Note de l'autrice : Petit rappel de l'ordre des notes à Poudlard, de la pire jusqu'à la meilleure : Troll, Désolant, Piètre, Acceptable, Effort exceptionnel, Optimal.
Bonne lecture !
In Pursuit Of
PURPOSE
(Cormac)
Cormac commençait à songer que, peut-être, ce n'était pas son année.
En septembre, il était pourtant descendu du Poudlard Express d'un pas confiant, le torse bombé et le regard assuré, prêt à profiter de sa dernière année d'école pour relever tous les défis qui se présenteraient à lui. Et voilà qu'il se trouvait désormais alité, non pas en raison d'un énième challenge qui avait mal tourné – à la grande surprise de Madame Pomfresh et de lui-même – mais bien parce qu'il avait failli mourir empoisonné.
Quand il s'agissait de vivre de nouvelles expériences, Cormac McLaggen se révélait toujours partant, mais celle-ci était tout de même un poil trop intense pour lui. Autant, les sensations fortes, il n'y disait jamais non, autant, le frisson du trépas, il pouvait s'en passer.
Et quelle mort médiocre ça aurait fait ! Lui, la bave aux lèvres, aux pieds de la fille qu'il avait échoué à séduire, achevé par son empressement à noyer sa peine dans de l'hydromel. S'il fallait noter un tel décès, Cormac lui aurait attribué un D. Désolant. Et encore, il se montrait généreux. Si ce n'était pour l'anecdote que son oncle Tibérius lui avait rapportée au sujet du taux de sorciers qui mourraient stupidement à Gringotts, en ne s'accrochant pas bien aux bords du wagonnet lors de leur descente aux coffres, il aurait penché en faveur d'un Troll. Dans la mesure où l'empoisonné avait survécu, cependant, ça valait sans doute un simple Piètre. À la vérité, l'incident lui ayant permis d'être serré contre la poitrine d'Hermione, la note aurait facilement pu atteindre un Acceptable. Mais comme le garçon n'avait été suffisamment conscient pour en profiter… Piètre paraissait approprié.
Survivre à une piètre expérience n'annonçait rien de réjouissant. Cormac ne savait que blâmer en priorité – entre le fait d'avoir frôlé la mort et celui d'être drogué aux potions – pour expliquer son état actuel. Il se sentait étrangement cotonneux, étrangement vaporeux depuis l'incident. Flottant, même. Comme si l'impact de son crâne avec le sol avait désorienté sa boussole interne. Comme si les convulsions de son corps avait ébranlé l'ordre de ses priorités. Sans doute la mort avait-elle cette drôle de manie de toujours remettre en question la vie.
C'est donc plongé dans ses pensées existentielles qu'on pouvait le trouver cet après-midi-là. Un drap blanc remonté sous le nez, il gardait les yeux fixés au plafond, allongé dans le lit qu'il occupait depuis une semaine et demi. Des pas hésitants se firent alors entendre dans le couloir, semblant aller et venir devant l'infirmerie, sans se rédoudre à en franchir le seuil. L'indécis arrêta finalement sa danse pour souffler un bon coup et passer la tête dans l'entrebâillement de la porte.
Lorsque Cormac jeta un coup d'œil en sa direction, il vit une paire d'yeux globuleux l'observer, surmontée d'épais sourcils inquisiteurs et d'un front agité d'une mer de rides.
« Ah ! Vous voilà réveillé, Monsieur McLaggen ! », fit le professeur Slughorn.
L'homme se rendit au chevet de celui qu'il avait bien failli tuer par mégarde, son embarras vainement caché derrière une démarche assurée.
« J'ai essayé de vous rendre visite ces derniers jours, mais j'arrivais toujours au moment où vous dormiez. Je n'ai pas osé vous réveiller… Je sais combien ça demande d'énergie au corps d'expulser du poison hors de son système. »
Cormac leva le nez, faisant tomber le drap sous sa bouche, et répondit d'une voix lasse.
« C'est ce que me répète Madame Pomfresh, mais entre nous, je la suspecte de me droguer aux potions parce qu'elle n'aime pas ma conversation. Les femmes et le Quidditch, vous savez... »
Le professeur Slughorn leva un sourcil.
« Je vois », dit-il en ne voyant du tout ce que l'alité insinuait.
Semblant pressé de changer de sujet, le visiteur brandit alors une petite boîte en fer qui fit du bruit lorsqu'il la secoua
« Oh, tenez ! Je vous ai apporté des biscuits ! Rien de tel qu'une douceur pour regagner du poil de la bête, n'est-ce pas ? »
Cormac jeta un regard franchement suspicieux en direction de l'offrande alimentaire.
