront traités en égaux, déclara t-elle fermement. Nous les logerons au palais.
- Et ensuite ?
Cette fois, elle ne dévia pas du visage de Dong Soo.
- Ensuite, nous verrons.
Jae-Ji tourna la tête vers elle, ne dit rien, et Dong Soo ne manqua pas de le relever.
- Que voulez-vous dire ?
- Vous devez être épuisés par le voyage et la bataille, le coupa Hui-Seon en carrant les épaules ainsi que Woon l'avait souvent vue faire avant de rentrer dans une pièce du palais, en particulier la salle des trônes. Woon nous a informé qu'elle avait été rude, et lourde de pertes pour votre côté. Soyez assuré que vous les reverrez sans doute très bientôt.
- En tant que gwishins, murmura Seung-Min.
Hui-Seon l'entendit, et inclina légèrement la tête pour mieux le voir. Avoir attiré son attention sembla provoquer sa terreur.
- En effet, dit-elle doucement, avec le sourire d'un politicien mal intentionné, de Hong Dae-Ju lorsqu'il était encore en vie. Comme nous. Comme vous très certainement dans peu de temps, si toutefois nous trouvons un moyen d'éclaircir la situation de votre capitaine. Marchons vers le palais, voulez-vous ? Nous aurons le temps de traiter la question plus tard. Nous vous avons préparé des appartements ainsi que de quoi vous restaurer et prendre du repos.
Ils lui emboitèrent docilement le pas, et Woon remarqua alors la présence d'une petite cohorte de gardes royaux, dont la plupart se groupèrent autour des vivants qui, menés par le Sourire, scrutaient les bâtiments de la ville, son agencement, la surface plane du lac et l'îlot sur lequel flottait le palais, énorme dôme hérissé à première vue de piques raffinées, qui se trouvaient être des tours abritant des appartements.
Jae-Ji se tenait en retrait, entre eux et le reste des captifs. Woon pouvait renifler l'odeur de ses réflexions, leur teneur, le chemin qu'elles empruntaient naturellement vers l'organisation d'un rituel de sang exceptionnel et macabrement grandiose.
- Dong Soo demeurera avec moi, informa t-il Hui-Seon.
- Et Seung-Min avec moi, renchérit derechef Mago.
- Je ne vois aucune objection à cela, prétendit Hui-Seon, qui en voyait sans doute une, mais la conservait pour elle jusqu'au moment opportun. Nous les recevrons très certainement en conseil restreint. Jae-Ji me disait encore tout à l'heure que leur appui pourrait être apprécié pour accéder au continent et à la grotte. Nos confrères et consœurs ont aussi témoigné d'un grand intérêt pour votre cas, ajouta t-elle en direction de Dong Soo.
- Et les autres ? S'enquit de nouveau celui-ci, d'un ton plus pressant. Qu'adviendra t-il des autres ? Comptez-vous les ramener à Joseon ?
Cette fois, Hui-Seon ne daigna pas lui répondre. Elle se mit à marcher plus vite, laissant à Woon le soin de traiter le sujet. Dong Soo se pencha vers lui.
- Woon-ah, tu m'as promis, lui rappela t-il, et il y avait l'inflexion de la trahison de jadis dans sa voix, le doute et l'offense, un fer chauffé à blanc sur la cicatrice de sa poitrine.
- Je suis désolé, Dong Soo-yah. J'ai fait de mon mieux.
- Tu m'as dit être un roi.
- Tu te rendras rapidement compte que le mot n'a pas grande importance ici.
- Sang Han-Jae est parmi eux, insista Dong Soo. Il m'a aidé. Eût-il fait de même pour toi, je l'aurais épargné sans hésitation. Mago l'a fait pour Seung-Min.
(tu le connais à peine)
La remarque lui échappa, s'engouffra dans sa gorge, perça la membrane de son silence.
- Tu le connais à peine.
- Ce n'est pas une excuse. Tu me connaissais à peine la nuit où tu as essayé de me protéger de Chun.
Il était inévitable que l'argument lui soit renvoyé de la sorte, et bien qu'il en convînt, l'irritation gagna Woon malgré tout.
- Ça n'a rien à voir.
- Bien sûr que si, proclama Dong Soo. Woon-ah, je t'en prie. Ne peux-tu pas au moins essayer de parler à Hui-Seon ?
Woon le regarda. Ses yeux étaient les mêmes qu'à douze ans. C'était un combat perdu d'avance, comme depuis toujours, et davantage encore depuis que Dong Soo lui avait été amené dans sa tente, vivant et merveilleusement intact.
- Je ne te promets rien, dit-il. J'irais la voir, si c'est ce que tu veux.
- C'est ce que je veux.
Le chaton passa dans son sourire, levant sa queue en signe de victoire.
