COUCOU!

Merci d'avoir choisit cette fic! Il s'agit de ma deuxième promenade dans l'univers de Sherlock.

Cette histoire n'a absolument aucun rapport avec le one shot "Un seul mot", il s'agit d'une version différente.

Je tiens à remercier mes supportrices:

Blue Raven Cordyr, Shine, Vera Spurnes, Butterflyellow, Magdaline, And Just Like that , Dedday- Power et Yukihana

Un TRES GRAND MERCI A:

Tengaar (grande déesse démoniaque), ma Pinsounette et ma Miette

mes Beta lectrices , correctrices et souffleuses de mots (Célérité hé hé!)

Cette fic comportera plusieurs chapitres, mais pour une fois j'essaierais de faire court pour être sûre de la finir (et parce que j'ai d'autres fics à terminer avant de finir atomisée!).

Très bonne lecture à vous! Bisous crémeuh!


Les vieux garçons

Chapitre 1

« Voilà une excellente nouvelle ! sourit John en raccrochant son téléphone. Archie Morris, le complice de Clay, n'a pas ses nerfs en acier. Il a tout balancé en moins d'une heure de garde à vue. Ils vont être déférés devant un juge… »

Pour toute réponse, Sherlock émit un long soupir à fendre l'âme depuis l'autre bout de la pièce, vautré qu'il était dans le sofa, en robe de chambre (sans rien en dessous de la dite robe de chambre, semblait-il) …

« Qu'y a-t-il ? » demanda John en allant déposer sur la table basse, face au sofa, le service à thé des vainqueurs, exquis breuvage de toute bonne enquête résolue.

« … Je suis particulièrement insatisfait de moi dans la résolution de cette affaire… » murmura Sherlock d'un air pensif, allongeant le bras pour tenter d'atteindre sa tasse, ce qui était impossible dans la position avachie où il se trouvait.

John secoua la tête avec un rire rassurant :

« Insatisfait ?! répéta-t-il. Bon sang, Sherlock, ce Clay a dévalisé la Caisse des impôts de Billingsley, cassé la chambre forte de Frennington, et sans ton intervention, jamais Scotland Yard ne l'aurait arrêté à l'autre bout du souterrain qu'il avait creusé sous la banque nationale ! … Tu as été brillant !

- Non. Beaucoup trop lent. J'aurais dû découvrir son identité dès son premier casse… Pas le troisième ! Où est passée ma vitesse de réflexion ? … Je vieillis, John… »

A ces mots, l'ami Watson manqua de s'étrangler avec son thé.

Sherlock ? S'inquiéter du temps qui passe comme une Prima Donna délaissée par son public pour des rivales de la moitié de son âge ?

… Et d'ailleurs, le temps, John ne l'avait pas vu passer.

Quinze ans. Quinze ans à présent qu'il partageait l'amitié et les enquêtes de ce bon vieux… Hem ! De ce cher Sherlock.

Enfin, douze si l'on exceptait les trois horribles années de sa disparition, mais même ce cruel souvenir était si loin, maintenant…

En fait, ils étaient plutôt chanceux. Le temps semblait avoir suspendu son cours pour eux. Lors de ses visites, Lestrade se lamentait toujours de ne pas les voir vieillir, alors que lui avait perdu tous ses cheveux et arborait une brioche anglaise.

John, lui, se sentait en pleine forme, et son reflet n'avait pratiquement pas bougé dans le miroir. Bon, d'accord, ses cheveux blonds s'étaient désormais teintés de gris. Mais puisque George Clooney y avait survécu, il arborait la pente vers la cinquantaine avec philosophie. Un Nespresso, what else ?

… Quand à Sherlock, sa triste réplique sur le naufrage de sa prétendue vieillesse prêtait vraiment à rire. Sherlock était exactement le même que quinze ans plus tôt. Le même. Pas une ride au coin de ses yeux bleus, pas un cheveu blanc dans ses boucles brunes, ce mec avait éternellement trente ans. Toujours aussi beau, irréellement beau.

