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Home is where you heart is
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Prologue
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Lundi 16 mai 2005 – Londres
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Tout laissait à penser que cette journée allait être une belle journée.
Tout.
Le soleil matinal se frayait déjà un chemin jusqu'aux maisons mitoyennes de cette rue londonienne, baignant cette dernière d'une lumière douce. Trop douce pour être éblouissante, mais suffisamment pour qu'Hermione parvienne à sentir sur sa peau la chaleur l'accompagnant. Le ciel s'habillait d'un bleu pur et profond, contrastant parfaitement avec la blancheur du perron de sa maison d'enfance devant laquelle elle se tenait. Et comme si cela ne suffisait pas, une légère brise agitait les cerisiers en fleur de la rue, où seul le chant de quelques rouge-gorges se faisait entendre.
Hermione n'était pas dupe, elle savait pertinemment que cette journée allait être à chier. Un ciel de plomb et une pluie battante conviendraient davantage à la situation. Quelques corbeaux perchés sur des arbres morts, aussi.
Sa valise à la main, le doigt figé à quelques centimètres de la sonnette, Hermione récitait une énième fois ce qu'elle allait leur dire. Quelques phrases qu'elle se répétait mentalement depuis qu'elle avait quitté le Londres sorcier et leur appartement.
Un appartement qui ne serait plus jamais le leur, d'ailleurs.
Aller vivre chez Harry et Ginny était tout simplement inenvisageable. Trop de souvenirs l'attendaient là-bas. Et probablement trop de questions auxquelles elle ne pouvait pas répondre. Des questions auxquelles elle n'était pas encore prête à répondre.
Hermione tentait de se rassurer en se rappelant le principal avantage d'avoir des parents moldus. Contrairement à la grande majorité de ses amis et collègues qui l'avait appris avant même qu'elle ne puisse le leur annoncer, ses parents n'étaient pas encore au courant. Il était certain que l'article publié par cette garce de Skeeter dans la Gazette des Sorciers ne leur était pas parvenu jusqu'aux oreilles. Hermione allait pouvoir leur annoncer elle-même la nouvelle, et ce, en choisissant les bons mots.
Et son "égoïsme" n'en ferait probablement pas partie.
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Dimanche 22 Mai 2005 – Pérou
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Où qu'il soit, qu'importe le pays ou le continent, ce hibou le trouvait toujours. Cette cabane perdue en pleine forêt amazonienne, à une centaine de kilomètres au nord du fleuve n'avait pas fait exception. L'oiseau l'avait trouvé dès son arrivée.
Toutes les semaines, depuis près de cinq ans, Drago recevait une lettre ou un colis. Seul moyen qu'avait sa mère de lui rappeler ce qui l'attendait à la maison.
La maison.
Un concept qui lui semblait maintenant plus qu'étranger, ce mot ne signifiant plus rien. Home is where your heart is, parait-il. Et son cœur l'avait quitté il y a bien longtemps.
Drago n'était donc pas surpris de trouver une nouvelle fois ce hibou Grand-Duc devant la porte de sa cabane. Ce qui l'étonnait, c'était de ne voir aucune lettre accrochée à sa patte. Aucun colis entre ses serres. Pour la première fois, le volatile tenait dans son bec un exemplaire de la Gazette des Sorciers.
L'ancien Serpentard ouvrit la porte et aussitôt, le hibou vola en direction de la table trônant au centre de la pièce. L'unique pièce. Drago referma la porte derrière lui, le bois étouffant légèrement le bruit de la pluie s'abattant actuellement sur l'Amazonie. Cette pluie qui l'avait incité à se lever aux aurores, espérant trouver quelques limaces de feu afin de récolter une quantité suffisante de bave, ingrédient indispensable à la concoction qu'il tentait d'élaborer.
Un antidote au Sort de Décomposition. Un maléfice qui mériterait amplement l'appellation d'Impardonnable. Une fois touchés, les organes internes de la personne visée entraient en putréfaction. Il n'existait aucun contresort, aucun remède. La personne pourrissait de l'intérieur et la mort était inéluctable. Une mort lente et effroyablement douloureuse. Une véritable agonie dont Voldemort se délectait et à laquelle Drago avait été forcé d'assister. Plusieurs fois.