Le professeur Slughorn fronça les sourcils devant sa défiance, ses yeux alternant entre la boîte de biscuits et l'empoisonné à l'hydromel, avant de comprendre la réticence de l'étudiant à accepter un autre cadeau de sa part.
« Hm, bien sûr, se ravisa-t-il avec un petit rire nerveux. Peut-être pour plus tard. »
Pendant que l'homme dissimulait la boîte de biscuits derrière son dos, Cormac reprit son observation détaillée du plafond.
« Comment allez-vous donc, mon garçon ? », demanda le professeur Slughorn.
Un silence songeur lui répondit, suivi d'un soupir à fendre l'âme.
« Avez-vous déjà regretté vos actes, professeur ? »
Se sentant accusé, le concerné se mit sur la défensive.
« M. Mclaggen, soyez assuré que je suis désolé pour l'hydromel, j'ignorais que la bouteille avait été empoisonnée, je regrette sincèrement de vous avoir… »
La victime balaya les excuses du bourreau involontaire d'un revers de main.
« Non, non, je ne parlais pas de ça.
- Oh ? »
Cormac regarda son aîné avec le visage d'un homme qui a besoin de se confier.
« Avez-vous déjà passé en revue votre vie et repéré l'endroit exact où vous avez tout fait foirer ? »
Horace Slughorn se tendit.
« Je veux dire, expliqua Cormac, une erreur qui paraît sans conséquence de prime abord, mais qui prend une ampleur inattendue ensuite. Les moldus appellent ça l'effet limace, je crois. Quelque chose comme : la bave d'une limace dans un coin paumé d'Écosse pourrait provoquer un cataclysme dans toute l'Europe. Ça a à voir avec le chaos, apparemment. Hermione m'en avait parlé – brillante, cette fille, vous savez – mais je n'ai pas retenu les détails. Bref, vous voyez ce que je veux dire ? Ce genre d'erreur-là ? »
L'homme déglutit difficilement en face de lui.
« Je vois bien, oui », dit-il d'une voix défaillante.
Les yeux de Cormac s'illuminèrent derrière les nuages de sa convalescence. Le jeune homme se souleva alors pour s'adosser contre la tête de lit.
« Eh bien, je me suis rendu compte de la mienne, annonça-t-il. Lorsque je m'étouffais, ma vie entière est passée devant mes yeux et ma plus grosse erreur m'est apparue très clairement. »
Pourtant mal à l'aise, le professeur Slughorn dut se sentir obligé d'écouter et de conseiller l'étudiant qu'il avait malencontreusement empoisonné - surtout si l'épiphanie qu'il avait vécue en se croyant mourir était en jeu.
« Et quelle était-elle ? demanda-t-il donc poliment. Votre plus grosse erreur. »
Cormac se pencha un peu plus vers son interlocuteur.
« Les œufs de Doxy, certifia-t-il gravement.
- Les œufs de Doxy, répéta le professeur, incrédule.
- Parfaitement, assura le jeune d'un ton solennel. L'année dernière, j'en ai avalé une livre pour relever un défi.
- Mais…, fit le maître de potion, confus. Les œufs de Doxy sont toxiques mangés en grande quantité...
- Oui, bien sûr. Quel intérêt de se défier à les manger, sinon ? »
Le professeur Slughorn n'eut pas l'air de mieux en cerner l'intérêt après cette remarque.
« Et en quoi cette… ingestion excessive d'œufs de Doxy a-t-elle changé votre vie, M. McLaggen ? »
Cormac hocha la tête comme s'il s'agissait d'une excellente question.
« Eh bien, à cause de ça, j'ai dû me rendre à l'infirmerie au lieu de me présenter aux sélections pour l'équipe de Quidditch, se désola-t-il. Et sur le coup, je n'en ai rien pensé. Sur le coup, je voulais juste en boucher un coin à cet abruti de Graham Montague et lui prouver de quoi j'étais capable.
- Graham Montague, répéta le professeur en tentant de suivre l'histoire.
- Oui, c'est lui qui m'a mis au défi. C'était le capitaine de l'équipe de Serpentard. Ça aurait dû me mettre la puce à l'oreille, parce que clairement ce serpent sournois – sans vouloir offenser votre ancienne maison, professeur – clairement, cette vipère perfide craignait que j'arrête tous les tirs de son équipe en devenant gardien pour Gryffondor… C'est pour ça qu'il m'a roulé dans la farine avec ce challenge. »
Le professeur Slughorn plissa les yeux, peu convaincu, mais continua d'essayer de comprendre.
« Et en quoi relever ce défi a été une erreur de votre part ?
- À cause de ça, j'ai perdu un an entier d'entraînement, regretta-t-il. Vous vous rendez compte ? C'est sans doute ce qui m'a coûté ma place aux sélections de cette année... Et même si je peux m'entraîner en tant que gardien remplaçant cette fois-ci, je continue à prendre du retard par rapport à ceux qui jouent durant les matchs. »
Frustré à cette pensée, Cormac se cogna le crâne contre la tête de lit.