« ... Et sexy… » pensa John en ayant le regard s'égarant plus ou moins involontairement entre les pans de la robe de chambre lascivement entr'ouverte.

Ce dossier là, aussi, un jour, il faudrait le résoudre…

… Un jour….

« C'est le début de ma déchéance…. Se désolait toujours Sherlock en tragédien, ne voulant pas faire l'effort de s'asseoir correctement pour atteindre sa tasse. D'abord, mes capacités mentales qui m'abandonnent…. Puis ce corps qui me trahit… Bientôt je ne serais plus que le capitaine sénile d'un navire échoué sur la grève des épaves inutiles…

- Bientôt, ton thé va refroidir, commenta John en levant un sourcil.

- Oh, cruel ! s'exclama Sherlock en se redressant en un sursaut, lançant à John une attaque des yeux larmoyants des plus redoutables. Ne vois-tu pas que je souffre et que ta seule proposition pour réchauffer mon orgueil meurtrit est un liquide que je ne peux plus laisser glisser entre mes lèvres mordues par l'outrage du temps ?

- Sherlock…

- Oui ?

- Arrêtes de regarder les pièces de théâtre contemporaines sur Sky Arts tard le soir…

- Je ne regarde pas Sky Arts

- C'est donc ça ces cris ? Arrête de regarder des pornos.

- Je regarde Murdoch Mysteries sur Alibi.

- C'est bien ce que je dis. Arrête de regarder des pornos. »

Sherlock s'étira comme un chat.

Mon Dieu, John, ne fixe pas tes yeux sous la ceinture de la robe de chambre…

« … Sinon il y a une autre solution… » murmura le médecin…

« … Laquelle ? » demanda Sherlock.

« METTRE EN PRATIQUE LES PORNOS ! » hurlait Mary dans la tête de John.

Oh. Mon. Dieu.

Pensée inadéquate.

Pensée inadéquate qui plus est prononcée par feu Madame Watson.

La sainte femme. Paix à son âme.

John partit brusquement loin du sofa…

Ça aussi, ça n'avait pas changé…

Il n'était toujours pas prêt à révéler ce qu'il n'assumait pas quinze ans plus tôt.

…. Mais au moins à présent, il en avait pris conscience.

« Et si on triait cette demi tonne de courrier accumulée dans l'entrée durant toute l'affaire Clay ? demanda John en se mettant fébrilement à l'ouvrage, histoire d'éluder ses pensées les plus intimes.

- Ennuyeeeeux ! geignit Sherlock en retombant avec déception dans son sofa.

- Il y a peut-être parmi ces enveloppes l'amorce d'une nouvelle enquête, dans laquelle tu pourras démontrer que tu as encore toutes tes capacités mentales… Et hum… Physiques…

- Non. Il y aura des factures, des pubs, un avis de passage pour un colis que tu n'es jamais allé réclamer, une injonction du tribunal expédiée par Sauron…

- Sauron ? Répéta John, les yeux ronds.

- Celle dont on ne doit jamais prononcer le nom… Ta deuxième épouse. Enfin, à présent, ton ex femme, précisa Sherlock.

- Ah. Elle. Grinça John. Qu'est-ce qu'elle me veut ? Cela fait deux ans que nous sommes divorcés.

- Dix-huit mois, une semaine, quatre jours, neuf heures, trente secondes et deux centièmes… Rectifia Sherlock. Pas deux ans. Deux ans, c'est vingt-quatre mois.

- Sans blague ? Tu as compté les heures depuis mon divorce ?

- J'en savoure chaque centième », répondit Sherlock, un vrai sourire illuminant son visage.

John secoua la tête en l'approuvant d'un bon rire :

« … Mon Dieu ! C'est vrai que quand j'y repense… Elle ressemble à Sauron.

- Je t'avais pourtant prévenu.