Drago attrapa le journal, libérant ainsi le bec de l'oiseau. Celui-ci déploya ses ailes brunes, projetant tout autour de lui de nombreuses gouttes de pluie. Ils étaient probablement aussi trempés l'un que l'autre. A la seule différence que Drago appréciait cette sensation. Il la choisissait.
Le hibou vola vers l'établi sur lequel se trouvait quantité d'ingrédients et de chaudrons. Ses gigantesques yeux oranges se posèrent immédiatement sur son met préféré et sans attendre, il goba un scarabée séché.
« Je t'en prie. Fais comme chez toi. »
L'oiseau ignora son ton sarcastique et avala un deuxième insecte. Encore une fois, il n'en laissera probablement aucun. Et encore une fois, Drago le laissera faire.
Le journal à la main, le jeune homme se dirigea vers son lit et s'assit sur le rebord de celui-ci. Il déplia la Gazette, ignorant les gouttes de pluie dégoulinant de ses cheveux et imprégnant le papier. La une traitait de l'inauguration de la nouvelle aile de l'Hôpital Sainte-Mangouste.
L'écriture de sa mère lui attira l'oeil. Elle avait ajouté quelques mots dans l'un des coins.
J'ai pensé que cela pourrait t'intéresser.
Reviens-nous, je t'en prie.
Reviens-moi.
Ces dernières années, elle avait tout tenté. Mais pensait-elle réellement qu'une nouvelle aussi triviale le ferait revenir ? Non, ces quelques mots ne pouvaient pas concerner cette inauguration. Drago parcourut le reste du journal, à la recherche d'une information un peu plus significative, tout en sachant pertinemment qu'il n'y en aurait aucune. Si les supplications de sa mère avaient échoué, rien ne pourrait le faire rentrer.
Il s'arrêta sur l'une des pages dont le coin avait été corné. La rubrique lui arracha un grognement sourd.
La plume à papote de Rita Skeeter.
« Cette garce n'a toujours pas été virée ? »
Le hibou délaissa ses scarabées et posa ses grands yeux sur Drago avant d'hérisser ses plumes en signe de mécontentement.
« Quoi ? C'est le mot garce qui te dérange ? » Drago baissa de nouveau la tête vers le journal et marmonna : « Estime-toi heureux. J'ai pire en stock. »
Il parcourut les différents articles, sans réellement prendre la peine de les lire. Par manque d'intérêt. Peut-être par égard pour les personnes concernées. Drago savait par expérience qu'elles auraient sûrement préféré ne pas faire partie de ce torc—
Un mot lui sauta aux yeux. Un nom.
Un nom qu'il n'avait pas vu écrit depuis des années.
Cet article-là, Drago ne put s'empêcher de le lire.
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RON WEASLEY ET HERMIONE GRANGER… SEPARES !
Chères lectrices, accrochez-vous bien, il semblerait qu'un nouveau célibataire ait rejoint le marché : le célèbre Auror Ronald Weasley !
Selon une source proche du couple, Ron Weasley en aurait eu assez de cette relation qui n'avançait pas et de l'égoïsme patent d'Hermione Granger.
Pas étonnant lorsque l'on apprend que leur meilleur ami, le fameux Harry Potter, est une nouvelle fois en train d'agrandir sa famille au côté de sa femme Ginny Potter-Weasley.
De leur côté, après plusieurs années de relation, Granger et Weasley n'étaient encore ni mariés, ni parents. Au grand dam de ce dernier, selon notre source.
Je souhaite bon courage à toutes celles qui iront faire le piquet devant le Ministère de la Magie dans l'espoir de le croiser…
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Drago resta immobile, le journal entre les mains, incertain d'être encore en train de respirer. Il lut et relut ces quelques lignes, rendues à chaque fois de plus en plus illisibles par les nombreuses gouttes dévalant ses mèches blondes. Subitement, cette pluie le gênait et il plaqua machinalement ses cheveux en arrière.
Ses mains tremblaient. Son corps tout entier, plus exactement.