« Je présume donc, s'aventura à déduire le professeur, que le poste de gardien est important pour vous. »
C'était bien ce que Cormac avait vu défiler devant ses yeux lorsque la mort avait commencé à l'étreindre : les heures passées à jouer au Quidditch avec son père durant son enfance ; l'admiration presque maladive qu'il avait vouée pendant quatre ans à Olivier Dubois, avant que ce dernier ne libère le poste de gardien à son départ ; la déception d'apprendre l'annulation des matchs lors du Tournoi des Trois Sorciers ; celle d'avoir raté les sélections l'année d'après, en raison de stupides œufs de Doxy ; et le choc d'avoir manqué sa dernière chance, face à Ron Weasley, alors qu'il avait tout donné pour devenir gardien.
« Rien n'égale le frisson de ne pas savoir si l'on va parvenir à arrêter le tir ou non, expliqua Cormac. Rien n'égale le sentiment d'être le rempart contre la défaite. Je crois que je ne me suis jamais senti plus utile que dans un cercle de buts. »
Son interlocuteur le considéra avec une certaine tendresse dans le regard.
« Vous voyez, professeur, je croyais ignorer ce que je souhaitais faire après Poudlard. Mais, en vérité, j'ai toujours su. Je ne voulais simplement pas affronter le fait que c'était déjà fichu pour moi. Tout ça parce que j'ai relevé un défi bidon qui compromettait celui qui m'importait véritablement. Tout ça parce qu'un Serpentard s'est joué de moi... »
Le professeur Slughorn eut un air compatissant, comme s'il ne comprenait que trop bien la situation du garçon.
« La fierté nous rend parfois aisément manipulables, M. McLaggen, dit-il d'un air sombre. Quand, en vérité, il vaut mieux refuser un défi qu'on pourrait aisément relever plutôt que de mettre en péril l'avenir. Paraître trouillard plutôt que de menacer ses ambitions sportives… Paraître ignorant plutôt que de divulguer des informations néfastes… »
Le professeur fut coupé dans ses songes par l'enthousiasme de Cormac.
« Exactement ! Je suis ravi que vous compreniez. Voilà donc comment je me sens après ce fichu empoisonnement : plus conscient que jamais que la vie est courte, et qu'on ne peut la perdre à ne pas accomplir ses rêves, mais déçu de constater que les miens me sont déjà passés sous le nez. »
L'adulte s'avança pour poser une main rassurante sur son épaule.
« Vous avez encore la vie devant vous pour devenir gardien professionnel, jeune homme. Je vous assure que votre erreur ne me semble pas irréparable.
- Vous pensez ? fit Cormac d'un ton plein d'espoir. Vous croyez vraiment qu'on peut réparer ses erreurs, professeur Slughorn? »
Le concerné détacha sa main de l'épaule du garçon, l'air gêné.
« Oh, je ne…, hésita-t-il. Je n'en suis pas absolument certain. »
Visiblement déçu, Cormac se renfrogna.
« Enfin, je veux dire, se corrigea le professeur. Oui, bien sûr que je le crois. »
Pour ponctuer son propos, il lui lança un sourire qui se voulait rassurant, mais qui ressembla davantage à une grimace.
À ce moment-là, Hermione trébucha à l'entrée de l'infirmerie, jetant un regard noir derrière elle. À sa vue, Cormac s'empressa de corriger sa posture et de coiffer ses boucles d'un geste de main.
« Oh, Hermione, lança-t-il d'un ton cool, calme et normal. On parlait justement de l'effet limace. »
La jeune femme fronça les sourcils.
« L'effet limace ? demanda-t-elle confuse.
- Quand un œuf de Doxy, un verre d'hydromel ou bien un mot de trop a des conséquences disproportionnées », résuma le maître de potion en se tournant vers l'étudiante.
Il se figea en voyant Harry arriver derrière elle.
« Quel genre de conséquences, professeur ? », demanda le garçon à la cicatrice en forme d'éclair.
Le concerné se mit à rire nerveusement, triturant la boîte de biscuits entre ses mains, sans répondre.
« Je laisse Miss Granger éclairer votre lanterne, M. Potter », esquiva-t-il en posant les gourmandises sur la table de chevet.
Le professeur Slughorn secoua ensuite Cormac d'une tape un peu trop violente sur l'épaule, tout en lui souhaitant de se rétablir au plus vite. Puis il déguerpit. Les nouveaux arrivants échangèrent un regard. Et sans même prêter attention au convalescent, Harry se mit aux trousses du fuyard.