- Je sais. J'ai été le plus parfait imbécile que la terre ait jamais porté…

- Nous l'avons été tous les deux. Mais toi, tu avais une bonne excuse. Tu souffrais… »

John ne répondit rien. Ils se comprenaient bien assez, sans un mot.

…. Il y avait eu un orage dans leur amitié.

Un seul.

C'est vrai… Quand Sherlock était revenu d'entre les morts, il avait retrouvé John fiancé à Mary. Mais ce n'était pas elle la coupable dans cette histoire. John avait désespérément eu besoin de se raccrocher à quelqu'un pour ne pas devenir fou en attendant un dernier petit miracle…. Et Mary avait été la meilleure des femmes. La plus compréhensive. Elle avait accepté l'étrange amitié qui liait John à Sherlock… De le partager avec Sherlock. Et Sherlock l'en avait remercié en retour. Ils étaient tout aussi nécessaires l'un que l'autre à l'équilibre du médecin. Mais la pauvre Mary avait été bien mal récompensée par le destin de ses inépuisables patience et gentillesse. Un cancer.

John, tout médecin qu'il soit, n'avait rien put faire contre une tumeur ancrée dans le tronc cérébral rachidien.

Sherlock, tout génie qu'il soit, n'avait pas à réussir à découvrir une solution à cette cruelle énigme.

Même en harcelant Mycroft pour que son parapluie mobilise sur ce cas tous les meilleurs cancérologues de Grande-Bretagne, de France, des Etats-Unis, et d'à peu prés le reste du monde…

De tout son cœur, définitivement, John détestait les cimetières !

Sherlock le savait mieux que personne et ils avaient du pourtant y retourner…

A ce moment là, John était dévasté par la mort de Mary.

Puis tout s'était précipité…

D'abord, Irène Adler, sensée être bel et bien morte elle aussi, mais parfaitement bronzée et en beauté derrière la porte du 221B. Trois battements de cil. Sherlock était toujours aussi envoûté. La demoiselle s'étant encore une fois compromise dans une sale affaire, le détective s'était empressé de lui apporter son aide, et plus si affinités…

Aigreur de John. Vieille jalousie, aussi.

Et puis la douleur de constater que Sherlock ne lui avait pas mentit que sur sa propre mort…

John était à deux doigts de chuter dans l'abîme. Ses vieux démons du jeu. De l'alcool. Des médicaments. Du sexe sans amour avec des filles de passage, sans importance. Des hommes ont tenté, aussi. Il a toujours refusé. Pas un n'était digne de voler ce qui n'appartient qu'à Sherlock. Un matin, John s'était retrouvé avec une gueule de bois et remarié à l'une de ses anciennes conquêtes sans se rappeler la moindre seconde de la cérémonie.

… Et au final, Sherlock et John connurent un double râteau aussi violent que simultané.

Irène Adler, en véritable fantôme, disparut aussi soudainement qu'elle était réapparue. Sherlock refusa de la suivre aux Etats-Unis. Alors c'est avec son avocat, un certain Godfroy Norton, qu'elle partit, la bague au doigt. Sherlock s'y attendait, mais c'était cruel à encaisser.

Quand à la seconde Madame Watson, elle s'avéra une véritable peste totalement invivable. Elle ne supportait pas la comparaison avec Mary et détestait viscéralement Sherlock. Qui le lui rendait bien. Il fut ravit lorsqu'elle posa un ultimatum à John. Franchement, lui demander de choisir entre Sherlock et elle…

Sherlock se délectait de la photo du visage décomposé de la mégère, qu'il avait capturé avec son téléphone pile au moment ou John avait répondu :

« Je choisis Sherlock ! »

Elle avait demandé le divorce le jour même. Et l'avait obtenu. Mais depuis elle envoyait de temps en temps un courrier en espérant gratter une pension alimentaire au médecin…

Redevenu célibataire, John s'était définitivement réinstallé auprès de Sherlock. L'orage était passé. Leur amitié était aussi solide qu'avant, ils avaient retrouvés la paix, et de nouvelles affaires comme celle de Clay et Morris arrivaient.