Drago aurait pu mettre ces tremblements sur le compte de la pluie qui avait très clairement traversé tous ses vêtements, mais les vingt-cinq degrés ambiant rendaient ce mensonge peu crédible.
S'il tremblait, c'était parce que cette nouvelle, il l'attendait depuis des années. Une partie de lui, du moins. Celle qui n'avait jamais cessé d'espérer. Une partie infime qu'il avait tenté de taire en fuyant l'Angleterre.
Là où l'acceptation était une mort brutale et instantanée, l'espoir était une lente agonie.
Drago releva la tête du journal et posa un regard absent sur le hibou Grand-Duc de sa mère. Il relâcha un souffle qu'il n'avait jusqu'alors pas conscience d'avoir retenu et lorsque ses poumons s'emplirent de nouveau, l'air se mélangea à autre chose. Une sensation. Drago la reconnut immédiatement, et pour la première fois, ne l'étouffa pas.
L'espoir.
Il était temps de rentrer.
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Vendredi 10 Juin 2005 – Londres, Ministère de la Magie
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Hermione n'avait pas remis les pieds au Ministère depuis sa démission, il y a deux semaines de ça. Elle avait repoussé ce moment au maximum, mais il lui avait été plusieurs fois demandé de venir vider son bureau. Elle devait également ramener d'anciens grimoires runiques sur lesquels elle travaillait avant de quitter son poste.
L'ancienne Gryffondor avait toujours eu un faible pour l'Etude des runes. Un faible qui s'était transformé en véritable passion lors de sa 8ème année. A sa sortie de Poudlard, travailler dans le domaine runique s'était imposé à elle comme une évidence.
Attendant devant l'ascenseur qui l'emmènerait à l'étage du Département d'Histoire de la Magie, Hermione jetait des regards inquiets autour d'elle. Ils ne s'étaient pas revus depuis cette fameuse soirée et l'atrium du Ministère ne lui semblait pas être le lieu idéal pour le croiser.
Cette fameuse soirée.
Cette soirée où, comme à son habitude, Hermione était rentrée un peu tard du travail, les bras chargés d'ouvrages et de dictionnaires runiques. Ron l'avait accueilli, le visage fermé et le regard embué. Elle n'avait pas été surprise de ce qu'il lui avait alors dit :
« Quand est-ce que ce sera à notre tour ? ».
Ce quand qui résonnait comme un métronome. Le mariage, quand, les enfants, quand, le mariage, quand, les enfants, quand… Cette litanie incessante qu'était devenue leur vie de couple.
L'annonce de la troisième grossesse de Ginny avait été le coup de grâce pour lui.
Ce qui était insoutenable pour Ron, c'était de savoir qu'Hermione désirait se marier et avoir des enfants. Il le savait pertinemment car cette discussion, ils l'avaient eue au tout début de leur relation. Alors pourquoi continuellement repousser l'échéance ? Hermione elle-même l'ignorait.
Elle avait accepté sa demande en mariage mais la date n'avait jamais été fixée.
Les disputes avaient commencé lorsque Ron s'était senti prêt à sauter le pas et à devenir père. Les premiers temps, Hermione lui avait expliqué qu'elle préférait profiter pleinement de leur vie à deux, et seulement à deux. Elle lui avait ensuite affirmé vouloir se concentrer sur sa carrière, commençant à peine à travailler au Service de Traduction Runique du Ministère. Ces derniers mois, elle lui disait simplement ne pas se sentir prête.
Cette dernière excuse, Ron ne parvenait pas à l'accepter. Il voyait comme elle était avec ses deux neveux, James et Albus. Hermione était prête. Et en effet, elle l'était. Malheureusement, dès qu'Hermione s'imaginait tomber enceinte de Ron, un poids énorme se formait dans son estomac.
La sonnerie de l'ascenseur la tira de ses pensées. Hermione se figea avec appréhension tandis que les portes coulissantes s'écartaient.
Vide.