Il ne resta plus que Cormac et Hermione dans l'infirmerie.
« Excuse Harry, dit-elle embarrassée. Hum... Il avait quelque chose d'urgent à voir avec le professeur Slughorn… Concernant le cours de potion… Mais il te passe son bonjour et te souhaite un bon rétablissement ! »
Cormac jeta un œil vers la porte à travers laquelle le garçon s'était engouffré sans regarder derrière lui.
« Merci à lui », répondit-il, sceptique.
Un silence gêné s'installa. Hermione se positionna alors au bout du lit, bien en face de lui.
« Donc, comment vas-tu aujourd'hui ?
- Ma foi, fort bien ! » s'exclama Cormac tout sourire.
Le Gryffondor n'était pas certain de vouloir dévoiler sa crise existentielle à sa douce. Après tout, il avait déjà failli rendre l'âme devant elle. Un homme se devait de garder un peu de dignité.
« Vraiment ? insista-t-elle, peu convaincue.
- Un peu d'hydromel ne saurait abattre Cormac McLaggen ! »
Hermione l'observa, les sourcils froncés et les yeux plissés, d'un air concentré presque meurtrier, qui ressemblait en tout point à l'image qu'en avait peinte Malfoy il y a un mois. Troublé par la pertinence de la description ainsi que par l'examen de la jeune femme, Cormac tenta de détourner son attention.
« Qu'ai-je donc manqué ces derniers jours ? Raconte-moi les potins. »
Elle fit de gros yeux comme s'il y avait beaucoup à dire.
« Hier, pour son anniversaire, Ron a malencontreusement avalé un philtre d'amour que Romilda Vane destinait à Harry...
- Eh bien, s'amusa Cormac, tout le monde empoisonne tout le monde par erreur ces temps-ci…
- On dirait bien... », dit-elle en souriant faiblement.
Il y eut un silence. Hermione s'empressa de le combler.
« Lavande était furieuse, poursuivit-elle. Ce midi, elle a confronté Romilda – et, en vérité, l'entièreté des gens présents dans la Grande Salle – avec un discours magistral sur la place des philtres d'amour au sein de la culture du viol. C'était assez impressionnant. Je ne crois pas que quiconque oubliera sa leçon de sitôt. »
Cormac ne peinait à le croire. Lavande Brown pouvait être très… convaincante.
Hermione et lui continuèrent à échanger des banalités pendant quelque temps. À l'image de la dernière fois qu'elle était venue. Et l'avant-dernière fois. Et l'avant-avant-dernière. Nul doute que la prochaine serait similaire. Elle partit ce jour-là, comme les jours d'avant et ceux d'après, en lui promettant : « Je repasserai te voir. »
Pourquoi n'avait-on pas prévenu Cormac qu'il lui faudrait être aux portes de la mort pour enfin se trouver dans les bras d'Hermione Granger ? S'il avait su qu'il lui suffirait d'être la demoiselle en détresse pour qu'elle se préoccupe de lui, il aurait arrêté de jouer au héros il y a bien longtemps. Pour être honnête, s'il avait réfléchi deux secondes, il aurait su que son propre penchant pour l'héroïsme ne faisait guère le poids avec le sien. La jeune femme était du genre à tenter de sauver tout ce qu'elle pouvait. Les elfes de maison comme la face du monde sorcier. Pour sûr, elle sauverait jusqu'à son propre ennemi s'il venait à en avoir besoin ! Et elle avait contribué à sauver Cormac lui-même d'une mort certaine. Ce ne devait être ni sa première, ni sa dernière fois - avec les amis et les avis qu'elle avait.
Cela sortait parfois de l'esprit de Cormac, qu'elle fréquentait Harry Potter. Même à son oreille distraite, une telle amitié sonnait comme la promesse du pire.
Difficile de prendre la mesure de tout ce que cela impliquait, cependant, lorsque les yeux du garçon se trouvaient irrémédiablement attirés, chaque fois qu'Hermione lui tournait le dos, par la danse de sa jupe autour de ses jambes.
Après le départ de la jeune femme, et sentant des regards accusateurs peser sur lui, Cormac se tourna vers les tableaux de l'infirmerie.
« Merlin, fichez la paix à un convalescent ! », s'écria-t-il, avant de remonter le drap du lit au-dessus de sa tête.
Note de l'autrice : Un grand merci à mon frère, grâce à qui le quatrième paragraphe de ce chapitre comprend réellement une anecdote de mort stupide, au lieu de la mention "[insert dumb death]" que comportait mon brouillon initial hahaha
Et un tout aussi grand merci à HelAndNifhel pour l'inspiration inattendue trouvée dans le McLagghorn. Ce chapitre t'est dédié ;)
La suite arrivera bien avant mon premier cheveux blanc !