Tout allait bien…

… Trop bien ?

Pour ce qui est des enquêtes, l'alchimie de leur duo fonctionnait toujours aussi parfaitement. Mais depuis dix-huit mois qu'ils avaient réaménagés ensemble, pas une fois l'un d'eux n'avait osé aborder la seule question qui vaille l'intérêt d'être posée. Pourquoi ? Pourquoi Sherlock avait refusé de partir avec Irène ? Pourquoi John avait choisit Sherlock ?

Ils ne disaient rien. Ils se comportaient comme avant.

Comme ils s'étaient toujours comportés.

En feignant d'ignorer cette tension électrique qui s'immisçait dans leurs silences chaque jour de plus…

… Allaient-ils réellement passer quinze ans de plus sans le dire ?

John ne manquait pourtant pas de courage. Il l'avait prouvé tant de fois. A l'armée. Avec ses patients. Au cours de leurs enquêtes avec Sherlock. Avec celle dont on ne doit jamais prononcer le nom…

Mais ça… Il n'arrivait pas à le dire.

Il n'y arrivait pas. Les mots restaient coincés dans sa gorge.

« … Mais de quoi as-tu peur ? Tu n'as plus rien à perdre, maintenant ! Assumes, John, dis le lui ! »

Cette phrase …. Mary la lui avait dite il y a cinq ans. Sur son lit de mort. Oui, vraiment, cette femme était une sainte…

…. Mais non, cette fois encore, John ne dirait rien.

Il jeta à la poubelle l'injonction du tribunal. Laissa de côté les factures.

« Il reste deux enveloppes, dit-il à Sherlock. On dirait deux nouvelles affaires pour toi….

- Je n'en veux pas… Râla le détective en ayant ENFIN atteint sa tasse de thé. Et en grimaçant parce qu'il était évidemment froid.

- Tu ne sais même pas encore de quoi il s'agit…

- Si, bien sûr que je le sais… Soupira le détective. Qui envoie encore une lettre manuscrite de nos jours ? Pour répondre poliment, les personnes âgées et les femmes ne s'étant jamais mariées. De ce fait, nous pouvons en résulter deux hypothèses. Soit il s'agit de lettres d'amour adressées par des fans dont la moyenne d'âge est égale ou supérieure à la nôtre… Et dans ce cas attends toi à découvrir une lecture inavouable dans ces enveloppes… Soit il s'agit de retrouver un chat perdu, ou le dentier avec les dents en or de telle grand-mère du Hampshire, voire un chat qui s'est enfuit en emportant dans la gueule le fameux dentier hors de prix…

- C'est une déduction Sherlockienne ? Demanda John, affligé…

- N'ouvre pas cette enveloppe. Il y a peut-être des bas de contention dedans. Ou une gaine. Ou l'intégrale des épisodes de Miss Marple en édition Blue-ray + DVD …

- Sherlock. Aucun objet ne peut tenir dans une si petite enveloppe.

- Si. Une protection urinaire. Invisible. Confortable. Et sans odeurs.

- Je rectifie ce que j'ai dis tout à l'heure. Regarde des films pornos, mais plus les pubs entre les jeux de l'après-midi… »

Sherlock eu un nouveau soupir, usant de son ton le plus insolemment langoureux pour le convaincre :

« Jette ces lettres, John.

- Non, lui répliqua-t-il calmement mais fermement. Si tu ne t'occupes pas immédiatement l'esprit avec une autre enquête, tu vas continuer de faire ta carpette en pleine crise de milieu de vie.

- Tu es plus proche que moi du milieu de ta vie, ricana Sherlock sournoisement, et soudain des cornes de démon semblaient s'être dessinées dans ses boucles angéliques.

- Ce n'est pas moi qui suis déjà mort deux fois.

- Une. Et c'était une mise en scène.