Soulagée, elle entra dans l'appareil et pressa le bouton de l'étage de son ancien département. Les portes s'apprêtaient à se refermer quand une main s'entreglissa, les forçant à s'ouvrir de nouveau. Une silhouette familière pénétra le petit espace. Hermione parcourut du regard ce chignon serré, cette petite bouche pincée et ces lunettes portées sur le bout du nez qu'elle connaissait si bien.
« Professeure McGonagall ! s'étonna-t-elle
— Par Merlin, Miss Granger, quel plaisir de vous croiser ici. » La Directrice de Poudlard pressa le bouton du quatrième étage, et se tourna vers Hermione. « Je me rends à une réunion du Département d'Education Magique. Vous travaillez toujours à la traduction runique ? » lui demanda-t-elle en désignant la pile de grimoires qu'elle portait.
Hermione fut reconnaissante de ne pas avoir à répondre à une énième personne lui demandant comment elle allait. Mais après tout, Minerva McGonagall était une femme pleine de discernement et de tact. Elle était forcément au courant. Tout le monde l'était. Elle connaissait donc déjà la réponse à cette question. Non, ça n'allait pas. Inutile de forcer la jeune femme à le dire à voix haute, ou pire, la forcer à mentir.
« A vrai dire, Professeure, j'ai- j'ai démissionné il y a quelques semaines. Je viens régler quelques détails... » Hermione observa un instant le plafond de l'ascenseur qu'elle empruntait quotidiennement depuis presque quatre ans. Une éternité. « Je crois qu'après plusieurs années au Ministère, j'ai besoin de... changer d'air. »
Changer d'air, un euphémisme.
McGonagall lissa le velours de sa robe et posa sur Hermione un regard emplit d'espièglerie. Sa petite bouche pincée se déforma en un léger sourire. Elle semblait approuver cette idée.
« Miss Granger, vous savez que je suis quelqu'un à l'esprit rationnel, mais… parfois, le destin est un drôle de garnement, je ne peux le nier. Saviez-vous que la Professeure Babbling, en charge de l'Etude des runes, quitte Poudlard à la fin de l'année scolaire ? »
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Samedi 25 Juin 2005 – Wiltshire.
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Drago s'était volontiers passé de ce genre d'événement durant ces cinq dernières années. Pour son plus grand bonheur, il n'y avait pas de repas mondains dans la forêt amazonienne, le désert de Gobi ou les montagnes du Congo. Pendant ses recherches, Drago avait seulement assisté à quelques rites de passage des tribus qu'il avait pu rencontrer. Très loin donc, de ces repas guindés où il se retrouvait forcé de faire la conversation à des inconnus.
Cela faisait près d'un mois qu'il était rentré et sa mère ne le lâchait pas d'un iota, comme si elle redoutait qu'il disparaisse définitivement dès l'instant où il sortirait de son champ de vision. Il avait pratiquement dû quitter le Manoir en douce afin d'aller voir Blaise.
Elle ne lui avait donc pas vraiment laissé le choix quant à cette soirée caritative.
« Drago, cesse de faire cette tête. Ton père ne peut pas venir, tu ne vas quand même pas laisser ta pauvre mère y aller seule. Et il n'y a rien de mieux qu'une soirée de ce genre pour annoncer à tous que tu es enfin rentré. » lança-t-elle en insistant subtilement sur cet avant-dernier mot.
Adossé à l'encadrement de la porte du salon, les bras croisés, Drago observait sa mère alors que celle-ci inspectait une dernière fois sa robe de soirée dans l'immense miroir victorien habillant l'un des murs de la pièce.
« Est-ce que tous ces arguments doivent me laisser penser que j'ai encore le choix ? » plaisanta-t-il, les yeux faussement remplis d'espoir.
Drago vit les lèvres de sa mère s'étirer en un demi-sourire tandis qu'elle retouchait son rouge-à-lèvre.
« Non. Mais l'important est de te laisser croire que tu l'as. »
Classique.
Drago glissa les mains dans les poches de son pantalon et s'approcha du miroir, son reflet rejoignant celui de Narcissa.