- Deux. Tu as cessé de respirer durant ton expérience ratée pendant l'aventure du pied du diable. Je ne sais même pas comment je suis parvenu à te réanimer, tant j'étais moi-même proche d'y passer.

- Tous deux morts empoisonnés, on nous aurait ensevelis ensemble sous le même arbre, tels Tristan et Iseult… N'est-ce pas la fin la plus romantique qu'il soit pour tout couple maudit ?

- On n'a pas la même notion du romantisme, grinça John. Tant pis pour toi, j'ouvre la première enveloppe.

- Noooon ! » gémit Sherlock en enfouissant son visage dans un oreiller du sofa.

John lu à haute voix le contenu de la première lettre :

« Le 20 Novembre.

Cher Monsieur Holmes,

Je me permets de vous écrire pour vous faire part d'une histoire qui me préoccupe beaucoup. Le 15 Octobre dernier, je me promenais sur la plage de Tenby, dans le Pembrokeshire, en compagnie de mon petit chien, Trottinette, lorsque celui-ci est tombé en arrêt devant un objet échoué sur le rivage. Lorsque je l'ai ramassé, j'ai constaté qu'il s'agissait d'une bouteille en verre, très jolie, en forme d'étoile. Celle-ci contenait une lettre particulièrement émouvante… Et inquiétante aussi… Rédigée il y a douze ans. Je suis particulièrement inquiète pour la personne qui a jeté cette bouteille à la mer, mais je ne connais que ses nom et prénom. J'ai déjà épuisé toutes les solutions habituelles pour retrouver l'auteur de ce message, et je crois désormais que vous êtes mon seul espoir. Je crois que douze ans après, cela semble un peu dérisoire, mais je tiens vraiment à m'assurer que cette personne est en vie et en bonne santé.

En vous remerciant,

Mlle Higins. »

« Ah ! Une vieille fille ! J'en étais sûr ! s'exclama Sherlock triomphalement.

- Espèce de sans cœur ! le tacla John. La pauvre semble désespérée. Vas-tu l'aider ?

- Non.

- Pourquoi ?!

- Parce qu'elle a affublé son chien du nom ridicule de « Trottinette »…

- Sherlock !

- … Et parce que je n'ai jamais entendu de récit plus ennuyeux…

- Je présume que s'il y avait eu un bout de cadavre au lieu d'une lettre dans cette bouteille, tu serais déjà en chemin pour Tenby.

- Effectivement. Puisqu'elle connaît le nom de cette personne, elle n'a qu'à lancer une rumeur à son sujet sur Internet, ou la dénoncer au service d'inspection des impôts. Ils la retrouveront dans la seconde.

- C'est une bouteille qui a voyagé par l'océan. Son expéditeur n'est pas forcément anglais.

- Noooon ? Vraimeeeent ? » ricana Sherlock.

John secoua la tête, et en guise de sanction, décacheta la seconde enveloppe.

« De Mr Lee Stevens,

Directeur de l'agence immobilière Dom Us, Londres.

A l'attention de Monsieur Watson…

- Je te coupe tout de suite, si ce type veut te parler personnellement, je ne veux pas de son affaire ! s'exclama Sherlock, outré.

- Puisqu'il s'adresse à moi, je continue de lire, sourit John en marquant un point.

- Aaaah… Mais c'est qu'il est joueur, l'acolyte, aujourd'hui… » dit Sherlock en se redressant à pieds joints sur le sofa. John fit semblant de l'ignorer en poursuivant sa lecture :

«

A l'attention de Monsieur Watson… et de Monsieur Holmes,

Bonjour,

Nous vous adressons ce courrier afin de porter votre attention sur une affaire particulièrement sensible et délicate, qui risque de porter atteinte à la crédibilité de notre agence…

- Un meurtre ! … Un maître chanteur ! … Même une histoire d'extorsion de fonds, je prends ! commenta Sherlock.

- L'une des demeures de notre catalogue est l'objet de ce problème. Il s'agit d'une demeure d'exception, d'une valeur de 1 million et 7100 livres sterling, située dans le Cornwall…

- Allez, John, abrèges les préliminaires et dis moi ce que c'est ! s'impatienta Sherlock. Une histoire d'héritage qui a mal tourné ? »

Son ami secoua la tête avec un large sourire victorieux.

« …. Malheureusement, il nous est, en l'état actuel, impossible de vendre ce bien. Des évènements étranges s'y produisent continuellement, ainsi que dans la campagne alentours, effrayant et décourageant les potentiels acheteurs. Pour tout vous avouer, cette maison a la sinistre réputation d'être… Hantée…

- Oh Noooon ! » geignit Sherlock en tombant à genoux, se tenant la tête dans les mains.

John lu la fin de la lettre pour la forme.

« Pourriez-vous nous apporter votre concours afin de découvrir la vérité derrière ces évènements et nous permettre la vente de cette maison ?

Veuillez agréer, Messieurs, de nos salutations distinguées… »

Sherlock eu un vague mouvement de la main.

« … Je leur agrée mon refus distingué.

- Vraiment ? J'étais presque sûr que tu l'aurais acceptée, celle-là… Le grand frisson de l'étrange…

- Les maisons hantées, ça n'existe pas.

- Autrefois, tu m'as dit aussi que les chiens démoniaques, ça n'existait pas…

- Et ça n'existe toujours pas. C'était une chienne.

- Tu ne crois vraiment pas qu'il puisse y avoir… Parfois… Des évènements… Des phénomènes que ni la science, ni le raisonnement humain… Même un raisonnement aussi poussé que le tien … Ne puissent expliquer ?

- Tu es tellement naïf et crédule, mon cher John. Tu es pourtant médecin, et en ce sens bien plus scientifique que moi. Mais ta candeur n'a pas de frontières. »

John ne su pas trop s'il devait s'énerver d'être un perdreau né de la dernière pluie aux yeux de Sherlock, ou être touché par la tendresse possessive dans ses mots lorsqu'il avait prononcé « Mon cher John ». Dans le doute, il préféra en revenir au sujet bien pratique de leur conversation.

« Bon, eh bien nous n'avons plus qu'à répondre poliment à l'agence Dom Us que tu refuse de résoudre leur affaire.

- Mais elle est déjà résolue ! bailla Sherlock d'ennui. Qu'ils fassent venir des géologues sur leur site. Je te garantis qu'il y a des poches de gaz ou un cours d'eau souterrain sous ses fondations. D'où les bruits et autres évènements étranges… »

John s'immobilisa alors qu'il allait répondre quelque chose.

Une autre phrase lui traversa soudain l'esprit.

« … Tu me le garantis ?

- Hmmmm ? Marmonna Sherlock.

- Et si ta conclusion s'avérait inexacte ? Demanda John.

- Quelle importance ? Elle est exacte .

- Il me semble que si un objet sous garantie ne tiens pas toutes ses promesses, celui-ci est remboursé d'une manière… Ou… D'une autre… Murmura John.

- C'est ton idée ? Sourit Sherlock. Tu veux que je te rembourse ma déduction si je me suis trompé ?

- Oui ! décida John, se surprenant lui-même.

- Et de quelle manière veux-tu que je te rembourse ma déduction ? »

John s'empourpra. Un milliard d'idées toutes plus indécentes les unes que les autres se bousculèrent dans sa pauvre tête… Mais une fois de plus, il se réfugia derrière une réponse tristement banale.

« Eh bien… Heu… Si cette maison hantée n'a pas de problèmes géologiques… Tu devras aussi résoudre l'affaire de Trottinette !

- Décevant. C'est donc là le seul prétexte que tu as trouvé pour m'obliger à accepter ces deux enquêtes, soupira Sherlock.

- Allons. Je suis sûr que l'air de la campagne te sera bénéfique… Et celui de la plage aussi !

- J'en doute… Mais permets moi d'ajouter une clause à ce contrat.