« Tu es très beau dans ce costume. »
Avant qu'il ne puisse articuler le moindre remerciement, elle se tourna vers lui, cet éclat de désapprobation maternelle dans le regard. « Ça, néanmoins, Carby va devoir s'en charger pendant ton sommeil si tu ne la rases pas toi même. »
Drago se fendit d'un sourire et passa sa main dans la légère barbe qu'il portait maintenant depuis deux ans, ayant abandonné le rasage régulier lorsqu'il arpentait l'Australie.
« Carby ne me ferait jamais ça. »
Narcissa fit claquer sa langue contre son palais. Dès l'instant où elle l'avait vue, elle était partie en croisade contre cette barbe. Signe d'une négligence effroyable, selon elle.
« Tu es prête ? » lui demanda-t-il en lui tendant délicatement son avant-bras.
Narcissa acquiesça et posa l'une de ses mains sur son bras tendu. De l'autre, elle caressa à son tour la joue de Drago, non sans un nouveau claquement de langue. A ce contact qui lui avait plus manqué qu'il ne pourrait l'admettre, il ferma les yeux, tout en reposant sa tête contre la paume de sa mère.
L'instant d'après, le salon du manoir Malefoy se vida dans un craquement sonore.
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Cela faisait pratiquement trois heures qu'ils étaient à cette soirée. Ou peut-être vingt minutes, Drago n'était pas sûr. Et le Whisky Pur Feu n'aidait pas.
Dans une autre vie, il adorait ce genre de mondanité. Enfant, il regardait ses parents enchainer les conversations, fasciné. On s'y créait un réseau, on rencontrait des gens importants. Tout cela lui paraissait bien loin, et maintenant, incroyablement insignifiant.
Posté dans un coin de la salle et en retrait des autres invités, il observait sa mère tandis qu'elle discutait avec un groupe de femmes qu'il ne connaissait pas. A son retour du Pérou, il avait été soulagé de constater qu'elle n'était pas un paria dans le monde de la magie. Qu'elle était parvenue à se refaire une image, des amies. Drago n'était pas certain de pouvoir en dire autant de son père. Visiblement, ce dernier fuyait encore ce genre d'événement. Il semblait ne jamais quitter le Manoir, et rarement son bureau.
« M. Malefoy ? »
Drago fut pris d'un léger sursaut en entendant cette voix familière. Perdu dans ses pensées, il n'avait pas remarqué qu'on s'était approché de lui.
« Professeure McGonagall, salua-t-il poliment.
— Il me semblait bien vous avoir reconnu. J'espère ne pas vous déranger.
— Comme vous pouvez le voir, je ne suis pas assailli d'interlocuteurs. »
Drago désigna du regard le reste de la salle, un sourire en coin. Il avait dû supporter quelques regards insistants, mais aucun d'entre eux n'avait eu l'audace de venir lui faire la conversation. Dès l'instant où sa mère avait dirigé son attention vers autre chose que lui, il s'était retiré dans un coin de la pièce avec ce qui devait être le meilleur des interlocuteurs. De ceux qui restaient silencieux et ne vous forçaient pas à parler.
Un verre d'Ogden's Old Firewhisky.
« Je suis plus qu'étonnée de vous voir ici… Cela fait plusieurs années que la presse s'en donne à cœur joie à votre sujet. Si mes souvenirs sont bons, vous avez été annoncé comme porté disparu, puis mort, puis disparu de nouveau… Ainsi qu'un tas d'autres choses que je préfère taire. »
Drago porta son verre à ses lèvres, sans prendre la peine de cacher son sourire. Blaise lui avait fait un compte-rendu de toutes les théories expliquant son départ. Il appréciait tout particulièrement celle selon laquelle il se révélait être un Vélane parti en quête de son âme-soeur. Ou une autre absurdité de ce genre. Sans conteste, l'oeuvre de Rita Skeeter.
« Comme vous pouvez le voir, je ne suis rien de tout ça. J'imagine que la vérité n'aurait pas autant intéressé les lecteurs. »
McGonagall le fixa un instant et avec une simple question, lui fit regretter son tête à tête avec son verre d'Ogden's.
« Et quelle est telle, cette vérité ? »
Cette question, il aurait dû la voir venir. Une erreur de débutant, vraiment.