- Laquelle ? »

Sherlock se leva du sofa, et à la seconde même, sa robe de chambre glissa jusqu'au sol. Heureusement que John avait désormais l'habitude de le voir se promener dans le plus simple appareil, sinon il aurait succombé devant un si appétissant spectacle.

« Puisque tu me contraint à accepter deux enquêtes, poursuivit Sherlock, il est naturel que je sois également remboursé de mes efforts s'ils sont fructueux. Si cette maison a des problèmes ayant une explication logique et rationnelle… Je t'obligerais, toi aussi, à faire deux choses que tu préfèrerais éviter…

- Heeeein ?! Quelles choses ?! » s'étrangla John, rougissant jusqu'à la racine des cheveux.

Sherlock avança jusqu'à lui d'un pas félin, souple et rapide, et lui ronronna au creux de l'oreille de sa voix ensorcelante :

« Je préfère garder secret l'enjeu de ce pari pour l'instant. Je veux savourer l'expression de ton regard lorsque tu… Découvriras… L'objet de ta défaite. »

Echec et mat. John, électrisé par ces mots, frôla l'infarctus. Rassuré de l'effet dévastateur qu'il provoquait toujours sur son cher petit John , et sur la célérité de ses neurones qui malgré son âge avancé ne semblait pas faiblir, Sherlock, dans un grand éclat de rire, se dirigea vers sa chambre histoire de revêtir son costume de super détective.

Demeuré seul dans le salon, John manqua de s'écraser par terre, autant de honte que de désespoir.

Bon sang. Quinze ans. Quinze ans qu'il pratiquait le Sherlock, et il s'était encore fait rouler dans la farine.

Crédule, vraiment. Manipulé, certainement.

Amoureux, éperdument…

Tout à coup, l'idée de visiter une maison hantée en compagnie d'un sociopathe méditant une vengeance lui parut nettement moins engageante…

« … Tu sais… Sherlock… S'il y a effectivement des poches de gaz sous ces fondations… Ce n'est peut-être pas une bonne idée d'aller là-bas, hein…

- Ooooh… S'exclama Sherlock depuis la chambre. Aurais-tu peur des maisons hantées, finalement ?

- Seulement d'être le prochain fantôme de la maison hantée…

- As-tu prévu de faire don de ton corps à la science ?

- Qu… Quoi ? »

Sherlock réapparut, tout de noir vêtu.

« Si c'est le cas, je pourrais récupérer ton corps à la morgue. Je mettrais ta tête dans le frigo et je pourrais continuer de te parler tous les jours. »

John se cristallisa, abasourdi. Sherlock avait prononcé cette phrase d'un ton si neutre et affirmatif qu'il ne parvint pas à déterminer s'il plaisantait ou était sérieux.

« Tu es prêt ? Continua celui-ci en enfilant son Belstaff dans un geste aérien. Allons d'abord nous renseigner sur l'agence Dom Us.

- Heu… Oui. »

Tandis qu'il le suivait dans l'escalier du 221 B, John fixait du regard la ligne élancée du dos de Sherlock.

«… Je DOIS lui dire… »

Les marches glissaient sous ses pieds.

« … Je DOIS VRAIMENT le lui dire… »

Sherlock ouvrit la porte d'entrée. Dehors, il pleuvait.

« … John ?

- Oui ?

- Nous faire enquêter par ce temps…

- Oui, je sais. Je suis un idiot. »

Sherlock ne répondit que par un demi sourire indéfinissable, lui tendant la main.

« Viens ! »

John ne savait pas ce que Sherlock avait en tête…

Si cette pluie avait un rapport avec l'enquête…

Mais il s'en fichait…

Ils courraient ensemble, côte à côte, après un taxi.

Londres la belle déployait ses atours lumineux à travers un rideau de gouttes d'eau constellant le ciel…

Et John s'en fichait parce que Sherlock était là.

Près de lui. Juste pour lui.

« Sherlock… Je … Voulais te dire … »

Le taxi s'arrêta devant eux à cet instant.