« J'ai simplement voyagé. » Fuit, pour être exact. Et quelque chose dans le regard de son ancienne Professeure lui laissa entendre qu'elle l'avait bien compris. « Le Professeur Slughorn m'avait parlé d'une tribu de sorciers vivant en Asie. J'ai commencé par là. La Mongolie.
— Et ensuite ?
— L'Afrique, pendant trois ans. Congo, Botswana, Madagascar, Bénin. Entre autres. Puis, l'Australie, quelques mois. J'étais en Amérique du Sud, juste avant de rentrer. Pérou. »
Cinq ans de sa vie résumé en une liste de pays. Une liste plus longue que celle-ci et qu'il interrompait pour la première fois. Temporairement ou définitivement, il n'en était pas encore certain.
« Avez-vous pu trouver ce que vous cherchiez ? »
Drago resta silencieux et prit une nouvelle gorgée de whisky, comme si la réponse à cette question se trouvait au fond de son verre.
« Je doute qu'on ne parcourt le monde entier comme vous l'avez fait sans être à la recherche de quelque chose, M. Malefoy… »
Il laissa échapper un rire sans joie, récoltant un léger froncement de sourcils de la part de McGonagall.
« Au contraire, je crois que je suis parti parce que je ne cherchais plus rien. » Il marqua une pause et regarda danser les couleurs ambrées de son verre d'Ogden's. « Mais finalement, vous avez raison, j'ai fini par trouver quelque chose. En Mongolie, un Maitre de Potions m'a pris sous son aile et m'a transmis tout son savoir. Et je ne me suis pas arrêté à cette tribu, j'en ai rencontré d'autres. Une dans chaque pays. Parfois plusieurs. Chacune d'elles m'a permis de découvrir des formes de magie encore inconnues en Europe. Des ingrédients et des élixirs aux capacités incroyables. »
Drago ne l'admettrait pas à voix haute, aborrhant tout particulièrement ce terme, mais en fuyant l'Angleterre, il était au moins parvenu à trouver sa voie.
« M. Malfoy, j'ai peut-être une proposition qui pourrait vous intéresser. »
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Mercredi 31 août 2005 — Poudlard
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Hermione ne s'était pas tenue devant la porte de la Grande Salle depuis la fin de sa 7ème année, il y a de cela six ans. Pourtant, en cet instant, l'ancienne Gryffondor avait l'impression de n'avoir quitté Poudlard que quelques minutes. Comme si ces années passées loin d'ici n'avaient pas vraiment existé. Comme si sa propre vie avait été mis sur pause à son départ, pour ne reprendre qu'à son retour.
Les murs du château étaient gorgés de souvenirs. Cette pièce, tout particulièrement.
Hermione s'y engagea, le claquement de ses chaussures sur les pierres pavant le sol emplissant la pièce d'une mélodie si familière. Elle longea la table des Gryffondors, se rappelant tour à tour une quantité incalculable de rires, de discussions, de devoirs partagés, d'encouragements, de disputes et de réconciliations.
Elle y avait également fait des adieux, la guerre n'ayant pas épargné ces murs. Pour autant, cela n'enlevait rien au caractère rassurant qu'avait Poudlard à ses yeux. Hermione s'y sentait bien. Et lorsqu'elle arriva devant la table des Professeurs, celle qu'elle occuperait désormais, elle eut la sensation de pouvoir à nouveau respirer.
Enseigner les runes ne lui avait jamais traversé l'esprit. McGonagall lui avait d'ailleurs demandé de prendre le temps de réfléchir. En temps normal, c'est ce qu'Hermione aurait fait. Peser le pour, le contre. En parler à ses proches. Etudier le curriculum. S'organiser.
Elle n'avait rien fait de tout ça. N'en avait pas eu besoin. McGonagall était à peine sortie de l'ascenseur qu'Hermione acceptait sa proposition.
Finalement, elle n'avait pas besoin de changer d'air. Seulement d'en retrouver un familier.
Hermione contourna la table des Professeurs et se dirigea vers la porte se trouvant juste derrière. Une porte qu'elle avait tant de fois observée, désirant avidement découvrir la pièce qu'elle renfermait. La seule qu'elle ne connaissait pas véritablement, la Salle Professorale.
L'ancienne Gryffondor connaissait toutes les salles de classe, s'était rendue dans tous les bureaux des Professeurs, toujours une question à la bouche, avait pénétré la réserve interdite de la bibliothèque, avait été dans le couloir interdit du 3ème étage, avait vu la Chambre des Secrets... Merlin, même la salle commune des Serpentards ne lui était pas étrangère.
La Salle Professorale, cependant, restait un mystère qu'elle n'avait jamais pu percer, celle-ci n'étant même pas évoquée dans l'Histoire de Poudlard. Et bien qu'elle fasse maintenant partie du corps professoral, l'idée de franchir cette porte lui paraissait toujours être du domaine de l'interdit.
Hermione esquissa un sourire à cette idée. Ses doigts s'enroulèrent autour de la poignée et elle entra.
La pièce était telle qu'elle l'avait toujours imaginée, un savant mélange des quatre salles communales. Elégante comme celle des Serdaigles, confortable comme celle des Poufsouffles, chaleureuse comme celle des Gryffondors et mystérieuse comme celle des Serpentards. Une grande table de bois massif trônait au milieu de la pièce, chaque pied étant sculpté dans la forme des quatre animaux des quatre maisons. Un portrait de Dumbledore était accroché au-dessus d'une cheminée de marbre blanc. Les yeux de la jeune femme croisèrent ceux du tableau et Hermione jura voir un sourire victorieux se dessiner sur les lèvres du vieil homme.
« Miss Granger, vous voilà. Veuillez prendre place. » La Directrice se tourna vers les autres professeurs présents autour de la table et ajouta : « Suite au départ du Professeur Babbling, l'Etude des Runes va être pris en charge par Miss Granger ici présente. Pour beaucoup d'entre vous, les présentations ne seront pas nécessaires. »
Hermione prit place autour de la table et observa ses nouveaux collègues. En effet, il y avait peu de visages inconnus. Un grand nombre d'entre eux avaient été ses propres Professeurs durant sa scolarité : Flitwick, Trelawney, Binns, Sinistra, Bibine, Magnolis, Hagrid… Hermione les salua poliment et s'attarda davantage sur ce dernier à qui elle adressa un sourire chaleureux, marque d'une affection passée encore présente.
Tandis que la nouvelle enseignante baladait ses yeux sur les nombreux visages qui l'entouraient, elle fut heureuse de croiser le regard de Neville Londubat. Celui-ci avait en effet brigué le poste de Botanique il y a deux ans et l'avait obtenu l'année précédente.
Un autre visage familier était présent à cette table, celui d'Isaac Borealis, un ancien collègue de Ron et Harry. Hermione se serait volontiers passée de sa présence. Isaac lui adressa un sourire en coin. Elle réprima son envie de lever les yeux au ciel et à la place para son visage de ce qui se voulait être un simple sourire poli, mais de ce qui fut plutôt une froide grimace crispée.
La Directrice poursuivit ses explications quant aux changements ayant lieu cette année. A l'instar de la Professeure Babbling, le Professeur Slughorn avait également quitté Poudlard, libérant ainsi le poste de Maitre de Potions ainsi que la direction de la maison Serpentard. Au centre de la table, plusieurs parchemins indiquant leurs emplois du temps respectifs se mirent à virevolter avant de venir se poser délicatement devant chaque enseignant. Un seul resta en suspens, ne trouvant pas son propriétaire.
« … quant au nouveau Professeur en charge des Potions, il semble avoir du retard » admit McGonagall tout en regardant, par-dessus ses lunettes, le parchemin resté en suspension. « Certains d'entre vous le connaissent bien, puisqu'il a été votre élève… ou votre camarade » ajouta-t-elle en se tournant vers Hermione et Neville.
Les deux anciens élèves s'interrogèrent du regard tandis que, silencieusement, la poignée de la Salle Professorale tourna sur elle-même.
« Veuillez excuser mon retard » résonna une voix.
Une voix qu'Hermione n'avait pas entendue depuis des années, mais dont elle n'avait pourtant oublié aucune des intonations.
